L'ultime épopée [PV Asami]

De faibles vagues léchaient paresseusement le sable de cette plage ensoleillée de San Fransisco, soulevées par une brise aussi discrète que rafraîchissante. Sous un ciel d'un bleu pur, vide de tout nuage, une bande de mouettes procédait à un ballet paisible, l'une ou l'autre d'entre elles plongeant lorsqu'elle avait repéré une proie qui nageait imprudemment à la surface de la mer. L'endroit était relativement vide de monde en cette heure matinale de la journée, et Chris savourait ce calme insouciant qui précédait le brouhaha chaotique de la foule passées dix heures. Ce conducteur inattendu, le mystérieux Caïn dont il avait tant entendu parler, avait eu la courtoisie de le conduire directement à la plage pour lui éviter toute marche supplémentaire. Cela faisait un bien fou de rencontrer des personnes aussi sympathiques et prêtes à offrir leurs services. C'était devenu chose trop rare, la méfiance des gens s'étant décuplée en ce temps dangereux. Chris se trouvait désormais seul face à son destin, face à cet océan dont on ne percevait pas le bout, mais au-delà duquel se trouvait sans nul doute le très intrigant pays du Soleil Levant. Le voilà donc arrivé à l'ultime étape de son long et éprouvant périple, celui qui allait le mener tout droit à celle qu'il avait cru perdre à jamais. Pas une seule seconde, la pensée d'Asami n'avait quitté son esprit, comme si elle se tenait à ses côtés pour l'accompagner à chaque étape de son aventure. Elle était si loin, mais semblait à la fois si proche de lui. Il avait tout fait pour la retrouver, et voilà que ses efforts étaient finalement sur le point d'être récompensés.

Une fois ses chaussures attachées par les lacets à son sac à dos, il s'avança lentement, le sable doux et tiède accueillant chacun de ses pas, et marcha jusqu'à avoir de l'eau à mi-hauteur de ses mollets. Il fouilla dans l'une des poches de son sac et en extirpa une feuille ainsi qu'un stylo. Utilisant une brochure piquée à Las Vegas comme appui, il se mit à écrire, accompagné par le bruissement régulier des vagues.

" J'ignore qui lira ceci, je ne sais même pas si quelqu'un prendra la peine de le lire.
Mais je m'en vais pour un très long voyage, la plus grande escapade de ma vie, et je tenais à laisser une trace écrite de moi au cas où il m'arriverait quelque chose.
Je me retrouve face à mon destin, et de toute ma vie, je n'ai jamais été aussi sûr de moi. Avant de rencontrer cette étoile qui illuminerait mes nuits, j'étais perdu, je m'acharnais à tenter de me faire remarquer en provoquant, en exaspérant mon entourage. Puis est survenu un événement qui a changé ma vie, bâtissant mon présent sur un passé illusoire et dont chaque fondation n'était qu'un vulgaire mensonge. J'ai été manipulé, désorienté, livré à moi-même. J'ai parcouru un océan pour retrouver une personne qui n'existait même pas, j'en étais réduit à errer dans les rues de New York en ne comptant que sur la générosité (ô combien rare) des passants pour m'aider ou m'héberger le temps d'une nuit. Il m'est même arrivé de dormir à la belle étoile.
Et puis, je l'ai rencontrée. Cette personne exceptionnelle qui a changé ma vie, empli mon coeur d'un espoir dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Elle m'a appris à aimer, à profiter de chaque instant de la vie, à pouvoir compter sur quelqu'un. Cette personne, j'ai failli la perdre à tout jamais. Sans elle, je pensais que j'allais sombrer dans un néant monstrueux, qui m'envelopperait à jamais. Mais tout au fond de moi demeurait cette petite flamme qui ne s'éteignait jamais. Je me suis battu, et mes efforts ne furent pas vains. J'ai maintenant l'occasion de retrouver cette personne, celle qui compte le plus pour moi, celle pour qui je donnerais ma vie. C'est pourquoi, j'ai décidé de réaliser un exploit. Une épopée dont nul homme ne se sera jamais vanté d'avoir vécue, un voyage comme jamais il n'en avait été fait auparavant, en communion avec la nature. Ce voyage, je le considère comme l'ultime épreuve avant de la retrouver.
Si vous lisez ceci, sachez que l'espoir est la ressource la plus précieuse qui soit. Accrochez-vous à vos rêves, dites à vos proches que vous les aimez, et ne comptez jamais ce que vous donnez. C'est ce que m'a appris cette personne, que j'ai eu la chance infinie de rencontrer. Je vous souhaite à vous aussi de rencontrer une personne comme elle, une personne qui ne vous fera plus jamais vous sentir seul... une personne aussi exceptionnelle que toi, Asami.

- Chris. "

Délicatement, il enroula la feuille sur elle-même et la glissa dans une bouteille qu'il ferma avec soin. Il la déposa à ses pieds, la laissant s'enliser à moitié dans le sable humide, et referma son sac. Il était prêt.
Tout en inspirant profondément, il ferma les yeux, laissant l'air maritime caresser son visage et s'engouffrer dans ses poumons. Le soleil déposait sur sa peau une douce étreinte rassurante, comme s'il était prêt à supporter sa cause, comme s'il voulait l'encourage à se lancer. Certes, il était nerveux, mais il se sentait capable de le faire. Il pouvait le faire. Il allait le faire. Il le fait, maintenant !

De faibles vagues léchaient paresseusement le sable de cette plage ensoleillée de San Fransisco, soulevées par une brise aussi discrète que rafraîchissante. Sous un ciel d'un bleu pur, vide de tout nuage, une bande de mouettes procédait à un ballet paisible, l'une ou l'autre d'entre elles plongeant lorsqu'elle avait repéré une proie qui nageait imprudemment à la surface de la mer. L'endroit était relativement vide de monde en cette heure matinale de la journée, et Chris avait disparu.
Là où il se trouvait quelques instant auparavant, il n'y avait plus qu'une petite bouteille avec une lettre dedans. Et au loin, très loin à l'horizon, on pouvait apercevoir une étrange vague allant dans le sens inverse des autres.

Jamais il n'avait été donné à Chris de voir un tel spectacle. Il faisait partie de ce monde fascinant, mystérieux et unique qu'était celui de l'océan, sillonnant des bancs de poissons multicolores, nageant aux côtés d'une bande de dauphins ou d'immenses baleines. Il n'était qu'un minuscule courant dans cet immense océan, filant toujours tout droit vers sa destination tout en partageant la vie de cette faune et de cette flore comme aucun homme ne l'avait fait avant lui. La nuit, alors que le ciel s'emplissait d'encre de Chine, certaines parcelles d'océan demeuraient lumineuses, éclairées par de grandes et élégantes méduses à la chair transparente. C'était absolument magique, comme un autre univers imbriqué dans celui des humains. De temps en temps, Chris profitait d'un courant favorable provoqué par le passage d'un paquebot pour se lancer à une allure toujours plus vive en direction de son but. Il était poussé par une force incroyable, n'éprouvant même plus le besoin de dormir, comme si sa structure moléculaire, quand elle était modifiée, ne ressentait pas la fatigue. Combien de temps dura ce périple magique ? Une semaine ? Un mois ? Il l'ignorait, ses perceptions et sa notion du temps étant altérées par son état liquide, mais il n'aurait jamais cru vivre cela un jour, et profitait de chaque instant de ce voyage unique en communion parfaite avec la nature. Pour la première fois véritablement, il se réalisait à quel point ce don pouvait être un cadeau du ciel. Et une fois de plus, s'il arrivait à le maîtriser, c'était grâce à Asami.

Après une période indéterminée à sillonner l'océan ou, après tout, le temps n'était qu'une futilité, Chris fut stoppé dans son élan par une sorte de résistance. Quelque chose qui ne bougeait pas, contrairement à un grand mammifère marin ou un bateau de croisière. Ce contact... il en était quasiment persuadé, il avait ressenti exactement le même avant de partir. Du sable. Risquerait-il de retrouver une apparence normale ? Qu'allait-il trouver devant lui s'il quittait son statut liquide ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir, et c'était de tenter le tout pour le tout. Il se concentra tant qu'il le put, et peu à peu une forme émergea de l'eau. D'abord transparente, elle s'érigea en une silhouette humanoïde devenant peu à peu consistante, attrappant des couleurs, une substance solide. Après quelques secondes de transformation éprouvante, Chris se trouvait debout au bord de la mer, faisant face à une superbe plage assez peuplée. Sur sa gauche, quelques montagnes verdoyantes, et sur sa droite, les premiers bâtiments de ce qui semblait être une ville. Tout à coup, il entendit des pleurs. Un petit enfant aux yeux bridés le regardait avec des yeux emplis de larmes avant de courir en direction de sa mère et de lui raconter ce qu'il avait vu en le montrant du doigt. La femme le regarda avec curiosité. Il n'était effectivement pas très courant de voir un type habillé bizarrement sortir de l'océan avec son sac à dos. Mais la langue dans laquelle s'exprimaient l'enfant et sa mère ne laissaient nulle place au doute : c'était bien du japonais. Chris avait suffisamment entendu Asami en parler pour reconnaitre cette langue tout de suite en l'entendant. Alors il avait réussi... il l'avait fait, la traversée d'un océan tout entier pour retrouver sa bien-aimée. Un exploit que nul autre homme ne pourrait se targuer d'avoir déjà réalisé seul, sans l'aide de rien ni de personne. Il était tout simplement devenu eau lui-même.

Instinctivement, il chercha un panneau, une indication, quelque chose qui pourrait le mettre sur la piste. D'après des informations trouvées sur internet, Asami se produirait en concert pendant une semaine à Tokyo. Il devait donc à tout prix rejoindre la capitale nipponne le plus vite possible, n'ayant aucune idée de la durée de son voyage. Il s'approcha de la femme à l'enfant peureux et se pencha vers elle. Dans un réflexe protecteur, elle colla la tête de son enfant contre sa poitrine dans un geste de retrait et de méfiance. Pour la rassurer, l'Anglais lui parla d'une voix douce. Pas facile de se faire comprendre quand on ne connaissait que quelques mots à peine de Japonais. De plus, il aurait sûrement des difficultés à lire les panneaux.
Tentant d'être clair dans ses intentions, il pointa le sol du doigt en demandant :

- Tokyo de ? Koko ni ?

La femme secoua négativement de la tête et répondit d'une petite voix fluette typiquement japonnaise.

- Īe, Chiba-ken. Shikashi, Tōkyō wa mada hajimatta bakaridesu.

Fronçant les sourcils face à une réponse déjà trop complexe pour lui, Chris se contenta de hocher la tête en brandissant deux pouces levés.

- Ok, cool ! Merci.

S'il avait bien compris, il ne se trouvait pas très loin de Tokyo, dans une ville appelée Chiba. Il allait devoir compter sur la chance et le bon vouloir des gens afin de se rendre à son ultime destination, où l'attendait la candide et inégalable Asami.

Le brouhaha d'une foule se faisait entendre dans les rues de Tokyo. Le trottoir était plein, plein d'une file de gens attendant patiemment de pouvoir pénétrer à l'intérieur d'une salle de concert dans lequel se déroulerait le spectacle qu'ils attendaient tous. Aucune de ces personnes ne se doutaient pas du véritable enjeu de cette soirée, tous ignorant...Insouciant...Il y a ce groupe d'ami qui riait aux éclats en chantonnant les paroles d'un album qu'ils connaissaient déjà tous par coeur. D'autre au milieu de la file débattait sur l'histoire même de la vie de cette étrange chanteuse autre fois connue pour ses écrits, ses mangas. Et il y avait ces deux demoiselles qui se disputaient amicalement quant à l'histoire qui unissait le musicien et la chanteuse. Un duo bien étrange, mais qui avait réussi à susciter autant d'attachement autour d'eux qu'ils en avaient l'un pour l'autre. Deux âmes meurtries qui s'étaient tout simplement retrouvés. La soirée semblait être d'humeur bon enfant, les regards se tournaient sur cette file qui réunissait autant de style vestimentaire surprenant que de personnalités uniques. Et alors qu'ils patientaient tous à l'extérieur, la protagoniste de cette histoire se trouvait à l'intérieur...Sur scène, testant le son avec une certaine excitation palpable dans ses gestes, sa voix...

Elle était là, ses longs cheveux verts se balançant au même rythme que ses petits sauts. Impatiente, elle était similaire à une enfant la veille de Noël. Insouciante elle aussi, elle ne se rendait pas compte qu'aujourd'hui c'était bien plus qu'un simple concert qu'elle leur donnerait.

« Barairo-san ? »

Se tournant vers une jeune femme qui s'était approché de la scène, elle écouta la demande de celle-ci. Elle avait une interview express juste avant le concert...Filmée, elle allait offrir une image d'elle avant le grand saut de la scène. Derrière elle, Galadriel continuait de jouer, comme en transe. La musique semblait être un véritable moyen pour lui de s'accrocher à la vie. Rassurant son ami qu'elle n'était pas très loin, elle s'installa sur le bord de la scène...S'asseyant alors qu'un journaliste aux allures de punk s'approchait d'elle avec un sourire bienveillant. Les questions n'avaient rien d'extraordinaire, lui demandant son ressentit face à cette explosion dans sa carrière. Asami avait fait part de sa surprise devant tant d'engouement, jamais elle ne c'était véritablement attendu à ce que cette carrière dans la chanson prenne autant d'ampleur en si peu de temps. Comme bien souvent, de la musique les questions passèrent à une vie qu'elle avait oubliée...Celle qu'elle avait en tant que mangaka. Le sourire de la demoiselle se voilait toujours en cet instant.

Elle était revenue ici parce qu'elle avait espéré retrouver une vie qu'elle semblait avoir perdue...Un espoir qui avait du mourir à l'instant même où sa mémoire décida de ne pas lui offrir ce cadeau. Elle expliqua au journaliste qu'elle préférait aller de l'avant, c'était une occasion rêvée de refaire sa vie depuis le début et il serait trop triste de gâcher cette chance au final, non ?

Mais au fond d’elle, une partie de la japonaise gardait cette étrange impression que tout cela n’avait rien de réel…Comme si c’était peint dans le mensonge, le rêve, l’éphémère.

Les portes des salles s’ouvraient, laissant s’engouffrer rapidement les fans et les moins fans dans la salle, tous s’entassait au plus près de la scène…D’autre, plus malin ou moins courageux restait en retrait, trouvant plutôt la place stratégique pour voir la scène sans être bousculé ou malmené. La chaleur humaine était présente, la tolérance, il n’y avait ici ni colère, ni haine…Il n’y avait là que l’image même de ce à quoi Asami aspirait pour la terre entière. Des sourires, des rires, de la simplicité, de l’insouciance…Des gens réunis en un seul lieu pour vivre ensemble une expérience amusante, un délicieux souvenir, un moment à partager au travers de la musique. De l’amour, rien de plus.

Face à un miroir, elle observait son reflet dans la glace...Perdant son sourire habituel lorsque personne n'était présent pour la voir. Elle avait parfois cette horrible impression de mentir à la terre entière, l'image de la jeune femme enfant qu'elle laissait transparaitre n'était pas vraiment ce qu'elle pouvait toujours ressentir. Certes, elle restait innocente, incapable de blesser quiconque, mais cette vie manquante n'avait de cesse de poursuivre ses pensées malgré tous les efforts qu'elle fournissait pour oublier, véritablement oublier.

L'espoir ne fait pas vivre...

S'imprégnant du bruit du tumulte de la salle qu'elle pouvait percevoir jusqu'à la petite pièce où elle patientait, elle chassa les idées noires et sentit à nouveau sa joie de vivre lui revenir. Ces personnes qui venaient la voir avait un véritable pouvoir sur elle, c'était une sensation qu'elle souhaitait à tout le monde...Voir autant de gens réunis, chanter en choeur, danser, ou s'amuser avec elle...Une sensation réellement indescriptible et jamais Asami n'aurait pas pu remercier assez ces personnes qui semblaient la soutenir sans véritablement la connaître. Il s'agissait là d'un véritable acte désintéressé au final, du moins...C'était ainsi que la japonaise percevait les choses.

Le coeur battant, c'était le stress de monter sur scène maintenant qui la prenait. Comme toujours, elle voyageait dans une vague de sentiment tous différent, mais à chaque fois similaire aux autres concerts. Le stress, la panique, l'excitation, l'impatience, tout se mélangeait en elle et avait parfois même tendance à lui donner la nausée alors qu'elle regardait la scène.

L'espoir fait souffrir...

Le son s’éleva dans la salle assombrie alors que les bruits des souliers noirs de la demoiselle claquaient sur le parquet de la salle de concert…S’approchant du micro, les fans les plus éloignés plissaient des yeux dans le noir pour pouvoir observer ce qui se déroulait sur la scène. Les lieux plongés dans le noir. Face au micro, elle posa délicatement ses mains sur la barre qui le maintenait…Son cœur battait à tout rompre, plongée dans les ténèbres, sa voix s’éleva enfin pour se mêler à la musique. Un délicat mélange, l’ambiance étant donnée.

« Mite de kure ni kagageta - oso de mitashita sekai
Urotoru yoru wo todaete - tsumi wo azamuku shi no mitsu

Chiruwareta tsuki wa aratsurarete
Nomi koshita uso ni shikaisareru

Inochi no kanjido wo shi de akaru nara
Otorashiku hodo emiyukeru deshô

Saigo no kusari de - warera ni hikari wo
Hane no yô ni makichira shita tsumi ga
Shizuku to natte furi sosoide
Kokori dageku haishite karadago to

Subete wo tsutsunde - mitana wo tsurete yuke »

Spoiler:

Baissant la tête, elle ferma les yeux...La scène s'illuminant doucement sur l'image de la demoiselle. Habillé d'un Yukata noir aux motifs floraux rouges,

La nippone avait fermé les yeux pour ne pas être aveuglé par le brusque changement. Les personnes s'entassaient sur le devant de la scène, certain criait, d'autre hurlait, des applaudissements présents, des mots d'encouragement, de soutien et même d'amour. Le sourire de la japonaise, aussi discret pouvait-il être caché ainsi par sa chevelure verte n'en restait pas moins alors qu'elle les entendait.

Le son de cloche s'éleva dans la scène alors que Galadriel, au côté d'Asami restait immobile.

Les cloches laissèrent place au son d’une boite à musique à laquelle se mêla à nouveau la voix de la jeune femme. Douce, tranquille, mais cela présageait quelque chose de plus intense alors qu’elle regardait enfin le public qui lui faisait face et que ses mains quittaient la barre du micro.

« inishie no daiza ni wa mitama ga yadoru to iu
okizari no Eine Krone hibiku
tsumi no kazu hodo utsukushiku »

Sur ces dernières paroles, Asami inclina légèrement la tête sur le côté, souriant sincèrement. Une manière pour elle de les remercier pour leur présence, leur soutien et cette atmosphère. La musique semblait presque s'arrêter sur ses quelques mots, mais non loin de la jeune femme ce fut au tour du jeune homme qui l'accompagnait de prendre part à la scène. S'animant soudainement, Galadriel se mélangea à la musique en s'offrant littéralement corps et âmes aux travers de son violon.

Et le corps de la demoiselle se balançait au rythme incessant et maintenant brusque de la musique. Une tout autre atmosphère s'offrait à ses fans, sa musique raisonnait dans les murs alors qu'elle mêlait à nouveau son chant aux mélanges. Véritablement dans un tout autre monde lorsqu'elle était sur scène, c'était le seul moment où elle pouvait réellement s'exprimer sans aucune pudeur. Le seul instant où elle pouvait réellement être ce qu'elle était...Si à la vie de tous les jours la demoiselle semblait pleinement épanouie de sa nouvelle existence, il suffisait pourtant de l'entendre et de la voir pour comprendre qu'en réalité...Il y avait une part d'elle qui ne demandait qu'une seule chose : la vérité. Retrouver la vérité. Ce n'était pas pour rien que la musique qu'elle chantait actuellement se nommait tout simplement : Hidden Truth.

Dansant et chantant pour son public, l'air se réchauffait alors qu'elle semblait littéralement vivre aux travers de cette musique. Il était étrange de la voir ainsi, elle qui avait une aura si apaisante et douce semblait actuellement réellement en proie à ses démons intérieurs, un charisme palpable se dégageait d'elle alors qu'elle se laissait complètement aller au son de la musique. S'approchant parfois de son ami musicien, elle avait beau sourire, son regard exprimait quelque chose de parfaitement différent...

« migite de kuu ni kakageta uso de mitashita seihai
irodoru yoru wo toraete tsumi wo azamuku shi no mitsu

chinurareta tsuki wa ayatsurarete
nomihoshita uso ni shihai sareru

inochi no kachi wo shi de hakaru nara
hokorashiku hohoemi yukeru deshou

saigo no kusabi de warera ni hikari wo

hane no you ni makichirashita tsumi ga
shizuku to natte furisosoide
hokoritakaku haishita karadagoto
subete wo tsutsunde mitama wo tsurete yuke

karada no oku ni shikonda kako wo aganau imashime
honto no kotae sagashite toki wo akairo ni somete

sabitsuita kagi ni madowasarete
kojiaketa toki wa nemutta mama

chikai no kotodama wo sakebu nara
itetsuita tobira mo tokeru deshou

saigo no kusabi de warera ni hikari wo

tori no you ni maiodoru mitama yo
hikari to natte furisosoide
hokoritakaku haishita karadagoto
subete wo tsutsunde tamayobi inori uta

yagate toki wa yuki uta wo wasuresaru koro
ao no daiza no ue de kudakechitte yuku deshou

hane no you ni makichirashita Eine Krone
shizuku to natte furisosoide
hokoritakaku haishita karadagoto
subete wo tsutsunde mitama yo kaerisake »

Spoiler:

La musique prenait fin alors qu'Asami souriait aux personnes présentes, elle se laissa aller aux habituelles « bonsoir Tokyo » et autre petite parole pour ses fans. Appréciant réellement cette atmosphère que pouvait créer la musique. Les musiques s'enchaînaient les unes après les autres alors qu'Asami se montrait sur la scène avec des vêtements tous plus extravaguant les uns que les autres, complètement à l'image de la demoiselle à vrai dire.

C'est après la réclamation d'un rappel qu'elle quitta enfin la scène, laissant derrière elle des fans satisfait par le show de cette soirée. Dans sa loge, elle retrouva un Galadriel bien fatigué comme à son habitude après les concerts il s'endormait presque systématiquement et profondément. Elle esquissa un sourire en le voyant. Face à son miroir, elle souriait encore...Presque bêtement, encore sous le coup de l'euphorie du moment.

Ne souhaitant pas risquer déranger Galadriel et voulant aussi prendre un bol d'air, elle s'éclipsa, demandant même aux personnes de la sécurité de la laisser un peu respiré. Elle ne risquait rien. C'est dans la cour arrière qu'elle se posa, regardant simplement le ciel étoilé...Adossé au mur, il y avait que très peu de chance qu'elle rencontre qui que ce soit ici et pour cause, la sécurité n'était pas loin malgré tout et veillait à ce que ce lieu soit impossible d'accès.

Ainsi donc, elle restait là, observant le ciel avec cette sensation de vide intense qui la gagnait presque à chaque fois après chaque concert. Comme si...Rien ne pourrait réellement remplir ce manque qui la poursuivait et qu'elle essayait à tout prix de fuir. Se laissant gagner par l'émotion, son corps se laissait doucement s'éteindre dans une légère transparence qui ne semblait plus surprendre la jeune fille.

Elle avait du redécouvrir ses pouvoirs, mais vivait avec...En toute discrétion il est vrai, elle les cachait à tout le monde sauf à Galadriel qui avait lui-même été témoin de la démonstration de ceux-ci. Observant ses doigts, elle ferma les yeux, inspirant profondément pour ne pas trop se laisser aller...Son corps reprenant forme et couleur, c'est à nouveau au travers de la musique qu'elle essayait de retrouver le confort qu'elle ressentait lorsqu'elle était sur scène. Murmurant les paroles d'une des chansons du concert :

« Yonde
Namae wo ikiteita akashi wo
Hajimari to owari wo tsunaide
Kaoru namida no rasen kaeru made

Namae mo naku Akashi ga nakutemo
Kokoro yobiaeba
Kioku no naka de iki tsuzukerareru »

Spoiler:

- Bonjour Monsieur et Madame Miles. Bonjour Christopher !

Le couple serra courtoisement la main de l'élégante directrice avec un large sourire sur les lèvres. L'air absent, l'enfant suivit ses parents d'un pas nonchalant et entra dans le bureau sans retirer les mains de ses poches.

- 'Lut.

- Prenez place, je vous prie, dit-elle tout en ignorant l'impertinence du gamin.

Tous s'assirent, Chris siégeant entre ses deux parents, tel un accusé attendant son jugement. Cependant, rien dans son attitude ne laissait transparaitre une quelconque culpabilité. Il avait cet air candide, naïf qui semblait sans cesse émerveillé par tout. Regardant tout autour de lui, c'était à peine s'il se souciait de la présence de la directrice ou des raisons qui l'amenait dans son bureau.

- Madame Miles, Monsieur Miles... Je vous ai convoqués parce que je suis très inquiète au sujet de votre fils.

La réponse et l'air incrédule des parents n'étonnèrent pas le moins du monde leur enfant.

- Ah ? se contentèrent-ils de répondre comme si ce fait leur tombait du ciel et qu'ils ne s'étaient jamais rendu compte de rien auparavant.

A l'époque, Chris les croyait insouciants, tête en l'air, mais sa rencontre récente avec Angela avait modifié cette vision déformée de la réalité. Ils avaient forcément des dons eux aussi, s'étaient opposés à la compagnie, et avaient probablement un tas de secrets dont leur fils n'avait même pas idée. Leur double vie avait dû empiéter pas mal sur leur emploi du temps, et ils avaient fait leur possible pour que leur fils mène une vie normale malgré ces lourdes responsabilités.
Repositionnant ses lunettes aux montures épaisses et noires, la directrice prit un air frôlant le dramatique. Chris, lui, observait l'aquarium et les poissons multicolores qui y slalomaient entre les plantes. Il avait toujours rêvé d'avoir un aquarium, cela avait quelque chose d'hypnotisant, ça l'aidait à s'évader. Il ne participait déjà plus du tout à la conversation.

- Comme je vous l'ai indiqué dans ma lettre, le comportement de votre fils devient de plus en plus alarmant. Un tel manque de discipline va clairement à l'encontre de la mentalité de ce lycée, et Christopher en est à un nombre de transgressions disciplinaires tellement élevé que nous ne les comptons même plus. Tout cela… dépasse l’imaginable. Récemment, nous l'avons plusieurs fois surpris en train de copier sur ses camarades lors des contrôles, et il a même uriné à maintes reprises sur la façade de notre bâtiment.

Un large sourire sur les lèvres marquant la fierté de son exploit, Chris tourna la tête en direction de ses parents. Leur bouche bée lui faisait inéluctablement penser aux poissons dans leur aquarium. Le mioche ne put s'empêcher de pouffer de rire d'une manière malicieuse. Ces deux idiots n'avaient rien vu venir, quelle naïveté ! Adoucissant le ton de sa voix, la directrice joignit les mains en s'accoudant sur la table, ce qui mit en évidence la superbe bague en or 18 carats ornée d'un petit diamant transparent qu'elle avait à l'annulaire droit.

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins avec vous. J'ai bien peur que votre fils ne puisse plus continuer à suivre les cours dans cet établissement. Nous sommes dans l'obligation de renvoyer Chris.

La nouvelle s'abattit comme une enclume sur la tête des deux parents, complètement abasourdis. Monsieur Miles prit enfin la parole, pour la première fois depuis le début de l'entretien.

- Je... je ne sais pas quoi dire. A la maison, tout va bien, nous pensions que Chris s'était intégré dans sa classe.

La directrice hocha négativement la tête d'un air désolé, puis elle se tourna vers Chris.

- Dis-moi Chris... pourquoi te comportes-tu de la sorte ? Je sais qu'il est un peu tard pour parler de cela, mais est-ce que tu as des problèmes ? Je ne peux pas m'empêcher d'être inquiète pour toi.

Le regard de l'enfant s'assombrit aussitôt, cessant enfin de virevolter de-ci de-là pour se fixer droit vers celui de la directrice. Sa voix se fit également moins guillerette. Il n'appréciait que très peu ce genre d'affront hypocrite et superficiel.

- Ah ouais, vous êtes inquiète pour moi ? Depuis quand ?

Il se leva, ayant entendu ce qu'il avait à entendre et ne tenant plus en place. Avant de quitter le bureau, qu'il ne revit plus jamais par la suite, il se retourna une dernière fois sans quitter la directrice des yeux et en ignorant totalement ses parents.

- Je ne peux pas vous croire. Personne ne se soucie de moi.

* * *

La voix d'Asami emplissait les oreilles de Chris, l'enveloppant par sa douce mélodie dans un voile de bien-être, une sensation rassurante qu'il n'avait pas éprouvée depuis bien longtemps. Cette petite voix à la fois douce et déterminée lui avait manqué. Quel dommage qu'elle fût étouffée par le groupe d'étudiantes hystériques qui l'avaient pris en auto-stop et qui chantaient à tue-tête l'air de leur chanson préférée. Il les avait rencontrées dans une aire d'autoroute où il se reposait entre deux marches exténuantes. Il avait bien cru qu'il n'arriverait jamais à temps au concert qu'elle donnait à Tokyo le soir-même. Mais par chance, il avait immédiatement remarqué ce groupe de jeunes Japonaises arborant des t-shirt de leur idole, cette dernière étant également la bien-aimée de Chris. Fort heureusement, il avait conservé une photographie de lui et Asami, qu'ils avaient prise à l'appartement de l'ex-mangaka. Lorsqu'il avait montré la photo aux fans en répétant "Tokyo, je dois me rendre à Tokyo !", ces dernières l'avaient entraîné avec elles jusqu'à leur voiture en vociférant des paroles incompréhensibles, certaines lâchant de petits rires timides. Tout aussi étonné que content, Chris s'était laissé emporter par ces demoiselles dont l'esprit était obnubilé par la seule et même personne mais pour différentes raisons : Asami Barairo.

Pensif, il regardait défiler le paysage à travers les vitres du break conduit par celle qui semblait être l'ainée des étudiantes. Peu à peu, les montagnes verdoyantes parsemées de modestes petites maisons aux structures bancales laissaient place à de plus imposant bâtiments ornés de diverses enseignes colorées et de panneaux publicitaires tous plus extravagants les uns que les autres. Les paisibles paysans étaient désormais loin, remplacés par des hommes d’affaires anonymes et pressés. La circulation se faisait elle aussi plus dense, et certaines des Japonaises commençaient à regarder leur montre d'un air anxieux. Cela était complètement égal pour Chris d'arriver en retard au concert, vu qu'il ne pourrait pas entrer. Il lui faudrait trouver le moment opportun, guetter chaque sortie afin d'interpeller Asami dès que l’occasion se présenterait. Il se refusait catégoriquement de la laisser filer une fois de plus. Quelques panneaux indiquaient déjà leur entrée prochaine dans Tokyo, et le rythme cardiaque de l'Anglais se mit progressivement à accélérer. Il était si près du but, après des mois de recherche acharnée, convaincu que sa belle n'était pas passée dans l'autre monde.
Pendant la partie instrumentale d'une chanson d'Asami, l'une des Japonaises prononça distinctement le nom de Galadriel, ce qui sortir Chris de ses pensées. C'est vrai, ce type bizarre se trouvait avec elle en ce moment, et participait à sa tournée. Chris espérait ne pas croiser sa route, cela risquerait fort de compliquer les choses. On ne pouvait pas vraiment dire que les deux garçons s'entendaient à merveille, leur dernière rencontre ayant été plutôt agitée. Et ce soir-là, le soir du concert, le britannique aurait déjà droit à un lot suffisant d'émotions. Il avait tant et tant de fois imaginé ces retrouvailles, ce qu’il allait lui dire, les diverses réactions qu’elle pouvait avoir. En effet, il ignorait toujours la raison de ce départ soudain et de son silence. Il avait beau y penser indéfiniment, il ne comprenait pas pourquoi elle n’avait jamais cherché à le contacter. Peut-être lui en voulait-elle de l’avoir laissée partir, peut-être avait-elle été forcée de rentrer au pays,… Mais dans chaque scénario, quelque chose ne collait pas. Face à tant d’inconnues, Chris n’était pas apeuré. Il était terrifié.
Et si… et si elle avait appris, pour son secret ? Non pas pour ses parents bien entendu, vérité qu’il n’avait apprise que tout récemment grâce à la précieuse aide de Mila. Non, son secret à lui, celui dont il ne lui avait jamais parlé, même lorsqu’ils vivaient ensemble, et qui le rongeait d’angoisse en permanence, comme un prédateur caché dans l’ombre attendant le moment propice pour surgir de sa cachette et lui planter les crocs dans la gorge. Impossible, elle ne pouvait pas être au courant. Personne ne savait. Personne, sauf ses parents. Ses parents… Il avait tant de mal à imaginer qu’ils avaient quitté ce monde. Il s’était presque fait à l’idée qu’il avait été abandonné, et le fait de tout devoir reconsidérer, de restructurer chacune de ses pensées et d’intérioriser une nouvelle vérité venue remplacer l’ancienne, était une véritable épreuve de force. Comment arriver à déceler le vrai du faux dans un tel flot de mensonges ?

Il fut tiré de ses pensées lorsque le moteur de la voiture s’arrêta. Le moment était venu, ils étaient arrivés. Il fut emporté malgré lui par les fans d’Asami qui se ruèrent hors du break afin de ne pas arriver en retard au concert. Voyant qu’il ne les suivait pas, elles s’arrêtèrent tout de même en regardèrent Chris d’un air interrogateur, se demandant probablement pourquoi il ne venait pas.
Le garçon les regarda avec un sourire qui se voulut rassurant. Il leur fournit des explications, même s’il savait qu’elles ne comprenaient pas un mot.

- Ne vous en faites pas, tout est ok. Je vais attendre ici, je suis juste venu voir Asami. Allez-y, vous allez être en retard ! Oh, et merci pour le trajet… Arigatô !

Un peu confuses, les demoiselles n’eurent cependant pas le temps de s’attarder et lâchèrent de petits gémissements de déception avant de courir vers l’entrée du bâtiment. A partir de ce moment, commença une attente qui parut interminable aux yeux de Chris. Les secondes s’étiraient encore et encore, chacune étant plus longue que la précédente. L’Anglais commença par faire un tour des lieux afin de repérer toutes les sorties possibles. Il y avait la principale, par où entraient les spectateurs et qui était gardée par deux hommes baraqués. Peu de chances qu’elle sorte par là. Tout derrière se trouvait une sorte d’entrepôt, avec une grande entrée fermée par de lourds volets métalliques. C’était par là qu’ils faisaient venir le matériel et les éléments de décor. Seul un ouvrier y attendait patiemment en fumant sa cigarette. Il y avait ensuite une sortie de secours, habituellement fermée. Chris avait pris la peine de vérifier ; elle ne devait s’ouvrir qu’en cas d’incendie ou d’alerte à la bombe. Enfin, il y avait une dernière porte en haut de petits escaliers donnant sur une cour. Plutôt discrète, elle était illuminée par un néon bleuté qui la surplombait. Quelques gardes y discutaient en rigolant, attendant sans doute la fin du concert pour reprendre leur poste de vigiles. Retournant à l’avant du bâtiment, il tendit l’oreille pour essayer d’entendre la voix d’Asami. Mais la salle semblait vraiment bien isolée, car il n’entendit qu’un léger tremblement dû aux percussions qui résonnaient dans les amplificateurs, un son à peine saisissable. La douce voix de la chanteuse ne traverserait certainement pas de telles parois.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’il se mit à pleuvoir à verse. Chris n’avait pas de parapluie, seul un KW aux couleurs flash avait été plié en boule dans le fond de son sac. Il le sortit et l’étala au-dessus de sa tête, comme une bâche modèle réduit. Le ciel s’assombrissait progressivement à mesure que l’heure avançait et que de gros nuages gris survolaient Tokyo, rendant l’attente d’autant plus pénible. Il avait envie de courir, franchir les derniers obstacles qui les séparaient et crier son nom de toutes ses forces jusqu’à ce qu’elle le remarque. Pourquoi les choses n’étaient-elles jamais aussi simples ?

Enfin, l’averse se calma, et les premiers fans sortirent du bâtiment, le visage illuminé d’un sourire satisfait. Chris se releva et retourna voir du côté de la petite entrée éclairée par le néon. Comme il s’y attendait, les gardes avaient repris leur poste. Même s’ils ne se trouvaient pas à proximité de la cour, ils en bloquaient tous les accès. Le plus difficile serait de s’introduire dans cette cour. Après, ce serait du gâteau. Il allait devoir utiliser son pouvoir, même si l’idée ne lui plaisait que très moyennement. Il devait d’abord attendre que tous les fans soient partis afin de ne pas attirer l’attention sur lui. De plus, une fois la nuit complètement tombée, il aurait plus facile à se dissimuler. En attendant cette ouverture, il continua de guetter, au cas où Asami sortirait prématurément.

L’heure tournait, et finalement Chris estima que le temps était venu de passer à la dernière étape. Jetant d’abord un regard circonspect aux alentours, il s’accroupit et plongea la main dans une flaque laissée par la pluie. Peu à peu, les contours de sa silhouette devinrent flous, sa peau translucide et il ne resta bientôt de lui qu’une flaque mouvante, serpentant entre les pavés, s’écoulant le long des rigoles. Le ciel s’était éclairci, mais la lueur de la lune ne suffisait pas à le rendre visible, même pour des yeux bien habitués à l’obscurité. Sous sa forme aquatique, il s’avança donc prudemment en direction de la cour gardée. Il n’eut aucune peine à passer entre les pieds des gardes, qui ne le remarquèrent pas le moins du monde. Une fois la petite ruelle passée, il tourna un coin et reprit sa forme humaine. Afin de vérifier que la voie était libre, il regarda une dernière fois derrière le coin. Les gorilles discutaient calmement en lui tournant le dos. Infiltration dans la cour réussie. L’autre ruelle, qui menait à la façade arrière et aux entrepôts, était inaccessible depuis le point de vue où il se trouvait. De prime abord, personne ne pouvait le voir.

Tout à coup, il sursauta. Une voix douce et frêle comme un pétale de rose venait d’effleurer ses tympans. Ni une ni deux, il se leva d’un bond et se tourna dans la direction d’où venait cette délectable mélodie.

Et là, sous le ciel étoilé, elle se tenait devant lui. La lune déversait sur elle une pâle lueur la rendant presque irréelle, comme un rêve divin dont on ne voudrait jamais se réveiller. Elle chantonnait avec une innocence dont elle seule avait le secret, n’ayant pas encore remarqué la présence de Chris. Le cœur battant à tout rompre, ce dernier avança lentement dans sa direction. Il l’aurait bien écoutée chanter pendant des heures, voire des jours entiers, même si ce n’était pas vraiment le moment. Un sourire qu’il ne put réprimer se dessina sur son visage, comme s’il avait retrouvé le goût de vivre, comme un noyé atteignant enfin la surface pour pouvoir à nouveau respirer. Aucun mot ne sortait de sa bouche, il aurait été incapable de produire le moindre son. Asami était debout devant lui, bien réelle, en chair et en os. Celle pour qui il avait traversé un océan, celle pour qui il avait chassé ses démons, déterré son passé, fait face à ses pires ennemis, remué ciel et terre pour la retrouver. Celle qu’il aimait plus que nulle autre personne au monde. La seule à le comprendre, à l’écouter et à l’aimer réellement. Asami… Le bruit des pas du jeune homme finirent par attirer l’attention de la chanteuse qui se retourna. Les deux regards se croisèrent, celui de Chris se plongea dans la contemplation de sa bien-aimée qu’il n’avait pas vue depuis trop longtemps, mais qui ne l’avait jamais vraiment quitté. Il avait tant de fois rêvé de ce moment, il l’avait imaginé sous toutes les formes possibles. Il avait beau s’y être préparé, il se sentait comme désarmé, bouleversé par le fait que ses efforts aient enfin fini par payer. Pourquoi ne réagissait-elle pas à son arrivée ? Pourquoi le regardait-elle avec cette expression interrogatrice ? Pourquoi n’avançait-elle pas vers lui, elle aussi ?
Peut-être était-elle sous le choc… Chris se décida à fournir un ultime effort pour lui parler.

- Asami… C’est moi, Chris. Je… je suis venu te chercher.

Il aurait voulu lui dire à quel point elle lui avait manqué, à quel point il n’avait cessé de penser à elle, chaque minute de son existence où ils avaient été séparés. En y repensant, il sentit les larmes monter. Ses yeux s’humidifièrent et sa gorge se serra. Il n’avait qu’une seule envie, s’approcher d’elle et la serrer dans ses bras. Malheureusement, le destin en décide parfois autrement.
Chris sentit une violente poussée sur son épaule et se retrouva face contre terre, des voix masculines japonaises s’élevèrent bruyamment, rompant le calme de ce début de nuit. Alertés par le premier, d’autres vigiles lui vinrent en aide. Affolé, l’Anglais voulut se relever et se mit à se débattre de toutes ses forces. Mais il avait beau lutter, les hommes le maintenaient de leur étreinte solide. Chris se mit à crier de toutes ses forces.

- ASAMI ! Lâchez-moi, bon sang ! ASAMI !!!

Il hurlait, remuait dans tous les sens, ses larmes s’écoulant désormais en continu sur ses joues salies par le gravât. Non, pas maintenant, pas si près du but ! Pourquoi ne bougeait-elle toujours pas ?
L’homme qui tenait Chris vociféra des ordres à ses collègues. L’un d’entre eux lui vint en aide, alors que deux autres se chargèrent d’emmener Asami à l’intérieur, de force.

- ASAMIII !!!!!

Il avait beau crier, cela ne servait à rien. C’était comme dans ces cauchemars où l’on veut courir, crier pour s’échapper, mais où l’on ne pouvait faire ni l’un ni l’autre, paralysé pour des raisons obscures. Sa cage thoracique était compressée contre le sol, et il commençait à avoir du mal à respirer. Sa vue se brouillait à cause des larmes, du manque d’air et de la confusion. L’un des gorilles prit son talkie-walkie et y parla en japonais. Quelques minutes plus tard à peine, des sirènes retentirent aux alentours. Chris sentit des menottes froides lui lier les poignets derrière le dos. Il aurait pu se transformer, sa joue baignait dans une flaque d’eau laissée par la pluie. Mais à quoi bon ? Asami avait déjà été emmenée loin, en « sécurité ». Sans qu’il n’y comprenne quoi que ce soit, Chris se retrouva dans une voiture de police. Il fut conduit jusqu’au commissariat le plus proche, à nouveau éloigné de la Japonaise, à nouveau seul, dans un pays dont il connaissait à peine la langue, sans passeport ni personne pour l’aider.

note de l'auteur:

Le ciel était magnifique la nuit, elle aimait l'observer, elle aimait aussi la pluie et pendant un instant...Elle regrettait de ne pas avoir pu la sentir, l'air humide lui procurait le plus grand bien. Depuis son retour au pays, la japonaise n'avait jamais cessé d'avoir une certaine obsession pour l'eau. Elle passait des heures entières à la plage à observer l'océan, laissait parfois s'écouler l'eau de son robinet sans véritablement s'en rendre compte. Une intime impression lui murmurant que cela avait un lien avec son passé, que l'eau...Était peut-être la réponse. Et c'est tout l'air frais, humide, qu'elle laissait ses petits pieds tapoter doucement sur une petite flaque. Chantonnant une nouvelle fois. Le destin s'approchant indubitablement d'elle.

Un bruit de pas…

Elle se retourne…Et ils se retrouvent…Enfin…

Cela aurait pu être de magnifique retrouvailles, de celle qu'on ne voit que sur les pellicules ou les pages d'un roman. Et alors que le garçon s'approchait, Asami restait vissé sur le sol, incapable de bouger ni même de véritablement comprendre ce qui se passe en cet instant précis. Elle le fixe, non pas d'un regard amoureux, mais elle le fixe avec une curiosité non dissimulée. Elle sent sa gorge se nouer alors que les yeux du jeune homme ne lui laisse aucun doute : il la connait...Et ses paroles venaient cruellement affirmer ce que la japonaise pensait.

- Asami... C'est moi, Chris. Je... je suis venu te chercher.

Elle entrouvre la bouche, elle souhaitait lui dire quelque chose, mais aucun son, aucun mot n'arrivait à passer la barrière de sa gorge. Une bouffée de tristesse anéantissait la jeune femme, remarquant alors tout le désarroi et l'espoir qui se mêlait dans les yeux de ce...Chris...Qui était-il ? Pourquoi était-il donc venu « la chercher » ? Avait-elle donc autant d'importance pour qu'on fasse un tel voyage ? Car il suffisait de voir le visage de Chris pour comprendre qu'il n'habitait pas ici. D'ailleurs, il ne c'était pas adressé à elle en japonais mais bel et bien en anglais.

Elle fit un pas en avant, un pas vers lui qu'il ne pouvait voir, car au même moment, ce sont ses gardes du corps qui le plaquait contre le sol humide. Surprise, la japonaise eut un sursaut.

- ASAMI ! Lâchez-moi, bon sang ! ASAMI !!!

Et tout se déroula très vite, alors qu'elle s'apprêtait une nouvelle fois à s'approcher du jeune homme et à demander aux gardes de le lâcher...Ce fut à son tour d'être emmenée sans préavis à l'intérieur. Entendant les hurlements du jeune homme, elle sentait littéralement son coeur se déchirer...Dans le couloir, elle semblait presque se réveiller...

Se débattant à son tour, elle essayait d'éviter le pire à ce jeune homme...

« Watashi ni kamawanai de kudasai !!! »
Traduction:

Se débattant mais incapable de se défaire des bras de ses gardes du corps, Asami se sentait envahir par une intense tristesse, ses yeux s'aveuglaient de larmes qui s'écoulaient sur ses joues rapidement.

« Kare wa !!! »

Hurla-t-elle une première fois...

« Kare Wa ! »
traduction:

Prise par l'importance de ce qui venait de se passer sous ses yeux, le corps d'Asami devint étrangement transparent, passant entre les doigts du garde qui se retrouvait complètement effrayé par ce qu'il venait de voir. Tant pis...Elle le savait, cela n'avait plus aucune importance si cette personne s'envolait, si elle disparaissait sans lui dire...Sans lui expliquer qui...

Qui elle était...

C'est sur cette même cour que son corps transparent reprenait vie, chair et os, mais il n'était déjà plus là...Il avait déjà été emmené et se sentant entièrement défaillir, ses genoux percutèrent le sol douloureusement. Mais cette douleur physique n'était rien, absolument rien face à ce qu'elle pouvait ressentir au plus profond d'elle-même. Elle qui avait décidé de tourner la page, d'ouvrir un nouveau livre et d'écrire une nouvelle vie se retrouvait avec la possibilité de pouvoir lire l'original...Et non cette pâle copie de vie qu'elle essayait de s'offrir pour ne plus y penser. Elle n'avait jamais pleuré autant, ses sanglots s'entendaient, pareil à ceux d'une enfant. Déchirant et douloureux, ses yeux rougissaient au fur et à mesure alors que l'eau s'infiltrait dans le tissu de ses bas et de sa robe.

« Barairo-sama ? »

Une main se posa sur son épaule, elle se rendait compte à quel point elle avait été désagréable avec cet homme qui au final, n’avait essayé que de la protéger…Relevant les yeux vers le garde du corps restant, elle essuya ses larmes.

« Gomene… »

Il l'aida à se relever, lui tendant un mouchoir, il se sentait presque aussi désarmé que la jeune femme à la voir ainsi. Un peu paternelle avec la chanteuse, il finit par lui dire que le jeune homme devait très certainement se retrouver au commissariat, non loin. Acquiesçant, elle demanda en réprimant des sanglots qu'il s'occupe de Galadriel, qu'elle reviendrait aussi vite que cela lui serait possible. Essuyant ses yeux une dernière fois, elle inclina la tête et laissa transparaître un mince sourire, de quoi rassurer même si son regard exprimait beaucoup trop la tristesse qu'elle ressentait.

Elle attendit cette fois que son garde du corps retourne à l'intérieur, fermant les yeux, elle inspira profondément...Calmant ses larmes et ses pleures...Son corps devenait de plus en plus transparent, fantomatique jusqu'à entièrement disparaitre...Laissant cette fois-ci une étrange sensation de vide, un vide intense. Comme anesthésier, comme mort...Une bourrasque fit voler les quelques déchets qui pouvaient trainer non loin alors qu'elle entreprenait un étrange voyage par-dessus la ville.

Et si autrefois utilisé ses dons lui offrait un sentiment de joie intense, d'exaltation, aujourd'hui il n'était rien d'autre que cette sensation de vide...De ne plus être...Inexistante...Morte comme elle aurait très certainement du l'être. Plusieurs minutes passèrent, le chemin était court avec un tel moyen de transport, devant le commissariat...La japonaise était de nouveau de chair et de sang.

Sa tenue était tâchée par l'eau croupie, ses genoux légèrement écorché et ses yeux encore rouge et gonflé par les larmes qu'elle retenait à présent. Inspirant profondément, elle sentait son coeur battre à tout rompre, prêt à exploser. Entrant dans le commissariat, elle se sentait complètement perdue sur le moment et surtout, mal à l'aise avec tous les regards qui se tournaient vers elle. Elle s'approcha de ce qui lui semblait être l'accueil, expliquant qui elle était et les raisons pour lesquels elle était venue...

« Vous êtes…Rapide…Il vient d’arriver… »

Lui avait-on répondu dans un premier temps.

« C’est un malentendu, ce jeune homme n’a rien fait… »

La jaugeant du regard, l’employé de l’accueil arqua un sourcil en l’observant.

« Vous êtes sur ? »

Elle acquiesça...

Restant planté là, elle ne savait pas quoi faire...L'attendre ? S'en aller ? La peur la gagnait et sur le moment, elle quitta simplement le commissariat, a l'entrée de celui-ci, à l'extérieur...Elle se stoppa net, elle ne pouvait pas se permettre de s'enfuir une nouvelle fois. Baissant la tête, elle se sentait complètement perdue, la seule chose qu'elle demandait, la seule chose qu'elle souhaitait ardemment recevoir, lui semblait à la fois si proche et si loin, similaire à ses cauchemars, cela s'éloignait au fur et à mesure qu'elle s'en approchait.

La porte de l'entrée s'ouvrit une nouvelle fois, sortant Asami de sa torpeur, elle fit volteface...Devant elle...Un agent de la police avait accompagné ce Chris à l'extérieur, les laissant à présent. Face à lui, elle se sentait à nouveau faillir, elle le fixait avec l'ultime espoir qu'elle finirait bien par se souvenir de lui. Mais la seule chose qu'elle pouvait véritablement confirmer, c'est qu'elle avait seulement cette impression, cette étrange impression qui la gagnait parfois sans qu'elle puisse pouvoir savoir pourquoi...

La dernière fois avait été lorsqu'elle avait revu les dessins de ses personnages de manga...D'Ashlar pour être précis...Ce visage lui avait fait une étrange impression et aujourd'hui, elle ressentait à nouveau cela, mais avec quelque chose de différent, elle l'affirmerait sans hésitation que c'était important, vraiment important, mais ses souvenirs restaient muets et elle restait là...Planté là...Ne pouvant à nouveau plus retenir ses larmes...

« Gomene... »

Finit-elle par dire finalement, baissant la tête, ses longs cheveux d'un vert intense tombèrent en une fine cascade devant son visage. Elle s'excusait d'être bien incapable de se souvenir de lui.

Ouvrant à nouveau la bouche, elle n'avait pas le courage de le regarder dans les yeux alors qu'elle lui annonçait dans son anglais approximatif :

« Je…Ne me souviens pas de vous… »

L’esprit de Chris semblait anesthésié, noyé dans un brouillard ne laissant autour de lui qu’un océan opaque de gris. Ses pensées, ses émotions, tout était confus. Tout ce qui le retenait à la réalité était la froideur des menottes qui lui liaient les poignets dans le dos, et le grésillement des talkies-walkies. Il laissait ses pensées vagabonder avec lassitude. Tout s’était déroulé tellement vite que les retrouvailles avec Asami n’avaient ressemblé qu’à une illusion, l’un de ces rêves desquels ont regrette de s’être réveillés. Il n’avait rien fait, rien d’autre que d’approcher une star d’un peu trop près alors que celle-ci avait fini son service pour la journée. Tout ce qu’il voulait, s’était retrouver la seule personne qui compte réellement pour lui. Cela valait-il un tel traitement ? Mais il n’avait pas pu s’expliquer face aux autorités japonaises, dont les agents ne parlaient pas un mot d’anglais. Et avec tous les tarés qui sillonnent les rues de ce monde moderne, la méfiance régnait en maître. Tout cela n’était en fait qu’un énorme malentendu, un concours de circonstances défavorable au jeune anglais, qui n’avait pu protester. Et à présent, le voilà dans une voiture de police, à destination du commissariat où il allait croupir dans une cellule pour une durée indéterminée. Probablement jusqu’à ce qu’il soit rapatrié… en Angleterre ? Avait-il fait tout ce chemin pour rien ?

Il réfléchissait déjà aux possibilités d’échappatoire, mais à quoi bon ? S’il arrivait à s’évader, il serait considéré comme un fugitif, il serait traqué et deviendrait fautif. Mieux valait préserver son innocence. Mais que lui restait-il, désormais ? L’attente, dans l’espoir qu’Asami vienne le chercher ? Elle n’avait pas tenté de le retrouver jusqu’à présent, de toute façon. Pourquoi cela changerait-il ? Le problème, c’était qu’il n’avait plus personne. Peter, Alex et Caïn n’étaient que des connaissances, Sky résolvait ses problèmes de son côté. Il n’avait plus personne sur qui compter, et qui se préoccupait de son sort. Plus de parents, plus d’amis. Personne.

La voiture se gara dans un parking réservé aux véhicules de police et les deux agents sortirent pour extirper Chris de la banquette qu’il occupait. Même leur poigne ferme ne suffit pas à tirer le garçon de son état léthargique. Ils l’emmenèrent à l’intérieur et l’enfermèrent dans une cellule, sous le regard méfiant des visiteurs. Chris avait toujours imaginé les cellules de détention provisoire comme de vieux cachots collectifs où l’on se retrouvait avec les pires individus de la race humaine, violeurs, tueurs en série et autres mafieux tatoués jusqu’aux os. Mais il n’en fut rien. Il s’était retrouvé seul, dans une sorte de pièce avec une paroi en verre teinté et blindé, baignée d’une lumière apaisante. Et ce n’étaient pas de vieilles banquettes qui occupaient le lieu, mais une petite chaise et une table noire, toutes deux fixées au sol. Il avait soif, très soif. Peut-être avait-il trop utilisé son pouvoir ces temps-ci. Il se sentait complètement déshydraté… Des effets secondaires ?

A sa grande surprise, un agent revint rapidement et parla à Chris dans un anglais approximatif :

- Quelqu’un venu vous chercher. Nous a expliqué situation, malentendu. Désolé, Monsieur. Vous êtes libre.

Le garçon se leva et le policier lui retira ses menottes. Il était étonné que quelqu’un se soit préoccupé de lui, et si vite en plus. Il venait à peine d’être enfermé. Il n’y avait qu’une seule personne capable d’agir avec une telle rapidité, mais Chris voulait en avoir le cœur net. Sous le regard sympathique et emplis d’excuses des officiers de police, il marcha tout droit vers la sortie du commissariat. Enfin… plus ou moins tout droit. Avec tous ces symboles japonais, il avait un peu de mal à s’y retrouver, et finit par se perdre dans le dédale de couloirs du bâtiment. Finalement, il tomba sur un agent qui le conduisit jusqu’à la sortie.

L’air frais du début de nuit inonda le visage du jeune homme, célébrant sa liberté en bonne et due forme. Et sous la lueur pâle des réverbères, Asami se tenait là, devant lui, avec sa chevelure verte et sa tenue de concert. Il n’avait pas osé espérer que ce soit elle qui l’ait sorti de là, mais ça l’était bel et bien. Il y avait toujours quelque chose d’étrange dans son regard, comme si elle le voyait sans comprendre. Tout à coup, elle ne put retenir ses larmes et éclata en sanglots. De sa petite voix fluette, elle prononça avec peine un seul mot :

« Gomene... »

Au moins, elle s’en voulait. Chris ignorait pourquoi, mais elle s’était excusée. Restait à savoir pourquoi elle ne l’avait pas recontacté depuis son séjour au Jap…

« Je…Ne me souviens pas de vous… »

Chris resta interdit face à elle. Il venait de recevoir un coup tellement violent qu’il crut pendant un moment que son cerveau avait été court-circuité, qu’il avait quitté la planète Terre, que le sol avait disparu sous ses pieds. De tous les scénarios qu’il avait imaginés, c’était le seul qui fût trop dingue que pour traverser l’esprit de Chris. Elle l’avait… oublié. Oublié. Le mot en perdait de sons sens tellement tout cela était absurde. Tous ces mois passés ensemble, leur rencontre presque accidentelle, l’éclipse sur le toit de l’université, les nuits où ils avaient partagé leurs peurs, leurs interrogations, et qu’ils s’étaient découverts dans la plus douce des intimités. Tout ça, elle l’avait… oublié. Il était à court de mots. Il ne savait pas réagir face à une telle situation. Il aurait été tellement plus facile de s’avancer vers elle et de la prendre dans ses bras, de la serrer contre lui pour se convaincre qu’elle était bien là, bien vivante. Qu’allait-il faire, maintenant ? Elle le prenait pour un inconnu, même si ces larmes avaient quand-même coulé. C’était carrément dingue.

Lentement, il s’avança vers elle. Il faisait preuve de prudence, car il savait qu’elle serait aussi méfiante que le premier jour où ils s’étaient rencontrés. L’épreuve était bien plus dure à surmonter que ce qu’il s’était imaginé. Il sentait sa gorge se nouer, mais fit un effort pour parler de manière rassurante.

- Je… je ne sais pas trop quoi dire, mais ne t’en fais pas. Je vais t’aider à retrouver la mémoire. Après tout, quand on a traversé un océan, une petite amnésie, c’est pas grand-chose.

Vaine tentative de plaisanterie qui n’eut pour effet que de faire remonter les larmes. Heureusement, il parvint à se retenir juste à temps. Ce devait être un choc pour elle autant que pour lui. Il devait laisser sa maladresse habituelle au placard, et la prendre avec des pincettes. Il ignorait encore comment elle pourrait réagir.

- En tout cas, ça explique pas mal de choses. On te croyait tous… morte, là-bas. Enfin eux le pensaient, Peter, Alex, Caïn,… Tu ne dois sans doute pas te souvenir d’eux, mais j’étais le seul à être persuadé que tu étais toujours en vie. Parce que… une part de toi est restée en moi, et le restera à jamais.

Aussi misérable qu’un clown triste, il lui tendit la main.

- Au fait, je m’appelle Chris Miles… enchanté, Asami.

Cela semblait presque irréel, mais il devait faire avec, du moins pour l’instant. Il espérait de tout cœur qu’elle finirait par retrouver la mémoire, même si les sentiments semblaient toujours là, bien blottis au fond d’elle, s’exprimant sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi. Tout cela devait la rendre extrêmement confuse. Il devait l’aider…

- Alors, es-tu prête à retrouver tes souvenirs, et ta vie d’avant ?

Face à face, elle avait fini par admettre que son visage lui était parfaitement inconnu, ôtant à ce jeune homme bien des interrogations alors qu'elle...Elle en avait des dizaines qui lui revenaient en tête, ce qu'elle avait tant cherché à fuir en refaisant sa vie lui retombait dessus sans qu'elle n'ait véritablement le temps de comprendre. Elle restait prostrée là, incapable de le regarder dans les yeux, honteuse d'avouer qu'il ne faisait même pas partie de ses souvenirs, qu'elle l'avait oublié comme on oubliait une vulgaire leçon d'histoire, comme on oubliait les choses sans importance. Et cette idée lui semblait être la pire des insultes, la pire des façons de s'adresser à quelqu'un qui avait fait tout ce voyage pour la retrouver. Ne quittant pas ses chaussures sales des yeux, elle pleurait sans pouvoir s'arrêter, c'était une sensation horrible...Confuse, elle sentait sa gorge se nouer alors qu'il s'avançait doucement vers elle, lui affirmant sur une note d'humour maladroite qu'il avait effectivement traversé un océan entier pour pouvoir la revoir.
Ne se rendant même pas compte de la portée de ces mots, ignorant complètement qu'il avait littéralement traversé l'océan, seul, sans bateau.

Gardant la tête basse, elle n'osait toujours pas relever ses yeux sur lui, le voir engendrait cette sensation de culpabilité...Ironie du sort, car la culpabilité était constamment présente en elle depuis qu'elle était revenue le chercher ici. Incapable de dire ou de faire quoi que ce soit, elle avait ce pressentiment que si elle ouvrait la bouche, elle ne ferait que le blesser un peu plus encore.

- En tout cas, ça explique pas mal de choses. On te croyait tous… morte, là-bas. Enfin eux le pensaient, Peter, Alex, Caïn,… Tu ne dois sans doute pas te souvenir d’eux, mais j’étais le seul à être persuadé que tu étais toujours en vie. Parce que… une part de toi est restée en moi, et le restera à jamais.

Peter...Alex...Caïn...Aucun de ses noms n'éveillait en elle la moindre image de souvenir, il n'y avait que cette sensation de déjà vu qui la poursuivait. Morte...Elle était donc morte là-bas ? Ce qu'elle avait été. Serrant les dents, elle réprimait sa douleur, cette frustration. Essayant de toutes ces forces de se souvenir, répétant dans sa tête les prénoms qu'il venait de lui cité...Peter...Alex...Caïn...Peter...Alex...Caïn...Mais le néant, voilà tout ce qui restait d'eux dans son esprit...Du néant...Ses doigts se resserrèrent sur le bord de sa robe, se rendant compte de la douleur qu'elle avait dû infliger à bon nombre de personne en s'enfuyant loin, en abandonnant l'idée de retrouver ses souvenirs.
S'apprêtant à s'excuser une nouvelle fois encore, sachant qu'au final, c'était la seule chose qu'elle était capable de faire sur le moment...Elle fit au travers de ses larmes cette main qui lui était tendue. Relevant enfin les yeux sur Chris.

- Au fait, je m’appelle Chris Miles… enchanté, Asami.

Les dernières larmes s'écoulaient sur les joues d'Asami, s'essuyant les yeux, elle cessa de pleurer...Chris...Ce prénom lui faisait l'effet d'une intense sensation de joie. Elle n'aurait su l'expliquer véritablement, mais elle se sentait beaucoup mieux maintenant. Tendant à son tour sa main, ses doigts se serraient délicatement contre sa peau, une poignée de main qui n'avait rien de ferme, bien au contraire, elle était douce, à l'image de la japonaise qui restait encore complètement muette devant le jeune homme qui ne demandait, visiblement, qu'à l'aider.

- Alors, es-tu prête à retrouver tes souvenirs, et ta vie d’avant ?

Si elle était véritablement prête ? Elle n'en avait aucune idée, son attention était encore posée sur ses mains tenues. Elle serra un peu plus fort, avec le sentiment que si elle lâchait cette main, tout s'envolerait...Cette sensation de bonheur, cet instant d'apaisement et si c'était un inconnu qui se retrouvait devant elle, elle ressentait une totale confiance en lui. Esquissant son premier sourire depuis ce début de nuit étrange, elle osa enfin le regarder dans les yeux, toujours dans l'impossibilité de lui lâcher la main.

« Melci… »

Retrouvant comme une seconde force en elle, elle savait ou plutôt semblait savoir qu'avec lui, c'était possible. Trouvant un espoir qu'elle avait bien trop vite oublié, elle se laissait entièrement porté par cette aura chaleureuse qu'il lui procurait, comme si plus rien n'était impossible. Si elle n'avait aucun souvenir de lui, elle devinait sans aucune difficulté qu'il avait énormément d'importance dans son ancienne...Si non...Pourquoi aurait-il été le seul à être persuadé qu'elle était bel et bien en vie ? Le seul à être venu la chercher et surtout...Qu'entendait-il par « une part de toi est restée en moi et le restera à jamais. »
S'approchant de lui, la poignée de main se changea doucement, entrelaçant ses doigts avec ceux de l'anglais qui lui faisait face, elle s'était mise à le fixer avec douceur, le regardant dans les yeux, ses doigts à nouveau se serrait un peu plus contre les siens. Elle tenait, elle y tenait réellement...Elle voulait sincèrement savoir qui elle était...Qui il était...

Soudainement, alors que ses doigts maintenaient ceux de Chris, elle eut un long frisson qui la parcourut, son corps pendant un quart de seconde prit une forme différente...Transparente, mais pas comme en avait l'habitude Asami, sa vue se brouillant comme si elle se trouvait sous l'eau, cette sensation ne lui était pas inconnue mais c'était la première fois depuis son éveil dans l'hôpital que cela lui arrivait. Cela n'avait durer qu'une seconde pas plus, mais assez pour qu'elle regarde à nouveau leur main enlacé, toujours incapable d'en ôter sa main.

« Vous… »

Elle releva les yeux une nouvelle fois vers lui, cherchant ses mots. Depuis le temps qu'elle était restée ici, au Japon, son anglais c'était dispersé, l'air d'une gamine qui réfléchissait, elle ne trouvait pas les mots adéquat dans sa tête, comme expliquer qu'il était...Comme elle sans l'être réellement ? Ce qu'elle avait ressentit n'était pas la même chose que ce qu'elle ressentait habituellement lorsqu'elle utilisait ses incroyables dons...

« De l’eau ? »

Elle fit une légère grimace, signifiant qu’elle n’était toujours pas persuadée de bien se faire comprendre. La situation lui semblait étrange mais elle se sentait beaucoup mieux qu’il y a quelque seconde. Était-ce sa présence ?
Il fallait croire que malgré la barrière des souvenirs, persistait au fond l’Asami que Chris avait toujours connu jusqu’à présent, cette personne qu’il était venu retrouver. Lui souriant simplement, inconsciente que cette situation, tout deux…L’avait déjà vécu.

« Legalde… »

Gardant la main de Chris dans la sienne, elle se concentra un instant, se fichant bien des témoins éventuels...Le Japon était peuplé de gens qui ne faisaient pas forcément attention aux autres...Surtout ici, à Tokyo. Partageant sans crainte avec lui le plus grand de ses secrets depuis son retour ici-même au Japon. C'était une étrange sensation, son corps disparaissait, mais celui de Chris suivait, l'air...Ils ne formaient plus qu'un, invisible à tous les regards. Montant plus haut encore, ce genre de voyage, Asami avait toujours été bien incapable de les décrire, elle ne voyait pas réellement, mais savait parfaitement où elle allait, elle ne ressentait plus rien mais lorsqu'elle revenait sous sa véritable forme, le souvenir du voyage lui laissait cette chaleur, cette joie parfois...Bien qu'aujourd'hui l'utilisation de son don l'avait laissé de marbre...Jusqu'à ce soir.

C'est sur le toit d'un hôtel qu'elle les fit réapparaitre...L'unique adresse qu'elle connaissait sur Tokyo à vrai dire, étant donné qu'elle logeait là, cela avait été un réflexe de l'emmener ici. Leurs corps reprenaient vies et formes sur ce toit, laissant à Chris le visage presque malicieux d'une Asami qui retrouvait un bonheur qu'elle n'avait plus ressentit depuis son éveil. Elle fixait Chris de ses yeux noisettes, attendant une réaction quelconque, une parole, quelque chose...Espérant d'une certaine manière qu'elle pourrait peut-être le faire sourire, elle ressentait et avait ressenti cette peine en lui, le comprenant, mais ne supportant pas l'idée de le laisser ainsi...
Les doigts toujours entrelacé au sien, elle reprenait la parole...

« Tu es comme moi ? »

Il en était presque amusant de redécouvrir l’accent qu’elle laissait percevoir dans ses paroles. Les r qu’elle n’arrivait plus à prononcer de la même manière, témoignant du temps passé dans son pays natal. La tête légèrement incliné sur le côté, il ne subsistait de ses pleures que la rougeur sur ses yeux, son léger sourire venant effacer toute trace de la peine qui l’avait assaillit quelques minutes auparavant.

Ce n’était qu’une simple larme, mais cette larme constituait un bon début. Au moins, le nom de Chris Miles suscitait quelque chose, et la remuait même. Pas mal, mais c’était loin d’être suffisant. Pour toute réponse à la question qui venait de lui être posée, Asami serra un peu plus fort la main du jeune homme qui lui faisait face, comme si elle voulait s’y accrocher, qu’elle avait peur qu’il ne lui échappe comme l’avaient fait tous ses souvenirs. Avait-elle pris ou non la décision de revenir sur ses pas et d’explorer son passé ? La réponse n’était pas très Claire. Tout ce qu’elle fit, ne fut que remercier Chris, avec un accent très prononcé, reflétant son manque de pratique de la langue d’outre-mer. Ou son amnésie. Ou un peu des deux.

Au moins, elle semblait lui faire confiance, ce qui lui éviterait de devoir lui courir après comme ce fut le cas lors de leur première rencontre. Tout au contraire, elle s’approcha de lui et entremêla ses doigts aux siens. Ses grands yeux interrogateurs étaient remplis de questions, ce regard semblait profondément perdu. Elle tenait à ses souvenirs, mais ce n’était pas en se cramponnant à la main de Chris qu’elle les retrouverait. Quoique… Peut-être que certaines sensations… cela ne coûtait rien d’essayer. Sans lâcher la main de la nipponne, il se concentra. Personne ne se trouvait aux alentours, la nuit tombait. C’était parfait. Il rendit leurs corps à moitié liquides, juste assez pour leur permettre de rester debout et de conserver leur forme humaine. Cela avait duré une seconde, tout au plus. Asami ne prit pas peur. Elle resta juste perplexe, plongeant ses yeux dans ceux de Chris, et tentant vainement d’articuler quelques mots dans la langue de Shakespeare. Visiblement, elle avait dans une certaine mesure conscience du pouvoir de Chris, sans pouvoir mettre les mots dessus. Le jeune homme acquiesça. Il ignorait totalement comment aider une personne amnésique à retrouver la mémoire, alors il préférait lui laisser le temps, et ne pas la forcer. De son accent très cliché, elle lui demanda de regarder attentivement.

Tout à coup, Chris éprouva une sensation qui ne l’avait pas traversée depuis bien longtemps, et qui lui procura le plus grand bien, comme un caneton ayant enfin retrouvé son nid douillet. Une impression tellement familière qu’elle en était incroyablement douce. Il se sentait léger, disparaissant peu à peu en même temps qu’Asami. En quelques secondes à peine, ils n’étaient plus qu’une faible brise virevoltant allègrement dans les airs. Tout cela lui rappelait terriblement le jour de leur rencontre, celui où s’était produite l’éclipse. Ce n’était pas qu’une simple impression de déjà-vu, car lorsqu’ils réapparurent et qu’ils récupérèrent leurs sens humains, ils se trouvaient sur le toit d’un haut immeuble de la ville, probablement un hôtel. Elle était si proche de se souvenir… Il la regarda avec un certain étonnement alors que ses yeux brillaient d’une espièglerie qui faisait plaisir à voir. Ne lâchant pas la main de Chris, elle le fixa de ses troublants yeux couleur noisette.

« Tu es comme moi ? »

Elle semblait véritablement heureuse de poser une telle question qui ressemblait davantage à une constatation. Cette scène ressemblait tellement à celle de ce jour où tout a changé… La seule différence était que l’éclipse avait laissé place à un coucher de soleil rougeoyant. Et si c’était la solution à son problème ? Si recréer cette scène était la clé ?

Tout en douceur, il la guida vers le bord du toit de l’hôtel, lui souriant, tellement heureux de pouvoir admirer à nouveau ce sourire qui illuminait sa vie.

- Viens… fais-moi confiance.

Il l’invita à s’asseoir sur le bord du toit et en fit de même, laissant pendre ses pieds au-dessus du vide. A cet instant précis, toutes les lumières de la ville s’allumèrent, comme un tapis de petites étoiles naissant sous leurs yeux. Les phares des voitures s’éclairèrent également, la journée touchant lentement à sa fin, laissant place au monde mystérieux et agité de la nuit. Chris lâcha finalement la main d’Asami, presque à contrecoeur.

- Regarde bien, murmura-t-il à l’intention de la Japonaise.

D’un geste qu’il ne connaissait que trop bien, il joignit pouces et index de chaque main de manière à former un cadre avec ses doigts, et orienta ce dernier dans la direction du couple. Imitant le bruit du clic-clac d’un flash avec sa langue, il fit ensuite mine de prendre un objet fin et le tendit à Asami.

- Et voici votre photo mentale, mademoiselle.

Il la regarda, ayant encore du mal à croire qu’il l’avait enfin retrouvée. Son costume de spectacle et son maquillage lui donnaient l’air encore plus magique, elle était radieuse, une vraie merveille pour laquelle Chris aurait donné sa vie. Un sourire au coin des lèvres, il dit tout simplement :

- Parce que les souvenirs… sont trop vite oubliés.

La japonaise se laissait faire, doucement, il l'emmenait vers le bord du toit. On ne pouvait pas dire qu'Asami avait le vertige, bien au contraire et heureusement en vue de ses dons. Ne lâchant toujours pas cette main, il lui semblait que cela était une question de vie ou de mort. Elle appréciait cette chaleur, cette douce sensation qui entourait son coeur en cet instant...Cette...Chose si familière, elle savait et ressentait sans aucune hésitation qu'elle était liée à lui et cela valait bien plus que ses propres souvenirs sur le moment, c'était une certitude et la seule qu'elle avait eut depuis son retour au pays. Une certitude...Elle le regardait, s'approchant du bord en sa présence, il l'invita gentiment à s'asseoir et elle obéit. Ses jambes dans le vide, elle les balançait un peu alors qu'elle observait la vue, elle en avait oublié la pluie qui était passée par là depuis le concert, qui avait mouillé les briques et qui a présent humidifiait sa robe...C'était des détails qui n'avaient aucune importance à vrai dire. Les yeux rivés sur l'horizon, la beauté qui s'étalait devant eux.

Et la main quitta la sienne, attirant soudainement l'attention de la japonaise sur l'anglais...Il lui murmura quelque chose, elle ne comprenait pas bien ce qu'il voulait qu'elle regarde alors qu'il joignait ses mains en une sorte de rectangle imparfait. Plaçant cette sorte de cadre improvisé devant eux, il fit claquer sa langue dans une imitation du "clic" d'un appareil photo. Continuant son mime jusqu'à récupérer quelque chose du cadre et le tendre à la nippone qui regardait d'abord cette "chose invisible", le regard interrogatif.

- Et voici votre photo mentale, mademoiselle.

Son coeur fit un bon étrange dans sa poitrine alors qu'elle imitait l'anglais dans son mime, attrapant entre ses doigts la "photo mentale", la tenant véritablement en main, les yeux baisser sur cet objet invisible dont seul l'imagination de la japonaise et de l'anglais pouvait y donner vie. Un sourire venait étirer les traits fins de la demoiselle qui ne savaient absolument pas quoi dire sur le moment. Un silence prenait place entre les deux personnes et ce fut en même temps que l'anglais que la japonaise ouvrit enfin la bouche pour prononcer ces quelques mots :

« Parce que les souvenirs… sont trop vite oubliés. »

Rougissant à la lueur du ciel qui les observait, les larmes lui revenaient doucement dans les yeux se rendant compte de ce que Chris souhaitait faire. Elle n’avait beau ne pas ce souvenir, elle devinait sans aucune difficulté que ce qu’il venait de faire…Il l’avait déjà fait…Mais ne souhaitant pas blesser l’anglais plus qu’elle ne l’avait déjà fait, elle pencha la tête alors en arrière pour retenir les pleures qui naissaient au coin de ses yeux. L’eau salée disparaissant légèrement, elle reposa ses yeux humides dans le regard de l’anglais…

« Je suis désolé... »

La sincérité était présente et elle se doutait que d'une certaine manière ce jeune homme devait en avoir marre d'entendre ces mots...Car ce n'était pas eux qui allait lui ramener celle qu'il était venu chercher. Reposant les yeux sur l'horizon, elle observait la vie dans la ville...On se sentait tellement grand lorsqu'on se trouvait au-dessus de tout et de tout le monde. La vue était imprenable, magnifique, c'était impressionnant et presque effrayant.

« Tu...Tu as quelque part où dormir ? »

Et à nouveau, sans se rendre véritablement compte, Asami répétait un passage de leur histoire sans le savoir à quelque différence près.

« Si tu as besoin d'un endroit où dormir...Je serai très contente de t'offrir une chambre ici...Et de t'accueillir chez moi aussi... »

Comme le jour où elle l'avait rencontré la première fois, Asami était toujours incapable de laisser quelqu'un vivre dehors, qu'il soit un inconnu ou un homme dont elle n'avait plus aucun souvenir. Et ce fut pris d'un élan étrange, qu'elle se releva subitement, attrapant la main de Chris et l'obligeant à se lever à son tour.

« Allez viens… »

Dit-elle dans un sourire plein de malice, l’emmenant subitement à l’intérieur de l’hôtel. Asami avait du mal avec l’idée de ne pas retrouver la vie qui lui avait appartenu et rester sur ce toit, à observer l’horizon, lui donnait l’étrange impression que tout cela était lointain, trop loin pour qu’elle puisse ne serait-ce que le frôler des doigts. Descendant jusqu’à l’accueil, elle attira sans aucune retenue le jeune homme jusqu’à celui-ci…Laissant un peu l’anglais sur le côté le temps de discuter dans sa langue natal pour pouvoir offrir un lit chaud et douillet à ce garçon. Elle n’avait même pas attendu qu’il lui dise si oui ou non il avait quelque part où dormir et pour cause…Elle ne pouvait pas non plus se faire à l’idée de s’en séparer pour le moment.

Ce fut une longue discussion en japonais qui se fit entre l'accueil et la chanteuse, se terminant avec des arigato à tout va, un payement et une clé magnétique qu'elle tendit fièrement à Chris.

« Yata ! »

Dit-elle avec malice, ramenant l'anglais dans l'ascenseur qui montait à présent vers l'étage de sa future chambre.

« Je suis juste en face...Tu t'inquiètes pas, ça me fait plaisir... »

Elle sous-entendait par là qu'elle n'accepterait aucun remboursement du jeune homme, c'était elle qui avait pris les devant après tout. L'ascenseur s'arrêtant alors au bout de quelque minute, le couloir était désert, seule un vigile était présent. Ne demandant absolument pas qui était Chris Miles en remarquant la présence d'Asami, il ne fit que les salué alors que la jeune femme emmenait le garçon dans sa chambre, innocente et naïve, elle passa la carte dans le lecteur magnétique, ouvrant la chambre et prenant un certain plaisir à lui montrer le luxe des lieux. Espérant que cela ferait plaisir à Chris de pouvoir dormir ici...

Tout ce qu'elle voulait, c'était d'atténuer sa douleur...

Le cerveau… Quel appareil fantastique, doté d’une quasi infinité de fonctions toutes plus complexes les unes que les autres, destinées à gérer cette machinerie ultra-perfectionnée qu’est le corps. Ses dysfonctions n’en étaient pas moins mystérieuses et captivantes. Capable de dédoubler les personnalités, effacer toute sensation de douleur ou encore oublier certains pans de la mémoire, les cas originaux n’ont jamais manqué d’étonner l’humanité. Ceci dit, il reste toujours une part de cette intégrité que constitue la personnalité, blottie et bien entière dans les tréfonds de ces aléas corticaux. Et l’évolution de l’espèce humaine n’avait pas fini de révéler ses surprises dans ce domaine, maintenant que la télépathie et autres dons extraordinaires avaient fait leur apparition. Si les scientifiques sont capables d’expliquer certaines phénomènes, mais il en existera toujours qui échapperont à leurs raisonnements.

Si Asami pensait avoir tout oublié, elle se trompait totalement. Non seulement, les émotions liées à sa vie antérieures continuaient de se manifester, mais en plus d’autres signes apparurent les uns après les autres, notamment la disparition complète de son accent, sans même qu’elle ne s’en rendît compte, ou encore la répétition presque mot pour mot de ce qu’elle avait dit lors de leur première rencontre. Il ne disait rien, mais Chris s’en réjouissait déjà. Pour lui, c’était un bon début. Il avait à présent la certitude que même si elle ne retrouvait jamais la mémoire, elle avait conscience des souvenirs qui étaient les siens et qui ne lui étaient plus accessibles, ayant même l’immense privilège de les revivre de manière identique, à peu de choses près. Parce que les souvenirs sont si vite rappelés…

Les larmes menaçant de s’écouler à nouveau, elle prit un instant, laissant son doux visage aux formes poétiques s’imbiber de la lueur rougeâtre du soleil couchant. Après s’être reprise, elle se tourna vers Chris, une expression confuse ne quittant pas son regard.

« Je suis désolé... »

Elle l’était. Pour elle, pour lui, pour eux deux. Elle se répétait, mais ces mots n’étaient pas dénués de sens. Chris imaginait sans peine à quel point cela devait être frustrant et difficile à vivre pour une personne aussi sensible qu’Asami. Sans se laisser défaire par le tragique de la situation, l’Anglais lui sourit tendrement et lui caressa le dos en guise de consolation.

- Ne t’en fais pas. C’est normal que tout ne te revienne pas tout de suite. Ca viendra avec le temps.

Au moins, il ne l’avait pas perdue, bien au contraire. Après tout, c’était tout ce qui comptait pour lui. Le reste ne serait qu’une reconstruction laborieuse mais qui ne dérangerait pas Chris. Ils bâtiraient de nouveaux souvenirs. Passeraient de nouveaux moments formidables ensemble, et même si elle ne retrouvait jamais la mémoire, il serait toujours là pour elle et pour lui raconter son passé, si elle souhaitait en savoir plus. Peut-être même qu’un jour, un être spécial… mais bien sûr ! Comment n’y avait-il pas pensé ! La solution était plus qu’évidente, et même à portée de mains ! Asami pouvait retrouver la mémoire si elle le souhaitait, tout comme l…

« Tu...Tu as quelque part où dormir ? »

La voix candide de la Japonaise vint interrompre ses pensées fructueuses, le sortant de ses vagabondages intérieurs. Encore une fois, elle reproduisait trait pour trait la scène qui constituait le jour de leur première rencontre. Cela allait-il continuer jusqu’à ce qu’ils avaient vécus la première fois ? Est-ce que ça allait vraiment marcher, et reconstituer cet amour perdu ? Pris au dépourvu, le jeune homme ne put lâcher qu’un :

- Heu…

« Si tu as besoin d'un endroit où dormir...Je serai très contente de t'offrir une chambre ici...Et de t'accueillir chez moi aussi... »

Connaissant désormais l’entêtement d’Asami et son besoin presque vital d’aider les autres, il savait qu’il ne pourrait pas le lui refuser, et qu’elle insisterait jusqu’à ce qu’il accepte. C’était dans sa nature infiniment bonne, il était inutile d’aller à contre-sens de cette dernière.

« Allez viens… »

L’emmenant à l’intérieur de l’hôtel, elle les conduisit jusque dans le hall où elle s’adressa au réceptionniste afin de réserver la chambre. Sa notoriété détourna toute question superflue à son sujet, et Chris savait qu’ils pouvaient acquérir une chambre sans aucun problème. La nipponne s’était réellement fait une renommée nationale au pays du Soleil Levant. D’un air espiègle, elle balança la clé entre son visage et celui du britannique, ponctuant sa victoire d’un petit « Yata ! »

Elle l’accompagna jusqu’à l’étage désigné par le maître d’hôtel, prenant l’ascenseur cette fois. Une fois dans la cabine montante, elle le regarda d’un air un peu moins mélancolique que celui auquel Chris avait eu droit quelques instants plus tôt, sur le toit de l’immeuble.

« Je suis juste en face...Tu t'inquiètes pas, ça me fait plaisir... »

Elle n’avait pas besoin de le dire, il le savait. Mais il semblait qu’elle en avait besoin, que cela l’aidait à reconstituer ses anciens souvenirs, ou du moins d’en créer de nouveaux, fort semblables. Tout à coup, Chris repensa à la photo d’eux deux qu’il avait gardée dans sa poche, celle qu’il avait montrée aux étudiantes pour leur expliquer qu’il la cherchait. Il n’avait même pas eu besoin de la montrer pour la convaincre qu’ils avaient vécu quelque chose ensemble. L’ascenseur termina sa course sur un petit tintement de carillon, et les portes automatiques s’ouvrirent sur un luxueux couloir désert, hormis un vigile effectuant sa ronde nocturne. Il jeta un bref regard au couple et salua Asami avant de retourner à ses occupations.

Se donnant un malin plaisir à lui présentant les lieux, comme si elle déballait un cadeau de Noël avec lui, elle passa la clé magnétique dans le détecteur et pénétra dans les lieux. La chambre était effectivement très belle, spacieuse et d’un confort inimaginable. Elle avait bien plus de moyens que lorsqu’elle était mangaka, et n’hésitait pas à mettre cette fortune à la disposition d’autrui. Rien de surprenant, venant de Barairo Asami, la générosité incarnée. Elle se délectait de pouvoir faire plaisir aux autres. Chris devinait sans difficulté que ça l’aidait à oublier son chagrin.

Alors qu’il était enfin temps de se dire au revoir (bien que l’Anglais savait pertinemment qu’aucun des deux n’arriverait à fermer l’œil de la nuit), il s’approcha d’elle et lui prit délicatement les mains.

- Il y a une dernière chose qu’il me reste à faire, pour que ce moment soit comme ce jour-là…

Doucement, il approcha son visage du sien et déposa un innocent baiser sur les lèvres de la jeune femme.

Le caractère emplit de bonté de la japonaise n'avait guère laissé de temps à l'anglais de réagir, se retrouvant en moins de temps qu'il le fallait pour dire « ouf » dans une chambre de luxe de l'hotel...Précisant qu'elle se trouvait juste en face, au cas où celui-ci aurait besoin de quelque chose, d'aide, ou tout simplement parler. C'était une façon pour elle de se faire pardonner, culpabilisant sans cesse de ne pas pouvoir retrouver la mémoire. Elle souhaitait faire comprendre à Chris que son voyage n'était pas vain, elle était touchée, mais bien incapable de réellement le lui dire. C'était étrange d'avoir autant de difficultés à exprimer ce que l'on ressentait. Gardant un visage candide, enfantin, cachant derrière ses yeux noisette la peine qu'elle ressentait pour lui. Elle aurait tant souhaité qu'il aille mieux. Lui aussi...

Telle atlas, Asami avait toujours eu tendance à porter tout le poids de la misère du monde sur ses frêles épaules, incapable de penser à elle parce qu'au final il était plus facile et plus réconfortant de rentre les autres heureux que de penser à soi...Trouver le bonheur n'avait rien de facile et c'était ce que pensait au fond la chanteuse qui faisait face à l'anglais. Des tas de choses se bousculaient dans la tête de la demoiselle, se perdant dans ses propres pensées, son ressentit, ce qu'elle devait faire, ne pas faire, ce qu'elle pourrait faire...Elle avait tellement de choses à lui demander, mais cela lui semblait être un geste trop cruel que de lui poser toutes ces questions et refaire revenir à la surface les souvenirs d'une personne qu'il avait pensée morte.

- Il y a une dernière chose qu'il me reste à faire, pour que ce moment soit comme ce jour-là...

Les mains dans les siennes, la japonaise avait à nouveau observé ses doigts contre ses paumes, relevant les yeux vers le jeune homme sans comprendre la portée de ses mots. Qu'entendait-il par « Ce jour-là » ? Elle s'apprêtait à lui poser la question, interrompu par un chaste et tendre baiser, ses lèvres posée contre les siennes...Son coeur c'était mis à battre si fort qu'elle sentait le rouge lui monter aux joues gênée par le geste, mais surtout par l'idée qu'il puisse percevoir les battements trop rapide de son coeur. Les doigts de la demoiselle aux cheveux verts resserraient légèrement leur étreinte, elle ressentait une légèrement sensation de vertige, la surprise avait été telle, qu'elle se rendait compte qu'elle avait gardé les yeux grands ouverts. Le temps semblait s'être littéralement arrêté et alors que son coeur lui donnait la sensation de battre si fort qu'il en devenait assourdissant, elle avait maintenant l'impression qu'il s'était complètement arrêté. Tout se mélangeait dans sa tête, le vertige s'accentuait, son corps semblait trembler imperceptiblement.

Ses yeux toujours ouverts se remplissaient de larme incontrôlable alors que leurs lèvres s’éloignaient l’une de l’autre. Pendant quelque seconde son regard c’était perdu dans le vide avant qu’elle ne baisse les yeux et la tête, ses joues encore empourprée et ses longues mèches de cheveux venant cacher les larmes qui s’écoulaient doucement sur ses joues. Partir le plus rapidement possible lui semblait l’unique solution pour ne pas se faire souffrir d’avantage. Gardant les yeux rivés sur la moquette luxueuse des lieux, elle murmura un :

« Bonne nuit »

Qui s'étrangla légèrement dans sa gorge alors qu'elle ne lui laissait pas plus le temps de réagir qu'avant. S'éloignant, ouvrant la porte et la refermant derrière elle. La japonaise aurait tellement voulu lui dire une nouvelle fois « pardon » mais au fond d'elle, elle savait que cela ne changerait rien à la situation. Il avait aimé une fille, une fille qui n'était plus elle, qui était soit morte, soit complètement enfuis incapable de retrouver sa route pour revenir. Et si elle devait admettre qu'au fond elle ressentait des sentiments bien étrange et unique depuis qu'elle avait rencontré ce garçon, il n'en restait pas moins qu'une partie d'elle lui murmurait « Ce n'est pas tes sentiments ». Adossée à la porte de la chambre fermée, elle posa ses deux sur son visage alors qu'au bout du couloir, le garde observait la scène, mal à l'aise et incapable de faire ou de dire quoi que ce soit. La japonaise s'éloignait déjà, ouvrant la porte en face, se retrouvant dans sa propre chambre. C'est dans la salle de bain qu'elle ôta chacun de ses vêtements, ouvrant la douche et cachant ses propres larmes sous une eau trop chaude. S'adossant au carrelage du mur de la salle de bain, elle frissonna doucement, laissant son corps glisser sur le sol de cette douche, l'eau s'écoulant sur elle alors qu'elle entourait ses genoux de ses bras, son front se posant sur ceux-ci...Elle laissait les larmes s'écoulaient, les sanglots s'exprimer. Le tout restant dans l'intimité de cette douche, camouflé par les bruits de l'eau qui s'écoulait et claquait contre sa peau, le sol, le mur...Un instant où elle laissa tous ses sentiments s'exprimer au travers des pleures d'une enfant perdue.

Elle souhaitait tant se souvenir, se concentrait même à cette tâche mais rien, rien ne lui venait et pourtant ce sentiment persistait dans son coeur. Incapable de le comprendre, d'en connaître la raison. Et au bout de plusieurs heures, les larmes avaient cessé, elle avait quitté le confort humide de la douche pour la froideur d'une chambre d'hôtel. Assise sur son lit, elle fixait la baie vitrée de sa chambre, la pluie avait repris, de sombre nuage menaçant décorait le ciel alors que de temps à autre un éclair en déchirait l'horizon...Pour que quelque seconde plus tard gronde le tonnerre. Elle sursauta à plusieurs reprises perdue à nouveau dans ses pensées, le souvenir du baiser revenait sans cesse dans sa tête, devenant obsessionnel, incapable de dormir, incapable de penser à autre chose. Elle quitta à nouveau son lit, la pluie battait le carreau alors qu'elle quittait une nouvelle fois sa chambre. C'est sans que son garde ne la remarque qu'elle frappa à la porte de la chambre de Chris...
Elle frappa doucement, une première fois, une seconde fois...Trop doucement peut être pour être réellement entendu avec la pluie et l'orage qui hurlait à l'extérieur. Sa main posée sur la porte, elle la fixait alors qu'elle perdait de sa couleur, de sa tangibilité, tout semblait partir, disparaitre...Fermant les yeux doucement son corps semblait littéralement traverser la porte close alors qu'elle se matérialisait de l'autre côté. Les joues légèrement rougie une nouvelle fois par la gêne, elle cherchait dans l'ombre de la nuit et à l'aide des éclairs la présence de Chris. C'est en face d'elle qu'elle le retrouvait, comme s'il n'avait pas bougé comme si le temps c'était réellement arrêter dans cette chambre n'attendant qu'une seule chose pour pouvoir repartir, une chose que la japonaise était bien incapable d'offrir.

Le silence régnait dans la pièce malgré l'orage et elle le fixait, le coeur battait. Ce sentiment, cette sensation étrange de chaleur, de bonheur intense et incompréhensible l'obsédait littéralement, incapable d'en donner la raison, le comment...Le pourquoi...Vestige d'une vie qu'elle avait perdue, oublier et qui pourtant semblait s'accrocher à elle comme si quelque part, elle n'avait pas tout perdue. Elle qui avait toujours cru que l'oublie avait été là pour lui permettre de recommencer à raison, elle remettait tout en doute, ses choix...Ses croyances...Ses pieds nus effleuraient la délicate moquette qui ornait le sol, ses doigts emprisonnaient la nuque du garçon refusant à nouveau de l'entendre de peur des mots, de la peine, de la tristesse qu'elle pouvait entendre. Le silence, la pluie et l'orange lui allait parfaitement alors qu'elle reposait ses lèvres contre celle de Chris. Ses talons quittant le sol, seul la pointe de ses pieds la maintenait ainsi, en équilibre. Le chaste baiser quelques heures plus tôt se répétait à nouveau ici, à la différence près c'est que la japonaise ne semblait pas prête à quitter cette chambre encore une fois, elle voulait comprendre, se souvenir...A croire qu'un simple baiser pouvait en être capable comme si la vie était un conte de fée et mon dieu...Cela aurait été tellement plus simple si cela avait été le cas.

A la lueur des éclairs, elle l'embrassait avec toute la tendresse qu'elle pouvait ressentir en sa présence mais seules ces sentiments, cette amour incompréhensible témoignait d'un souvenir profondément encré en elle mais incapable de ressurgir...Frustrant un peu plus encore la nipponne qui ne savait quoi faire...Ecouter son coeur...Ou sa raison ?
Ses gestes semblaient être dictés d'ailleurs, ses lèvres s'éloignaient encore une fois, ses talons retouchaient le sol alors qu'elle semblait reprendre timidement le souffle qu'elle avait coupé sur le coup. Ses doigts ne quittaient pas la nuque du garçon, ses yeux en amande se posant dans le regard de celui-ci...

Un coup de tonnerre...

De nouvelles larmes...

Leurs regards se croisent et se comprennent durant la fraction de seconde de luminosité qu'un éclair laisse dans la chambre...Cette fraction de seconde suffisait à faire comprendre, il n'y avait pas besoin de mot, ni de phrase, les yeux suffisaient...Ils se comprenaient...Elle le sentait au fond d'elle alors qu'elle tremblait légèrement, elle l'embrassa pour la troisième fois...Une troisième fois qui semblait être une première, le baiser chaste laissait place à plus de tendresse, exprimant un amour enfuit, Asami avait l'étrange pressentiment que ces gestes n'étaient pas dictés par elle, celle qu'elle connaissait depuis son éveil à l'hôpital, mais par quelqu'un d'autre. A la fois gêné et irrémédiablement attiré par cette affection, cet amour...Ses doigts effleuraient sa peau, timidement, passant de sa nuque au haut de son torse...Elle s'accrochait au vêtement qu'il portait, incapable de s'en aller cette fois, ni de le laisser partir. Elle ne voulait pas, ne pouvait pas...Une partie d'elle lui disait qu'elle était cruelle, presque égoïste de faire subir ça à Chris, mais une autre part lui intimait qu'elle devait oublier la raison, oublier la logique, laisser parler et exprimer ce qu'elle ressentait lui semblait être la solution...

Et c'est ainsi qu'elle oubliait complètement chacune de ses pensées, de ses réflexions, ne laissant que son coeur unique maître de son corps. Ses pas reculaient, attirant dans sa démarche maladroite le jeune homme, s'arrêtant lorsque ses jambes heurtèrent doucement le pied du lit...Quittant les lèvres de Chris, elle le fixait, cette fois-ci...Elle lui laissait le temps de s'exprimer à son tour. Dernière réaction de sa raison. Ce choix, elle ne pouvait pas le faire seule.

Certes, le mouvement entrepris n’était pas dénué d’une audace un peu enfantine, caractérisant cet énergumène fluorescent qu’était Chris. Au moment où ses lèvres avaient effleuré celles de la Japonaise, il l’avait sentie sursauter, même si elle n’avait dans un premier temps montré aucun signe de retrait. Il la savait tendue, nerveuse, et crut même percevoir l’une ou l’autre larme s’écrasant entre les joues des deux amants retrouvés. Oui, il y était peut-être allé trop fort, cette fois. Lors de leur première rencontre, il y avait une variable qu’il n’avait pas prise en compte, et qui pourtant avait beaucoup d’importance : l’état émotionnel d’Asami. Elle était encore bouleversée, retrouvant une vie qui lui était inconnue, comme s’il ne s’agissait pas de la sienne, comme si une vie antérieure l’avait retrouvée malgré sa nouvelle incarnation.

Dans un état de confusion où ses joues à la fois humides et pourpres ornaient des yeux noyés par un flot de sentiments déstabilisant, la nipponne se recula, n’osant même pas lancer un regard à l’Anglais. Elle ne se contenta que d’un « Bonne nuit » étranglé avant de faire volte-face et de quitter la chambre, claquant la porte au moment où le tonnerre grondait au loin. Chris resta planté devant cette porte fermée pendant une durée indéterminée, il avait perdu toute notion du temps. Son regard était perdu dans le vide. Quelle situation absurde ! Comment avait-il fait pour se retrouver dans une telle histoire de fous ? D’abord cette fille qui était comme lui, sa tragique disparition, la rencontre d’autres personnes spéciales qu’il a accompagnées à Las Vegas, la vérité sur ses parents,… Tant d’événements qui ne cessaient de se succéder, mais qui finalement n’apportaient aucune réponse, et même soulevaient davantage de questions. Pourquoi n’avait-il pas eu l’opportunité de vivre une vie ordinaire, comme ses camarades au lycée ? Qu’avait-il fait pour mériter un parcours aussi chaotique, avec des attaches aussi fragiles qu’éphémères. Au final, il se retrouvait toujours seul, face à ses souffrances, à cette cruelle aberration qu’était son destin.

L’orage se rapprochait, et un éclair suivi de trombes de pluie s’abattant sur la baie vitrée de la chambre sortirent Chris de sa torpeur. D’un geste presque automatique, il se dirigea vers son sac à dos déposé à terre dans un coin de la pièce, et se mit à le fouiller frénétiquement. Il ne s’était même pas rendu compte que son corps tout entier tremblait, et que son front n’était pas humide qu’à cause de la pluie. Il transpirait, pris d’un malaise proche de la panique. Il finit par trouver ce qu’il cherchait et se hâta de dévisser le bouchon de sa boîte de cachets. Il le secoua et deux ou trois comprimés tombèrent au creux de sa main. Rejetant la tête en arrière, il les envoya s’engouffrer au fond de sa gorge et ferma les yeux. Sa tête commençait à lui tourner un peu moins, et la vague de chaleur qui l’avait envahie se calmait peu à peu. Une fois qu’il eût repris son souffle, il se releva et se dirigea vers la salle de bain où il se débarbouilla le visage. Le contact de l’eau lui faisait du bien, comme si tout cela n’avait été qu’un horrible cauchemar et qu’il venait de se réveiller. Il était tellement plus simple de s’assimiler à ce liquide pur, se laissant couler sans réfléchir au chemin que l’on empruntait, profitant d’une liberté enivrante. Point de questions, point de soucis, juste une proximité rassurante avec la nature, le berceau de l’humanité dont on oublie trop souvent l’existence.

Après avoir plus ou moins repris ses esprits, Chris tenta de dormir un peu, mais c’était bien évidemment sans espoir. Il ne fit que se tourner et se retourner encore, impossible de chasser des pensées trop envahissantes pour laisser Morphée faire son travail. De plus, l’orage ne cessait de rugir toujours plus fort, faisant trembler tout l’immeuble.

Le britannique revint dans la porte d’entrée menant au couloir, à l’endroit où il avait failli retrouver un amour devenu lointain, quelques instants plus tôt. Alors qu’un éclair illuminait la chambre, quelque chose attira l’attention du jeune homme, au sol. Il s’accroupit et ramassa un cheveu vert. Vert... Une couleur vive et si peu habituelle pour une coloration capillaire. Ce n’était pas un hasard si la demoiselle avait immédiatement attiré l’attention de Chris, lui qui était littéralement accro aux couleurs vives, fluorescentes et insolites, qu’il s’agisse des vêtements, de ses pilules ou des cheveux de la belle et tendre Asami. D’un geste lent, l’admirant comme s’il s’agissait de la première fois de sa vie qu’il ouvrait les yeux, il leva le bras du plus haut qu’il pouvait, et lâcha le cheveu. Ce dernier se mit à tomber avec légèreté, dansant par tourbillons irréguliers avec une grâce captivante. Tout à coup, il fut repoussé par ce qui ressemblait à un courant d’air, comme si un coup de vent avait traversé la pièce. En réalité, il s’agissait tout simplement d’Asami, qui venait de traverser la porte. Avait-elle frappé ? Chris était incapable de le dire, encore perdu dans des pensées bien trop sombres. Ils se retrouvèrent face à face, à l’endroit précis où ils s’étaient séparés quelques minutes plus tôt. Leurs yeux plongeaient dans ceux de l’autre, se cherchant, tentant de retrouver quelque chose qui avait été perdu. Ils le savaient aussi bien que l’autre, même si la Japonaise avait été amputée de ses souvenirs les plus précieux. Ils étaient si proches l’un de l’autre, et pourtant si loin de se retrouver réellement. Pour Chris, cela lui était égal qu’elle n’ait plus de souvenirs de tout ce qu’ils avaient plus vivre. Il l’aimait, elle, pour ce qu’elle était, pour tout ce qu’elle lui apportait. Mais il se doutait bien que ce n’était pas aussi simple pour elle, qui n’avait pas la chance de pouvoir jeter un œil par-dessus son épaule et se remémorer leurs moments passés ensemble.

Se mettant sur la pointe de ses pieds nus, Asami entoura de ses mains douces et fines la nuque du garçon, lui offrant un second baiser moins confus que le précédent. Elle avait retrouvé sa quiétude, sa tendresse si apaisante. Posant les mains sur les hanches de sa belle, Chris se laissa enrober du léger parfum qui émanait d’elle, se laissa succomber à la saveur de ses lèvres, à la douceur de sa peau pure comme de la porcelaine. Après un long moment, elle se recula, ses talons touchant à nouveau le sol, et de nouvelles larmes apparurent à la lueur d’un éclair. Elle avait l’expression d’une mère en deuil, pleurant son enfant, tentant vainement de se rappeler son rire, sa voix, les mimiques qu’il faisait lorsqu’il jouait, alors que tous ces souvenirs disparaissaient peu à peu dans les limbes impitoyables du temps. Asami avait l’air de vouloir se raccrocher à ses émotions, car c’était tout ce qu’il lui restait. Chris ne pouvait pas la laisser dans une telle détresse. Son idée lui revint comme un cheval au galop, et il la garda bien au chaud dans un coin de son esprit. Il attendrait le moment propice pour la lui proposer. Il pouvait l’aider, il en avait la certitude.

La lueur d’un nouvel éclair permit aux deux regards de se croiser à nouveau, ne laissant plus de place au doute. Ils se rapprochèrent pour un troisième baiser, timide et innocent. Chris sentit les mains d’Asami effleurer sa peau avec délicatesse, juste avant que ses mains ne s’agrippent à son t-shirt. Elle s’accrochait, et il la tenait, comme pour la protéger de tous ces démons qui la hantaient. Tous deux se dirigèrent maladroitement vers le lit, ne se préoccupant que de cet instant envoûtant qui les unissait, d’un contact qu’ils n’avaient pas ressenti depuis trop longtemps, d’une passion grandissante, pour la deuxième fois.
Était-ce le bon choix ? Était-il prudent de se laisser aller de la sorte ? Chris avait du mal à répondre négativement à ces questions, trop ivre d’un amour qu’il avait cru perdre et qui pouvait encore s’en aller à tout moment. Il voulait juste profiter de ce pourquoi il avait traversé un continent et un océan entiers, la seule raison qui le poussait désormais à avancer, à exister, à ne plus se contenter de survivre. Il voulait savourer ces retrouvailles particulièrement inattendues comme il savourerait la vie tant qu’il était en présence d’Asami. Alors que leurs lèvres s’étaient quittées un moment, il la regarda avec une affection non dissimulée et passa une main dans ses cheveux. Doucement, il lui murmura :

- Laisse parler ton cœur, Asami. Lui seul sait où te guider. Pour ce qui est du reste, tes souvenirs, je te promets que tu les retrouveras. Tu as ma parole.

Il caressa sa joue encore un peu humide, avant de l’embrasser à nouveau. Suivit une étreinte emplie d’amour, ouvrant la porte aux plaisirs charnels qui célébraient la passion de deux êtres aux destins intimement liés, perdus mais ne trouvant le réconfort qu’en compagnie l’un de l’autre. Deux êtres pour la seconde fois à l’unisson.

* * *

Au lever du soleil, Tokyo luisait encore, tapissée d’eau par l’averse nocturne, ce qui formait une somptueuse couche dorée. Les rayons caressaient le visage de Chris, accoudé au balcon de la chambre d’hôtel. Il regardait la ville reprendre son train-train quotidien, comme tous les matins. Quelques oiseaux dessinaient de larges cercles dans le ciel orangé de l’aurore. L’air frais semblait avoir été purifié par la pluie, comme si la nature renaissait en offrant tous les délices sensoriels dont elle seule avait le secret. L’Anglais n’avait plus cette mine renfrognée et sombre, qui témoignait du vide qui l’occupait. Non, tout cela avait disparu. Un sourire apparut sur son visage, s’élargissant davantage lorsqu’il sentit une agréable présence féminine derrière lui.

Le soleil se levait doucement, paisiblement couchée sur le lit, la respiration d'Asami exprimait une grande quiétude. Elle était sereine, endormie, sur le point d'émerger de ses rêves lorsqu'un rayon du soleil venait délicatement caresser son visage. Elle ouvrit doucement les yeux, telle la belle au bois dormant. Elle semblait se réveiller d'une centaine d'année de sommeil alors qu'elle regardait ce qui se passait directement face à elle. Un sourire s'afficha sur le visage de la douce japonaise, qui regardait la silhouette en contre-jour de Chris...Elle quitta la chaleur douillette des draps de l'hôtel, attrapant les premiers vêtements qui passaient sous sa main, le t-shirt qu'avait porté l'anglais semblait être beaucoup trop grand pour la petite taille et la fine silhouette d'Asami. Enfilant ses sous-vêtements, elle se dirigea discrètement vers le balcon. Les mains de la demoiselle se posèrent sur le dos du jeune homme, accompagnant ses mains avec son visage qu'elle posa contre lui quelque seconde plus tard...Murmurant un...

« Excuse-moi d’être partie… »

Ses petits pieds se soulevèrent légèrement, lui permettant de poser ses lèvres sur la nuque du garçon. Ils étaient à nouveau véritablement ensemble…

- Laisse parler ton cœur, Asami. Lui seul sait où te guider. Pour ce qui est du reste, tes souvenirs, je te promets que tu les retrouveras. Tu as ma parole.

Elle esquissa un mince sourire, les paroles la réconfortaient d'une certaine manière autant qu'elle la dévastait de l'autre. Ses doigts se posèrent doucement sur sa joue humide avant de reposer une nouvelle fois ses lèvres pour un nouveau baiser. Délicatement, leur corps se posèrent sur la couche derrière eux, les doigts se cherchent et s'amusent, s'enlacent et expriment la passion. La main de la jeune femme se glissait sous les vêtements de l'anglais, les ôtant un à un alors qu'à son tour il laissait découvrir la peau nue de la jeune fille.

Leurs lèvres ne se quittaient presque pas, ne laissant que quelque seconde entre deux baisers pour apprécier l'instant présent. Mais lors qu'elle sentait son corps dénudé contre le sien, elle posa doucement sa main sur la joue de Chris...L'éloignant légèrement, observant à la lueur d'un nouveau éclair son visage...Une étrange sensation la gagnait et la passion s'exprimait une nouvelle fois au travers d'un baiser chaleureux.

Bientôt leurs corps n'en formait plus qu'un, se crispant légèrement, les yeux clos, le souffle de la japonaise laissa échappé le témoignage de leur amour. Les mains contre son dos, elle le maintenait contre elle avec une certaine force...Elle avait si peur, peur que tout cela se termine, se finisse ou ne soit tout simplement qu'un rêve. Peur de le décevoir, de ne jamais pouvoir lui permettre de retrouver celle qu'il était véritablement venu chercher. La danse charnelle continuait lentement, les baisers s'enchaînaient avec douceur, la passion laissait place à la suavité. Les doigts de la demoiselle quittèrent le dos de Chris cherchant à l'aveuglette ses mains, unissant et entrecroisant leur doigt, à l'image de l'expression complète de leur affection.

Les souffles s'entrecoupaient, se mélangeaient, se saccadait au fil du temps qui passait alors que son corps tout entier frissonnait sous ses caresses et ses lèvres...L'orage grondait encore dehors et la pluie battante sur les carreaux masquaient le chant de leur étreinte charnelle...

Prise par la gêne, elle avait gardé jusque là les yeux clos, les ouvrant doucement, leur regard se fixèrent intensément, sans plus pouvoir se détacher l'un de l'autre, un nouvel éclair déchire le ciel et illumine un bref instant la chambre. Posant sa main sur le visage du jeune homme, le temps s'arrête, la danse aussi.

« Chris… »

Murmure-t-elle, le souffle légèrement court, les larmes lui montent aux yeux, mais cette fois-ci...Ce n'est pas la tristesse qui s'exprime sur son visage, mais le bonheur...La joie...L'amour dans le regard. Ses lèvres s'unissent aux siennes, ses bras l'enlace délicatement et le temps reprend son cours...Leurs corps s'agitent lentement. Une nouvelle danse...

Les gestes restent timides, comme si tout cela pouvait se briser à tout instant, les yeux parfois clos, parfois ouvert, le corps de la jeune japonaise se cambrait légèrement sous Chris alors que son souffle s'entrecoupait et se saccadait petit à petit, les mains se cherchent encore et s'unissent à nouveau au-dessus de tête.

« Je t’aime… »

Murmura-t-elle une première fois entre deux souffles, répétant à plusieurs reprises ces trois mots qu'elle n'avait jamais pu lui dire avant de partir. Les larmes se mélangent à la sueur qui perle leur peau...Sa voix se perdant dans les bruits de la pluie, du vent et de l'orage...Deux corps ne formant qu'un dans un moment de l'expression la plus intense d'amour, s'offrant entièrement à lui...

Le temps d'une vie...

Blotti dans ses bras, Asami restait silencieuse, le souvenir de leur nuit lui revenait doucement en mémoire. Ses joues s’empourprant légèrement alors qu’elle fini, au bout de quelque minute, par lever les yeux sur Chris. Inclinant légèrement la tête sur le côté dans cette éternelle mimique, elle lui sourit…Simplement heureuse…

Cinq minutes plus tard, alors que les dorures de l'aube avaient laissé place à un ciel bleu annonçant une journée bien plus ensoleillée que la veille, Asami et Chris prenaient leur petit-déjeuner. L’atmosphère était plus calme et détendue que quelques heures auparavant, alors que l’inconnu caché dans son subconscient ne cessait de menacer la nipponne. Après maintes tentatives de se souvenir aux moyens de la raison, ce furent finalement le cœur et les sens en éveils, grâce aux plaisirs charnels, qu’Asami avait retrouvé cet amour qu’elle avait failli perdre, et tous les souvenirs qui l’accompagnaient. Finalement, Chris n’aurait pas besoin de contacter la mystérieuse Lisa Dumont pour rendre sa mémoire à la Japonaise, même s’il n’avait aucun doute quant à leurs retrouvailles très prochainement.

Le petit-déjeuner livré par le garçon de chambre était un délice de saveurs plus exquises les unes que les autres. Chris étant habitué à son traditionnel bacon-œufs du matin depuis la disparition d’Asami, ces mets étaient un délice de simplicité, et illustraient tout le charme du pays du Soleil Levant. Tout cela lui avait manqué, tout comme la présence douce et apaisante de la belle aux cheveux chatoyants. Cependant, même si l’heure en était aux petits plaisirs gustatifs en couple, d’autres problèmes se posaient inévitablement. Asami s’était construit une seconde vie, certes moins solide que la précédente, mais avec ses obligations, ses devoirs, ses diverses implications. Elle était retournée au bercail, et la question délicate de savoir si elle allait retourner à New-York se poserait à un moment ou à un autre. Mieux valait ne pas laisser trainer ce genre de choses et aller droit à l’essentiel. De plus, Chris avait une dette envers deux personnes…

- Asami… je sais que tu as une nouvelle vie ici, que tu as sûrement de nouveaux amis, un boulot qui a l’air de te réussir vachement bien. Mais heu… est-ce que tu comptes rentrer avec moi à New-York ?

Il était un peu embarrassé de la chambouler si tôt avec des questions aussi lourdes d’implications, mais il n’avait d’autre choix. Il n’avait ni passeport, ni titre de séjour, et ne savait même pas comment rentrer aux States. L’aller était un voyage audacieux, voire carrément fou, mais sa spontanéité s’était retournée contre lui. Il n’avait pas du tout prévu le retour…

- Désolé de t’ennuyer avec ça de si grand matin. Mais j’ai fait une promesse envers Peter et Alex, la promesse de les aider. Ils veulent arrêter Sylar. Je leur dois bien un coup de main, vu l’aide qu’ils m’ont apportée pour te retrouver. Je ne compte pas prendre part au combat, mais s’ils ont besoin d’aide ou d’assistance, que des êtres humains sont en danger… je ne peux pas rester là sans rien faire, et laisser un tel poids sur les épaules de tes amis.

D’un geste tendre, en plongeant ses yeux dans les siens, il caressa sa joue du revers de la main, effleurant une mèche verte au passage. Elle était si belle, de grand matin, avec sa peau de porcelaine, ses grands yeux emplis de bonté, et sa petite bouche aussi délicieuse qu’un fruit gorgé de soleil. Il reposa ensuite sa main sur sa table, et se mit à manger calmement.

- Ils ont besoin de toi aussi, Asami. A l’heure qu’il est, tous te croient encore morte, y compris Caïn. D’ailleurs, en parlant de lui, je l’ai enfin rencontré ! Nous avons fait route ensemble jusqu’à San Francisco… avant que je ne…

Il y pensa tout à coup. Il n’avait pas encore dit à Asami qu’il avait traversé un océan tout entier pour la retrouver. Tant de choses s’étaient déroulées en son absence, depuis la rencontre avec Sky jusqu’à la vérité sur ses parents et son oncle inexistant, en passant par sa nouvelle forme de fusion avec le feu. Il savait aussi que Caïn allait venger la mort d’Asami, en éliminant les personnes qui avaient provoqué cet horrible incident. Tout cela était lié de près ou de loin à la disparition de la nipponne.
Et pourtant, elle semblait si paisible, si innocente, comme un doux rayon de soleil qui vous caressait la peau. Il fallait bien avouer que sur un point en particulier, Asami et Chris étaient semblables : ils avaient le don de s’attirer les ennuis. Et c’était loin d’être fini…

Profiter de l’instant présent, voilà ce qu’elle souhaitait sur le moment. Devant de multiple plat typiquement japonais en guise de petit déjeuner. Elle relevait de temps en temps les yeux sur Chris mais le silence était de mise, des regards échangés, des sourires complices, le rouge lui montait parfois au joue en repensant à cette nuit passer. Si pour beaucoup de culture la proximité était de mise, Asami avait toujours été éduqué comme bon nombre d’autre japonais, la proximité n’était pas leur fort. Au japon, on ne disait pas « Je t’aime » aussi facilement, on ne se mariait pas par amour en règle générale. L’honneur, les intérêts, cela avait beaucoup plus d’importance que tout le reste et c’était très certainement pour tout cela qu’elle n’avait pas eu de mal à quitter son pays d’origine. Elle était très différente des valeurs nippone. Dégustant ce petit dans le silence du petit matin, une légère tension était malgré tout palpable. Au fond d’elle, la japonaise aux cheveux verts savait pertinemment que Chris souhaitait lui demander quelque chose, lui dire quelque chose, patientant simplement qu’il se lance…Il rompit enfin le silence.

- Asami… je sais que tu as une nouvelle vie ici, que tu as sûrement de nouveaux amis, un boulot qui a l’air de te réussir vachement bien. Mais heu… est-ce que tu comptes rentrer avec moi à New-York ?

La question pour elle ne se posait même pas…

- Désolé de t’ennuyer avec ça de si grand matin. Mais j’ai fait une promesse envers Peter et Alex, la promesse de les aider. Ils veulent arrêter Sylar. Je leur dois bien un coup de main, vu l’aide qu’ils m’ont apportée pour te retrouver. Je ne compte pas prendre part au combat, mais s’ils ont besoin d’aide ou d’assistance, que des êtres humains sont en danger… je ne peux pas rester là sans rien faire, et laisser un tel poids sur les épaules de tes amis.

Peter…Alex…L’évocation de ces noms lui pinçait légèrement le cœur, se rappelant que sa vie ne contenait pas que Chris mais possédait bien plus de personnes.

- Ils ont besoin de toi aussi, Asami. A l’heure qu’il est, tous te croient encore morte, y compris Caïn. D’ailleurs, en parlant de lui, je l’ai enfin rencontré ! Nous avons fait route ensemble jusqu’à San Francisco… avant que je ne…

Elle baissa les yeux sur le bol de Miso qu’elle tenait entre ses doigts. Le déposant délicatement sur la table basse. Caïn, elle avait l’impression de le connaître par cœur mais aussi de faire face à un inconnu à chacune de leur rencontre. Il avait eut une véritable influence sur elle mais elle ? En avait elle eut sur lui ? Cependant, ses pensées ne restèrent pas longtemps sur cet homme, la dernière phrase que Chris avait laissé en suspend avait attiré l’attention de la japonaise, la sortant de ses pensées, elle fixait le jeune homme.

« Tu as utilisé tes dons ? »

Cela la touchait terriblement, baissant encore une fois la tête pour retenir sa sensibilité et l’empêcher de s’exprimer. Ce n’était pas le moment pensa-t-elle. Elle inspira profondément.

« Je ne te quitterai plus… »

Dit-elle dans un premier temps.

« Nous devons rentrer, si ils ont besoin d’aide, je veux aussi être là pour ça… »

Cependant, et elle le savait pertinemment, elle devait régler autre chose avant.

« Ce qui me retient pour le moment n’est pas une carrière, ou une nouvelle vie. Mais…Galadriel a aussi besoin d’aide. »

L’altruisme était une belle qualité mais la vie, cruelle, avait tendance à vous rappelez que vous ne pouviez pas aider tout le monde.

« Je dois lui parler, lorsque se sera fait, nous partirons directement. »

Elle s’inquiétait énormément de la réaction de Galadriel face à cette annonce, si elle avait oublié pendant un temps son ancienne vie, son passé, elle n’avait pas oublié la seconde vie qu’elle avait eut. Le réveil, Galadriel, le voyage, ses crises…

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