Un taxi pour deux [PV Elle Byshop]

Plusieurs jours étaient déjà passés depuis les évènements qui avaient conduits à la défaite de l’entité. Libéré de ce fardeau, Alex aurait cru qu’il se sentirait mieux, pouvant enfin vivre pleinement sa vie auprès de ceux qu’il aimait, sans se soucier de se réveiller un jour en ayant dévasté malgré lui la moitié du quartier. Pourtant, il n’en était rien. Bien que l’ennemi fût définitivement mis hors jeu, d’autres contrariétés étaient venues s’inscrire sur l’ardoise des tracas. Le français savait Kerry et Lisa saines et sauves, là, n’était pas le problème. En revanche, il n’avait plus de nouvelle de Peter. A ce problème, d’autres questions se greffaient, la principale étant de savoir ce que l’entité avait été capable de faire sur un élément aussi abstrait, et pourtant primordial, que la Vie. Rick Baneson était la première preuve de cette altération. A présent, le corps du jeune homme semblait incapable de mourir, mais également de guérir, le forçant à trainer pour l’éternité toutes les blessures qu’il endurerait durant sa longue et interminable vie. La seconde preuve, c’était le sol de Central Park, à l’endroit même où l’entité avait été vaincue. Ici, la terre avait subi de plein fouet le pouvoir de Famine, et devrait en porter le stigmate pour une durée indéterminée.

Baneson étant à présent parti, il était donc plus simple pour le français de mettre la main sur ce sol profané que sur le bostonien. C’était peut-être le seul moyen de comprendre ce qu’il s’était passé. C’était la raison qui avait conduit Alex à revenir sur les lieux de la défaite. Accroupi à la frontière entre l’herbe et le cercle de terre stérile, le jeune homme observait les contours parfaitement circulaires dessinés sous son regard azur. Du bout des doigts, il effleura le sol, se remémorant alors le moment très précis où il avait repris le contrôle de son corps, ainsi que ce qu’il avait senti sous ses paumes alors plaquées sur ce même sol : l’agonie d’un monde. Une nouvelle question se posait alors : comment une planète pouvait-elle souffrir ? Ou alors, Alex avait peut-être simplement imaginé ça. Pourtant, ça n’expliquait pas pourquoi il n’était pas en mesure de faire repousser la végétation à cet endroit précis. Le sol semblait réfractaire à recevoir toute vie sur un périmètre bien défini.

En caressant le sol de sa paume, Alex ne ressentit rien, mis à part la sensation de la terre desséchée roulant sur sa peau. Habitué à user de son sixième sens pour ressentir la vie, là, il était comme aveugle au contact de ce minerai définitivement inerte.

« Bon, ça sera pas pour aujourd’hui les réponses … »

Avant de se relever, Alex saisit une pincée de terre et la déposa à l’intérieur d’un tube à essai qu’il avait emmené pour l’occasion. Entre ses doigts, la terre s’effrita en fines granules ainsi qu'en poussière. Plaçant l’éprouvette dans la poche intérieur de sa veste, il se releva et se dirigea vers l’une des sorties du parc.

Arrivé sur une avenue adjacente au parc, l’urbanisme de New York contrasta violemment avec le côté bucolique de Central Park, ilot de nature entouré d’une mer de béton. Levant une main, Alex appela alors un taxi. Immédiatement, un véhicule jaune caractéristique s’approcha de lui tout en ralentissant, jusqu’à se stopper juste devant lui. Attrapant la poignée de la portière arrière, il allait pour l’ouvrir afin de monter à l’intérieur de l’automobile.

Plusieurs jours se sont écoulés depuis les mystérieux évènements de Central Park et pourtant, l’affaire continue à faire couler de l’encre. Les yeux rivés sur les pages cornées du journal, Elleanore Bishop s’applique à lire avec attention la moindre ligne à ce propos alors qu’elle tapote machinalement ses ongles manucurés contre le zinc. Rien, on ne sait rien. La police piétine, les médias extrapolent. Depuis que les gens dotés de pouvoirs sont apparus au grand jour, on en finit plus d’imaginer le pire, de s’imaginer tous les scénarios possibles et abracadabrants. ...L’enquête suit son cours. La jeune femme interrompt sa lecture, avale une gorgée de son café, puis lève les yeux et laisse son regard errer dans le petit bar où elle s’est posée quelques minutes plus tôt. Elle voit, sans regarder, elle dévisage les gens sans s’attarder. Son esprit vole déjà vers ses propres préoccupations. Evidemment, le gouvernement a de gros soupçons et a mis ses hommes sur l’affaire, elle y comprise. Et ils attendent des résultats.

Blasée, Ella soupire. Quand elle était enfermée dans les locaux de la Compagnie, elle avait l’impression que sa vie ne lui appartenait pas. Et maintenant ? Maintenant, c’est pire. A cheval entre la liberté et la réclusion, le couteau sous la gorge à tout instant, et les autres qui gambadent dans la nature comme si de rien n’était. Des noms qui lui étreignent le cœur, qui lui écrasent les tripes avec force. Ils se nomment Ezechiel, Sylar ou encore Baneson, ils ne méritent même pas de vivre, et pourtant ils le font en toute tranquillité. Et en piétinant la sienne au passage. Qui, qui a parlé de justice ? La voilà qui serre violemment les dents. Un jour, elle se l’est jurée, elle retrouvera leurs traces, tous autant qu’ils sont. Un jour, elle les balayera de la surface de la terre, dut-elle y payer de sa vie. Et puis elle se renfrogne, furieuse de se laisser aller ainsi. Elle a besoin de toute sa tête et de sa concentration pour arriver à ses fins et faire correctement son travail. Pour se sortir ses préoccupations de la tête, elle passe rapidement les pages du journal et s’attarde un instant sur la dernière, lit d’un air absent l’horoscope qui semble lui annoncer un jour plein de surprises. Une partie d’elle aimerait y croire, l’autre partie en rit. Tout ça, ce sont des trucs de bonne femme, de la connerie couchée sur papier.

Finalement, la demoiselle referme le journal d’un geste sec, et avale son café d’une traite. Il est temps pour elle de partir et de trouver des pistes. Pour l'instant, les mêmes noms impitoyables raisonnent de nouveau dans sa tête. Sylar, Baneson ou les autres, cela ne l'étonnerait qu'à moitié que l'un d'entre eux ait quelque chose à voir dans toute cette histoire. Mais dans l’immédiat, elle a prévu de se rendre à Central Park, là où tout a commencé. Rapidement, elle se lève et laisse la monnaie sur la table, puis sort. Dehors, l’air froid envahit les rues de la Grande Pomme. Ella referme sa veste, cache les mains dans ses poches et se met en route. Au milieu des New Yorkais se pressent et envahissent les trottoirs, elle se hâte d’un pas décidé et laisse claquer le bitume sous ses courts mais bruyants talons.

Alors qu’elle avance, son regard est soudain attiré par une silhouette familière qu'elle reconnait immédiatement. Ni plus ni moins qu’Alex Dumont. Ella s’étrangle…Combien de temps depuis qu’elle ne l’a pas vu ? Une éternité entière aux yeux de la jeune femme. Incrédule, elle reste un moment immobile, et puis finalement réagit. Alors que le jeune homme s’avance pour monter dans le taxi, l’électrokinésiste s’élance et sans perdre de temps le rattrape. Pose la main sur le haut de la portière ouverte et la maintient avec force. Impétueuse, volcanique.

- Regardez qui voilà…Tu permets qu’on partage le taxi, pas vrai ?

Et sans attendre la moindre réponse, elle le pousse presque sans aucun ménagement à l’intérieur, l’oblige à se trainer sur la banquette pour atteindre l’autre fenêtre, et se laisse tomber près de lui.

- Démarrez, lance-t-elle au chauffeur, et vous tournez sur la trente-deuxième, ajoute-t-elle, avant de se tourner vers le français, un large sourire gravé sur son visage. Mon cher Alex, tu connais un petit resto tranquille où tu puisses m’inviter ? Je meurs de faim!

Le chauffeur indifférent démarre aussitôt, apparemment peu alerte face à cette espèce de kidnapping un peu improvisé. Sans doute une dispute de couple, à peine différente des centaines de disputes auxquelles il a pu assister auparavant. Il hausse les épaules alors qu’un petit sourire effleure ses lèvres, et se détourne. Quelques secondes plus tard, le taxi revient se mêler à l’abondant trafic de la Grande Pomme.

- Alors, pas d’appels, pas de texto, continue la blonde, je vais commencer à croire que tu en vois une autre…Tu as été très occupé dernièrement, c’est ça ?

Au moment où Alex ouvrit la portière, une fine main féminine vint se poser dessus, la maintenant fermement. Surpris par tant d’impolitesse, le jeune homme tourna immédiatement son attention sur la propriétaire de cette main, pour découvrir que ce n’était autre qu’Elleanor Byshop. Curieusement, le français eut comme l’impression d’être touché par la foudre tant la surprise fut désagréable de tomber sur un tel personnage. Depuis combien de temps ne l’avait-il pas vu ? Il n’aurait même pas su le dire. Cela remontait à avant l’arrestation de Sylar.

« Regardez qui voilà…Tu permets qu’on partage le taxi, pas vrai ?

- Euh … ai-je vraiment le choix ? »

Alex n’avait pas réellement formulé sa réponse que déjà, la blondinette le poussait fermement dans le véhicule tout le suivant, le forçant ainsi à se déplacer sur la banquette arrière comme un gamin afin de laisser de la place à miss " Pile Electrique ".

« Je prends ça pour un non … »

Sans perdre d’avantage de temps, Ella donna ses ordres au chauffeur, visiblement peu étonné par une telle situation. Le temps avait eu beau passer, Byshop ne perdait pas ses mauvaises habitudes.

« Démarrez, et vous tournez sur la trente-deuxième. Mon cher Alex, tu connais un petit resto tranquille où tu puisses m’inviter ? Je meurs de faim!

- Mais, il est tout juste onze heures et demie ! »

Réalisant la futilité de ses propos, Alex lâcha l’affaire. Quand Ella avait une idée en tête, mieux valait ne pas la contrarier, tout du moins, c’était le souvenir qu’il avait d’elle. Cette dernière avait toujours ce visage si étrangement angélique et démoniaque à la fois. Si le Diable avait dû être une femme … ce serait certainement Ella … ou bien Lila … ou encore Angela ... C’était à en avoir des vertiges cette histoire.

« Alors, pas d’appels, pas de texto. Je vais commencer à croire que tu en vois une autre…Tu as été très occupé dernièrement, c’est ça ? »

En premier lieu, Alex fut tellement surpris par les propos de la jeune femme qu’il resta sans voix. Etait-ce du lard ou du cochon ? Cette fille était tellement dingue et instable, qu’il était possible qu’elle pense réellement ce qu’elle racontait. Mais en même temps, son tempérament provocateur y était aussi surement pour quelque chose.

« Et bien …, commença Alex avant de s’éclaircir un peu la gorge afin de se donner un semblant d’assurance, j’avoue qu’au regard de notre dernière rencontre, effectivement, je ne t’ai pas recontacté. Faut dire aussi que … tu ne m’as pas laissé un souvenir vraiment glamour, expliqua-t-il en observant la circulation devant eux. C’était quoi déjà ? Ah oui ! J’y suis : un kidnapping à bord d’une voiture pour me livrer à Angela ! », acheva-t-il en la foudroyant subitement du regard.

Puis, détaché, Alex regarda ensuite l’intérieur du véhicule d’un air circonspect.

« Il faut croire que tu ne changes pas tes habitudes depuis le temps … ou alors, tu as un sérieux problème avec les voitures pour penser qu’elles ne servent qu’à enlever les gens … Du coup, tu vas encore me livrer à un de tes patrons, ou bien t’as réellement faim cette fois ?! »

Regardant cette fois-ci par sa fenêtre, Alex aborda le dernier point soulevé par Ella.

« Quant à savoir si j’ai été occupé dernièrement … tu n’as pas idée. Je n’ai pas eu … une minute à moi … »

* Au sens littéral du terme … malheureusement. *

De nouveau, le français reporta son attention sur la jeune femme, plongeant ses yeux azurs dans ceux d’Ella.

« Bon, j’imagine que si tu t’imposes comme ça, ce n’est surement pas pour parler de la pluie et du beau temps … ni même pour évoquer le bon vieux temps … pour la simple et bonne raison que nous n’avons jamais rien partagé de bon tous les deux ! Qu’est-ce que tu veux Elle ? »

Le français dérape, les mots ont parfois du mal à sortir, et Ella s’en amuse. Le sourire qui parade sur son visage donne envie de l’effacer d’une bonne gifle mais qui oserait essayer ? Fougueuse et dominatrice, la jeune femme s’impose en toute impunité sans réellement penser aux conséquences. Ou plutôt si, elle en a vaguement conscience mais elle les ignore royalement. A ce stade, elle n’a plus rien à perdre. La remarque du frenchie sur l’heure lui arrache une moue blasée, et elle ne répond pas. Se contente d’un simple regard vaguement méprisant. Non sérieux Alex, tu penses vraiment ce que tu dis ? Non, bien sûr, alors tais-toi.

Évoquer leur dernière rencontre, qui remonte au déluge, lui arrache un sourire mauvais, et la voilà qui lève les yeux au ciel. Après, on ira dire que ce sont les femmes les rancunières...

- Teu teu teu. S’il te plait, ne sois pas ridicule Alex. Tu t’en es parfaitement bien sorti, regarde-toi, tu es tout frétillant et libre.

L’emphase qu’elle porte sur le dernier mot est subtile mais bien réelle. Il est libre, elle ne l'est pas, et cette nuance de taille la pousse à ne pas faire la moindre concession. Dans son esprit, la blonde est une victime et d'ailleurs, il se peut qu'elle n'ait pas totalement tort. Quelques que soient les décisions qu'elle ait pu prendre au cours de sa vie, ou les actes qu'elle ait pu commettre, elle a toujours agi comme une véritable marionnette. Poupée articulée aux fils maniés par une bande de pourritures sans scrupule. La manipulatrice manipulée, et elle ne s'en est rendue compte que bien plus tard.

- D'ailleurs, je vois que ça va très bien pour toi. T'as même pris du bide non? ajoute-t-elle en le scannant de haut en bas sans la moindre vergogne.

C'est un petit mensonge. En réalité, même si le français est toujours aussi appétissant, Ella devine parfaitement que quelque chose cloche. Sous la causticité du français, elle sent l'appréhension, la fatigue, et la voilà qui plisse les yeux. Ouais, toi mon gars, tu as été bien occupé, et je serais ravie de savoir ce que tu as pu faire.

Et puis elle se met à rire. L'éclat cristallin de son rire fait échos aux cris de sa douce folie...A sa façon, elle a toujours apprécié le français, savourant cette capacité à utiliser l'humour même quand ça va mal pour sa pomme. Comme si le cynisme allait le sauver des griffes de la blonde...Niais, va. Marrant mais niais.

- Promis, la prochaine fois, je viens te chercher en tandem, lâche-t-elle pour mettre fin à cette conversation qu'elle juge totalement hors de propos. Mais en attendant, j'ai vraiment faim, oui, et respire, je ne t'amène voir personne. Juste toi et moi, en tête à tête.

Elle plisse les lèvres en un sourire mutin, ébauche de baiser lancé à l'air. Drague factice et idiote dont elle s'amuse totalement, et peu importe si en face le frenchie tire une tête d'enterrement, pire que si elle lui avait proposé de le conduire à la potence. Décidément, ces français ont l'art et la manière d’exagérer tout et rien, et de paniquer avant l'heure.

Non, le français paniquera. Mais quand elle l'aura décidé. Et d'ailleurs, l'occasion ne tarde pas à se présenter...Ca tombe bien, Dumont lui répond un peu trop sèchement à son goût, il est grand temps de le faire suer.

- Je veux beaucoup de choses, Alex, mais pour commencer...Parler de ton emploi du temps trépidant me semble pas mal, je dois me mettre à la page. Par exemple, ce que tu as fait, disons, ces derniers jours?

Rapidement, elle attrape le journal dans son sac, l'ouvre à la bonne page, l'article sur les évènements mystérieux bien en évidence, et lui balance sur les genoux. Et la voilà de nouveau professionnelle. Son regard se durcit, elle fronce les sourcils, et d'un ton sec, qui n'admet aucune réponse évasive, elle lâche:

- Ta mémoire devrait être encore bonne non?....Alors, qu'as-tu à me dire à ce propos? Que sais-tu?

Parce qu'évidemment, il sait quelque chose.

Comme dans les souvenirs d’Alex, la blondinette était insupportable de sarcasmes. Seuls Lila Cruz devait être en mesure de faire mieux qu’elle. Bref, rapidement, les moues tantôt moqueuses, tantôt aguicheuses, ont vite fait de lui taper sur les nerfs, tout autant que les remarques déplacées. A l’écouter, il aurait pris de l’embonpoint. Vexé, Alex regarda d’un rapide coup d’œil son bas ventre, comme pris de doute sur son physique. Une fois rassuré, il reporta son attention sur Elle. La dégénérée se mit alors à confirmer qu’elle a bel et bien faim, et aucunement l’intention de le conduire auprès de qui que ce soit. Les sourcils plissés de déplaisir, Alex observa alors la jeune femme lui envoyer un baiser dans le vent, ultime provocation avant de passer à l’offensive.

Ce fut à ce moment là qu’Elle entra dans le vif du sujet, ce pour quoi elle était réellement là : la pêche aux informations. D’un geste nonchalant, elle balança alors le journal du jour sur les genoux du jeune homme, pile sur un article parlant des évènements de Central Park. D’une voix ferme et sans équivoque, elle se mit alors à demander des explications, notamment au sujet des activités récentes d’Alex.

Le jeune homme saisit alors le quotidien, parcourant rapidement l’article. Visiblement, il n’y avait aucune piste sérieuse qui expliquerait les évènements qui s’étaient déroulés dans le parc. Pourtant, Ella semblait avoir l’intime conviction qu’Alex y était mêlé, ou tout du moins qu’il savait quelque chose.

« Et bien, maintenant que j’ai lu cet article, je pense en savoir autant que toi à ce sujet. Des explosions, des incendies, des coups de feu, du vandalisme sur les pelouses … bref, la routine ici. »

Le silence de la jeune femme et son regard froid exprimaient à eux seuls qu’Ella n’était absolument pas convaincue par l’explication d’Alex.

« Allo ! C’est New York ici ! Ce genre de délire arrive souvent chez vous. J’te rappelle que vos gamins vont à l’école avec des flingues pour se faire une partie de counter strike pendant la récré ! Ce sont sans doute des gangs qui ont réglé leurs comptes, ou bien un truc top secret de vos agences de sécurité gouvernementales paranoïaques. »

Indifférent, Alex tourna alors les pages du journal, s’arrêta sur l’horoscope et lut la rubrique le concernant.

« Vous ferez une rencontre intéressante … éh béh … Madame Soleil s’est encore plantée … elle n’a rien d’intéressante cette rencontre. Plus sérieusement Elle, si tu cherches à savoir si des spéciaux sont mêlés à cette histoire, je te répondrai : peut-être. »

Discrètement, Alex lança un regard en direction du chauffeur pour s’assurer que celui-ci n’écoutait pas la conversation de ses clients. Puis, à voix basse pour ne prendre aucun risque, il poursuivit.

« Maintenant, si tu penses que j’en sais plus ou que j’y suis mêlé, tu te trompes. Il suffit de regarder les photos ! Franchement, ceux qui ont fait ça ont littéralement retourné le secteur … et aux dernières nouvelles, ça, je sais pas faire. Ma capacité ne me permet pas de faire ce genre de trucs ! Par contre … toi, c’est plus ton style. »

Byshop y croirait-elle ? Alex n’en avait aucune idée, mais ça ne lui coutait rien de tenter cette carte là. Après tout, que savait-il réellement d’Ella depuis que l’OWI avait été détruite ? A qui était-elle affiliée ? De base, le jeune homme ne la considérait pas comme une personne de confiance, et le flou actuel qui l’entourait, n’allait pas changer cette donne.

« Quant à savoir ce que j’ai fait ces derniers jours ? C’est de l’ordre du privé … ça ne te regarde pas. Et je garde le journal, faire les mots fléchés m’aide à me perfectionner dans votre langue. »

Le français semble plus dur à convaincre que prévu. Elle aurait du le deviner, savoir que depuis le temps, il s'était quelque peu réaffirmé niveau caractère. Le baratin de l'homme lui arrache pourtant un sourire mauvais et bien entendu, elle n'en croit pas un traitre mot.

- Ce que tu es hilarant, Dumont.

Le tout accompagné d'un regard méprisant. A ce moment précis, Elle n'a plus vraiment envie de jouer et elle aimerait que l'homme se montre un tantinet plus coopératif. Déjà parce que son attitude désinvolte et provocante le rend terriblement coupable aux yeux de la blonde, et puis parce que malgré le fait qu'elle trouve ce petit jeu très amusant, elle n'a pas non plus toute la journée à lui consacrer.

«...Plus sérieusement Elle, si tu cherches à savoir si des spéciaux sont mêlés à cette histoire, je te répondrai : peut-être. »

Ah, la voilà la réponse qu'elle attendait. Ce "peut-être" qui lui crie un "oui" plus qu'évident. Aussitôt, la lueur dans ses yeux s'allume, aussi facilement que si l'on avait appuyé sur un interrupteur. Machinalement, elle mord sa lèvre inférieure, sa curiosité chauffée à bloc, alors que le français continue sur sa lancée...Non. Évidemment, c'était trop beau pour être vrai: il nie tout en bloc. La jeune femme laisse échapper un soupir, ignore superbement la dernière remarque quant à sa capacité et sa propension à tout détruire, et se contente d'un sourire cynique.

- Garde le journal si ça te chante. Maintenant...

Elle se penche doucement vers lui et lance un rapide coup d’œil vers le chauffeur qui semble soudain occupé à engueuler une autre voiture qui vient de lui griller une priorité. Parfait. Profitant de la diversion inespérée, Bishop pose la main sur le bras du français et laisse échapper une brève décharge électrique. Pas assez pour l'électrocuter, bien évidement, mais assez pour le faire sauter sur place. Et bam, voilà qui lui apprendra à vouloir faire le malin.

- Je n'ai pas fini avec toi, continue-t-elle. Ce que tu sais faire et ne sais pas faire, je ne sais pas, mais tu m'as l'air d'être un homme plein de surprises. Et tu connais des gens qui pourraient parfaitement faire cela, et ces mêmes gens connaissent d'autres personnes qui pourraient également faire ça, et bien plus. Tu me suis toujours le frenchie ou tu veux que je répète plus lentement?

Elle le lâche, puis tranquillement, se laisse aller en arrière pour reprendre une position normale sur la banquette.

- Par exemple, et tout à fait au hasard...Peter? Vous êtes proches tous les deux, tu dois savoir ce qu'il trafique, et franchement, j'aurais presque du mal à te croire si tu me dis qu'il n'était pas là...On sait tous très bien qu'il se trouve toujours au mauvais endroit au mauvais moment et qu'il est un véritable aimant à problèmes. Or, je n'ai pas entendu parler de lui depuis...mmh, des lustres, ce qui tu avoueras commence à devenir assez étrange.

Une brève pause, pendant laquelle Ella ancre son regard dans celui d'Alex, comme si elle pouvait lire dans ses pensées rien qu'en le regardant. Allez Alex, un petit effort, je ne vais pas te manger. Mais quand elle reprend la parole, sa voix s'est curieusement radoucie.

- Je ne veux pas l'arrêter tu sais, je veux juste lui parler.

Après tout, on parle de Peter Petrelli, un homme pour lequel elle a eu le béguin il y a longtemps. Et même si elle n'a jamais eu le retour espéré, elle ne garde pas non plus la moindre rancune. Tout ça, c'est du passé, et aujourd'hui, elle se souvient de lui comme d'un ami. Un ami qu'elle ne voudrait pas trahir.

C'est ce moment que choisit le conducteur pour se retourner vers eux.

- Dites, est-ce que vous avez finalement décidé de là où vous allez manger?
- Tout à fait, vous prenez la prochaine à droite et vous nous laissez dès que vous pouvez.

Et puis elle se retourne vers le malheureux kidnappé.

- On a pas fini toi et moi. Et le repas tient toujours, mon cher Alex.

A la mine méprisante que prenait Elle, ainsi qu’au sarcasme qui teintait ses réponses, Alex comprit bien vite que la demoiselle n’était pas satisfaite par les réponses obtenues et qu’elle était sur le point de perdre patience. Connaissant l’instabilité psychologique de Bishop, le français n’était pas vraiment tenté de la pousser à bout. Pourtant, il fallait qu’il se préserve dans cette histoire. Cruel dilemme qui se présentait à Alex.

Doucement, Elle se pencha vers Alex comme pour lui confier un secret. Peu rassuré de la voir s’approcher ainsi de lui, il tenta bien de reculer le plus possible dans le fond du taxi, mais dut rapidement se rendre à l’évidence : il ne pourrait fuir bien loin. D’ailleurs, il sentait déjà la portière dans son dos lui barrer toute possibilité de rétablir une zone de sécurité. Délicatement, la jeune femme posa sa main sur le bras du français, avec la grâce féminine si propre à l’ex-agent de l’OWI. Immédiatement, une décharge électrique manqua d’arracher un cri de surprise et de douleur à Alex, qui sursauta sous l’effet du choc. Le message était clair : Elle était prête à beaucoup plus si jamais il s’entêtait à faire de la rétention d’informations.

Il était évident que la jeune blonde avait de sérieux doute sur les capacités d’Alex, mais elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il n’était pas seul et que ses contacts pouvaient également être impliqués dans l’affaire de Central Park. D’ailleurs, il fallut peu de temps pour que le nom de Peter débarque dans la conversation. A cette mention, le français se figea, regardant droit devant lui, comme pour échapper au regard inquisiteur d’Ella. Difficilement, il déglutit en pensant à son ami et à son triste sort, avec la désagréable sensation qu’une boule lui étreignait la gorge.

Ella s’écarta de nouveau, allant se caller dans la banquette. Lorsqu’Alex regarda de nouveau dans le regard de la jeune femme, cette dernière sembla l’épier avec encore plus d’insistance, comme si elle voulait lire en lui. Ce fut le moment que choisit le chauffeur pour demander avec plus de précision la destination de l’improbable duo. Sans tarder, Ella lui donna alors d’avantage d’informations sur le sujet.

« On y est …

- Merci bien. Gardez la monnaie », répondit alors Alex en tendant un billet au chauffeur avant de descendre.

Une fois dehors, il regarda alors Elleanore avec méfiance. Pourquoi diable voulait-elle parler avec Peter ? A l’heure actuelle, le pauvre n’avait certainement pas besoin de se retrouver avec une dingue à ses baskets.

« L’incident de Central Park est une affaire terminée. Inutile d’entrer dans les détails, ça ne t’apporterait rien. Certaines choses nous dépassent … Central Park en fait parti. Etre spécial dans cette ville n’est pas bien vu de tous … alors essaie de comprendre que je puisse être méfiant … sans avoir besoin de m’électrocuter ! »

Mettant les mains dans ses poches, Alex observa le bout de ses chaussures quelques secondes, se demandant s’il pouvait ou non avoir confiance en Bishop. Une fois sa décision prise, il releva la tête.

« Je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir, mais j’ai cru comprendre que ça n’allait pas être la grande éclate. Je tente de minimiser les épreuves qui nous attendent, tout comme d’autres spéciaux avec moi … mais parfois, ça dérape. Ne t’es-tu jamais trompée ? Nous avons beau avoir certaines capacités, nous n’en restons pas moins humains. Central Park a failli être l’une de nos erreurs. »

Se passant une main sur le front, il tenta de trouver la bonne manière d’aborder le cas de Peter.

« Quant à Peter … je ne suis pas certain que lui parler soit une bonne idée actuellement. Il a traversé une épreuve plutôt difficile et … et il est un peu perdu. La dernière fois que je l’ai vu, il était … je ne sais même pas ce qu’il était. Il ne m’a pas reconnu et il a disparu. Je ne sais pas où il est. Et si tu veux connaitre le fond de ma pensée, je pense que toi et tes méthodes, vous n’êtes pas la solution à ses problèmes. »

Alex commença alors à se mettre en route en direction d’un restaurant. Mais après quelques pas, il s’arrêta et se retourna en direction d’Ella. Le regard dur et froid qu’il lui lança était sans équivoque.

« Elle, je t’ai fait suffisamment confiance malgré tous mes à aprioris sur toi, pour te parler de Peter. C’est uniquement parce que tu m’as dit que tu ne lui ferais aucun mal. Je ne suis pas du genre à prôner la violent en temps normal, mais si tu m’as menti et que tu lui fais du tort, sache que tous tes coups de jus ne pourront pas m’empêcher de te le faire regretter ! Compris ?

…

A présent, allons déjeuner. »

Rapidement, voilà de nouveau le duo improbable dans les rues de New York, et bien évidemment, Ella Bishop n'est pas encore décidée à lâcher sa nouvelle victime. Et lorsque le français s'extirpe enfin du taxi, la demoiselle se colle à lui, un peu trop, comme si elle avait peur qu'il ne parte soudain en courant comme un dératé. On ne sait jamais, des fois que...Elle l'écoute parler en braquant son regard dans le sien, ce qui l'oblige bien évidemment à se prendre le torticolis du siècle pour se retrouver au niveau de l'asperge européenne. Qu'importe, elle tient bon. Et elle a intérêt à être tenace si elle veut que le français se montre totalement coopératif, chose qui parait plus que compromise. Inutile d’entrer dans les détails, ça ne t’apporterait rien, clame le frenchie...Inutile de préciser que le demoiselle est loin d'être d'accord avec cette entrée en matière. Mais l'expression de mécontentement sur le visage de la blonde s'efface peu à peu pour laisser place à une retenue inhabituelle.

- Bien sûr que je comprends Alex, commence-t-elle d'une voix calme, tu sais, je crois même que je suis l'une de celles qui est la mieux placée pour te comprendre.

Elle laisse planer les mots, comme s'ils n'étaient finalement pas si importants que ça. Peu à peu, Bishop change de visage, et se radoucit alors que le français continue de parler. Elle hoche la tête, enregistre les informations, et fronce les sourcils lorsqu'il lui parle de Peter. A vrai dire, elle ne comprend pas vraiment ses paroles. Pardon, Peter est..."un peu perdu"...? L'incrédulité et la surprise se reflètent vite sur le visage de l'électrokinésiste, à peine quelques secondes avant la conclusion finale du français:

- Je pense que toi et tes méthodes, vous n’êtes pas la solution à ses problèmes.

Une moue boudeuse et gamine, presque indignée, débarque aussitôt.

- Je vois pas du tout ce que tu reproches à mes méthodes hein.

Voilà qui lui a suffi à oublier la partie inquiétante sur Peter, partie à laquelle elle ne croit pas beaucoup d'ailleurs. L’hésitation du français n’a pas vraiment aidée. Encore une entourloupe de la part de Dumont pour noyer le poisson et ne pas lui donner les informations tant attendues. Finalement, elle ravale son indignation et hausse les épaules, avant de glisser les mains dans ses poches et de suivre l'homme. Mais Alex se retourne soudain...

- ...Sache que tous tes coups de jus ne pourront pas m’empêcher de te le faire regretter ! Compris ?

Ella s'arrête, surprise, et encaisse. Bredouille un timide « compris ». Au ton du français, elle comprend que quelque chose cloche et qu'effectivement, il est peut-être arrivé quelque chose de sérieux. Elle cherche les mots à dire, ce qu'il faut pour enchainer et échoue lamentablement. L'esprit passablement embrouillé par cette nouvelle information, Ella se contente de suivre son compagnon à l'intérieur du petit restaurant. Silencieuse et vaguement souriante dans un effort de politesse, elle attend que le serveur les laisse enfin tranquilles à leur table pour pouvoir se replonger dans la conversation. Aussitôt l’homme parti, elle lève les yeux de son menu auquel elle a fait mime de s’intéresser jusqu’à présent…A vrai dire, elle ne saurait même pas dire s’ils sont entrés dans un snack bar ou un italien, mais peu importe. Son regard se pose sur Alex et aussitôt, elle se demande comment elle va ramener le sujet sur le tapis. Abandonner, hors de question, et puis si le français a deux doigts de front, il doit bien se douter qu’elle ne lâchera pas prise. Non, ce qu’elle voudrait savoir, c’est l’attitude à adopter. Visiblement, pousser l’homme dans ses retranchements ne se révèle pas assez efficace…D’accord, il lui reste tout de même une autre carte dans son jeu.

Doucement, elle sourit. Charmeuse et conquérante. Et c'est un art qu'elle maitrise, celui de mettre les gens dans sa poche.

- Tu sais, je ne sais pas pourquoi tu penses que je pourrais faire du tort à Peter. J’ai toujours été très proche de lui et il est aussi important pour moi que pour toi, malgré tout ce que tu peux en penser…Et cela compte également pour toi. Pas que nous soyons proches, mais ce que je veux dire, c’est que je n’ai aucun intérêt à vouloir te faire du mal.

Le ton est posé et franc. Et puis elle abat sa carte maitresse.

- Non, ce que je veux, c’est mettre la main sur d’autres. Des gens comme Sylar ou Baneson…Je ne crois pas que tu sois de leur côté, alors je veux savoir s’ils étaient là et ce qu’ils ont fait. Tu dis que Peter a traversé une épreuve difficile ? Laquelle, comment ? Si quelqu’un est responsable, je peux t’aider à lui faire payer et à l’envoyer sous les verrous, là où il le mérite. Mais pour cela, tu dois m'aider d'abord.

Au moins, la proposition est lancée, et elle est -presque- sincère.

Etonnamment, il sembla que les propos d’Alex attinrent leur objectif. En effet, Ella sembla progressivement moins vindicative, allant même jusqu’à affirmer qu’elle comprenait la position du jeune homme dans cette affaire, ainsi que la méfiance qu’il pouvait manifester à l’égard de la jeune femme. Posée, elle ne perdit pas une miette de ce que lui raconta le français, allant même jusqu’à hocher du chef à certains moment. Alors qu’Alex s’avançait en direction d’un restaurant, la jeune femme le suivit, relevant certains propos de son interlocuteur. Mais lorsque le français la mit en garde à la moindre entourloupe, Ella se figea, semblant réaliser la profondeur du problème qu’Alex lui exposait à présent depuis quelques minutes, tout en percevant le réel attachement du jeune homme pour son ami. Un timide "compris" s’en suivit, presque attendrissant. L’espace de quelques secondes, Alex s’en voulut presque de s’être laissé emporter ainsi.

Finalement, Alex opta pour un restaurant tex-mex. Une fois l’improbable couple attablé par les bons soins du serveur, et ce dernier hors de vue, Ella se mit à sourire d’une étrange manière, avant de finalement prendre la parole, forçant le jeune Dumont à relever le regard de son menu. A l’en croire, ce n’était nullement dans ses intentions de porter une quelconque atteinte à Peter ou bien même à Alex. Etrangement, le jeune homme était presque convaincu par ce plaidoyer. Ce qu’elle voulait réellement, c’était connaitre l’identité des hommes responsables des incidents de Central Park, pour ainsi mettre la main dessus.

Quelques secondes, Alex fixa la jeune femme droit dans les yeux, la fixant de son regard azur comme pour tenter de déterminer si elle était sincère ou bien si elle mentais. Evidemment, ce genre de capacité n’étant pas en possession du jeune homme, il fut bien incapable d’avoir la certitude que la blondinette était honnête jusqu’au bout des ongles. Soupirant, il laissa retomber le menu devant lui, tout en se grattant le cou par le stress de l’incertitude.

« Tu es vraiment quelqu’un d’incompréhensible … Je n’arrive pas à savoir si tu es sincère avec moi … ou bien si tu joues la comédie. Je vais sans doute finir par le regretter, mais je vais faire le choix de te faire confiance. »

Nerveux, Alex balaya la salle autour de lui, pour déterminer si d’éventuelles oreilles indiscrètes trainaient dans le coin.

« Effectivement … Sylar et Banesson étaient à Central Park. Alexis Kane aussi. Ce que je vais te dire va sans doute te paraitre impensable … pourtant, c’est la stricte vérité. La participation de Sylar et de Baneson a très certainement évité le pire. Crois-moi, dire ça de Sylar me coute à un point que tu n’imagines pas. Pourtant, c’est en partie grâce à lui si aujourd’hui, tu peux encore te demander si tu vas choisir tes fajitas au poulet ou au bœuf. »

Comme pour l’aider à avaler la pilule, Alex vida son verre d’eau cul-sec, avant de poursuivre.

« Quant à Baneson, il semblerait que sa coopération ait également grandement contribué à ce que ce choix culinaire soit possible. Si Sylar n’a en rien renié sa folie et son insanité, je dirais qu’il en est autrement de Rick. Il semble chercher la voie de la rédemption … Et crois-moi quand je te dis que le prix qu’il paye actuellement et très certainement à la hauteur de toutes ses exactions passées. »

Se penchant de nouveau sur la carte des plats, Alex l’étudia quelques secondes.

« Je vais prendre des enchiladas, ça suffira amplement, je n’ai pas vraiment faim. »

Reportant son attention sur Ella, le français comprit que la jeune femme en attendait encore d’avantage, un dernier point n’ayant pas encore été élucidé par Alex. Soupirant de nouveau tout en fermant la carte des menus, il concéda à poursuivre.

« Très bien … j’imagine que tant que je n’aurai pas été plus précis en ce qui concerne Peter, nous devrons encore supporter cet insupportable suspens entre le poulet et le bœuf que tu t’entêtes à entretenir … Peter a subit bien plus qu’aucun être humain n’aurait jamais dû avoir à endurer, et ceci, malgré son fantastique pouvoir. Son corps, son esprit … tout son être ont été particulièrement mal menés lors de cet incident. Il a dû traverser la mort et la torture pour arriver au terme de cette histoire … si bien qu’il y a perdu sa raison, une partie de ses souvenirs, et très certainement … sa foi en l’humanité et en lui-même. »

Serrant un poing sur sa serviette, Alex serra la mâchoire, incertain de pouvoir poursuivre son explication.

« J’ai tenté de l’aider … mais il ne m’en a pas laissé l’occasion. A présent, j’ignore où il se trouve. Curieusement, je suis incapable de le sentir. Quelque chose m’empêche de le ressentir et de le localiser. »

Préférant prendre les devants avant qu’un stupide élan d’héroïsme ne s’empare de Bishop, Alex saisit une main de la jeune femme.

« Sylar détient le pouvoir de la cheer leader, mais il détient également celui de Peter. L’affronter reviendrait à se suicider Ella. Les héros morts ne servent pas la Vie … alors n’agis pas impulsivement. Ta raison doit l’emporter sur ta fougue et tes sentiments. Je suis prêt à t’aider à retrouver qui tu veux, si cela peut nous permettre de récupérer Peter, mais tu dois savoir une dernière chose avant … »

A présent, c’était Alex qui entretenait un suspens insoutenable. Fixant Ella de ses yeux cristallins, le visage grave, il acheva son explication.

« … celui qui est à l’origine de l’incident de Central Park, c’est moi. »

Les yeux du français la fixent et Ella soutient son regard sans vaciller. Dans le sien, il n’y a ni colère ni défi, seulement une lueur de franchise. Une partie d’elle s’amuse de troubler ainsi le jeune homme, une autre, plus sensible, ressent pourtant une certaine bienveillance pour lui. Difficile de dire jusqu’à quel point elle apprécie et considère le français à cet instant précis. Pas tellement, dirons-nous. Après tout, elle n’a jamais pris le temps de s’assoir autour d’un café avec lui et d’avoir une vraie conversation. Bien au contraire, leurs dernières rencontres ont été plutôt mouvementées, et Peter est sans aucun doute le seul lien qui les unit désormais. Et encore…La jeune femme n’est plus très sûre de la relation qu’elle entretient avec le cadet Petrelli. Depuis le temps qu’elle l’a perdu de vue, les sentiments se sont effrités et elle a fini par tirer un trait sur cet attachement et cette tendresse qu’elle éprouvait pour lui. Alors, pourquoi s’intéresser maintenant à son sort ? Connaissant la demoiselle, elle n’a certainement rien de bien reluisant en tête. En réalité, tout est encore flou. Mélange de souvenirs qui affleurent et de curiosité, la belle ne démord pas : elle veut savoir. Pour le reste, Dumont reste désormais l’unique piste entre ses mains, et Ella n’est pas prête de la lâcher. Retrouver Peter est une chose, mettre la main sur Baneson et Sylar lui tient particulièrement à cœur. Quête personnelle et professionnelle…La frontière est mince et se fond facilement. Et c’est incrédule qu’elle accueille les premiers mots de son récit.

- Tu rigoles, j’espère.

Ella fronce les sourcils face aux révélations. Non, impossible, et ce malgré l’insistance du français. Calme, calme, calme...Un rire nerveux s'échappe tout de même de ses lèvres quand le français ose dire qu’elle peut manger une foutue fajitas grâce à Sylar. Non mais c’est quoi ça, une blague de mauvais goût ? Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu’il se mettrait presque à faire une ode à Baneson. Ella lève un sourcil intrigué et hausse les épaules.

- Si tu le dis…

Elle serre les dents et n’ajoute rien…De toute façon, elle ne trouve rien à ajouter et son commentaire sec prouve bien qu’elle n'est pas disposée à se montrer aussi généreuse et compréhensive que Dumont. Ce qu’elle passe également sous silence, c’est que peu importe si Baneson ait décidé de retourner soudain sa veste, il reste encore sa cible, celle que ses patrons l’ont chargée d’arrêter. Ce sera elle ou lui, et pour la demoiselle, le choix est déjà fait.

« Je vais prendre des enchiladas, ça suffira amplement, je n’ai pas vraiment faim. »

Pardon ? Mais attend, le frenchie, on est pas là pour manger, tu te crois où ? Dans un restaurant, certes, mais là n'est pas la question...Du regard, Ella s’impose de nouveau et presse le français de continuer...Enfin, il s’exécute. Peter revient alors dans la conversation, et aussitôt, Ella colle sur son visage l’air de circonstances, moitié concernée, moitié incrédule. Une part est sans doute véritable, l'autre quelque peu jouée…Dumont lui prend alors la main et Ella baisse le regard sur ce contact soudain, avant de revenir à lui et de le considérer. Dumont a parfaitement compris ce qui habite Ella, cette étrange et folie, cette impulsion irréfléchie qui la pousse à se jeter à corps perdu dans la bataille. Même la plus dangereuse. Mais la demoiselle s'en fiche. Je ne suis pas un héros Dumont, mais merci du conseil. semblent crier ses yeux. Et elle n’est pas au bout de ses peines car le français semble avoir encore quelque chose à dire. D‘accord, qu’est-ce qui peut être encore plus improbable qu’un combo « Sylar du côté du bien, Baneson en rédemption et Petrelli paumé dans la nature ? »

« … celui qui est à l’origine de l’incident de Central Park, c’est moi. »

Le menu s’échappe brusquement des mains fines et elle le rattrape tant bien que mal. Colle son regard perçant et surpris dans les yeux du français.

- Pardon….Ok, tu me la refais là… ?

Puis elle fronce aussitôt les sourcils et durcit sa voix.

- Dumont, si tu cherches à protéger Peter, je t’ai déjà dit : ce n’est pas la peine, je suis de son côté. Je te demande de me dire la vérité, pas de te sacrifier pour les autres.

Ah, ces Heroes et leur sens de la camaraderie, ce serait presque touchant. Mais surtout énervant en fait...En tout cas, c'’est la seule explication qu’Ella ait pu trouver pour un tel aveu.

- Voilà comment je vois les choses: il faut mettre la main sur Peter et le cacher. Crois moi, les choses risquent de se corser dans pas longtemps et il vaut mieux pour lui qu'on le trouve, quel que soit son état. Sylar lui mérite d'être arrêté, et si nous ne le faisons pas, qui pourra le faire, tu me dis...? Il va falloir trouver un moyen d'en venir à bout sinon ça va devenir de pire en pire. Dit comme ça, ça sonnerait presque désintéressé, dis donc. Quant à Baneson...la rédemption, je n'y crois pas un seul instant. Tu as vu de tes propres yeux ce que les Sons of Liberty ont fait. C'est un fou furieux, et personne ne guérit jamais de la folie. Jamais. *

Voilà un raisonnement qui n'augure rien de bon pour Petrelli, tiens...

Comme Alex s’y était attendu, la jeune femme eut du mal à croire les propos du français quant au rôle qu’avaient joué Sylar et Rick au cœur de Central Park. Evidemment, en connaissant les antécédents des deux phénomènes, il était alors inconcevable de les imaginer dans la peau des sauveurs d’un jour. Pourtant, il était des mystères que le Destin s’amusait encore et toujours à semer tout au long de la trame du temps. Du point de vue d’un simple mortel, c’était de l’illogisme pur, pourtant, certains clairvoyants affirmaient que tout avait une raison et que le hasard n’existait pas.

Dans le regard de la jeune femme, ainsi que par ses gestes et ses rares rires nerveux, Alex comprit que son interlocutrice n’était pas prête à accepter ce que lui racontait le jeune homme. A ses yeux, Sylar et Rick restaient des criminels de la pire espèce qu’il fallait s’empresser d’écraser comme des cancrelats.

Lorsque le cas de Peter fut évoqué, il sembla qu’elle eut les mêmes difficultés à accepter les faits. Pourtant, comme précédemment, elle tenta tant bien que mal de conserver le silence. Bien évidemment, lorsqu’Alex tenta de la raisonner quant à sa croisade contre Sylar et Baneson, la jeune femme n’en tint clairement pas compte, au grand désespoir du français.

Pourtant, lorsqu’Alex lui annonça qu’il était à l’origine des évènements de Central Park, la jeune femme sembla ne plus tenir face à ce qui pour elle était d’une absurdité sans borne. Lâchant la carte des menus, elle accusa alors le jeune homme de vouloir se sacrifier pour protéger Peter. Dés lors, elle lâcha la bride à sa colère. Si jusqu’à présent, elle avait été silencieuse, maintenant était venu le moment pour elle de donner son point de vue … et elle ne s’en priva pas. D’après elle, il fallait absolument retrouver Peter pour le mettre en sécurité, puis arrêter Sylar et Baneson pour leur faire payer leurs crimes.

Baissant la tête, Alex ferma les yeux, tout en respirant calmement. Il était compréhensible qu’Elle réagisse de la sorte. Pourtant, le jeune homme ne voulait pas perdre l’espoir de la raisonner. Regardant de nouveau la jeune femme assise devant lui, il chercha par quel moyen il pourrait la convaincre d’être prudente et de renoncer à se jeter dans la gueule du loup.

« Elle … je ne cherche pas à me sacrifier pour couvrir qui que ce soit. Si je te dis que je suis à l’origine de Central Park, c’est que c’est vrai. Je ne sais pas ce que tu vois en moi : un crétin incapable à l’accent bizarre ou un type que tu peux manipuler à ta guise sans qu’il ne s’en rende compte et auquel tu peux soutirer tout un tas d’informations. Qu’importe … je ne chercherai pas à te faire changer d’avis là-dessus. Disons simplement que … tu ne sembles pas avoir la moindre idée de ce que peut faire un pouvoir qui déraille. Mais qu’importe, c’est de l’histoire ancienne et tout est entré dans l’ordre de ce côté-ci. »

Sans la quitter du regard, Alex se pencha légèrement vers Ella pour s’en rapprocher et poursuivit.

« Je ne prétends pas que Sylar ou Rick doivent s’en sortir sans problème. Bien au contraire. Ils doivent être mis face à leurs responsabilités et jugés par la Justice de ce pays pour tous les crimes qu’ils ont commis. Pour autant, ils doivent être jugés par des gens impartiaux, sans à priori. Or, tu n’es pas de ceux-là. Tu es beaucoup trop impliquée. Il n’est jamais bon d’être juge, juré et bourreau en même temps … On se perd forcément. Quant à savoir s’ils ont ou non le droit à une seconde chance … Qui es-tu pour en décider ainsi de manière si arbitraire ? »

Bien évidemment, Alex se doutait clairement qu’Ella ne voulait rien entendre de ce qu’il racontait et qu’il était en train de perdre son temps. Mais dans le doute, il préférait tenter le coup.

« Je suis bien d’accord qu’il faut les arrêter. Tu veux que nous nous en chargions ? Très peu pour moi. J’ai déjà eu maintes fois l’occasion d’affronter Sylar et à chaque fois, il s’en est fallu de peu pour que j’y laisse ma peau ! Rectification : une fois, j’y ai laissé ma peau. Ce genre de rencontre n’est pas une mince affaire. Le localiser ? Je peux le faire. L’affronter ? Je le peux aussi, mais ça n’est pas pour autant que j’en ai envie. Comme tu me l’as si bien dit il y a quelques instants : tu m’as demandé de te dire la vérité, pas de me sacrifier pour les autres. Je vais suivre tes conseils pour une fois. Pour t’aider à retrouver Peter, tu peux compter sur moi. Pour ce qui est d’arrêter Sylar, oublie-moi. »

Alex s’adossa alors au dossier de sa chaise.

« Oh … et une dernière chose … si personne ne guérit jamais de la folie selon toi, dans ce cas, ton cas semble déjà classé. C’est fort dommage. »

Ella hausse un sourcil méfiant en le regardant et tripote la première chose qui lui passe entre les mains...sa serviette, la carte du menu...Tout et n'importe quoi, pour ne pas perdre contenance et se jeter sur lui en lui hurlant de tout avouer et de ne plus tourner autour du pot comme il sait s'y bien y faire. Et puis elle lâche la carte, et sent soudain le contact froid du métal sous les doigts. La fourchette. Un éclair meurtrier traverse son esprit et ses pupilles. Oh tiens, et si elle le menaçait de lui planter dans l’œil pour qu'il soit un peu plus coopératif et un peu moins niais? Parler pour ne rien dire, Dumont semble être maitre dans cet art. Ca doit être un truc de français ça encore...

...tu ne sembles pas avoir la moindre idée de ce que peut faire un pouvoir qui déraille

Elle hausse un sourcil et lui lance un regard foudroyant. Eh oh Dumont, tu te prends pour qui pour me faire la morale? lui crachent ses yeux. Bien évidemment, le français n'en reste pas là et continuant sur sa lancée moralisatrice, il lui explique tout simplement qu'elle ne peut se permettre d'appliquer sa propre justice...Aussitôt, les yeux de la demoiselle s'écarquillent comme des soucoupes. Qui...mais qui est-il pour se mettre à sa place? Qui croit-il berner avec ses idées de justice à la noix, ces grandes idées improbables, dans quel monde vit-il? Et surtout qui est-il pour lui dire ce qu'elle fera ou ne devra pas faire? Baneson, à la rigueur, elle ne s'en préoccupe pas tellement. Mais Sylar...lui...Ah, si Dumont savait...Peu importe les conneries que pourra débiter le frenchie, peu importe ce que dira le reste du monde et cette putain de justice inexistante, elle ne se privera pas pour le balayer de la surface de la terre dès que l'occasion se présentera.

Incapable de cacher son indignation bien longtemps face aux attaques à peine voilées et répétitives du français, la belle embraye aussi sec. Histoire de donner son propre point de vue, chose qu'elle semble incapable de se retenir de faire.

- Putain Dumont, je ne sais pas si tu es un crétin à l'accent bizarre, mais je peux t'assurer une chose: tu es le pire des naïfs qui puisse exister. Arrête de regarder tes séries de geek sérieux, je te jure que j'ai envie de te baffer jusqu'à épuisement rien que pour que tu réalises l'énormité que tu viens de dire...

Puis elle baisse le ton pour éviter les oreilles indiscrètes et doucement, elle se penche en avant pour être certaine que l'homme de l'autre côté de la table l'entende parfaitement. Et agite les mains exagérément, un air furibond sur le visage. Grande folle.

- Allo Dumont, ici la Terre, il serait temps d’atterrir. Mais tu vis sur quelle planète? Tu parles de quelle justice, de quels putains de gens impartiaux? T'as écouté la télévision dernièrement, tu crois que les spéciaux et les autres ont le même traitement? J'ai un scoop pour toi, la réponse est non... Ces cons seraient capables d'utiliser Sylar pour faire des trucs encore pire, plutôt que de le condamner. Tu sais, je sais qu’Avengers est sorti y’a pas longtemps mais c’est qu’un film…Et nous dans la réalité. Tu piges ? Ré-a-li-té !

Il va la traiter de parano, elle s'en fiche. Il doit bien se douter que tout n'était pas si rose, tout de même.

- Je n'ai pas besoin de ton aide pour arrêter Sylar, tu ne me servirais à rien sauf à me les casser. Mais je veux savoir ce que tu sais sur Peter, le dernier endroit où tu l'as vu, etc.

A la réflexion, ce n’est pas tellement qu’elle aimerait le secouer comme un prunier, mais plutôt qu’elle aimerait l’étrangler une bonne fois pour toutes, histoire de faire disparaitre cet air condescendant et suffisant de son visage.

- Ah, et pour information Dumont, ma folie et moi, on t'emmerde. Un jour, tu vas comprendre qui sont ceux dans ton camp et ceux qui sont vraiment contre toi, et ce jour là...je serai là pour te voir t'écraser comme une merde, ce sera purement jouissif. Bref...Dis moi simplement ce que je veux savoir et je te laisse tranquille avec tes putains de faijtas ou je sais pas quoi...!

Plus le français exprimait son point de vue, plus il sentait la tension monter chez Ella. Visiblement, les propos qu’il proférait n’étaient pas sans effet sur la jeune femme. Le foudroyant du regard, il était clair qu’elle n’avait qu’une seule volonté : étrangler son interlocuteur. Finalement, n’y tenant plus, la jeune blonde explosa. A la fois horripilée et en désaccord avec ce qu’elle venait d’entendre, elle cracha son point de vue à Alex, en usant et en abusant de phrases caustiques et blessantes, comme si elle voulait faire un électrochoc au jeune homme. Pourtant, au terme d’un nombre impressionnant de grossièretés et de railleries, elle n’en démordait pas, cherchant toujours à savoir ce qu’il était advenu de Peter, comptant bien qu’Alex lui révèle tout ce qu’il savait.

A peine les foudres avaient-elles été lâchées, qu’Alex s’était confortablement adossé à sa chaise, spectateur de la tempête qu’il venait de provoquer. Calmement, il écouta chacun des arguments et des propos de la jeune femme, et encaissa sans broncher toutes ses estocades verbales. Une fois que l’hystérique cessa d’œuvrer, il la regarda droit dans les yeux, un léger sourire au bord des lèvres.

« Et bien nous y voilà ! Je me demandais combien de temps tu allais mettre avant de craquer. J’avoue être particulièrement étonné que tu ais tenu si longtemps … mais je tire malgré tout une victoire personnelle de t’avoir fait sortir de tes gonds avant que l’on passe notre commande. »

Finalement, il s’accouda à la table, se rapprochant par la même, légèrement de sa dangereuse interlocutrice.

« Le masque tombe et je peux voir une part de ta véritable personnalité, ainsi que tes motivations d’une certaine manière. »

Il fit alors parcourir à son index une ligne droite dans l’air, comme s’il essuyait la poussière d’un meuble invisible entre Ella et lui. Avec ce geste, il capta les brides d’effluves émises par l’énergie vitale d’Ella. Puis, il porta le bout de son doigt à sa bouche.

« Oui, c’est bien ça qu’il me semblait. Cette amertume qui se dégage de ton essence, ce gout acide et corrosif qui imprègne tout ton être, c’est celui de l’esprit de vengeance. Tu as surement tes raisons, je n’en doute pas. Moi-même, je ne porte pas Sylar dans mon cœur. Pourtant, est-ce que je cherche sans cesse à me venger de lui ? Non. J’ai d’autres priorités. Je ne peux pas me permettre d’être égoïste et de ne penser qu’à moi. »

A ces mots, Alex pensa immédiatement à Kerry et à Lisa. Effectivement, il ne pouvait pas se permettre de foncer tête baissée maintenant qu’elles étaient entrées dans sa vie. Il avait des engagements envers elles. A ce stade de la conversation, il ne souriait plus, arborant tout au contraire, un visage froid et fermé.

« Va tuer Sylar si ça te chante. Mais une fois que tu y seras parvenue … si toutefois tu y parviens, ce dont je doute fortement … que feras-tu ? Ta haine et ta rancœur seront toujours là, te rongeant inlassablement, sans que tu n’ais la moindre possibilité de leur échapper ou de les satisfaire. »

De nouveau, le jeune homme se cala au dossier de sa chaise.

« Je suis peut-être trop naïf ou utopique … c’est possible. Pour autant, dois-je renoncer à l’espoir de pouvoir vivre paisiblement avec ceux que j’aime dans une réalité que je tente d’améliorer ? Dois-je abandonner le désir de m’intégrer dans la société ? Non ! Je suis passé par bien trop d’épreuves pour baisser les bras maintenant. Et ça, tu ne peux pas le comprendre ! Non, tu ne peux pas, car tu es vide. Maintenant, si tu t’imposes ma présence et t’infliges de force la torture de discuter avec moi uniquement pour que je te révèle tout ce que je sais au sujet de Peter, alors sache une chose … »

Alex se leva et saisit sa veste.

« … nous avons fini de déjeuner, car je n’ai aucune information sur lui. Et même si j’en avais, je ne les partagerai pas avec toi à présent que nous avons eu cette conversation. J’étais prêt à te pardonner beaucoup de choses et à te faire confiance tout à l’heure en descendant de ce taxi, parce que j’avais envie de croire en toi. J’étais même prêt à t’aider. Et bien, je me trompais … sauf que maintenant, j’en ai conscience. »

Avant de partir, Alex laissa une dernière possibilité à Elle de répondre, enfilant sa veste en attendant.

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