Nouveau départ [PV Arthur]

Quel jour était-il ? Quel mois ? La ville de New York n’en avait strictement rien à faire. Tristement, la Grosse Pomme s’était vidée de sa vie depuis l’explosion de Peter Petrelli en son sein, causant la destruction d’un des symboles de la puissance américaine. Mais personne ne s’en préoccupait de ce Peter. Il n’était qu’un terroriste parmi d’autre, travaillant pour un fou encore plus dangereux. Selon l’opinion publique du moins. Voilà comment Sylar avait réussi un tel tour de force. Si la ville mourrait, c’était uniquement parce qu’un psychopathe s’était servi de la faiblesse d’un des plus grands héros de leur temps.

Seulement, l’emprise de Sylar diminuait avec le temps, et déjà la résistance avait fait beaucoup pour réduire les effectifs des sbires du tueur. Déjà la mal s’essoufflait, laissant les victimes, les innocents reprendre le contrôle de leur ville. Aujourd’hui, l’armée se sentait suffisamment en confiance pour ouvrir l’aéroport, permettant aux victimes laissées par Sylar et ses troupes de s’enfuir. Certes, le nombre de survivants était nettement inférieur à celui de victimes tuées, mais cela valait toujours mieux qu’une ville fantôme, ravagée par le mal et hantée par la mort.

Les files d’attente s’étendaient sur tout le hall, depuis les nombreux guichets jusqu’aux portes ou presque. Tous tenaient un sac, une petite valise à la main, seuls vestiges de leurs passé. Au beau milieu de tous ces gens, une adolescente, seule et sans bagages se tenait droite. L’asiatique, qui ne devait pas avoir plus de dix-sept ans, regardait toutes ces personnes terrifiées, guettant le moindre bruit suspect qui annoncerait l’arrivée des tueurs de leurs cauchemars.

Mais elle avait d’autres préoccupations. Quand tous ceux gens redoutaient se faire attaquer, elle redoutait d’être reconnue par l’un d’entre eux comme étant l’une des tueuses de Sylar. Quand tous craignaient n’avoir personne pour les accueillir où qu’ils aillent, elle craignait de ne pas rester suffisamment longtemps en vie pour voir l’avion.

Tout ce que possédait Hayden Adurna à ce moment même était une robe, tâchée de poussière et de sang. Une robe de bal, qui fut blanc cassé dans une autre vie. Et un pouvoir, qu’elle aurait voulu ne jamais avoir. Pas à ce prix-là.

_Vous êtes seule ? Vous avez vos papiers Miss ?

Hayden releva la tête, arrachant ses yeux à la contemplation de ses pieds pour se poser sur l’homme derrière le guichet. Quand était-elle entrée dans la file ?

_Je suis seule. Je n’ai rien, tout à explosé…
_Ce n’est rien Miss. Vous êtes de New York?
_Non. J’étais venue rendre visite à une amie à moi… Je suis du Texas. Odessa…
_Il me faudrait votre nom et votre prénom.
_Adurna. Hayden Adurna.

Bien sûr, ils devaient vérifier si les personnes qui prenaient l’avion ne mentaient pas sur leur identité. Hayden espérait seulement que si ses parents avaient lancé un avis de recherche pour elle, il ne s’afficherait lors de la vérification qu’effectuait l’homme face à elle.

_C’est, vous pouvez y aller. L’avion pour le Texas est porte d’embarquement numéro 5

Sans un mot, Hayden s’éloigna du guichet, direction la porte d’embarquement, l’avion… Le Texas. Recommencerait-elle sa vie comme si de rien n’était ? Qu’allait-elle dire à sa famille ?

Hayden ne voulait pas y aller. Elle ne voulait pas rentrer. Si l’adolescente était venue aujourd’hui, c’est uniquement parce que les gens de la résistance lui avaient demandé de rentrer chez elle. Elle ne servirait à rien ici, à se morfondre. L’illusionniste aurait voulu rattraper ses erreurs, se faire pardonner d’avoir tuées autant de personne de sang froid. Mais si Alex pouvait dire que ce n’était pas sa faute, il n’en était rien pour la texane. L’illusionniste n’était sous l’emprise de personne, et même si elle était amnésique, elle aurait dû discerner le bien du mal.

*Si faible… Si froide. Je suis un monstre. Mais est-ce que je mérite d’être mise de côté ainsi ? Je peux aider, non ?*

Elle ralentit l’allure. Elle ne voulait pas monter dans cet avion, mais elle ne demandait qu’à faire ce que la résistance attendait d’elle. La jeune brune savait qu’ils savaient ce qu’ils faisaient, mais une réalité s’imposa à elle, aussi désagréable soit elle.

*Ils ne me font pas confiance. Même Hiro. J’ai été trop loin.*

Une larme coula sur sa joue tandis qu’elle s’arrêta à quelques mètres seulement de la porte. C’était fini, plus personne ne lui faisait confiance ni ne comptait sur elle. Personne ne la soutenait. Pourquoi le feraient-ils ? Hayden n’était qu’une meurtrière après tout, non ?

Alors que la japonaise ruminait ses sombres pensées, elle sentit une présence derrière elle. L’illusionniste se tendit. On venait la chercher. On venait l’arrêter, quelqu’un l’avait reconnue.

L’adolescente ne bougeait pas, les bras ballants, flottant de chaque côté de son corps. Elle était paralysée, se refusant à allait plus loin. Mais aussi car elle ressentait ce désagréable picotement derrière la nuque, elle était observée elle le savait. L’illusionniste tenait les papiers que lui avait donné l’homme au guichet de l’aéroport. Sauve conduit qui lui permettrait de quitter définitivement la Grosse Pomme et surtout ses souvenirs douloureux qui la hantaient encore.

Ou pas…

Hayden ne s’était toujours pas décidée à quitter le hall pour passer la porte d’embarquement. Pourquoi n’arrivait-elle pas à le faire? Pourquoi ne pouvait-elle se résoudre à quitter son pire cauchemar au lieu de s’y complaire et de vouloir le faire durer toujours un peu plus? Encore et toujours plus…

Une main se fit sentir sur l’épaule de l’adolescente. Le poids de celle-ci semblait s’ajouter à celui, écrasant, de la culpabilité de la jeune fille. La texane ne se retourna pas dans un premier temps, s’attendant à entendre ses droits ou bien à sentir une autre main menotter ses poignets. Mais rien ne vint. Absolument rien. Seuls les bruits futiles des discutions hystériques, des pas et des valises que la foule traînait derrière elle. L’asiatique se décida enfin à tourner sur elle-même, jetant un coup d’œil à la main sur son épaule, remontant lentement le long du bras pour finalement croiser le regard d’un homme âgé, d’un air sévère.

Mais ses yeux, ses yeux semblaient sans fond, d’une profondeur insondable. Hayden ne savait absolument pas qui était cet homme, ni ce qu’il lui voulait. Il ne semblait pas s’être trompé, s’était bien elle qu’il voulait aborder. Mais encore une fois, pourquoi? La texane ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam… Pour ce qu’elle en savait du moins.

Mais après ce qu’elle avait vécu depuis l’attaque du gymnase, comment en être sûre?

Mais avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, l’homme prit la parole, s’adressant à elle d’un ton qui semblait si neutre qu’il en était déstabilisant. Si elle entendait aller plus loin? C’était une question qu’elle se posait sans cesse, sans en trouver la réponse. Cependant la tournure de phrase qu’il employa fit se braquer Hayden, qui se sentit mal à l’aise.

_Quand bien même l’aurais-je envisagé, serait-ce une menace?

D’un coup d’œil discret, l’adolescente repéra une voie qui la ferait sortir rapidement, évaluant ainsi les différentes possibilités de fuite qui s’offraient à elle. Si l’homme savait qui elle était et plus important encore ce qu’elle avait fait et ce dont elle était capable, elle ne donnait pas cher de sa peau, alors autant avoir une carte ‘Sortie de Prison’.

*‘‘N’oublie pas qu’il y a des gens dehors qui n’auront aucun scrupule à se débarrasser d’une adolescente aussi douce soit elle.’’ Hiro avait sans doute raison lorsqu’il m’a dit ça..*

Sans s’en rendre compte, l’asiatique avait resserrée son emprise sur les papiers qu’elle tenait toujours. Ils n’étaient maintenant plus que de vulgaire chiffons, ayant plus trait aux brouillons désormais qu’à des pass pour prendre un avion en ligne directe pour Huston, Texas.

C’était trop bête. Se faire repérer alors qu’elle était sur le point de quitter cet endroit, c’était vraiment stupide ! Hayden y était presque, elle était à deux doigts de retourner à sa vie tranquille et sans encombre à Odessa. A deux doigts de redevenir Hayden Adurna, adolescente banale, inintéressante, que personne n’arrêterai dans la rue pour la connaître davantage. Celle qui ne demandait rien à personne et à qui on le rendait bien. Celle sur qui personne ne comptait parce qu’elle ne comptait que sur elle-même. Celle qui était tellement ordinaire qu’elle en devenait invisible. Mais elle avait appris à passer son chemin, à ne pas regarder les gens s’éloigner sans un regard pour elle. Elle n’était qu’Hayden après tout.

Oui, l’illusionniste était à deux doigts de réussir à retourner à sa vie d’avant, et voilà que cet homme venait de tout gâcher. Parce que c’était ce qu’il avait fait n’est-ce pas ? Il avait gâchée sa seule chance de redevenir insipide. Si c’était ce qu’elle voulait, elle l’ignorait cependant. Mais c’était ce qu’elle devait faire, ce que Hiro et les autres voulaient. Elle n’était pas utile, elle en avait déjà trop fait.

Son cœur se serra en même temps que sa main sur ses papiers à cette pensée. Tous ses muscles se crispèrent. Cela faisait mal de savoir qu’elle ne serait même pas là pour rattraper ses erreurs, au moins aider à reconstruire la ville. Mais ils avaient tous raison : qu’aurait-elle pu faire de plus ? Mieux valait qu’elle rentre… Mais dans ce cas Hayden ne devrait pas hésiter. S’ils avaient raison, si la jeune texane n’avait plus rien à faire là, pourquoi sentait-elle qu’elle pouvait accomplir tellement encore ?

*De toute façon ça n’a plus d’importance maintenant. Ce type va me dénoncer, et on va m’envoyer en prison. Ou pire peut-être… Au moins je paierais pour ce que j’ai fait, non ?*

Mais la livrer aux autorités n’était vraisemblablement pas dans les intentions de l’homme qui la tenait par l’épaule. L’asiatique l’écoutait parler, il connaissait son nom. Comment ? Elle n’en avait aucune idée, mais elle ne s’en préoccupa pas, écoutant l’homme. Comment un inconnu pouvait-il à ce point être captivant aux yeux de la japonaise ? La jeune fille repensa vaguement au moment où, pour la première fois depuis qu’elle avait perdue la mémoire, elle avait vu Sylar. Celui-ci avait un tel charisme qu’il avait suffit d’un regard à la texane pour se retrouvée hypnotisée par le tueur. Mais l’homme qu’elle avait à présent face à elle avait quelque chose de plus. Une puissance qu’elle pouvait voir dans son regard, cachée derrière l’air jovial qu’il affichait tandis qu’il continuait de s’adresser à elle.

*Besoin de moi ? En voilà un qui n’a pas conscience que j’en ai peut-être déjà trop fait…*

Mais Hayden savait très bien que l’homme avait raison. Chacune de ses paroles étaient tellement vraies, elles résonnaient dans l’esprit de la jeune asiatique. Au fond, l’illusionniste savait qu’elle n’avait sa place dans l’avion qu’elle s’apprêtait à prendre pour retourner chez elle. Chez elle… Elle n’avait plus de chez elle désormais. C’était ici ‘chez elle’ et ce jusqu’à ce qu’elle en soit chassée. La vie qu’on lui avait promise si elle montait dans l’appareil ne serait rien d’autre que celle qu’elle avait toujours voulu fuir. L’adolescente rêvait de plus, de mieux. Sa famille lui manquait, certes, et elle n’aurait jamais cru le dire un jour. Mais la jeune Adurna avait encore tellement à prouver. ‘Prestige de votre avenir’… Quel beau rêve.

Ainsi il en savait autant sur elle ? L’inconnu savait tout d’elle, mais elle n’était pas effrayée. Si il avait l’intention de s’en prendre à elle, il l’aurait déjà fait. Il était en position de force et il le savait bien, Hayden le sentait. Il se dégageait une telle présence, une telle attraction de l’inconnu qu’elle n’aurait pu s’éloigner de lui de toute manière, même si elle l’avait voulu. Il avait une prestance qui avait envoûtée la japonaise. Il la savait responsable de l’horreur qui s’était abattue sur la ville, mais il ne ferait rien contre elle. C’est ce qui motiva sa décision. La douce voix d’Hayden s’éleva dans le vacarme incessant de l’aéroport:

_Je vous écoute.