Light Blue (P.V. Symphony)

Invité

Louis poussa avec lassitude la porte qui le séparait du bar, affaibli par la pluie de coups intenses que le destin s’acharnait à lui infliger avec toute la brutalité et la perversité imaginable. Sa vie crapuleuse prenait sans cesse de sadiques tournants ennuyants et irritants, pourtant il se résignait à son sort, en cette soirée banale, soumis à l’intolérable réalité qui façonnait son existence. Il en avait marre, de sa solitude. Le jeune homme prenait toujours tout le blâme : Il s’accusait, se désignait responsable de toutes ses choses qui lui arrivaient, et il se reprochait tous ses faits et gestes, se punissant sévèrement en rognant de sa vie le plaisir et la joie. Et ce n’était pas bien différent, ce soir. Il se sentait seul, et c’était apparemment de sa faute. C’était de sa faute, car c’était lui qui avait chassé de sa vie les gens qui comptaient le plus à ses yeux. Sa faute, du moins, c’est-ce qu’il croyait...

Sa vie n’était plus qu’un chuchotement, son existence était effacée, annihilée par les obstacles destructeurs qui s’opposaient à lui, tels de grands murs insurmontables, de grandes étendues vastes et infinies infranchissables. Son âme a été assassinée, et il croit en être le meurtrier. Mais il est innocent. Le criminel, ce n’est pas lui.

De sa haute stature, il balayait donc du regard le bar New Yorkais qui lui était si familier, le redécouvrant entièrement. Maintenant, il voyait le monde pour ce qu’il est vraiment. Et ça le rendait misérable. Il était malheureux, brûlant de trouver réconfort dans le regard d’un autre, tel un affamé. Il cherchait une ouïe prête à l’écouter, une âme charitable prête à le comprendre, le consoler, alléger la maudite souffrance qui l’asphyxiait sans pitié. Son sourire illuminé trahissait son état d’esprit piteux et morose, et sa désolante situation l’attristait cruellement. Il savait que personne ne pouvait ressentir sa profonde mélancolie, que personne ne pouvait deviner les mauvaises intentions, les vilains actes qu’il s’apprêtait à exécuter, mais il continuait d’espérer qu’un jour quelqu’un s’aperçoive de son état, devine ses intentions et l’arrête avant qu’il ne soit trop tard...Il envisageait beaucoup de mauvaises choses...

Il passait à travers toutes ses journées, complètement anéanti, s’abandonnant à la routine meurtrière qui contrôlait sa vie et qui la rendait si ennuyante. Lassé de tous ses problèmes et empoisonné par ceux-ci, il était toujours tracassé, embêté par de sombres pensées qui le taquinaient malicieusement, et il en avait marre. Il souhaitait avec tout l’espoir du monde qu’elles disparaissent, qu’elles le laissent tranquille. Un grand chagrin s’empara de lui, venant le gêner, le déranger, créant une désagréable sensation dans tous les membres de son corps, alors qu’il s’asseyait face au comptoir, s’y accoudant. Ses pieds se frottèrent avec nervosité, ses cuisses se raffermirent d’anxiété, ses dents se resserrèrent avec rage, ses mains voulaient frapper, battre, tuer... Son être avait soif de vengeance...

Il fixa le barman d’un œil terne, qu’il connaissait bien, imitant le sourire que prendrait l’homme le plus heureux du monde.

-Mais voyons, Louis...Ton visage pâlit de jour en jour!, s’inquiétait le barman.

-Ah...Je n’ai pas remarqué, lui répondit-il sèchement, fuyant le regard du barman, qui devenait trop insistant. Il lui fit sa demande, frottant de la paume de sa main la surface lisse du comptoir. L’homme acquiesça d’un signe de tête, et Louis risqua un coup d’œil dans sa direction, alors qu’il s’éloignait. Le radieux sourire du beau garçon s’évanouit brusquement. On commençait à remarquer la crainte qui dominait les traits de son visage érodé. Son existence était supprimée, et il s’éclipsait du monde, s’éteignant telle une lumière qui jadis brillait d’espoir. Son esprit s’endormait, et son corps mourait. Son teint en devenait même cadavérique. L’homme revint avec son verre, et Louis le remercia à nouveau d’un magnifique sourire, un sourire qu’il se contentait de prendre pour voiler ses obscures intentions d’un masque de pureté et de beauté. Toute sa vie il s’était déguisé, projetant une image qui n’était pas la sienne, une image parfaite et excellente qui n’avait pas de faille, pas de point faible. On le croit tous parfait, sublime, Mais c’est le contraire absolu. Tous ignorent l’insoutenable peine qui l’achève, qui le garde éveillé toutes ses longues nuits douloureuses durant lesquelles il est tiraillé par toutes ses questions qui s’affrontent farouchement dans son esprit.

Fermant les yeux, il ressassa avec beaucoup de nostalgie le passé, regrettant l’innocence qu’il ne possède plus. Il existait jadis un temps où il était naïf, et il regrette cette naïveté qui l’avait protégé de la fatalité bestiale de ce monde. Maintenant qu’il connaissait la vérité, il ne pourrait plus jamais retourner à son ancienne vie. Fini... À tout jamais il devra souffrir, exposé au supplice qui ravage sa vie ainsi que celle d’autres individus, plantant dans leurs pensées un vide, une absence de réponses et de réconfort qui s’avérait assassine. Relevant ses paupières, il soupira lentement, puis cala le verre entier, espérant retrouver au fond de celui-ci le réconfort que l’effet de l’alcool parvenait souvent à donner aux malheureux.

La journée avait passé lentement. La joie de voir Rick à nouveau libre était camoufflée par un voile d'ombre. Une déception profonde et un sentiment d'amertume prenait Symphony droit au coeur et ne la lâchait plus. Elle était rentrée, alors que le soleil songeait à se lever, avec Rick. Faisant attention à ne pas réveiller la colocataire de la brune, Chess, les deux amoureux s'étaient dirigé vers la chambre. Rejoignant la chaleur des couvertures, ou le jeune homme l'attendait déjà, elle feignit de s'endormir rapidement, prétextant une fatigue titanesque. Il était tout autre...

Tant d'émotions se battaient dans l'esprit de la femme qui avait pourtant l'habitude de se voir tourmenté. Elle n'arrivait pas à concevoir que Rick, son amour, travaillerait pour le compte d'une compagnie aussi ignoble que l'était Primatech. Viles dessins et méthodes peu courtoises servant une philosophie primale et basse. Comment avait-il peu accepter? Elle lui avait pourtant dit qu'il existait d'autres moyens pour le sortir de sa cellule crasseuse. Malheureusement pour la belle, son idée était tooute faite dans sa tête et il avait signé. De cette signature, sa bonté, son âme s'était déversé sur le papier pour ne plus jamais revenir intacte.

Alors qu'elle travaillait dans un bureau de Pinehearst, la pauvre Sky avait la tête ailleurs. Elle se demandait sans cesse ce qu'il pouvait bien faire pendant qu'elle pensait à lui. Traquait-il un innocent? Refermait-il la porte d'une cellule sur un homme, une femme, un enfant, victime de l'évolution? Mais la question qui la torturait vriament était: Y prenait-il plaisir? Malgré les arguments, malgré les supplications, Rick n'avait jamais bronché. Il avait accepté, comme si ce choix était clair depuis longtemps dans sa tête. Savait-il seulement ce qu'il faisait?

Tirant l'Évoluée de sa rêverie, une sonnerie raisonna. Elle attrappa son téléphone cellulaire et répondit d'une voix qui cachait mal sa fatigue et sa lassitude. C'était son amour. Le seul son de sa voix fit chavirer le coeur de la brune. Pourtant, quand il lui demanda à quelle heure elle rentrerait, elle ne put se résigner à lui dire la vérité. Elle mentit à propos d'un dossier important à finaliser et d'une mission sur le terrain à laquelle elle se devait d'assister. Déçu mais tout de même compréhensif, il souhaita une bonne journée à sa douce, lui murmura un "je t'aime" et raccrocha. Sky avait répondu au "je t'aime" sans avoir le courage de lui dire qu'elle se questionnait beaucoup. Elle soupira et attendit quelques seconde avant de raccrocher.

En finissant de travailler, la jeune femme se rendit dans un petit café non loin de la compagnie pour manger un peu. Elle n'avait pas faim. Elle se força tout de même à avaler quelques bouchées de son sandwich. Son regard d'océan se perdait dans les couleurs ternes de la rue. Et les heures passèrent, et passèrent. Finalement, la pauvre femme finit par se faire poliment sortir du café. L'heure était venu de fermer, mais elle n'avait aucune envie de retourner chez elle. Avec Rick qui attendait son appel et Chess qui lui poserait un million et demi de questions. Non...

Symphony, marchant un peu au gré du vent, passa devant un bar. Elle n'avait pas l'habitude de boire seule, ni lorsqu'elle se sentait l'âme en peine. Sans trop savoir pourquoi, ses pas la guidèrent à l'intérieur de l'établissement. La brune fit l'effort nécessaire pour ne pas laisser paraitre ses états d'âmes. Un verre ne lui ferait aucun mal. Elle se détendrait un peu et elle pourrait rentrer chez elle.

Son regard se perdait dans la foulle de gens présent. Il n'y en avait pas tant que ça, mais ils parlaient fort et riaient fort, ils se faisaient valoir. Sky se rendit au comptoir. Elle adressa un magnifique sourire, qu'elle força beaucoup, à l'homme qui était occupé à nettoyer un verre. Il lui rendit son sourire, lui faisant du même coup, signe d'attendre un instant. La jeune femme patienta pendant que le barman répondait à l'homme qui occupait le banc tout près du sien. Elle tourna la tête pour le regarder. Il devait avoir l'âge de Rick, peut-être un peu plus. Et il était certes très beau, mais semblait si triste. Louis... C'était son nom. Il répondit sechement au pauvre barman qui s'inquiétait de le voir si pâle. Sans ajouter un commentaire, celui-ci décida de venir servir la jeune femme. Elle sursauta en entendant la voix de l'homme qui s'enquérait de se qu'elle voulait boire.

"Heu... Oui... Je vais prendre... Heu... Un amareto sour s'il-vous-plait."

Demandez, et vous recevrez... Le drink qu'elle venait de commender arriva aussitôt. Symphony le prit délicatement et porta le verre à sa bouche. Son regard ne quittait plus l'homme, Louis. Elle savait qu'elle pouvait l'aider. D'un seul geste de la main, un seul contact aussi minime soit-il, il se sentirait bien. Mais la femme ne voulait pas ressentir toutes les émotions qui accablaient le bel homme. Déjà, elle avait beaucoup de mal à cacher son propre désaroie. Elle se contenta donc de la manière normale, celle de gens ordinaires.

"Bonsoir... J'ai l'impression que vous n'allez pas bien..."

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