Where all the wires meet [PV Lisa Dumont]

Il approchait. Il sentait son essence vitale, trop familière que pour lui laisser la moindre place au doute. Malgré son bandeau noir orné d’un signe japonais ressemblant à une semi-hélice d’ADN, il n’avait aucune difficulté à se déplacer, contrairement aux personnes aveugles ordinaires. Ce bandeau lui donnait l’air d’un cyclope dont le seul œil était ce symbole étrange que lui avait offert Hiro. C’était ce dernier qui l’avait envoyé dans le passé, insistant davantage depuis que la situation avait dégénéré et que le décès d’Hayden avait eu lieu. Peter ne pouvait refuser une nouvelle fois à son ami de rester les bras croisé, surtout lorsqu’on réalisait à quel point le monde était devenu désastreux. Il ferait d’une pierre du coup… du moins, il l’espérait. Il connaissait cet endroit, celui où il se trouvait. Il n’était pas loin de son ancien appartement. Il se rappela alors qu’il avait débarqué à l’époque où il avait hébergé la Lisa du futur, cette même Lisa étant précisément la personne qu’il recherchait. Sans hésiter, il se faufilait entre les passants, intrigués de voir un homme a priori aveugle se déplacer avec une telle agilité. Le « radar » d’Alex était devenu son troisième œil pour s’orienter. Sylar avait certes réussi à détruire la source de l’un de ses pouvoirs les plus puissants, mais cela handicapait à peine son ennemi. Peter avait assimilé suffisamment de pouvoirs que pour remplacer un sens perdu. Sa démarche rapide faisait virevolter le long imperméable sombre qu’il portait et qui se mariait parfaitement avec le bandeau noir, ainsi qu’avec ses cheveux coiffés en arrière. Si on ajoute la cicatrice à cet accoutrement, il devenait fort compréhensible que les gens le contournaient en le voyant.

Il tourna au coin de la rue. Elle n’était plus très loin désormais, probablement à portée de vue s’il avait encore ses yeux. Il aurait pu s’y téléporter directement, mais cela aurait davantage attiré l’attention sur lui. Lisa se trouvait dans un lieu public assez fréquenté, ce n’était pas le genre d’endroits pour jouer les David Copperfield. Puis il aimait marcher, ça lui rappelait qu’il était humain, ainsi que l’époque où il n’avait pas encore à disposition tous ces pouvoirs. Une époque qui lui semblait bien lointaine. Tant de choses s’étaient produites depuis. Il avait vu les pires atrocités, avait rencontré des gens avec des capacités dépassant l’imagination. Et puis, Sylar et l’Entité avaient acquis un pouvoir gargantuesque, semant la terreur et le chaos dans le monde entier. Le seul moyen d’arrêter ces deux individus à la fois était de modifier le passé, et cette époque semblait la plus propice pour agir sur le cours du temps. Il avait l’espoir un peu fou de réprimer Hyde, et d’anéantir définitivement Sylar. C’était là le seul moyen de sauver l’humanité de cette violence, de la mort qui consumait la Terre tout entière à petit feu. Le seul endroit où tous les fils du Destin se rencontraient.

La voilà… l’égarée, la meurtrie, l’exilée de sa propre époque, la fille d’un couple défunt dans une période qui n’existait plus depuis qu’elle avait décidé de la quitter définitivement. Lisa… Peter s’approcha d’elle et posa doucement une main sur son épaule. Il ignorait où ils se trouvaient, mais ses sens alternatifs le conduisirent à penser qu’ils étaient dans un magasin. La sentant sursauter, il tenta de la rassurer d’une voix calme.

- N’aie pas peur Lisa. C’est moi, Peter. Je viens du futur car j’ai à te parler. C’est très important. Tu veux bien m’emmener dans un endroit plus calme, où on pourrait parler en toute discrétion ?

Grâce à son ouïe surdéveloppée, il entendait le rythme cardiaque de la rouquine s’accélérer. Il est vrai que le Peter de cette époque ne lui ressemblait pas vraiment, d’autant plus qu’il avait encore ses deux yeux. Mais il était toujours Peter, avec la même foi et la même volonté de se battre au nom du Bien. Et la clé d’un monde retrouvant enfin la paix et l’harmonie était là, devant lui. Elle pensait être un reliquat temporel, un intrus dans une époque qui n’était pas la sienne, alors que son but initial était de changer le cours de choses. Peter du futur était là pour lui rappeler ce but, et qu’il n’était pas encore trop tard pour l’atteindre. Elle était même la seule à pouvoir tous les sauver.

Une nouvelle journée vide de sens … une nouvelle journée vide d’intérêt … une nouvelle journée d’échec.

Depuis quelques temps, c’était ce que vivait Lisa. Elle avait failli à la quête qu’elle s’était attribuée. Malgré son sacrifice, rien n’avait changé. Le Destin dans sa toute puissance l’avait écrasée dans les rouages de son implacabilité. En dépit de tous ses efforts, Lisa n’était pas parvenu à sauver son père. Certes les choses s’étaient déroulées différemment de la première fois, mais au final, le résultat était le même, si ce n’était pire.

Au lieu de n’avoir qu’à endurer le deuil de son père, aujourd’hui, elle devait assumer sa part de responsabilité dans la catastrophe à venir. Malgré tous ses efforts et toutes les précautions, elle n’était pas parvenue à empêcher l’entité de refaire surface.

A présent qu’un tel fléau était libéré sur le monde, une seule chose restait à faire : attendre cette fin inéluctable … Comme chaque jour, à présent, la vie était vide de sens … vide d’intérêt … un échec.

Plus par habitude et par automatisme que par réelle volonté, Lisa s’était rendue dans un magasin ce matin là. Elle continuait d’occuper l’appartement de Peter … même si elle n’avait pas de nouvelle de lui. De toute manière qu’aurait-il bien pu faire ? Lisa n’avait même pas cherché à le joindre pour le tenir informer de la situation. Pour elle, plus longtemps les gens restaient inconscients de la situation, plus longtemps ils pouvaient encore profiter de la vie.

Terrible malédiction, savoir l’entité libre, c’était déjà mourir un peu. L’espoir semblait être drainé de la même manière que plus tard la vitalité le serait par le pouvoir de la créature. Funeste présage, une telle connaissance ôtait toute volonté de vivre … vous préparant déjà inconsciemment à l’inévitable.

Immobile, Lisa regardait une pomme rouge qu’elle tenait en main depuis plusieurs minutes à présent. Bien qu’elle ne la quittait pas du regard, son esprit était ailleurs, préoccupé par d’autre souci que savoir si le fruit serait assez mûr et sucré ou bien s’il lui faudrait encore quelques jours de plus. Au final, qu’importait que le fruit soit délicieux ou véreux … ça n’empêcherait pas Lisa de devoir affronter un destin peu enviable … à dire vrai … le même destin que le reste de l’humanité.

Soudain, elle sentit une main se poser sur son épaule. Prise par surprise, la jeune rousse sursauta, resserrant un peu son étreinte sur le fruit de peur de le laisser lui échapper. D’après la vigueur et la poigne de la main, c’était un homme. Peut-être le responsable de l’étalage qui trouvait totalement inadapté de regarder un fruit ainsi pendant de longues minutes.

« N’aie pas peur Lisa. C’est moi, Peter. Je viens du futur car j’ai à te parler. C’est très important. Tu veux bien m’emmener dans un endroit plus calme, où on pourrait parler en toute discrétion ? »

Lisa reconnut la voix de Peter … la dernière personne que la jeune femme s’attendait à trouver ici. Lorsqu’elle se retourna, son cœur s’accéléra. Il semblait blessé. En plus de la cicatrice qu’elle lui connaissait dans le futur, Peter avait les yeux bandés d’un morceau de tissu noir sur lequel le demi-brin d’ADN figuré. La demande de Petrelli prenait tout son sens. Visiblement, il était aveugle et par conséquent, se déplacer parmi la foule new yorkaise devait être un exploit.

… Le futur … ce Peter n’était pas le Peter de cette époque … mais celui d’un des nombreux futurs alternatifs que les Jumpers généraient à chacune de leurs escapades temporelles. Il n’était pas non plus son Peter, celui qui venait de son futur … celui qui était mort à l’époque de Lisa.

Mais qu’importait … tous les Peter finiraient par mourir à présent. Qu’importe le nœud temporel … L’entité ou Sylar les élimineraient … ou bien une autre menace encore …

Doucement, Lisa se ressaisit. Déposant la pomme dans l’étalage, elle saisit le bras du jeune homme d’une main. Lentement, elle approcha l’autre du bandeau avec l’intention de le soulever. Mais au dernier moment, elle s’y résigna. Tout ça n’aurait servi à rien … tout ça n’aurait bientôt plus aucun sens … plus aucun intérêt … tout ne serait qu’un échec …

Elle caressa alors la joue du jeune homme avec affection. Ce n’était pas son Peter, non. Mais après tout, elle n’était pas la bonne Lisa ici. Qu’importait qu’il soit en fait un étranger d’une certaine manière. Les Peter, étrangement, semblaient tous se ressembler. La même aura émaner d’eux.

« Je vais te conduire à ton appartement … Nous y serons au calme. Ta mère n’est plus à New York … depuis un bon moment. A croire qu’elle avait senti le vent tourner … comme à chaque fois. Mais cette fois, à moins qu’elle ne trouve un moyen pour changer de planète, elle finira comme nous tous. »

Se plaçant à la droite de Peter, Lisa glissa son bras sous celui du non-voyant et le guida jusqu’à l’appartement.

Une fois au calme, elle le débarrassa de son long manteau noir et l’aida à s’assoir dans un fauteuil du salon. Enfin, elle lui servit un verre d’eau qu’elle lui plaça alors entre les mains.

Durant tout ce temps, elle garda le silence … après tout, qu’aurait-elle bien pu dire ? Tous les mots qu’elle prononcerait seraient vide de sens … vide d’intérêt … un échec.

« Peter … il ne faut plus jouer avec le temps … je ne t’ai donc pas servi de leçon ? Nous créons trop de paradoxes … trop de vides et d’aberrations temporels. Tout ça risque de nous retomber dessus. »

Lisa alla se placer devant la baie vitrée du salon, observant la ville sous un lourd manteau de nuages gris.

« De toute manière … pour ce qu’on risque maintenant … ça n’est plus la peine de se miner le moral avec des conneries de voyages dans le temps. Ils ne changent rien. Je l’ai payé assez cher pour le comprendre. »

Puis, Lisa se tourna vers Peter.

« Bon … maintenant, vu que tu as fait un si long voyage, je ne vais pas te renvoyer d’où tu viens. Qu’as-tu à me dire ? Je t’écoute Pet’. »

Même s’il ne pouvait voir l’expression de Lisa à cet instant, Peter pouvait aisément la deviner. Interrogatrice, inquiète, avec un fond irréparable de désespoir. Elle déposa le fruit qu’elle tenait en mains en saisit le bras de Peter. Après un court instant, celui-ci sentit la main de sa jeune fille lui caresser la joue. Même s’ils n’étaient pas de la même époque, elle reconnaissait son oncle, celui qui n’avait jamais cessé de se battre pour elle, car il en avait intérieurement fait la promesse à son meilleur ami. Le ton de sa voix témoignait d’une morosité effrayante. S’il y avait bien une personne à qui l’expression « toucher le fond » convenait parfaitement, c’était Lisa.

« Je vais te conduire à ton appartement … Nous y serons au calme. Ta mère n’est plus à New York … depuis un bon moment. A croire qu’elle avait senti le vent tourner … comme à chaque fois. Mais cette fois, à moins qu’elle ne trouve un moyen pour changer de planète, elle finira comme nous tous. »

Peter lui sourit avec reconnaissance. Au moins, sa première approche n’était pas un échec, et elle n’en était pas arrivée au point de l’envoyer balader et de lui dire de retourner de l’époque où il venait, même s’il s’attendait à être sermonné de la sorte.

- Parfait. Je te suis.

Ensemble, bras dessus, bras dessous, ils marchèrent en direction de l’appartement de Peter.
Une fois arrivés à destination, la jeune femme le débarrassa de son pardessus et l’invita à s’asseoir, le tout sans prononcer un seul mot. Ce n’est qu’après lui avoir apporté un verre d’eau qu’elle prit la parole. Comme il s’y attendait, elle lui fit la leçon sur le continuum espace-temps et les risques qu’il encourait en revenant dans le passé.

« Peter … il ne faut plus jouer avec le temps … je ne t’ai donc pas servi de leçon ? Nous créons trop de paradoxes … trop de vides et d’aberrations temporels. Tout ça risque de nous retomber dessus. »

Elle se déplaça jusqu’à un certain point où elle resta immobile. Sans doute la baie vitrée. Les souvenirs de Peter sur son ancien appartement étaient devenus flous, tout cela remontait à si longtemps…

« De toute manière … pour ce qu’on risque maintenant … ça n’est plus la peine de se miner le moral avec des conneries de voyages dans le temps. Ils ne changent rien. Je l’ai payé assez cher pour le comprendre. »

Il ignore si la rouquine le vit, mais Peter esquissa un sourire attendri en entendant ces mots. Certes, cela n’avait rien de drôle ni de mignon, mais c’était bon de savoir qu’elle se trompait, et qu’il pouvait encore lui apporter une lueur d’espoir. Finalement, Lisa laissa de côté ses réprimandes pessimistes et interrogea Peter sur la raison de sa présence.

« Bon … maintenant, vu que tu as fait un si long voyage, je ne vais pas te renvoyer d’où tu viens. Qu’as-tu à me dire ? Je t’écoute Pet’. »

Après avoir bu une gorgée d’eau, Peter prit une profond inspiration. Il avait tant de choses à lui dire, et si peu de temps pour le faire. Il allait devoir aller à l’essentiel, en pesant ses mots.

- C’est Hiro qui m’a convaincu de revenir dans le passé. Trop de gens ont souffert et souffrent encore dans ce qui est ton avenir… du moins, pour le moment. Nous avons perdu trop d’être chers, et c’est le mal, la peur et la souffrance qui règnent en maîtres. Tu me connais, je ne peux pas tolérer cela. Et Hiro est pareil que moi sur ce point.

Il prit une seconde gorgée. Elle n’avait pas bougé de l’endroit où elle s’était arrêtée un peu plus tôt. A ce point du discours de son oncle, elle ne serait forcément pas convaincue. Elle avait elle aussi remonté le temps avec les mêmes idéaux, la même volonté de changer les choses.

- Tu sais Lisa, je suis conscient des risques que je prends en venant ici. Mais j’ai longtemps étudié les différentes possibilités, bien plus longtemps que tu ne le pourrais le croire. Je t’ai dit qu’Hiro m’avait convaincu de changer le passé… À vrai dire, c’était sa dernière volonté. C’est sur son lit de mort qu’il a formulé cette demande. En tant qu’ami, je ne pouvais pas le lui refuser. Je viens d’un futur tellement lointain pour toi, que tu ne pourrais même pas imaginer toutes les atrocités que nous avons vécues.

Il parlait d’une voix calme et posée, mais sa gorge se resserrait rien qu’en se remémorant tout ce qui lui avait été donné de voir alors qu’il avait encore ses deux yeux. Ses images le hantaient chaque jour de son existence dans l’obscurité de sa cécité. Et elles le hanteraient pour l’éternité… du moins, s’il n’agissait pas.

- J’ai donc étudié le cours du temps suffisamment longtemps, aidé par Hiro, que pour trouver l’élément qui changerait tout. Nous en avons tous les deux conclus que ton retour dans le passé n’a pas été totalement vain. En fait, si tu ne l’avais pas fait, il n’y aurait eu aucun espoir de changer le futur.

Il se leva et marcha dans sa direction, utilisant l’intangibilité d’Asami pour ne pas se cogner. C’était un réflexe qu’il avait adopté pour se déplacer plus aisément dans les endroits confinés ou moins peuplés, où suivre simplement le flot de passants n’était pas possible. Même s’il ne pouvait pas la voir, il orienta sa tête en direction de Lisa.

- Tu as peut-être voulu agir trop tôt. Je ne peux pas t’en vouloir, tu t’es fiée à ma mère, qui a une vision du futur bien plus floue que ce qu’il est réellement. Mais il n’est pas trop tard pour te rattraper, et c’est même le moment idéal. Tu peux me croire.

Il posa une main bienveillante sur son épaule fine et gracieuse.

- Je n’ai que très peu de temps pour tout t’expliquer et pour faire ce que j’ai à faire, et je dois m’en aller d’ici avant que le point de non-retour ne soit atteint. Tu vois bien de quoi je parle… Alors tu vas devoir m’écouter attentivement. Mais d’abord, j’ai besoin de ton approbation. Je ne veux en aucun cas te forcer la main, mais sache que grâce à toi, à la fois Sylar et l’Entité qui contrôle ton père pourraient être mis hors d’état de nuire. Je pense que ça ne coûte rien d’essayer, quand on considère les enjeux.

Doucement, il s’approcha de son oreille, et lui dit dans un murmure :

- Alors Lisa… Es-tu prête à tenter de sauver le monde ?

Ainsi donc l’idée venait de Hiro … L’avenir, une nouvelle fois, était un véritable cauchemar. Lorsque Peter précisa qu’il s’agissait de l’avenir de Lisa, cette dernière ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire sarcastique. Il semblait oublier qu’elle n’avait ni avenir, ni présent. Elle avait juste un passé. Mais aujourd’hui, hors du temps, plus rien ne la concernait vraiment.

Selon Peter, cette idée de voyage était la dernière volonté du japonais. Décidément, le nippon n’avait de cesse d’avoir des idées foireuses, et ce quelque soit l’époque. Sans son intervention quelques années plus tôt, Alex ne serait pas venu à New York, empêchant tout ce qui en avait découlé, y compris la situation actuelle. Certes, Lisa n’aurait alors pas vu le jour … mais c’était peut-être le prix à payer.

Et maintenant, même mort, l’asiatique remettait le couvert en se servant de Peter et de son altruisme hors norme. A l’en croire, il avait longuement réfléchi à quel point de l’histoire il fallait se rendre pour remettre un peu d’ordre. Selon lui, il avait vu bien plus d’horreur que tout ce que Lisa pouvait imaginer. A ces mots, la jeune fille foudroya son oncle du regard. C’était un geste tout à fait inutile, pourtant, elle n’avait pu s’empêcher de le faire, même si Peter n’en saurait jamais rien. Comment pouvait-il avoir une telle certitude ? Peut-être qu’elle avait effectivement connu aussi horrible que ce dont Peter parlait. Après tout, n’avait-elle pas pénétré dans l’esprit de l’entité ? Pas dans l’esprit de son père corrompu. Non. Elle s’était retrouvée au cœur même de ce qu’il y avait de plus malsain dans cette créature. Après ça, il était difficile de la mettre au défi comme Peter venait de le faire.

Après une étude minutieuse du continuum, Peter et Hiro en étaient arrivés à la conclusion que la solution était Lisa et son retour dans le passé. A ce moment, Petrelli se releva et s’approcha de la jeune rousse. Usant certainement d’un de ses pouvoirs, son genou passa au travers de l’angle de la table basse, mais Lisa n’y fit pas attention, bien trop intriguée par les élucubrations de Peter.

Déposant une main sur l’épaule de la jeune fille comme il l’avait fait dans le magasin, Peter lui expliqua que tout n’était pas encore perdu. Il lui restait peu de temps avant d’être bloqué dans cette section du temps comme Lisa l’était. Aussi n’y alla-t-il pas par quatre chemins. Il était encore possible à Lisa de sauver son père et d’arrêter Sylar. Mais pour se faire, elle devait écouter Peter.

A la dernière phrase de Peter, la jeune fille sursauta. Tous les membres de sa famille étaient-ils donc condamnés à se voir entendre cette phrase absurde de la bouche d’un voyageur temporel ? Hiro avait prononcé des mots quasi similaires à son père lors de leur première rencontre. Et voilà qu’à présent, c’était son oncle qui les formulait à son intention.

Un éternel recommencement … mais au final, vide de sens … vide d’intérêt … prémisse d’un échec.

Pourtant, il fallait agir rapidement, ou bien Peter connaitrait le même sort que Lisa. Il attendait une réponse et elle refusait de le condamner.

« Oui Peter … je suis prête … même si j’ignore encore comment je peux arrêter à la fois Sylar et l’entité. »

« Oui Peter … je suis prête … même si j’ignore encore comment je peux arrêter à la fois Sylar et l’entité. »

Lisa accepta la requête, sans pour autant manifester le moindre enthousiasme. Elle n’y croyait pas, mais Peter s’y attendait. Il faut dire que ce qu’il venait de dire avait l’air absurde tellement c’en était audacieux. Mais leur rencontre était loin d’être terminée, et Petrelli avait encore plus d’un atout dans son jeu. Il n’allait bien entendu pas laisser Lisa se jeter une nouvelle fois dans la gueule du loup –des loups même- sans lui fournir son aide. Elle n’était pas prête, mais elle allait bientôt l’être. Lentement, frôlant le sol avec ses pieds afin de ne trébucher sur aucun obstacle, il s’écarta un peu de sa nièce.

- Ce n’est pas toi qui arrêteras Sylar. C’est moi qui m’en chargerai… ou plutôt ma version de cette époque. Mais pour cela, tu dois m’aider en t’occupant de ton père. Tu as le pouvoir de le maîtriser, mais celui-ci n’est pas encore assez développé. C’est pourquoi…

A ces mots, de fins éclairs rouges parcoururent le bras que Peter venait de lever en direction de la jeune femme. Un crépitement à peine audible émanait de ces petites décharges à la couleur étrange.

- C’est le don d’un ami d’Hiro dont j’ai hérité. Il l’appelle le super-chargeur. Même si je trouve ce nom complètement ridicule, je pense qu’il te sera d’une grande utilité. Je vais booster ton pouvoir pour le rendre plus puissant en lui insufflant la force nécessaire pour vaincre l’Entité. Ce ne sera pas une partie de plaisir, mais ça fera de toi quelqu’un de plus fort, et probablement la seule personne capable de sauver ton père.

Tout cela sonnait encore très vague, mais Hiro et Peter y avaient longtemps travaillé. C’était leur seule chance de changer réellement le cours des choses, et Lisa devait suivre à la lettre les consignes. Tout reposait entre ses mains, et cela lui permettrait de jouer un rôle dans cette époque à laquelle elle n’appartenait pas vraiment, de se trouver enfin une place. Avant de la rendre plus puissante, Peter, préféra attendre son accord.

- C’est moi que Hyde est en train de chercher, et je l’ignore encore à l’heure qu’il est. Je n’aurai pas la force de l’arrêter, mais toi si. Du moins, tu l’auras dans quelques instants, si tu es d’accord. Quand tu retrouveras ma version de cette époque, tu lui diras de rassembler autant de monde qu’il peut et d’aller s’occuper de Sylar. Sa présence ne fera qu’envenimer la situation et donner à Hyde plus de puissance. Ce sera à toi de t’en charger.

Le crépitement reprit de plus belle, comme une machine atteinte d’un court-circuit, et les éclairs se concentrèrent dans la paume de Peter.

- Alors, quel est ton choix, Lisa ?

Le plan de Peter était d’une simplicité presque comique. Lisa se chargerait de son père alors que le Peter de cette époque s’occuperait d’arrêter Sylar. Pour aider la jeune rousse dans sa mission, Petrelli lui expliqua que son pouvoir devait encore évoluer, devenir plus puissant. A cette idée, la jeune fille haussa un sourcil, peu enjouée à l’idée de trafiquer sa capacité, et encore plus, lorsqu’elle se rappela que ce serait pour faire face à l’entité.

Le bras de Peter s’enveloppa alors d’éclairs crépitants de couleur rouge. D’après lui, c’était un moyen d’augmenter le potentiel d’une capacité, permettant ainsi à Lisa de tenir tête à l’entité. Elle ignorait de quelle manière cette source de pouvoir fonctionnait, mais l’idée de devoir utiliser cette chose semblable à la foudre ne l’encouragea pas à sauter au plafond. Le son de grésillement incessant ne contribuait pas non plus à la rassurer, lui donnant l’impression qu’elle était un toast géant que l’on allait plonger dans un grille-pain.

D’après Peter, l’entité le recherchait, et le cadet des Petrelli n’aurait aucune chance face au monstre à l’heure actuelle. S’ils venaient à se rencontrer, alors l’entité accéderait une nouvelle fois à une source d’énergie vitale quasi illimitée, renforçant encore d’avantage sa puissance. C’était la raison pour laquelle Lisa devait se charger de cet ennemi, laissant aux bons soins de Peter de régler le problème Sylar.

A présent, la foudre écarlate était lovée dans la paume de Peter, attendant d’être utilisée par la fille de Kerry et d’Alex. L’aveugle semblait ne pas vouloir imposer un tel choix à sa nièce, il attendait son consentement.

Lisa hésita. C’était une histoire de dingue. On lui demandait de mettre les doigts dans une prise dans le seul but de stopper l’inarrêtable. Elle qui pensait être tranquille jusqu’à ce que la mort ne vienne la chercher, elle était presque déçue qu’il reste tant de choses à accomplir avant d’être paisible une bonne fois pour toute.

« Est-ce que … ce sera douloureux ? »

En réalité, qu’importait la réponse, Lisa avait déjà pris sa décision. A dire vrai, elle n’avait pas vraiment le choix. D’un côté, elle pouvait rester seule à se morfondre, laissant son père ruiner l’humanité et son oncle mourir, et de l’autre, elle pouvait tenter de les sauver tous les deux. Le calcul était vite fait. Aussi, avant même de recevoir la réponse de Peter, la jeune fille lui saisit la main.

Le crépitement d’énergie se déchargea alors immédiatement dans son corps, frappant à la vitesse de l’éclair. La sensation n’était pas insupportable. En réalité, Lisa avait l’impression que son corps entier était engourdi, victime de fourmillements généralisés. Généralement, lorsque l’on avait un pied dans cet état, il suffisait de le lever et d’attendre que le phénomène passe … mais comment éviter tout contact lorsque c’est votre corps entier qui est ainsi affecté ? Incapable de tenir plus longtemps debout devant la désagréable sensation, la jeune fille tomba à genoux, se retenant de justesse sur la paume des mains tout aussi engourdie.

Le phénomène le plus étrange et le plus désagréable à la fois, fut surement que ce même état d’engourdissement frappait également le cerveau de Lisa. Elle semblait être totalement incapable de raisonner, de penser ou de parler.

Après de longues secondes, la sensation sembla s’estomper d’elle-même. Essoufflée par la surprise, Lisa haleta un peu avant de se redresser.

« Nom de Dieu Peter, tu ne serais pas aussi important pour moi, je crois que je te persuaderai à vie que tu es une princesse made in Disney ! C’était quoi ce machin ?! J’espère que c’est pas ça ton truc avec les filles, parce que sinon, t’es foutu mon vieux, tu peux devenir moine dans la seconde ! »

Encore sous le choc, Lisa alla s’écraser sur le canapé. Fixant le plafond et tentant d’oublier cette désagréable expérience, elle essaya de détecter un changement en elle.

Mais rien à première vue.

« J’ai l’impression que ça n’a pas marché ton truc Pet’ … Sympa pour faire un barbecue rapide … mais pour l’effet super-chargeur, on repassera je crois. En tout cas, je ne sens pas vraiment de différence … ah mais j’oubliais … c’est vrai … je sens plus rien tellement je suis engourdie. »

Effectivement, encore sous l’effet de la décharge, Lisa n’était même pas capable de percevoir les esprits autour d’elle, comme celui de Peter.

Puis, progressivement, son aptitude lui revint, comme lorsque la vue s’accoutume à une nouvelle luminosité ambiante. Se redressant sur le canapé, elle se concentra alors sur son oncle, parvenant à le cerner correctement.

« Non, c’est bon … je crois que c’est revenu. J’arrive de nouveau à toucher ta conscience. Reste à savoir si ça suffira. »

Le regard noyé en pleine hésitation, Lisa avait de toute évidence du mal à avaler une histoire aussi abracadabrante. Pourtant, Peter et Hiro avaient passé des années à étudier le passé, contraints de constater qu’il s’agissait là de la seule petite lueur d’espoir en vue d’un retour à la paix et de la possibilité de construire un avenir vivable. La jeune rouquine avait été en proie à des sentiments terribles, vivant l’injustice de la mort de ses parents, de son intrusion dans une autre époque et des affronts emplis de violence et de provocations que Sylar lui avait fait subir. Difficile pour un esprit aussi cabossé, aussi meurtri et rongé par des chimères terribles, de se convaincre en quelques minutes que l’avenir du monde reposait entre ses mains. Peter en avait la certitude, c’est la confiance que sa nièce avait en lui qui détermina sa décision. De manière plus rhétorique qu’autre chose, elle demanda si ça ferait mal. Il la sentit s’approcher de lui. Secouant la tête négativement, il répondit d’une voix calme :

- Non, pas vraim…

Il n’eut même pas le temps de terminer sa phrase. Lisa avait déjà attrapé sa main et la posa sur son corps. En théorie, il n’était pas nécessaire d’établir un contact avec la personne visée, cela se faisait idéalement à un mètre de distance. Mais il était trop tard pour y réfléchir. Sans hésiter, Peter mit la gomme, insufflant le plus d’énergie possible à la jeune femme. Une fois la limite du supportable atteinte, il retira sa main d’un geste vif et laissa Lisa souffler. Sans surprise, elle tomba à genoux, haletant et ne s’attendant probablement pas à une telle sensation. En temps normal, un tel pouvoir ne provoquait qu’un léger frisson chez l’être visé, mais Peter avait élevé la dose. C’était le seul moyen de permettre à la rouquine de faire face à Hyde sans perdre la boule. Elle était encore trop engourdie pour le sentir, mais en ce moment-même, ses pouvoirs avaient dépassé tout ce qu’elle aurait pu imaginer en terme de puissance. Mais c’était un don qui était à la base parfaitement maîtrisé par son hôte, donc Peter ne se faisait pas de soucis quant à ses capacités d’adaptation.

« Nom de Dieu Peter, tu ne serais pas aussi important pour moi, je crois que je te persuaderai à vie que tu es une princesse made in Disney ! C’était quoi ce machin ?! J’espère que c’est pas ça ton truc avec les filles, parce que sinon, t’es foutu mon vieux, tu peux devenir moine dans la seconde ! »

Elle n’avait rien perdu de cet humour qui lui était propre. Tout cela paraissait tellement lointain aux yeux de Peter. Il ne put s’empêcher d’étirer un sourire nostalgique en entendant sa nièce se plaindre. Il l’entendit s’affaler sur le canapé le plus proche.

« J’ai l’impression que ça n’a pas marché ton truc Pet’ … Sympa pour faire un barbecue rapide … mais pour l’effet super-chargeur, on repassera je crois. En tout cas, je ne sens pas vraiment de différence … ah mais j’oubliais … c’est vrai … je sens plus rien tellement je suis engourdie. »

Il n’avait pas besoin de le lui expliquer. Elle constaterait rapidement par elle-même que son pouvoir n’était plus le même qu’avant la surcharge. Mais pour l’instant, son esprit était encore trop engourdi. Elle était forte, elle allait se remettre rapidement. Elle avait hérité de la volonté de sa mère, et de l’humour attachant de son père. Deux êtres qui manquaient énormément à ce Peter du futur, l’un étant prisonnier de l’Entité, et la seconde ayant péri en voulant s’opposé à Celle-ci. Tout cela pourrait ne pas se produire, si Lisa en avait réellement la volonté.

« Non, c’est bon … je crois que c’est revenu. J’arrive de nouveau à toucher ta conscience. Reste à savoir si ça suffira. »

Parfait, elle commençait à retrouver ses sens.

- Je suis sûr que ça suffira. Tu n’en as peut-être pas encore l’impression, mais tu remarqueras bien assez vite le changement. Ne t’inquiète pas, même si la sensation est étrange, cela n’a rien de dangereux, surtout pour une personne qui contrôle son don aussi bien que toi.

Il s’approcha d’elle et s’agenouilla à ses côtés.

- Lisa… Je sais que tu as peur, et même que tu es terrorisée à l’idée de revoir cette Chose. Mais je t’en prie, fais-moi confiance, et surtout aie confiance en toi. Tu peux changer le cours des choses. C’est la raison pour laquelle tu as fait ce voyage dans le passé, mais quelques obstacles ne devraient pas suffire à t’arrêter. Nous posons tous nos espoirs sur toi, et je suis sûr que ça t’aidera à te sentir à ta place ici.

D’un geste tendre et bienveillant, il déposa un baiser sur le front de la jeune femme, geste point par point similaire à celui de Sylar, mais ayant en quelque sorte l’effet et le but inverses. Comme si ce second baiser venait effacer le premier.

- Tu es l’une des personnes que compte le plus à mes yeux, Lisa. Je ne t’enverrais pas dans la gueule du loup sans y avoir très longuement réfléchi, même si ce genre d’attitude te paraît encore impossible. Je n’agis plus sur des coups de tête. J’ai confiance en toi, et je sais que tu pourras y arriver.

Heureusement, le bandeau était là pour éponger les larmes qui s’écoulaient des orbites béantes de Peter. Il se releva et se racla la gorge.

- Bon, il faut que je t’explique la suite du programme, maintenant. Ma version du passé… enfin, de ton présent, se trouve actuellement à Miami. L’Entité qui contrôle le corps de ton père est partie à sa poursuite, et ne devrait pas tarder à me retrouver. A l’heure qu’il est, j’ignore encore ce qui va m’arriver. Je vais te téléporter là-bas. Une fois arrivée à destination, tu m’avertiras du danger qui approche. Tu me diras de me téléporter dans un lieu sûr et de te faire confiance, que tu t’occuperas de Lui. Là, ce sera à toi de jouer.

Peter se sentait assez nerveux, prenant conscience que tout reposait entre les mains de la jeune femme. S’il ne remarquait aucun changement en retournant dans son époque, cela voudrait dire qu’il aurait échoué, et qu’il serait condamné pour l’éternité à voir le monde saigner, suinter la peur et la haine, subissant les assauts interminables de deux forces bien trop puissantes que pour que l’on puisse les résister. Un avenir comparable à l’Enfer pour quiconque y vivrait.

Peter était convaincu de son plan. La voix pleine de certitude, il assura à Lisa qu’elle ressentirait bientôt les effets de ce super-chargeur. Selon lui, pour quelqu’un comme la jeune rousse, une personne maîtrisant son pouvoir depuis de nombreuses années, ce n’était absolument pas dangereux. Dans la voix du jeune homme vibrait la même assurance que Lisa lui avait toujours connue. Peter s’agenouilla à côté de la jeune femme afin de tenter de bannir tout doute et toute peur de l’esprit de sa nièce. Il remettait tous ses espoirs en elle. A ce moment là, Lisa retint sa respiration quelques secondes.

Si Peter voulait éviter de la faire flipper et de lui mettre la pression, c’était raté. Pourtant, elle avait toujours eu confiance en lui, aussi, préféra-t-elle poursuivre sur cette voix et de nouveau croire en ce qu’il lui racontait. Le baiser qu’il lui déposa sur le front, rappela à la jeune Dumont son enfance.

Peter avait raison ! Elle n’avait pas enduré tant de choses, survécu à tant d’horreurs, fait tant de compromis et voyagé de si loin pour baisser les bras maintenant ! Jusqu’au bout elle se devait de lutter et de garder la tête haute. Non pas pour Peter, non pas pour ses parents, ni pour Angela ou le reste de l’humanité. Non ! Elle se devait de rester droite et prête à remuer ciel et terre uniquement pour elle. Pour ne pas se trahir. Oui ! Elle trouverait l’entité et lui ferait comprendre une bonne fois pour toute qui était le boss ! Libérant ainsi son père, tout le reste se suivrait de la meilleure façon qu’il soit. Ses parents seraient de nouveau en sécurité et Peter ne serait plus menacé. Tous pourraient de nouveau reporter leur attention en commun sur Sylar et l’écraser une bonne fois pour toute.

Soudain, la voix de Peter sembla se modifier. Ses dernières paroles semblaient d’une intensité sentimentale rare. Non … ce n’était pas sa voix qui avait changé. Tout du moins, ce n’était pas ça que Lisa avait senti. Effectivement Peter éprouvait de fortes émotions à cette seconde même, la jeune rousse le sentait. Puis, comme par pudeur, Peter se releva et se racla la gorge.

Il expliqua alors la suite du plan. Il allait téléporter Lisa à Miami, là où se trouvait le Peter de cette époque. Elle lui demanderait alors de se mettre en lieu sûr, afin d’échapper à l’entité, le temps que la jeune rousse s’en occupe. Ceci expliqué, le cadet des Petrelli sembla soudain nerveux. Une fois encore, Lisa le sentit plus qu’elle ne le remarqua.

Se relevant à son tour, elle regarda Peter droit dans ce qui aurait dû être ses yeux. Puis, un léger sourire sur les lèvres, elle caressa délicatement du pouce la pommette de Peter, juste sous le bandeau, comme pour essuyer une larme invisible.

« Il n’y a aucune honte là dedans Peter … qui plus est, tu viens de me donner le pouvoir de voir ton âme verser des larmes plus que tes propres yeux … Ne te cache pas. Je m’occuperai de l’entité et tout rentrera dans l’ordre. »

Saisissant le visage de son oncle à deux mains, elle l’abaissa de manière à ce qu’il « regarde » la jeune femme dans les yeux.

« C’est normal d’avoir peur de ce que tu trouveras à ton retour. Mais rassure-toi. Tu as fait tout ton possible ici. Tu n’aurais pas pu faire mieux. Tu m’as offert plus qu’un pouvoir doppé. Peter, tu viens de me rapporter l’Espoir. »

Lisa enlaça alors Peter et se serra contre lui. La tête posée sur son épaule, elle poursuivit.

« Un jour, papa m’a dit que l’espoir est la dernière chose qui reste à un homme qui a tout perdu. Rien ni personne ne peut le lui prendre. C’est l’homme lui-même qui choisit de s’en défaire. En revanche, l’homme peut partager son espoir avec les autres. C’est ce que tu viens de faire et pour ça, je ne pourrai jamais t’être assez reconnaissante. »

Puis, Lisa s’écarta, tenant Peter par les épaules et s’adressant toujours à lui en le regardant droit dans le bandeau.

« Ok, il est temps d’y aller … mais, si je peux me permettre, on va éviter d’y aller à l’aveugle. »

Lisa posa alors sa main droite sur la tempe de Peter, puis, elle plaça son autre main sur sa propre tempe. En une fraction de seconde, la connexion s’effectua et Peter vit de nouveau à travers les yeux de sa nièce au travers d’un lien télépathique.

« Ok, c’est assez sommaire, mais ça devrait suffire pour l’instant. Tu as raison, mes pouvoirs sont déjà … différents. »

Saisissant une main de Peter, Lisa tourna la tête en direction d’un miroir accroché sur un mur juste à côté d’eux. Elle y vit leur reflet et s’y adressa en souriant.

« Je suis prête Pet’, c’est quand tu veux. »

Peter sentit le doigt de Lisa effleurer sa peau sous son bandeau, comme si elle voulait essuyer les larmes épongées par le tissu. Pas de doute, elle avait retrouvé toutes ses capacités. Elle avait toujours été très tactile avec ses proches, comme si elle avait besoin de les toucher pour se rassurer, pour être sûre qu’ils étaient bien là pour elle, et qu’elle se raccrochait à eux. Déjà toute petite, elle adorait les câlins et ne cessait de s’agripper à ceux qu’elle aimait. La peine qu’elle avait dû ressentir en perdant ses parents était inimaginable, Peter avait des frissons rien qu’en y pensant.
Au moins, il avait réussi à lui redonner de l’espoir, elle semblait désormais convaincue et déterminée à affronter l’un de ses pires démons. Heureux de ne pas avoir fait cet ultime voyage pour rien, ou pour empirer une fois encore les choses, Peter prit Lisa dans ses bras et un sourire apparut pour la première fois sur son visage. Il passa la main dans les cheveux de cette petite tête rousse tellement bornée, qui reposait sur son épaule.
Lorsqu’elle cita une phrase que son père lui avait dite, il la fixa avec ce qui aurait été un air surpris.

- Quoi, ton père a vraiment dit ça ? Je sais qu’on vient de dimensions différentes, mais là ça relèverait presque de la science-fiction ! Une telle sagesse ne lui ressemble pas !

Lisa s’éloigna un peu de Peter, posant les mains sur ses épaules. Encore et toujours ce contact dont elle avait du mal à se passer. Elle semblait prête à commencer sa mission, celle qui serait probablement la plus importante de sa vie, et qui changerait le destin de beaucoup de personnes. Le moment fatidique allait enfin arriver. La gorge de Peter commençait à se serrer, c’était une véritable terreur qui s’emparait de tout son être rien qu’à l’idée de retourner de là où il venait afin de constater si oui ou non, son plan –leur plan- avait fonctionné. Il était persuadé que s’il échouait, l’âme de son ami Hiro ne trouverait jamais la paix.

Suite à une insinuation qu’il avait eu du mal à saisir, Peter sentit les doigts pleins de grâce de sa nièce se déposer sur sa tempe. Que faisait-elle encore ? Tout à coup, il eut un choc tellement violent qu’il faillit en tomber à la renverse. Non, il ne rêvait pas… Il voyait !

Il voyait avec de véritables yeux, même s’il ne s’agissait pas des siens. Il n’avait pas bénéficié de ce formidable cadeau qu’est la vue depuis tellement longtemps qu’il en avait presque oublié quelle sensation cela produisait. Certes, il voyait à travers les yeux de Lisa, ce qui perturbait quelque peu son sixième sens, mais c’était mieux que rien. Effectivement, les pouvoirs de sa nièce n’avaient plus rien de comparable avec ce qu’elle était capable de faire auparavant. Tout ça relevait presque du miracle. La rouquine tourna la tête en direction du miroir et Peter les vit tous les deux, côte à côté. Elle était aussi belle que dans ses souvenirs, ayant hérité de la chevelure enflammée de sa mère et du regard espiègle de son père. Peter, à côté, faisait pâle figure, avec son bandeau, son teint blafard et son éternelle cicatrice. Mais ça n’avait aucune importance. Il était fier de sa petite protégée, et il était sûr que ses parents le seraient eux aussi.

« Je suis prête Pet’, c’est quand tu veux. »

Sans quitter le miroir des yeux (à vrai dire, il n’avait pas trop le choix), il s’adressa à Lisa.

- Je ne sais pas si tout rentrera dans l’ordre, ce serait sûrement naïf de penser une chose pareille. Tu commences à ressembler à ton oncle !

Il fit le fameux sourire en coin dont lui seul avait le secret.

- Mais je sais que grâce à toi, notre avenir sera meilleur. J’ai confiance en toi, Lisa. Tu vas y arriver.

Presque à regret, il posa l’une de ses mains sur les yeux de Lisa, obscurcissant par la même occasion sa propre vue. Il était dangereux de garder les yeux ouverts pendant un voyage spatial ou temporel, le changement du nombre de stimuli visuels pour le cerveau était bien trop violent. La transition s’effectuait plus aisément avec une pause dans l’obscurité qu’offrait une paire de paupières.

- Allons-y…

Et ils disparurent, ne laissant derrière eux qu’une brise légère dans l’appartement à présent désert de Peter.

* * *

Même si la nuit commençait à tomber sur Miami, la chaleur étouffante était toujours là, enivrante à souhait. Le plancher de l’appartement avait laissé place à un sol friable, instable. Le sol d’une plage de sable fin, lieu favori des jeunes couples en quête de romantisme et de sensualité. Peter retira sa main du visage de Lisa et recouvra cette vue qui n’était pas la sienne. Délicatement, il fit tourner la jeune femme sur elle-même afin de jeter un coup d’œil rapide aux alentours. Au moins, il ne s’était pas trompé d’endroit. Difficile d’oublier un lieu si important, à vrai dire. Ils avaient un peu d’avance, il avait du temps devant lui, avant de devoir repartir d’où il venait.

- Hyde arrivera par ce côté, dans environ une trentaine de minutes.

Joignant le geste aux paroles, il tourna la tête de Lisa dans la direction qu’il venait d’évoquer.

- Tu vas le suivre. Ne t’en fais pas, il sera bien trop ébloui par l’aura rayonnante du moi de cette époque-ci, il ne te remarquera même pas. N’essaye surtout pas de me chercher, car heu… je ne suis pas sûr que tu apprécierais ce que tu trouverais.

C’était cette nuit-là précisément qu’il avait succombé aux charmes de la belle Hayden, et que les tourtereaux s’étaient adonnés à des ébats passionnés sur la plage. Heureusement, les joues de Peter, devenues pourpres, le paraissaient moins avec le coucher de soleil. C’était aussi ce soir-là qu’Hayden avait perdu la vie, rattrapée par son triste destin, qu’Hiro avait pourtant tenté d’éviter une fois, à Central Park. Elle avait voulu s’opposer à Hyde pour protéger Peter. Un geste stupide qui lui avait coûté la vie. Le cadet Petrelli ne se l’était jamais pardonné, il se sentait responsable de cet accident qui avait pendant longtemps brouillé ses relations avec le Japonais. Encore quelque chose qui disparaitrait à jamais et ne deviendrait qu’un mauvais souvenir si le plan était mené à bien.

- Je ne vais pas tarder. Si Hyde sent ma présence dans les parages, il se méfiera, et je risque encore de faire une boulette sans le vouloir. Merci de m’avoir permis de retrouver la vue pendant quelques instants… et bonne chance.

Il la prit une dernière fois dans ses bras, avec la bienveillance d’un grand-père débordant d’amour pour ses rejetons. Il paraissait physiquement encore jeune, mais il n’avait pas loin d’une centaine d’années, après tout. A nouveau gagné par ce sentiment qui lui pinçait la gorge et faisait émerger les larmes, il arriva à peine à murmurer à sa nièce.

- Je t’aime très fort, Lisa.

Puis il recula de quelques pas, et disparut. Le cœur battant, il était retourné d’où il venait, afin de constater si oui ou non, le monde avait été sauvé de ses pires souffrances.

Spoiler:

Posant une main sur les yeux de Lisa, Peter lui obscurcit la vue. Comprenant que le moment était venu et que bientôt ils allaient se téléporter, la jeune femme ferma les yeux. Elle n’en était pas à son premier voyage de la sorte. Même bien avant de revenir à cette époque en compagnie d’Angela, Lisa avait eu l’occasion à plusieurs reprises de se déplacer ainsi.

Se rapprochant de Peter, elle se prépara alors au transfert. Comme à chaque fois, la sensation et le son caractéristique de la téléportation lui indiquèrent qu’ils étaient arrivés.

La sensation était toujours la même : une forte pression sur l’ensemble du corps, durant un bref instant, rapidement dissipée. C’était la pression qu’exerçait l’air chassé du volume qu’ils occupaient à présent dans l’espace. Durant un court lapse de temps, cet air comprimé les corps avant de rapidement se voir disperser dans le reste de l’atmosphère ambiant.

Et le son, c’était également toujours le même. Le même son que produisait un violent et soudain appel d’air. La raison en était toujours la même. C’était une nouvelle fois l’air chassé par les corps qui émettaient ce chuintement au niveau du conduit auditif.

Se sachant arrivée destination, Lisa s’écarta alors de Peter, sans toutefois le lâcher. Elle rouvrit également les yeux lorsque le cadet des Petrelli en ôta sa main. Puis, la tenant par les épaules, il la fit pivoter sur elle-même, sans doute pour utiliser la vue de la jeune fille et ainsi s’assurer qu’ils étaient à bon port.

Ils étaient sur une plage. Face à eux, la mer l’océan s’étendait à perte de vue. Dans leur dos, un couché de soleil serait bientôt dissimulé par les bâtiments d’une ville. D’ici peu, la nuit dévorerait cette journée. La chaleur était à peine atténuée par la brise maritime.

Peter désigna alors un point, c’était depuis cet endroit que l’entité viendrait afin de s’emparer du Peter de cette époque. Visiblement, la créature, trop obnubilée par ses projets ne remarquerait pas Lisa. Peter lui déconseilla également de ne pas chercher à trouver son double sur cette plage pour le moment. Visiblement, quelque chose gêné le jeune homme, aussi, la fille de Kerry préféra ne pas insister. Soudain, le visage de Peter sembla se voiler de chagrin.

L’heure était venue. Peter devait retourner dans son époque alors qu’il en était encore temps. S’il restait trop longtemps, il craignait de commettre l’irréparable. Serrant une dernière fois Lisa dans ses bras, il lui fit ce qui ressembla à des adieux. Puis, il s’écarta et finalement, disparut dans le claquement sec de l’air qui s’engouffre dans l’espace qu’il occupait juste avant.

Seule sur cette plage, Lisa laissa une larme couler sur sa joue avant de l’essuyer d’un revers de la main. Peter était parti pour de bon. Le lien télépathique qu’elle avait tissé avait complètement disparu.

A présent, il le lui restait plus qu’à attendre la venue de son père, puis, à le suivre pour sauver Peter.

En attendant, Lisa s’assit sur le sable chaud, le regard perdu dans le lointain de l’océan, les derniers rayons de soleil réchauffant ses épaules.

Malgré la température élevée, Lisa tremblait.

Le soleil disparaissait et avec le crépuscule de cette journée venait peut-être également le crépuscule des hommes.

Spoiler:

» Rencontre du 4ème type [pv Alex Dumont]
» Le Destin de Lisa [PV Peter, Alex]
» To boldly go where I have nerver gone before [Alex Dumont]
» When Alex meet Symphony...
» L'appel du destin [PV Alex Dumont et Timidy Shy]