Le retour de l'Haïtien [PV Christie Saymev]

Christie travaille pour la compagnie depuis un bon moment maintenant, et déjà la routine l'afflige au désespoir. C’était dur pour elle de se forcer à y bosser et de s’y soumettre lamentablement, mais elle n’a plus vraiment le choix, à présent. Son âme est tourmentée; elle a perdu sa famille, et avec eux s’emportent sa joie de vivre et sa raison d’être. Elle n’est plus qu’une pauvre conscience rongée par l’amertume et écrasée par l’impitoyable réalité. Elle s’adonne donc à l’O.W.I. sans vraiment y porter un intérêt particulier. Cette compagnie est maîtresse de toutes les actions de la jeune fille, et elle s’y sent contrôlée tel un pion, chaque seconde durant laquelle elle respire l’air malsain de ses entrepôts. Mais c’est une femme résignée à son destin, et sa conviction est faible. Peut-être un jour saura-t-elle mieux profiter de sa vie. Pour l’instant, elle se laissera faire. Elle est faible, et même si elle sait que l’on abuse de sa faiblesse pour la contrôler, elle accepte son triste sort et se laisse mener par le bout du nez. Elle se maltraite elle-même...

Ce jour-là, elle avait reçu l’ordre d’accueillir un ancien agent de la compagnie, qui y avait travaillé depuis longtemps, mais qui avait dû s’absenter. Christie ne posa pas de questions et se contenta d’exécuter les directives qu’on lui avait données. Elle traversa donc le Hall, marchant à petits pas. Ses talons claquaient le sol à un rythme accéléré car sa démarche était rapide et nerveuse. Elle souriait tristement à ses collègues qui lui envoyaient poliment le salut de la main. Elle n’était pas heureuse, et c’était principalement car elle n’osait pas entretenir des relations amicales avec les autres agents. Plus elle y pensait, plus elle remarquait sa tendance à toujours vouloir prendre ses distance vis-à-vis des autres. Sur un signe de tête, elle se promit naïvement de remédier à la situation.

Elle chercha longuement l’agent qu’elle était venue accueillir. Elle l’avait brièvement vu sur une photographie quelques instants plus tôt, et elle balaya les environs du regard, tentant de trouver l’homme noir. Elle finit par l’apercevoir au fond du hall, en retrait des autres, dissimulé par une quelconque obscurité. Christie le rejoint assez rapidement, ralentissant légèrement pour paraître plus posée et soignée. Vêtue d’un débardeur à col rond gris chiné et d’une courte jupe noire, elle se retrouva finalement face à son hôte.

« Welcome back, Sir... », Prononça-t-elle doucement, affichant un sourire chaleureux. Elle ne connaissait pas cet homme, mais elle savait qu’il était respectable, étant un ami personnel d’Angela. Elle poursuivit en français, comme on lui avait demandé de faire.

« Mon nom est Christie Saymev. Je suis également agente ici. On ne m’a pas vraiment renseignée sur vous. Donc, comment devrais-je vous appeler...? » Elle fit un pas vers lui, car le brouhaha du hall se faisait retentissant, et elle avait peur qu’il masque les paroles de l’étranger.

Christie étudia longuement les traits de l’inconnu. Il possédait de grands yeux sombres tracés finement, qui recelaient beaucoup de sagesse. Il avait de la prestance, et son allure élégante et imposante fascinait la jeune femme. L’expression qu’il affichait était humble, et sa carrure impressionnante. Sa présence elle seule faisait tressaillir Christie, accablée par le côté mystique de l’Haïtien. Il dégageait un je-ne-sais-quoi très louche, qui portait à confusion, et la belle blonde en était presque dérangée. Elle ne pouvait discerner les émotions de son interlocuteur mystérieux. Elle voulait à tout prix voir à travers la facette cabalistique de cet obscur homme. De nature curieuse, elle eut soudainement très hâte de poursuivre sa journée avec lui, afin de comprendre le côté sibyllin de cet ancien agent. Elle joignit ses deux mains devant elle, ne sachant guère trop comment se tenir devant lui. Se balançant inconsciemment d’un côté et de l’autre, elle reçut enfin la réponse qu’elle attendait. Une réponse qui la laissa bien perplexe.

L’étranger, ou plutôt l’Haïtien, lui articula qu’il ne pouvait guère mieux la renseigner que cela, ne lui révélant ni nom, ni âge, ni fonction...Aucune information relative à son identification. Juste...l’Haïtien... Ah, aussi qu’il ne parlait pas beaucoup. Christie savait qu’il était mystérieux, et elle se doutait bien du fait qu’elle allait peiner à percer le secret de cet inconnu. Mais elle s’attendait au moins à recevoir quelques indices. Même pas! Rien ne lui sera accordé, dans cette quête personnelle qu’elle s’était elle-même assignée. Tant pis, elle allait devoir user de la persuasion. Mais pas tout de suite. Plus tard. Pour l’instant, elle allait se contenter de bien l’accueillir et de le guider comme il se faut. Quand l’occasion se présentera, elle fera ce qu’elle jugera bon de faire.

Les dernières paroles de l’Haïtien entraînèrent une multitude de questions dans l’esprit de Christie, qui ne comprit pas tout de suite ce qu’il voulait dire. « Comment ça, votre nouvelle partenaire...? », le questionna-t-elle. « Est-ce qu’on vous a dit que la personne qui vous accueillerait serait votre partenaire...? » Christie n’avait plus de partenaire. Elle avait précédemment été associée à une femme âgée de 46 ans, et cette dernière avait rendu sa démission en apprenant la mort de sa fille. Ce serait logique qu’on l’ait assignée à ce monsieur. Bref, personne ne lui avait rien dit à ce sujet-là. C’est pour cette raison-là qu’elle doutait des paroles de l’homme.

« Euh, oui, j’ai un pouvoir... Je manipule les ondes sonores... », Répondit-elle à la question de l’Haïtien. Elle voulait lui poser la même question, mais l’homme lui avait annoncé qu’il ne parlait normalement pas du tout. Est-ce qu’on pouvait vraiment poser la question à un homme venant de vous annoncer qu’il n’aimait pas parler...? Hmm... Christie se retrouvait dans une situation assez compliquée, et elle n’arrivait pas vraiment à gérer. Elle se risqua quand-même.

« Et vous, mons...monsieur... Vous en avez un», dit-elle, hésitante. Elle n’osa pas l’appeler L’Haïtien, car ça la gênait trop. En lui posant la question, elle avait fixé son regard sur lui, et elle avait remarqué qu’il regardait un peu partout. Christie jeta un bref coup d’œil derrière elle, curieuse de voir ce qui attirait l’attention de cet étranger. Ne voyant rien de particulier, elle reporta son attention sur lui, confuse. « Em...Tout va bien? Vous cherchez quelqu’un, ou...? »

[mode incruste, sur votre demande]

Avant que les portes de l’ascenseur ne s’ouvrent, Angela réajusta son tailleur et corrigea les quelques défauts de son chignon tout en se regardant dans le miroir mural. D’un délicat mouvement de doigt, elle souligna sa lèvre inférieure comme pour s’assurer que son rouge à lèvre n’avait pas débordé. Puis, satisfaite de son apparence rerspectable et impeccable elle s’adressa un sourire à elle-même. Arrivée au rez-de-chaussée, les portes de la cabine s’ouvrirent, accompagnées du tintement caractéristique d’une petite clochette. Dans le hall, quelques personnes s’affairaient, tandis que d’autres attendaient. La lumière qui pénétrait dans la salle à travers les baies vitrées, rendait l’atmosphère vaporeuse. Au milieu, deux individus semblaient plongés dans une conversation intéressante : une jeune femme et un homme de couleur noire à la stature impressionnante. Immédiatement, la dirigeante de la société reconnut l’agent qu’elle avait fait envoyer pour accueillir ce visiteur de marque. Il s’agissait de Christie Saymev. Quant à l’homme, il n’était autre que celui que l’on nommait le Haïtien. C’était un agent de qualité, depuis très longtemps membre de la Compagnie. C’était un homme de main en qui Angela avait une confiance aveugle. De son habituel pas assuré, madame Petrelli s’approcha de ce duo. Elle regardait fixement le Haïtien, un sourire chaleureux sur le visage. Une fois à côté d’eux, elle prit la parole.

« Agent Saymev, je vois que vous avez fait connaissance avec votre nouveau coéquipier. J’espère qu’ensemble vous obtiendrez des résultats à la hauteur de mes attentes. »

Angela tendit ensuite une main en direction de l’homme. La prestance dont il faisait preuve était la même que dans ses souvenirs. Malgré son silence artificiel, il savait imposer sa présence.

« Ravie de vous revoir cher ami. J’espère que vous apprécierez mon humour quant à la configuration de votre équipe … notre agent le plus silencieux associé à notre agent qui fait des merveilles avec le son. Il va de soit Agent Saymev que vous parlerez souvent pour deux lors de vos missions. D’ailleurs, en parlant de ceci, j’en ai déjà une pour vous. »

Angela tendit alors un dossier à la couverture vierge à l’attention de la jeune femme. Laissant cette dernière s’en saisir, il continua dans ses explications, fournissant d’avantages de données sur la nature de leur futur travail.

« J’ai besoin que vous alliez me trouver un individu spécial et que vous me le rameniez vivant. La diplomatie devra être de rigueur, j’ai besoin de son entière collaboration. Il serait dommage de le braquer contre nous. Dans ce dossier, vous aurez tout à son sujet Christie. Vous communiquerez ce qui s’y trouve à votre coéquipier … mais de toute manière, votre cible ne lui est pas inconnue. Il s’agit de Léonard Dumont. »

Elle porta alors son attention sur le Haïtien. Un sourire complice vint se glisser alors sur ses lèvres. En effet, il y avait de cela plusieurs années, ce jeune homme qui n’était alors qu’un enfant en très bas âge, avait été confié à un couple qui lui ferait office de parents sous la directive de la Compagnie. Angela n’y avait alors pas vu la nécessité de lui effacer la mémoire, considérant qu’à son âge, il n’y aurait aucun souvenir gênant pour le futur. Pourtant, la présence du Haïtien avait été nécessaire, pour s’occuper d’une autre personne. C’était donc à ce moment qu’il avait vu cet enfant.

« Oui, il s’agit bien de la même personne qu’il y a vingt ans. C’était un très jeune enfant à l’époque, mais aujourd’hui vous aurez à faire à un jeune homme. Soyez vigilants. Aujourd’hui, il n’est plus aussi malléable … quoi qu’au regard de son pouvoir, on pourrait dire que si … Qu’importe. J’ai besoin de lui intacte et surtout, j’ai besoin de sa coopération. Je vous fais confiance. Avez-vous des questions ? »

Christie n’appréciait pas du tout l’air perplexe avec lequel l’imposant inconnu la dévisageait. Il semblait méfiant et ombrageux, et sa soupçonneuse gestuelle rendait la jeune femme très inconfortable. Les sombres yeux plissés de l’Haïtien scrutaient avec crainte tous les recoins des lieux, et la jolie blonde sentait bien qu’il évitait la conversation. Elle tentait tout de même, tant bien que mal, de gérer la situation, ce qui lui semblait impossible. L’étrange individu à qui elle faisait face était d’un caractère mystérieux, et elle se leurrait lamentablement dans ses désastreuses tentatives de communication. Elle ne savait définitivement pas comment s’y prendre avec lui. Elle ne perdait guère patience, par contre, malgré le fait que son interlocuteur gardait silence. Christie fronça les sourcils, incrédule devant cette situation. Étais-ce vraiment possible de s’empêcher de parler...? L’attention de la jeune femme fut vivement retenue, lorsqu’enfin un nouveau son s’échappa des lèvres de l’homme, une voix faible et rauque. Christie fut offensée par les premières paroles de l’Haïtien. Il avait répondu à ses questions, mais elle ne l’avait guère écouté, trop vexée par ses premiers propos, qui l’avaient irritée.

« Je ne suis pas curieuse, ‘‘Monsieur l’Haïtien’’, c’est juste que je ne m’attendais pas à être assignée à un mime, et même si ça me gêne, comme vous pouvez bien le voir, je gère comme je peux... », rétorqua-t-elle alors d’une voix légèrement agressive, sur un ton rempli de hargne. Christie était devenue hautaine et méprisante à l’égard de son hôte, qu’elle avait senti respectable aux premiers abords. Il ne faut pas se fier aux apparences, comme on dit... Ça l’avait laissé très déçue. La jeune femme soupira longuement, un peu surprise de cette soudaine attitude hautaine qu’elle avait eue avec l’homme noir. Elle avait fait preuve de beaucoup de sagesse et de tact avec lui, et elle n’aurait pas dû perdre son sang froid ainsi. Elle en était un peu désolée. Les traits de son visage se relaxèrent, et sa colère disparaissait doucement. Un goût amer persistait, par contre. L’Haïtien s’excusa de son insolence, et Christie les accepta d’un nerveux hochement de la tête. Elle se demandait s’il avait écouté ses paroles, ou s’il s’excusait tout simplement de son attitude songeuse et de ses airs absents...

Une voix de femme retentit avec éclat, une voix très familière que Christie reconnut tout de suite : il s’agissait d’Angela Petrelli. Christie la croisait à plusieurs occasions, surtout dernièrement, depuis qu’elle s’était mieux investie dans le travail de la compagnie. Mais même si elle la voyait souvent, la jolie blonde ne pouvait s’empêcher d’avoir le souffle coupé à la vue de cette majestueuse femme. Angela était bien posée, et sa présence seule était d’un grand réconfort. Elle était toujours parfaite, et aucun défaut ne semblait l’affliger. Elle était comme un modèle impeccable et inatteignable. Elle marchait toujours d’une droiture grandiose, et elle abordait les choses de manière sereine, d’un calme olympien. Elle était admirable et imperturbable, et Christie la respectait beaucoup. La jeune femme salua donc Angela d’une inclinaison de la tête, se tassant pour laisser place aux retrouvailles.

Christie écouta attentivement les paroles de la grande dame, grimaçant âprement alors que celle-ci faisait part à ses deux agents de son génie quant à la formation de leur équipe. Angela aborda un second sujet, et Christie reprit vite le sérieux, comme elle faisait toujours lorsqu’on parlait de mission. Elle prenait son travail au sérieux. Elle ne niaisait pas, Christie. Prenant le dossier qu’Angela lui tendait, la jeune femme l’ouvrit rapidement, étudiant son contenu tout en buvant les paroles de sa patronne. La belle blonde étudia les traits du garçon sur la photo, puis s’attarda à son profil et à ses informations personnelles. L’espiègle Christie accrocha aux paroles d’Angela, se demandant comment l’Haïtien pouvait le connaitre. Angela expliqua brièvement les faits, et la jeune femme put à nouveau reporter son attention sur le document, y retenant les faits importants. C’était un homme-élastique, donc... Christie prit la parole, souriant à la blague d’Angela.

« Malléable... Tsss! Fort, fort, je vous l’accorde... Mais bon, j’ai des questions... Vous voulez sa coopération pour quoi...? Et s’il ne collabore pas, est-ce que lors on pourra utiliser la force? On lui dit quoi pour qu’il vienne avec vous, j’veux dire, vous avez une idée précise...? »

Christie réfléchissait déjà à un plan, au cas où Angela ne serait pas prête, ou alors si cette dernière avait laissé le choix à sa nouvelle équipe.