Rencontre du 4ème type [pv Alex Dumont]

- Est-ce que je vais souffrir ?

" Je n'en sais rien Alice. Mais si je le savais, voudriez vous réellement savoir ? "

- Je ne sais pas Gary, je suppose que oui. On souffre moins quand on s'attend à souffrir, non ?

" Mhm ... Quand j'étais petit j'ai eu un accident de vélo. J'avais coincé un bâton entre mes mains et le guidon, sans me rendre compte que ça me privait d'accès aux freins. J'ai foncé à toute vitesse dans un mur. Je l'ai vu arriver de loin. Quand le choc s'est produit, j'ai décollé et ma tête à heurté violemment le crépis. J'ai perdu deux dents et me suis cassé le bras droit. J'ai souffert comme jamais je n'ai souffert, et pourtant ce mur je l'ai vu arriver. "

Alice souria.

- Vous êtes censé me remonter le moral pas me faire peur

" Je ne suis pas censé vous mentir non plus. Il existe un risque que vous souffriez le martyr. Mais si vous priez Dieu quand vous sentez que la fin est proche, peut être entendra-t-il votre appel et apaisera votre douleur. "

- Pff ! Je prie Dieu chaque jour depuis que je sais que je vais mourir. Je le prie de m'accorder une rémission pour mon cancer, de ne pas priver mes jeunes enfants de l'attention de leur mère, ni mon mari de tout l'amour que je lui porte. Je sens la mort venir et tout ce que je constate c'est que Dieu fait la sourde oreille

" Ne dites pas ça Alice. Ne perdez pas confiance en lui. Vous savez, je suis persuadé qu'il a un plan pour chacun de nous. S'il attend de vous que vous le rejoignez à ses côtés c'est peut être pour une raison "

- Peut être ?

" Les voix du Seigneur sont impénétrables Alice ... "

Pas le temps d'en dire plus. Je vois ses pupilles se dilater, puis ses paupières se mettre à trembler, et enfin tout son corps convulse. Les infirmières arrivent.
Je sors de la chambre et remonte le couloir pour finir par sortir de l'hôpital. L'après midi était à peine entamé.

Quand je téléphona plus tard dans la soirée on m'apprit que les tentatives de réanimations s'étaient succédé pendant des heures. Alice revenait, puis repartait. Se prendre des massages cardiaques et des coups de défibrillateurs pendant plusieurs heures ... Elle avait finit par souffrir le martyr. Je raccrocha le téléphone avec l'infirmière et alla prendre une douche. Le visage d'Alice m'apparaissait une dernière fois dans mon esprit, puis disparu pour être rangée avec toutes les autres personnes que j'avais déjà vu mourir.

Je ne suis pas aller travailler le matin suivant.
Oh, rassurez-vous, rien à voir avec Alice ou un quelconque traumatisme, c'était juste samedi matin.
Le samedi matin je ne vais pas à l'hôpital. En revanche l'après midi je sors me promener dans les rues, j'essaye de trouver des personnes dans des situations de mort imminente.
Mon occupation de l'après midi c'est de déjouer les plans de la faucheuse.
J'admet que Dieu à un plan pour chacun de nous, et bizarrement le plan qu'il a pour moi c'est de contrecarrer certains de ses plans. Je ne me l'explique pas de façon simple parce qu'il n'y a pas selon moi d'explication simple pour définir le Tout Puissant dans toute sa complexitude.

Des fois j'en rigole.
Par exemple, lorsqu'il me suffit de dire deux mots à une personne, de la retarder ne serait-ce que quelques secondes pour éviter qu'elle ne se prenne le bus qui était censé la renverser.
Ou encore quand il me suffit de déplacer un objet qui était sur le point de faire trébucher un enfant qui se serait brisé la nuque sur le trottoir.
Parfois, c'est moins drôle. Quand je fais tout pour éviter le pire et que le pire arrive quand même. Je déteste me sentir impuissant.

Ça me rappelle quand j...

" OUCH ! "

Je bouscule quelqu'un sans faire exprès. J'étais perdu dans mes pensées. Je regarde la personne: un jeune homme.

" Toutes mes excuses j'étais ailleurs je ne regardais plus où je marchais, vous allez bien ? "

Je le regarde droit dans les yeux et j'ai déjà la réponse à ma question. Il est menacé, lui aussi, la mort rode autour de lui, il va la côtoyer prochainement, non, il la côtoie déjà. C'est en lui, quelque chose en lui.
Il fallait à tout prix le mettre en garde sans pour autant l'effrayer.

" Je suis terriblement désolé, permettez que je me fasse pardonner en vous offrant quelque chose à boire. Vous aimez le café ? Ou un milkshake peut être ? "

L’immigration … Le genre de service américain qui tient son travail très à cœur semble-t-il. Si Alex ne souhaitait pas se voir jeté dans un avion en direction de son pays natal, il avait plutôt intérêt à se dépêcher de régler toute cette histoire administrative au plus vite. Glissant l’intégralité des documents demandés dans une enveloppe de grand format, il s’assura ensuite que cette dernière était correctement collée. Rapidement, il inscrivit l’adresse du destinataire puis ajouta la dernière touche à son coli en y collant un timbre. Une seule chose restait à faire à présent : poster l’enveloppe.

Attrapant sa veste ainsi qu’un trousseau de clé, Alex quitta l’appartement en claquant doucement la porte derrière lui. Comme à leur habitude, les rues de New York étaient bondées de monde, un flux constant de marée humaine circulant dans un balai inépuisable. Connaissant le quartier, le français savait exactement où se diriger pour mettre la main sur une boite aux lettres. Une fois cette dernière trouvée, il y glissa ce qui, espérait-il, lui permettrait de rester plus longtemps sur le territoire américain. Père d’une jeune américaine, ceci ne devrait normalement plus poser de problème dans l’avenir.

Alors qu’il prenait le chemin du retour, il fut bousculé par un homme d’une cinquantaine d’années. Chose courante dans cette ville tant la quantité de personnes était importante. Immédiatement, l’homme se confondit en excuses, demandant même si sa victime se portait bien. Alex lui sourit.

« Aucun souci monsieur. Ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai connu pire. »

Le mot était faible. Si cette bousculade avait pu être la pire épreuve rencontrée par le jeune homme dans sa vie, il aurait signé tout de suite.

L’homme le fixa soudain droit dans les yeux, et fut soudainement comme pris d’une forme d’intérêt étrange. Un peu mal à l’aise d’être observé comme ça, Alex tenta de comprendre rapidement ce qui pouvait attirer ainsi l’attention sur lui. Un épi dans ses cheveux ? Une trace de dentifrice au coin des lèvres ? Par pur réflexe, le jeune homme se passa une main dans les cheveux tout en se frottant les lèvres de l’autre. Pourtant, l’attrait que semblait lui porter cette homme persistait.

Pour toute explication, ce dernier lui proposa de lui offrir quelque chose à boire afin de s’excuser de sa maladresse. Dans un premier temps, Alex faillit répondre que ce ne serait pas nécessaire. S’il avait dû offrir un café à chacune de ses bourdes, les Starbucks seraient certainement deux fois plus riches qu’à l’heure actuelle. Pourtant, depuis peu, il avait appris que jamais rien n’était dû au hasard. Tout avait une raison d’être. Encore fallait-il juste laisser une chance à cette raison de se mettre à la lumière.

Alex avait la forte sensation que la proposition de l’homme en face de lui était plus dû à sa subite curiosité envers la personne du français, plus qu’à une éventuelle manière de s’excuser pour une petite bousculade. Tourner le dos au Destin n’était jamais une bonne idée.

« Et bien, pourquoi pas ? J’ai du temps devant moi. Si vous tenez vraiment à m’offrir un café, je vous suis. »

Le jeune homme tendit alors une main à son interlocuteur.

« Vous n’aurez qu’à m’appeler Alex. »

Jepris la main du jeune homme dans la main et la serra avec convivialité. Il se présenta à moi comme étant "Alex". Prénom à part entière ou diminutif d'un nom plus long ? On ne le saura pas maintenant.

" Enchanté ! Suivez moi, je connais un endroit fort sympathique tout près d'ici "

J'emboita le pas à mon interlocuteur et indiqua ainsi le chemin à prendre. Nous avons ensuite marché pendant quelques brèves minutes sur le trottoir new-yorkais avant de pénétrer dans le Queens. C'est là, à l'angle de deux petites routes, que se trouvait une petite gargote couleur orange salie. J'invita Alex à entrer. Immédiatement, une serveuse âgée mais tout ce qu'il y avait de plus sympathique et bonne vivante se présenta à nous. A peine trois minutes plus tard, nous étions installés confortablement et déjà servis. Pour l'anecdote, j'ai commandé un thé à la cannelle.

" Doux Jésus, mais je ne me suis même pas présenté !"

Je plongea instantanément ma main dans ma poche intérieure droite pour en sortir une carte de visite blanche. Une croix de Jésus en or brillant illuminait ce petit morceau de carton.

" Gary Raibelg. J'assiste les personnes en fin de vie dans leurs
derniers instants. Et vous Alex, qu'est-ce que vous faites dans la
vie ? "

En parlant mon regard se tourna vers une table voisine où une mère regardait son très jeune fils manger une glace.
Tout alla très vite.
Je bondis littéralement de la table où j'étais assis avec Alex, j’écarta ma main droite pour n'en fait plus qu'une gigantesque machine à gifles. Je frappa la guêpe du plat de la main et l'envoya s'écraser sur la table entre le petit garçon et sa mère.
A une ou deux secondes prêt, elle entrait dans sa bouche, il l'avalait, et c'en était fini pour lui.

La dame me regarda, elle mit un certain temps à comprendre ce qui venait de se passer. Elle finit par me remercier. Je me rassis
humblement en face d'Alex.

" Désolé pour cette … interruption "

Le regard que m'adressait Alex à ce moment là en disait long. Il fallait que je lui parle de ce que j'étais capable de faire. La question allait paraître bizarre peut importe la façon dont je pouvais la tourner, alors autant la poser comme elle venait :

" Vous ne vous êtes jamais demandé si … La façon … dont Dieu
nous a créé n'était pas en fait une sorte de mission qu'il nous a confié ? "

L’homme serra alors la main que le français lui tendait, et l’invita à le suivre. Tous deux arpentèrent les rues de New York jusqu’à un restaurant ne payant pas de mine. La couleur plus que démodée fit douter un instant le jeune homme. Avec tout ce que la ville comptait de points de restauration, c’était ça que l’individu avait choisi, le qualifiant d’endroit sympathique. Préférant laisser le bénéfice du doute à son interlocuteur, Alex le suivit sans rechigner. L’ambiance à l’intérieur était totalement différente. Chaleureuse et conviviale, l’atmosphère de l’endroit ressemblait à un film des années soixante. Une serveuse plus toute jeune vint à leur rencontre et leur proposa une place avant de prendre leur commande.

Soudain, l’homme, à présent assis en face d’Alex, se rendit compte qu’il avait omis de se présenter. Face à cette réaction, le jeune homme laissa paraitre un sourire, souhaitant dissiper le malaise de … Gary. Ce dernier tendit une carte de visite au français. D’un style simple, un détail n’échappa toutefois pas à l’œil du jeune homme : la croix chrétienne dorée, imprimée sur le côté de la carte. Tout de suite, le « doux Jésus » prenait un autre sens. Saisissant la carte, Alex acheva de la lire tout en apprenant que Gary travaillait dans ce qui semblait être une forme de soins palliatifs. Décidément, c’était la seconde fois qu’il rencontrait une personne ayant pour métier d’accompagner les gens en fin de vie. Peter avait été la première. La Mort était-elle donc si intéressante pour que tant de personnes aiment à être en sa présence au moment où elle saisissait une vie ? Pour Alex, la réponse était clairement négative.

L’homme demanda alors tout naturellement ce que faisait le français comme métier, mais avant que ce dernier n’ait le temps d’ouvrir la bouche pour répondre, Gary s’était tourner, observant une mère et son fils installés juste derrière lui. Se levant d’un bond, il sembla chasser l’air de sa main, donnant une violente gifle à une personne imaginaire.

Ce fut un son mâte sur la vitre qui fit comprendre à Alex ce qu’avait voulu faire son interlocuteur. La claque avait été destinée à une guêpe qui venait de terminer son existence lors de l’impact avec la baie vitrée.

Un sourcil relevé, Alex restait muet devant ce spectacle, pas moins perplexe. Même s’il avait compris la raison du geste, le français ne saisissait pas la finalité de la succession d’évènements auxquels il venait d’assister. Etait-il possible que Gary ait agi ainsi pour protéger quelqu’un ? Avait-il repéré l’insecte avant ou après avoir regardé la mère et son fils ? Devant l’air circonspect du jeune homme, Gary se sentit visiblement obligé de s’excuser. Puis, il posa une étrange question.

" Vous ne vous êtes jamais demandé si … La façon … dont Dieu
nous a créé n'était pas en fait une sorte de mission qu'il nous a confié ? "

Quelques secondes, Alex réfléchit à la question, mais surtout au sens que lui donnait Gary et à la manière d’y répondre sans offenser l’homme pieux qu’il semblait être. Nerveux, Alex lâcha un discret rire tout en souriant.

« Désolé monsieur Raibelg … mais je ne pense pas être ce que vous qualifieriez de bon chrétien. Pour être honnête, je ne crois pas en Dieu, mais je respecte les gens qui ont la foi. J’ai mes convictions personnelles, mais elles sont différentes de celle de la chrétienté. A la rigueur, dernièrement, j’aurai plus tendance à croire au Destin, même si le fait de ne pas pouvoir être réellement libre de ses choix me dérange. »

Alex but une gorgée du café que la serveuse venait de lui apporter.

« Ok, je l’admets : on peut dire d’une certainement manière que Dieu et le Destin sont un seul et même concept désigné sous deux noms différents. De là à savoir si une personne dotée de certaines qualités, les a obtenues en vue de faire de grandes choses, et par conséquent, se doit de faire de grandes choses et de mettre ces qualités au service des autres … pourquoi pas ? Mais encore une fois, chacun est libre d’agir comme il l’entend. »

Le jeune homme observa de courtes secondes la guêpe inerte sur le rebord de la fenêtre.

« Vous par exemple, vous semblez capable d’aider les gens qui s’apprêtent à nous quitter. Vous avez cette force, cette capacité à côtoyer la Mort sans perdre pied. C’est noble de votre part d’avoir mis ce talent aux services des autres. C’est votre choix d’agir ainsi. Pourtant, en suivant cette théorie de la mission divine, vous déclinez la possibilité que ce choix soit de votre seul ressort ? Il serait alors un choix imposé par quelqu’un d’autre. Pourquoi pas ? Je préfère penser que c’est votre choix et non … le Sien. Sinon, dans votre cas, ce serait cruel. »

Regardant de nouveau l’insecte, Alex retint son souffle un instant, une boule semblant se former dans la gorge à l’idée de ce qu’il allait dire. Le sujet était sans doute bien plus personnel qu’il n’y paraissait au premier abord.

« Imposer la présence de la mort à une personne est tous sauf une preuve de clémence. J’espère pour vous que c’est votre choix de vous tenir à ses côtés … car tout le monde n’a pas la chance de choisir. »

La première réponse que je reçus était celle que j'étais en droit d'attendre après avoir donné ma carte de visite. Comment un jeune homme comme Alex pouvait-il parler d'une autre sorte à un individu proche de Dieu, qui en atteste l'existence et soutient les bontés ? Je ne lui avais laissé guère le choix en lui collant sous les yeux cette carte de visite ornée d'une grosse croix.

" J’ai mes convictions personnelles, mais elles sont différentes de celle de la chrétienté. A la rigueur, dernièrement, j’aurai plus tendance à croire au Destin, même si le fait de ne pas pouvoir être réellement libre de ses choix me dérange. [...] De là à savoir si une personne dotée de certaines qualités, les a obtenues en vue de faire de grandes choses, et par conséquent, se doit de faire de grandes choses et de mettre ces qualités au service des autres … pourquoi pas ? [...]Pourtant, en suivant cette théorie de la mission divine, vous déclinez la possibilité que ce choix soit de votre seul ressort ? Il serait alors un choix imposé par quelqu’un d’autre [...] Imposer la présence de la mort à une personne est tous sauf une preuve de clémence. J’espère pour vous que c’est votre choix de vous tenir à ses côtés … car tout le monde n’a pas la chance de choisir. "

Autant de phrases toutes plus sages les unes que les autres. J'étais sur de me trouvé en face d'un individu d'une bonté profonde intacte. Le genre d'homme qui pourrait se comporter de façon incorrecte mille et une fois sans changer sa vraie nature, cette pureté qui rayonne des tréfonds de son âme. Après une nouvelle gorgée de mon thé à la cannelle, je prends ma serviette pour m'essuyer la bouche. J'esquisse un petit sourire amusé, tout ce qu'il y a de plus amicale néanmoins.

" Et vous pensez que parce que j'ai fait le choix de croire en quelqu'un de supérieur fait de moi un homme moins libre que vous ne l'êtes ? Choisir d'avoir la foi ou non ne redéfinit pas les bases de la science, car c'est bien sur cet aspect là que ma question se portait. Mais vous n'y êtes pour rien, c'est moi qui me suis mal exprimé.

Je pense que les qualités qui nous ont été donné sont là pour motiver notre libre arbitre. Un tel individu a hérité d'une grande force et de deux yeux verts, et il est libre d'en disposer à sa guise. Que ce soit pour aider les autres ou pour répandre la terreur, il en répondra devant qui de droit le moment venu : juge, avocat, Saint Pierre, peu importe. Cette approche est la même que l'on considère que ce soit Dieu notre créateur ou Mère Nature.

Mais lorsque je vous ai demandé si la façon dont Dieu nous a créé n'était pas une mission qu'il nous donnait, je faisais référence à autre chose que nos qualités. Je parle de ces gens que l'ont voit partout, à la télévision, hélas souvent pour de mauvaises raisons. Le nom de Sylar ou des Sons of Liberty en fait trembler plus d'un. Pourquoi certaines personnes se sont retrouvées dotées de telles capacités, et d'autres non ? Une sélection naturelle ? Avec de tels résultats ? Je n'y crois pas une seule seconde.

Quelqu'un a choisi ces individus, leur a donné ces pouvoirs dans un but précis. Certains s'acquittent de leur mission et se servent de ce don pour rendre leur quotidien et celui des autres plus agréables. D'autres en revanche ne s'en montrent pas digne et salissent le potentiel qui est le leur. L'humain est imparfait, Dieu ne le changera plus ... si tant est que c'est lui qui nous a créé, pour abonder en votre sens.

Ce qui m'amène donc à vous avouer que je suis moi même une de ces personnes, avec des capacités extraordinaires. Si je peux rester stoïque malgré ma présence quasi-constant aux côtés de l'au-delà, c'est parce que je sens la mort venir un peu avant qu'elle ne frappe.

D'où le geste inexpliqué de tout à l'heure. J'ai senti que si je ne tuais pas cet insecte, il causerait la mort de ce petit garçon. Après, peut être que je me trompe et qu'il se serait tout simplement envolé ailleurs. Mais est-ce que le risque valait la peine d'être encouru ?
De toute manière avec mes expériences passées je sais que je ne me trompe jamais. Les quelques fois où j'ai hésité j'ai vu des personnes se faire renverser par des voitures ou se briser le cou sur un trottoir. La Mort, inéluctable, à chaque fois.

Toutes ces phrases et explications barbantes pour en arriver à la véritable raison de notre présence ici, même si je sens que vous avez certainement déjà quelques petits doutes à ce sujet. Bien que je sois quelqu'un de très poli, je n'offre jamais de café à une personne que je bouscule. La raison pour laquelle vous êtes ici, assis en face de moi, Destin ou non, c'est parce que mon pouvoir m'indique que vous allez côtoyer la mort dans très peu de temps. Et parce que je crois dur comme fer à ma théorie d'une mission donnée par Dieu, je suis dans l'obligation de vous aider à y échapper. "

A présent je laisse le silence s'installer. J'ai beaucoup parlé, mais c'était nécessaire selon moi pour qu'Alex ne soit pas perdu. Peut être est-il un peu effrayé maintenant, mais je suis convaincu d'avoir les capacités pour l'aider à rester en vie. La question qui se pose maintenant est: Alex va-t-il me croire ou continuer sa route en m'ignorant ?

Visiblement, Gary souhaitait aller plus loin dans son raisonnement. Sa question ne portait pas uniquement sur les qualités et les capacités de tout un chacun, d’un individu lambda. Non, il parlait d’autre chose. Ce à quoi il faisait référence était beaucoup plus fort et rare. Rapidement, Alex vit où son interlocuteur voulait en venir. Bien évidemment, le sujet des spéciaux ne mit pas longtemps à arriver sur le tapis.

Comme dans de nombreuses choses dans la vie, tout était une affaire de choix. Les spéciaux, au même titre que les gens normaux, étaient libres de choisir un parti : agir pour le bien de tous, ou au contraire, agir dans un intérêt beaucoup plus sombre et personnel. A la mention du nom de Sylar, le français baissa les yeux, fixant le centre de sa tasse de café.

Puis, Gary finit par avouer que lui-même faisait parti de ces individus dotés de pouvoirs. Dés lors, Alex releva la tête, fixa l’homme assit en face de lui droit dans les yeux. Il était en mesure, grâce à sa capacité, de sentir venir la mort avant qu’elle ne frappe un individu. Ainsi, il était capable d’agir afin d’empêcher la tragédie. C’était la raison pour laquelle, quelques minutes plus tôt, il avait tué la guêpe, l’empêchant ainsi de générer un accident qui s’avèrerait vraisemblablement fatal pour l’enfant assis juste à l’autre table.

Finalement, les longues explications de Gary arrivèrent à leur conclusion. Si cet homme venait d’offrir un café au français, ça n’était aucunement dans l’idée de se faire pardonner pour une quelconque bousculade. En effet, son pouvoir avait agit, l’avertissant qu’Alex allait rencontrer la mort d’ici peu.

Cette révélation faite, Gary garda le silence quelques secondes, afin de laisser au jeune homme le temps d’intégrer tout ce qu’il venait d’entendre. Durant ce laps de temps, Alex réfléchit à tout ce qu’il venait d’apprendre. A aucun moment Gary ne lui avait dit qu’il allait mourir. Non, il lui avait simplement dit qu’il allait côtoyer la mort. Pourtant, ça ne rassurait pas beaucoup plus le français. Tant de fois, il l’avait fréquentée, et à chaque fois, ça ne se passait pas sans douleur, quelle soit morale ou physique. Tout ceci ne présageait rien de bon.

L’honnêteté de Gary envers la personne d’Alex, poussait ce dernier à être en quelque sorte redevable. Les aveux de ce genre étaient toujours quelques choses de dangereux, surtout en cette période trouble où la chasse aux sorcières n’était jamais très loin. New York avait payé un lourd tribut par le passé à cause des individus spéciaux. Ces derniers n’étaient donc pas forcément très bien vus par la majorité de la population.

« Merci pour cette … mise en garde monsieur Raibelg. Mais je dois moi-même être honnête avec vous. Je fais également parti de ces individus spéciaux, tout comme vous. Malheureusement, je fais également parti de ces gens dont je parlais plus tôt … ceux qui doivent se tenir aux côtés de la Mort, non par choix, mais par obligation. Est-ce que … tout ça ne serait pas une explication à ce que vous ressentait à mon sujet ? Vous venez de me dire que j’allais côtoyer la mort … pour autant, ça ne sera peut-être pas moi qu’elle viendra chercher. »

Les mains moites, Alex se contenta de les essuyer sur son jean’s. Cette histoire avait de quoi filer la chair de poule. La mise en garde pouvait prendre tellement de sens que cela en donnait presque le vertige. Voulait-elle dire qu’Alex allait mourir ? Ou bien qu’il allait être proche d’une personne lors de sa mort ? Ou pire … n’allait-il pas lui-même apporter la mort ?

« S’il suffisait de chasser une guêpe comme précédemment pour déjouer cette mise en garde, j’avoue que je serai preneur … mais j’ai la curieuse impression que ça va être plus compliqué. Je me trompe ? »

Tant d’informations se bousculaient dans la tête du français. Il venait tout récemment de devenir père. Il ne pouvait pas mourir. Il ne pouvait pas laisser Kerry seule avec Lisa. Tout ceci aurait été trop injuste. Dans un même temps, Alex repensa à son pouvoir, à ce qu’il impliquait et au lien que cela pouvait avoir avec cette mise en garde. L’équilibre de son pouvoir était précaire malgré toutes les mesures de sécurité qu’il avait prises. Le moindre grain de sable dans le rouage pouvait tout compromettre.

« Très bien. Que dois-je faire selon vous ? »

De nos jours, confesser que l'on appartient à l'espèce humaine évoluée ne me semblait pas être la chose la plus prudente à faire. Mais pour qu'Alex comprenne toute l'histoire, je n'avais guère eu le choix. Et pourtant, il ne se leva pas pour m'étrangler ou pour s'enfuir en courant. Il resta assis et m'écouta finir mon monologue. Le monde était parfois bien petit, car quelques brefs instants plus tard il m'avoua à son tour son appartenance à cette espèce que certains qualifient parfois à tort de Héros. Mais Alex ne s'arrêta pas à cette simple confession. Il prolongea ses aveux en m'annonçant que lui aussi côtoyait trop souvent la mort, mais contre sa volonté. Il se demanda alors, sans doute pour tenter de se rassurer, si ce n'était pas là la raison pour laquelle je l'avais approché.

« S’il suffisait de chasser une guêpe comme précédemment pour déjouer cette mise en garde, j’avoue que je serai preneur … mais j’ai la curieuse impression que ça va être plus compliqué. Je me trompe ? »

Je ne répondis pas tout de suite, Alex était confus, troublé par la révélation que je venais de lui faire. Il avait besoin de temps pour calmer ses idées. Et finalement, après avoir repris son souffle et son calme.

« Très bien. Que dois-je faire selon vous ? »

Je posa ma tasse de thé à la canelle et joint mes mains l'une contre l'autre. Je regarda Alex avec un regard plein de compassion avant de répondre.

" Malheureusement, mon pouvoir ne me permet pas de lire l'avenir. Je ressens juste une sensation, comme un 6ème sens. Mais ce dont je suis sur, c'est que cela ne peut être lié à votre passé. Ce n'est pas parce que vous avez côtoyé l'au delà que je suis attiré vers vous. C'est quelque chose qui va arriver dans un futur proche. Ça peut être dans une minute ou dans deux jours, mais honnêtement avec la mort, c'est toujours trop tôt. "

Je me leva de ma chaise pour aller poser ma main sur l'épaule d'Alex.

" Peut être que vous savez de quoi je parle, peut être que vous projetez d'aller faire un sport extrême ou de vous battre, ou peut être pas. Mais maintenant vous savez que la mort sera proche, et vous redoublerez d'attention. C'est cela qui est important. Le fait que je vous ai abordé vous offre une chance. Ne la gaspillez pas, si vous savez que vous allez au devant de graves dangers, n'y allez pas. "

J'ôta ma main de l'épaule du jeune homme pour aller me rasseoir en face de lui.

" A moins que vous ne connaissiez d'autres personnes ayant des dons comme vous et moi capables de résister à la mort. Serait-ce le cas par hasard ? Vous comprenez l'importance de ce genre de relation pour moi, cela me permettrait de sauver d'autant plus de personnes. Parce que c'est le genre de personne qui vous sauverait rien que par leur présence. "

Gary était formel. Son pouvoir lui indiquait clairement qu’Alex allait dans un futur plus ou moins proche côtoyer un danger de mort. Cette mise en garde n’était nullement liée à un évènement passé de la vie du français. A cette nouvelle, le jeune homme soupira de déception. Etre mort une fois lui avait largement suffit. Si cette expérience pouvait être réitérée le plus tard possible, il en serait ravi. Mais visiblement, ce n’était pas parti pour aller dans ce sens. En soutien, l’homme posa alors une main amicale sur l’épaule d’Alex. Selon lui, à présent que le français était au courant qu’il courait un risque, il pouvait être plus vigilant et plus prudent dans ses choix d’action, limitant ainsi les risques d’accident. De toute évidence, ces paroles étaient pleines de sagesse. Pourtant, Alex savait clairement que tout n’était pas aussi simple. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il se serait mis à l’abri avec sa famille, loin de tout danger, de toute cette histoire. Mais au fond de lui, il s’avait qu’inéluctablement, tout finirait par le rattraper tôt ou tard.

Une chance de s’en sortir lui était offerte et c’était à lui de savoir la saisir. Puis, Gary lui posa une question des plus étranges. Il demanda au français s’il connaissait des personnes en mesure de déjouer les plans de la mort, des personnes capables de la surmonter. Immédiatement, Alex pensa à plusieurs personnes. Selon Gary, s’il connaissait ce genre d’individus, alors il serait peut-être en mesure de sauver d’avantage de vies.

C’était une théorie qui tenait la route. Pourtant, les personnes a qui le jeune homme pensait avaient surement déjà d’autres problèmes à régler dans leur propre existence pour se permettre de se consacrer encore d’avantage aux autres. Mais au fond, n’était-ce pas ce qu’ils faisaient tous déjà depuis des mois maintenant ? La réponse sonnait comme une évidence.

Vint alors la question de savoir si le jeu en valait la chandelle. A présent qu’Alex se savait en danger, accepterait-il toujours de prendre tant de risque pour préserver la vie telle qu’il la connaissait actuellement.

« Effectivement, je connais des personnes capables de résister dans une certaine mesure à la mort. Des individus spéciaux, comme vous et moi. Ce sont des proches. Certaines mésaventures communes ayant tissé des liens entre nous. »

Hésitant à en dire d’avantage, Alex fit tourner sa tasse entre ses doigts. Devait-il entrer d’avantage dans les détails, au risque d’en dire trop, ou bien au contraire, devait-il continuer à avoir confiance en l’homme assis en face de lui.

Finalement, Alex décida de se fier à sa première intuition. Il avait commencé à parler de sa particularité à Gary, alors, il n’y avait aucune raison pour qu’il change d’avis au sujet de cet homme.

« Oui, certains d’entre nous peuvent déjouer la mort, d’une manière ou d’une autre. Certains sont tout simplement quasiment immortels, d’autres voient l’avenir et sont en mesure de le changer. Bref, tant de manières toutes plus varier les unes que les autres pour échapper à la Faucheuse … même si je reste persuadé que tout ça n’est un répits, rien de plus. Car au final, nous sommes tous voués à disparaitre un jour ou un autre. Le plus tard étant le mieux bien entendu. »

Alex but une gorgée de sa boisson et un instant, il garda la tasse au niveau de sa bouche, avant de poursuivre.

« Nous sommes déjà en train de lutter pour préserver des vies. Malheureusement, cela nous pousse à agir inconsciemment par moment, à nous mettre en danger. C’est sans doute pour cette raison que vous êtes venu me mettre en garde. Prochainement, je risque de commettre un acte qui me mettra en danger. Mais au fond de moi, je ne suis pas certain d’être capable de renoncer à cette décision … en toute connaissance des risques que j’encours. Et puis, qui sait ? Peut-être que ces proches qui m’entourent me préserveront de cette issue fatale. »

J'étais tout ouïe lorsqu'Alex m'annonçait que certains de ses proches étaient capables de déjouer les plans de la faucheuse. Il alla jusqu'à caractériser certains d'entre eux comme étant immortels. Je failli me lever de table en hurlant que ce n'était que des balivernes, une telle chose ne pouvait pas exister. Mais je préféra laisser mon interlocuteur finir ses déclarations. Il finit par avouer que lui même n'y croyait pas réellement. Aussi poussée que pouvait être cette phase de notre évolution, la mort ne pouvait être perpétuellement évitée. Tout le monde finit par mourir. Cela fait parti pour moi des trois choses qui sont inévitables dans la vie : tout le monde ment, tout le monde pleure et tout le monde meurt. C'est incontournable, d'une fatalité imparable.

« Nous sommes déjà en train de lutter pour préserver des vies. Malheureusement, cela nous pousse à agir inconsciemment par moment, à nous mettre en danger. C’est sans doute pour cette raison que vous êtes venu me mettre en garde. Prochainement, je risque de commettre un acte qui me mettra en danger. Mais au fond de moi, je ne suis pas certain d’être capable de renoncer à cette décision … en toute connaissance des risques que j’encours. Et puis, qui sait ? Peut-être que ces proches qui m’entourent me préserveront de cette issue fatale. »

J'admirais ce jeune homme. Très terre à terre, réaliste et réfléchit. Il savait que pour beaucoup d'entre nous le choix n'était plus un luxe acquis. Parfois il faut agir selon sa conscience, peu importe les conséquences. Il avait raison quand il disait que c'était cette raison qui m'avait amené à lui. Je fais souvent des choses dont je ne suis pas fier, mais je n'ai guère le choix si je veux me montrer digne du pouvoir que Dieu m'a donné.

« Je pense que si vous restez entourés de ces personnes, vous survivrez. Je note que vous ne me donnez pas leur nom ou leur adresse, je comprends très bien que vous soyez méfiant. Après tout, on ne se connaît que depuis une demi heure. »

Mon portable vibre dans ma poche. Je m'excuse auprès de mon interlocuteur et je regarde le texto que l'on vient de m'envoyer.

« Je vais devoir vous laisser maintenant Alex, un patient qui souhaite me parler avant de … vous savez … partir. Ce fut un réel plaisir de vous rencontrer. Si jamais vous avez des questions ou que vous souhaitez me rencontrer à nouveau, vous avez ma carte avec mon numéro de portable. »

Je me lève, serre la main du jeune homme et me sauve. Dans la rue, j'attrape un taxi et je fonce direction l'hôpital, en espérant arriver à temps.

» Where all the wires meet [PV Lisa Dumont]
» L'appel du destin [PV Alex Dumont et Timidy Shy]
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