GPS-less [PV Kerry]

La nuit tombait sur la ville de New York lorsqu’Alex arriva enfin en bas de l’immeuble où il vivait avec Kerry. Quelque peu fatigué par cette journée de travail, il n’avait qu’une seule envie, rentrer chez lui pour pouvoir se détendre et faire autre chose que du vélo. Devant l’ascenseur, la voisine du dessus attendait. Le français ne se souvenait plus de son nom. Il savait juste que c’était une vieille acariâtre qui voyait d’un mauvais œil le fait que Kerry soit enceinte en dehors du mariage.

« Bonsoir. Il fait drôlement froid ce soir, vous ne trouvez pas ? »

La seule réponse qu’il obtint fut un regard encore plus glacial que le vent qui soufflait dans la rue. Alex s’attendait à ce genre de réaction. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait engagé la conversation. Il savait que ce genre d’attitude énervait les gens lorsqu’ils ne vous appréciaient pas.

« Ok … »

La porte de l’ascenseur s’ouvrit alors. La vieille femme se précipita à l’intérieur, des fois qu’Alex, en plus d’être immorale, soit impoli. Le français lâcha juste un discret rire devant cette attitude plutôt déplacée, puis, il entra à son tour dans la cabine. Evidemment, le bouton de l’étage de la vieille bique était déjà appuyé, mais celui d’Alex non. Vraisemblablement, ce n’était pas lui qui avait besoin de cours de bien séance. L’ascenseur se referma lorsque le jeune homme appuya lui-même sur le bouton de son étage. Dans un silence de tombe, la cabine effectua son ascension. Alex observait les chiffres défiler sur le cadran digital au dessus des portes de la machine, alors que sa voisine ne cessait de le scruter avec un regard mesquin. Finalement, la cabine se stoppa à l’étage du français, les portes s’ouvrirent libérant ainsi Alex.

« Bonne soirée Madame euh … peu importe. Ah et pensez à mettre des boules quiès ce soir : avec Kerry je pense qu’on va tenter d’en faire un deuxième directement dans la foulée. »

La dernière chose que vit Alex fut le visage offusqué de sa tendre voisine lorsque les portes se refermèrent.

« … mégère ! »

Alex s’engagea alors dans le couloir, tout en cherchant les clés de l’appartement dans ses poches. Lorsqu’il les trouva, l’une d’elles heurta son doigt blessé.

« Chier ! J’avais oublié ça … »

Puis, ouvrant la porte d’entrée, il se débarrassa de son manteau et de ses chaussures avant de s’enfoncer d’avantage dans l’appartement. Etrangement, Kerry n’était pas là. Pourtant vu l’heure qu’il était, et n’ayant rien de prévu, il espérait la trouver chez eux en rentrant. Mais, rien, il ne la sentait pas. En temps normal, lorsqu’elle se trouvait à l’appartement, il sentait instinctivement sa présence rien qu’en passant les portes de l’ascenseur.

Il alla donc se chercher un paquet de chips dans la cuisine, puis s’installa dans le canapé. Attrapant la télécommande posée sur la table basse, il alluma la télévision, posa ses pieds sur la table et commença son génocide chipsien.

« Tes pieds. »

Alex fit un bond sous l’effet de la peur. Kerry venait d’entrer dans le salon, le prenant sur le fait. En effet, elle ne voulait pas qu’il mette ses pieds sur la table basse, règle qu’il dérogeait très souvent en son absence. Tel un enfant pris la main dans le sac, le français, à présent totalement redressé sur le canapé et les jambes repliées sur lui, regardait Kerry avec des yeux incrédules. D’où sortait-elle ? Il n’avait pas entendu les clés dans la serrure. Elle ne portait ni manteau, ni chaussure, à croire qu’elle ne venait pas de dehors. Quelques chips encore dans la bouche et des miettes sur le bord des lèvres, il tenta tant bien que mal de fournir quelques explications bidon.

« Ch’te jure que ch’est la première vois. »

Avalant difficilement et tentant de se remettre de sa frayeur, il continuait de rester perplexe quant à cette apparition inopinée de sa douce moitié.

« Mais depuis quand t’es là ? Y avait personne y a deux minutes. Tu viens de me filer une de ces trouilles !!! J’t’ai pas entendu rentrer. »

Cela faisait deux semaines qu’elle était revenue d’Austin où elle avait enseigné quelques temps et où elle avait revu Hayden. Malgré leur passé qu’elles avaient en commun elle avait heureuse de la revoir et de savoir qu’elle allait bien. Mais ces retrouvailles avaient été gâchées les hallucinations qui n’étaient qu’au départ que des cauchemars. De retour à New-York elle avait retrouvé sa fac et ses élèves habituels ainsi que ses collègues du New-York Times et bien sûr son cher et tendre Alex qui avait trouvé un boulot de coursier. Elle ne lui avait pas encore parlé de son problème. Pas besoin de l’inquiéter, elle trouvera une solution seule. D’ailleurs elle venait de prendre un rendez-vous avec son médecin. Peut-être qu’il pourrait l’aider. Après qu’elle ai donné son cours, elle prit sa voiture et se dirigea vers le cabinet du docteur, docteur qui était une femme d’une soixantaine d’années. Elle la suivait depuis plusieurs années et Kerry n’avait pas jugé utile de changer de médecin.

En arrivant, la secrétaire lui indiqua que le docteur allait la recevoir. Elle entra dans la salle de consultation. Le docteur Jane Keller la salua et d’assis derrière son bureau.

« Alors, que puis-je faire pour vous Kerry ? »

« Voilà, c’est…vous allez croire que je suis folle. J’ai comme des…hallucinations. Je vois des choses…qui ne sont pas là. »

« Pas là, tu es sûr ? »

Kerry tourna la tête et vit son double assise sur le siège à côté du siens. Kerry se contenta de reporter son regard le docteur Keller.

« Des sortes de visions en sommes. Cela vous arrive souvent ? »

« Hum…tout les jours, oui. »

« Ecoutez Kerry, je ne suis pas psychiatre mais cela ne serait pas surprenant que ces troubles ne soient que l’expression de vos craintes au sujet de votre grossesse. Le traumatisme qu’on a tous subit n’y est peut-être pas étranger.

Le double rit.

« J’avais oublié qu’elle était drôle celle-là. »

Kerry se força de l’ignorer.

« Vous avez une solution ? Un médicament que je pourrais prendre ? »

« Quoi ?! »

« Eh bien oui j’en ai un qui serait sans effet sur le bébé. Mais dans votre cas, ce n’est pas forcément la bonne thérapie. »

Le double se leva.

« La marrante à raison. Tu ne peux pas faire ça ! »

Mais Kerry fit la sourde une nouvelle fois.

« J’aimerais quand même essayé. »

« Très bien, je vous donne ce qu’il faut. »

Elle se leva et sortit du bureau, laissant Kerry seule, enfin pas tout à fait. Le double semblait contrarié, comme si ses plans venaient de tomber à l’eau.

« J’arrive pas à croire que tu en arrive là. Mais je dois avouer que je suis vaincue. Je pensais pouvoir faire quelque chose de toi. Mais c’est impossible. »

Kerry ne broncha pas. Keller revint avec un flacon en plastique qu’elle déposa sur son bureau.

« Voilà ce sont des comprimés à prendre le matin pour que ça agisse le reste de la journée. Un seul. Vous serez plus détendu ensuite. »

« Merci docteur. Je peux en prendre un tout de suite ? »

« Bien sûr. Tenez, prenez ce verre d’eau. »

Kerry prit un comprimé qu’elle avala ainsi que le verre d’eau. Comme par magie, le double n’était plus là. Kerry se sentit soulagée. Enfin le calvaire se terminait. Elle sortit du cabinet et rentra chez elle. Alex était encore en train de livrer du courrier à un endroit de la ville. Elle commença à écrire l’article qu’elle devait envoyé à son rédacteur d’ici la fin de la journée. Elle avait convenue avec lui de pouvoir travailler chez elle le temps de sa grossesse pour éviter le stresse qu’implique de travailler au Times. En fait, c’était plutôt lui qui lui avait proposé ce système mais elle l’avait accepté car en fin de compte elle travailler au calme même si elle devait de temps en temps affronter un amphithéâtre rempli d’élèves. Elle s’installa dans la pièce qu’elle avait aménagé en bureau. Les heures passèrent sans qu’elle ne s’en rende compte. Ce n’est que lorsqu’elle entendit le bruit de la porte de l’appartement qui se fermait qu’elle s’arrêta d’écrire. Elle regarda l’heure. 19h passé, l’heure habituelle à laquelle Alex finissait de travailler. Elle termina son article et l’envoya par mail. Elle se leva et alors qu’elle allait sortir de la pièce elle se retrouva en face de son double tout sourire.

« Surprise…Désolée de t’avoir fait croire que de simple médicament allait me faire disparaître mais vu ta tête ça vallait le coup. »

Kerry s’avança sans rien dire et alla vers le salon où Alex était en train de regarder la télé assis sur le canapé avec les pieds sur la table, chose qu’elle détestait qu’il fasse. Raa les hommes.

« Tes pieds. »

Alex sursauta. Il ne se doutait pas qu’elle allait le prendre la main dans le sac. Avalant la chips qu’il avait dans la bouche, il lui jura que c’était la première fois qu’il le faisait. Kerry sourit. Elle se doutait bien que c’était faux. Il devait le faire à chaque fois qu’il était seul dans l’appartement. Elle s’approcha de lui et enleva les quelques miettes de chips qu’il avait dans le coin des lèvres avant le l’embrasser. Puis sa question la surprenait un peu. Il ne comprenait pas comment elle pouvait être là alors qu’il était certain d’être seul ici.

« J’étais là toute l’après-midi j’ai travaillé sur mon article. Tu pensais vraiment que je n’étais pas là ? Promis la prochaine fois je ferrais plus de bruit en travaillant et ça t’éviteras de salir la table. N’est-ce pas ? »

Elle remarqua qu’il avait une blessure sur le bout d’un doigt, rien de grave, vu la taille juste une petite coupure.

« Tu t’es coupé ? »

Kerry leva les yeux et vit le double à côté d’Alex.

« Le beau brun à une coupure et ça te choque pas ? J’y pense, comment ça se fait qu’il n’a pas su que tu étais là ? Lui qui est un radar ambulant ? Réfléchis. »

Pour une fois, ce que disais son hallucination était pertinent. Alex savait toujours où elle était et lorsqu’il était blessé il pouvait guérir et vu cette coupure, il n’avait pas besoin de prendre beaucoup de force à quelqu’un où à quelque chose de vivant. Quelque chose n’allait pas.

« Il y a quelque chose qui cloche avec ton pouvoir ? »

Kerry s’approcha alors du français avec son sourire habituel. Doucement, elle ôta une miette encore colée sur la lèvre du jeune homme avant de l’embrasser. Elle lui annonça alors qu’elle était resté à l’appartement toute l’après midi à travailler sur un article. Sur un ton plaisantin, elle lui promit que la prochaine fois, elle manifesterait plus clairement sa présence afin de ne plus lui faire peur à l’avenir. Alex ne comprenait pas. Si elle était présente au moment où il était entré, pourquoi ne l’avait-il pas senti ? Voyant la coupure sur le doigt de son ami, la jeune journaliste lui saisit la main, lui demandant ce qu’il lui était arrivé.

« Oui, avec une feuille … rien de grave. »

Puis, l’espace de quelques secondes, la jeune femme sembla fixer quelque chose placé juste derrière Alex, regardant juste au dessus de son épaule. Par reflexe, le jeune homme tourna la tête, tentant de voir ce qui avait ainsi pu retenir l’attention de la future mère. Mais il n’y avait rien, juste, un espace vide. Ce fut la question de la jeune femme qui ramena l'attention d'Alex devant lui.

« Il y a quelque chose qui cloche avec ton pouvoir ? »

C’était une question, mais elle avait presque un gout d’affirmation dans la bouche de Kerry, comme si elle avait encore son don de vérité. En y réfléchissant, ce n’était peut-être pas dénué de sens comme demande. Pourquoi ne parvenait-il pas à soigner une simple coupure, alors qu’il était capable de ramener les gens morts récemment à la vie ? Pourquoi avait-il cru être seul dans l’appartement, alors que le lien qui l’unissait à Kerry faisait qu’il la sentait instinctivement à son approche ? Alex fronça les sourcils. Quelque chose clochait, c’était évident. Se concentrant, il tenta une nouvelle fois de percevoir l’essence vitale de Kerry. Mais ce fut en vain. Posant une main sur la joue de sa bien-aimée, il retenta l’expérience, n’obtenant pas plus de résultat.

« Je … Y a un truc en effet. »

Alex porta alors son attention sur une plante en pot posée sur le rebord de la fenêtre. Lentement, il s’en approcha. Timidement, il tendit sa main vers elle pour finalement la toucher du bout du doigt. Terrifié à l’idée du résultat, il osa tout juste tenter d’en drainer toute vie. Un nouvel échec se présenta. Le doute n’était plus possible : Alex avait perdu tous ses pouvoirs.

« Là, je crois qu’on a un réel problème. »

Déjà, Alex tentait de comprendre comment un tel phénomène avait pu survenir. Pour le cas de Kerry, l’explication résultait dans le pouvoir d’Arthur Petrelli. Pourtant, Alex ne l’avait pas croisé, et encore moins touché depuis les évènements de la Compagnie. La cause était donc forcément autre. La dernière fois que ce genre de chose était arrivé à Alex, c’était suite à un choc psychologique non négligeable : la mort. Et jusqu’à preuve du contraire, cette fâcheuse expérience ne lui était pas ré-arrivée depuis. Il n’y avait donc aucune raison qu’il fasse une forme de blocage.

« Bon, et bien il semblerait que j’ai perdu mes pouvoirs. Comment ? Pourquoi ? Je l’ignore. Je ne sais même pas si c’est transitoire ou définitif, bien ou mal. Est-ce que je dois me réjouir ne plus avoir cette responsabilité, m’inquiéter de ne plus pouvoir nous protéger de Sylar ou des Compagnies ? »

Désemparé par une telle découverte, Alex se rapprocha du canapé et s’y assit. Les mains croisées entre les genoux et le regard soucieux, il attendait, comme s’il devait recevoir un verdict capital. Pourtant, rien ne viendrait. Sans doute était-ce l’angoisse de l’avenir qui s’emparait à présent de lui, un avenir encore plus incertain. Il ressentait une impression de vide. Au début, il pensa que c’était dû au fait qu’il avait conscience d’avoir perdu quelque chose. Pourtant, c’était beaucoup plus profond. Ce vide qu’il ressentait, cette soudaine solitude, ce n’était dû qu’au fait de ne plus sentir inconsciemment et en permanence toutes les entités vivantes environnantes. Il avait tout simplement perdu l’habitude d’être comme tout le monde.

Quelque chose n’allait pas, c’était certain. Alex semblait perplexe à sa question. Il déposa l’une de ses mains sur sa joue. Alex lui répondit qu’effectivement quelque chose clochait. Il allait alors vers la fenêtre où était posée une plante sur le rebord. Il tendit le bras en sa direction et tenta d’utiliser son pouvoir mais rien ne se produisit. Déçu, Alex se rendit à l’évidence qu’il n’avait plus de pouvoir. Alors qu’Alex s’assis sur le canapé, le regard songeur, Kerry se demanda comment cela avait pu arriver. On ne perdait pas ses pouvoirs comme ça si facilement, à moins de les faire voler. Mais ce n’était pas le cas pour Alex. Kerry ne voyait aucune explication à ce phénomène. Alex était aussi perdu qu’elle. Il ne savait pas si c’était une bénédiction ou un malheur. Comment pourrait-il protéger ce foyer si il n’avait plus de pouvoirs ? Déjà que Kerry n’en avait plus. Désormais ils étaient plus vulnérables que jamais.

Kerry s’assis à côté de son compagnon. Elle le regarda un instant puis elle le fit la regarder.

« Eh, je sais que ce n’est pas facile de se rendre compte qu’on a plus de pouvoir, d’être redevenu ordinaire. Quand Arthur me les a volé, c’était comme si j’avais perdu une partie de moi-même et c’était le cas. Au début on doit apprendre à faire avec comme une fatalité qui nous tombe dessus sans rien pouvoir faire pour l’empêcher et puis quand on le perd, c’est plus terrible que l’on pense. Ecoute, je te connais, tu vas arriver à faire face. Ce n’est peut-être que temporaire qui sait. »

« Oui pas. »

Le double était assis sur le fauteuil.

« J’y pense…ce n’est peut-être pas le seul à qui ca arrive. Hum…ça serait vraiment mauvais. Quoique… C’est peut-être un mal pour un bien…Imagine si tous les speciaux sont redevenus de simples humains.»

Le double se redressa et s’approcha de Kerry et lui chuchota à l’oreille.

« Une opportunité de se débarrasser d’une épée de Damoclès qui est sous vos têtes à tous les trois…Sylar. L’occasion ou jamais.»

Kerry la regarda. En effet, si le phénomène se produisait pour tous les spéciaux, alors ils devaient tous vulnérables y compris Sylar. Mais elle ne voulait pas y penser. Elle se reconcentra sur Alex. Elle lui prit les mains et les serra dans les siennes.

« Je suis sûr qu’on va très bien s’en sortir. Et si on a besoin de se défendre, on aura qu’a prendre des armes. »

Elle lui sourit dans l’espoir que ça le rassure un peu. Elle plongea ses yeux son regard dans celui d’Alex.

« Comme disais quelqu’un qui est tout pour moi : je t’aime, avec ou sans pouvoir. Peu importe. Tu es toujours le même. »

Devant le désarroi dans lequel était plongé son ami, Kerry vint s’assoir en face de lui. D’une main, elle fit en sorte qu’il tourne son regard vers elle. Ce simple contact avec la jeune femme suffit à atténuer les craintes du jeune homme. Etant passée par cette épreuve, elle tenta de le rassurer, lui expliquant qu’il était normal de ressentir ce qui le minait, qu’elle savait ce qu’il traversait. Elle ajouta qu’elle avait confiance en lui et n’avait aucun doute sur le fait qu’il parviendrait à surmonter cette épreuve. Durant un instant, Kerry resta silencieuse, ne cessant de regarder Alex. Puis, elle tourna la tête, semblant une nouvelle fois observer quelque chose juste à côté d’elle. Une nouvelle fois, à cette place, il n’y avait rien. Finalement, elle reposa son regard sur le français, et, saisissant ses mains, elle les serra contre les siennes. Elle annonça qu’en cas de besoin, s’il fallait qu’ils se défendent, ils n’auraient qu’à s’armer. Un sourire rassurant s’afficha alors sur son visage. Dans ses yeux, Alex put voir de l’assurance et de la détermination, comme toujours chez Kerry.

Evidemment, la jeune américaine savait se servir d’une arme à feu, ayant appris à le faire lorsqu’elle avait travaillé pour l’OWI. Pour Alex en revanche, c’était quelque chose qui lui était totalement étranger. Il s’était toujours promis de ne jamais s’en servir, ce genre de chose n’étant pas compatible avec son éthique. Mais aujourd’hui, il était forcé de revenir sur ses principes. Si la femme qu’il aimait et l’enfant qu’elle portait devaient être protégés par les armes, alors, il était prêt à le faire. D’autant plus que ceux en face n’auraient pas autant de scrupules à user d’arme sur eux.

Ce que dit alors Kerry à ce moment là, toucha Alex au plus profond de son être. Elle lui répéta la phrase qu’une personne à laquelle elle tenait énormément lui avait dite peu de temps auparavant. Cette phrase, c’était Alex lui-même qui l’avait formulé lorsqu’il s’était retrouvé avec Kerry à Paris, peu de temps après qu’Arthur lui ait volé ses pouvoirs. Avec ou sans pouvoir, il restait le même, et elle l’aimait ainsi. Le français saisit alors la jeune femme dans ses bras et la serra contre lui.

« Merci », lui chuchota-t-il à l’oreille.

Quelques instants, il la garda contre lui, respirant son parfum et ressentant les mouvements de sa respiration. Savoir qu’il n’était pas seul dans cette histoire le rassurait. Savoir qu’il pouvait encore la sentir, même si c’était d’une manière plus naturelle, le réconfortait également. Sans se détacher de la jeune femme, il reprit la parole.

« Au fait, je crois que c’est officiel : notre voisine du dessus me déteste. J’ai pris l’ascenseur avec elle. Heureusement qu’elle n’a pas de révolver à la place des yeux … sinon je serai mort. »

Alex desserra son étreinte, regarda Kerry dans les yeux tout en souriant. C’était sans doute sa manière à lui de tenter de dédramatiser les choses. Ironie du sort, ce moment de relâchement était dû à cette conservatrice ultra coincée que le jeune homme n’appréciait guère, et qui leur servait de voisine. Puis, se souvenant de l’emploi du temps de Kerry, il s’interrogea.

« Et dis-moi … ton rendez-vous avec ton médecin, ça c’est bien passé ? »

Même si à priori Kerry ne présentait aucune complication de santé, Alex n’en restait pas moins vigilant. D’autant qu’à présent, il n’était plus en mesure de déterminer si quelque chose n’allait pas dans l’état de Kerry.

Alex s’approcha d’elle et la serra dans ses bras. Il était touché par ce qu’elle venait de dire. Ils restèrent l’un contre l’autre pendant un instant puis le français lui révéla qu’il avait croisé leur voisine du dessus et qu’elle le détestait. Et que si ses yeux avaient été des révolvers, il serait mort. Kerry rit. Leur voisine, Madame Dotick n’était pas du genre très chaleureuse. Kerry en avait fait les frais également quand elle avait emménagé dans l’appartement tout ça parce que soit disant sa télévision faisait trop de bruit.

« Elle est comme ça avec tout l’immeuble, ce n’est pas toi en particulier. Mais avec le temps elle ne fera plus cas de toi. »

Alex s’écarta et se rappelant qu’elle lui avait parlé qu’elle devait allez voir son médecin, il lui demanda comment le rendez-vous s’était passé. Bien sûr il pensait qu’elle avait prit ce rendez-vous pour le bébé. Il ignorait que c’était pour une toute autre raison.

Le double se pencha vers elle.

« Allez dis lui. Ce n’est pas si compliqué. C’est l’occasion de lui avouer que tu as des hallucinations. A ton avis, comment va-t-il réagir ? »

Kerry ne quitta pas des yeux Alex, réfléchissant à la réponse qu’elle pouvait bien donné. Elle s’était jurée de ne rien lui dire mais elle devait avouer qu’elle n’avait pas la situation sous contrôle. Son problème ne pouvait pas se régler par les médicaments qu’elle avait pris. Peut-être que de lui dire la vérité la soulagerait. Elle prit alors son courage à deux mains.

« Oui, rien à signaler au niveau du bébé, il va bien. Par contre…c’est moi qui ai un problème. Ca dure depuis des semaines…j’ai pas jugé utile de t’en parler parce que je pensais pouvoir régler et ça t’aurait évité de t’inquiéter. Mais je me dois me rendre à l’évidence que je ne sais pas régler ça. »

Elle fit une pause puis reprit.

« J’ai des hallucinations. Je vois une personne qui me dit des choses alors qu’elle n’est pas réelle. Je suis allez voir le docteur Keller pour qu’elle me donne des comprimés mais ça n’a pas eu d’effets. »

Kerry continua de regarder Alex dans les yeux après la question de ce dernier. Durant quelques secondes, elle conserva le silence, secondes qui pour le jeune homme semblèrent être des minutes interminables. Dans le regard de la jeune femme, il pouvait lire une certaine forme d’inquiétude et de doute, comme si elle réfléchissait à la réponse qu’elle devait donner, à la manière de la formuler. Comme si quelque chose n’allait pas. Puis, finalement, elle se décida à répondre.

Tout allait bien du côté de sa grossesse, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, tout se déroulant le plus normalement possible. Le problème se situait ailleurs. C’était Kerry. Elle vivait avec depuis quelques semaines à présent et n’avait pas jugé nécessaire d’en parler à son ami, préférant ne pas l’inquiéter inutilement, tout en tentant de trouver une solution seule. Pourtant, aujourd’hui, elle se rendait compte que sans aide, elle ne parviendrait pas à surmonter son souci. Un nouveau silence s’installa, semblant pour Alex durer, une nouvelle fois, une éternité. Visiblement, elle était victime d’hallucinations. Elle voyait une personne qui n’existait pas, et cette dernière lui parlait. Si elle avait pris un rendez-vous avec son médecin, c’était pour tenter de trouver une solution médicamenteuse. Mais visiblement, c’était un échec. Cette nouvelle stupéfia quelque peu Alex qui garda le silence devant l’annonce de la jeune femme. Puis, il se ressaisit pour tenter de rassurer et de soutenir la journaliste.

« Tu n'as vu le médecin qu’aujourd’hui, peut-être que le traitement a besoin d’un peu de temps pour fonctionner. Si ça se trouve, tout va rentrer dans l’ordre d’ici quelques jours. Mais dis-moi, qu’est-ce que tu vois au juste ? Des personnes irréelles, que tu n’as jamais vues ? Ou bien, des visages familiers ? Que te disent-ils ? »

Réalisant qu’il soulevait plus de questions qu’il n’apportait de réponses, Alex se stoppa dans son envie de détails. Kerry était mal à cause de cette histoire, et elle n’avait peut-être pas besoin qu’on la tourmente d’avantage avec. Si elle voulait en parler, elle pouvait le faire elle-même. Il posa une main sur l’épaule de la jeune femme, la caressant doucement.

« Tu es peut-être tout simplement surmenée. Un peu de repos te ferait sans doute du bien. Je veux bien comprendre que tu sois une de ces femmes modernes super actives, combinant à merveille vie professionnelle et vie privée. Mais n’oublie pas que tu es enceinte, ça change la donne tout de même. Entre tes articles pour le journal et tes cours à l’université, tu devrais peut-être lâcher du lest, non ? »

Alex marqua une pause et sembla réfléchir quelques secondes.

« Demain, on va pas travailler. On reste sous la couette toute la matinée, et on sort prendre l’air et se détendre dans l’après midi. Et on achève ce programme de farniente par un bon resto. Qu’est ce que tu en dis ? »

Après qu’elle au avoué à Alex la nature de son problème, il lui demanda ce qu’elle voyait exactement, des personnes irréelles, qu’elle n’avait jamais vu ou des visages familiers ? Maintenant qu’elle avait commencée à lui parler de son problème, il serait bête de ne pas aller jusqu’au bout.

« Qui je vois…c’est moi. Mais lorsque je me vois, je vois la Kerry psychotique que j’étais. Je sais que ça parait fou. De ce que j’ai compris, elle veut que je récupère mes pouvoirs. C’est peut-être un effet secondaire de ce que m’a fait Arthur, comme si une partie de moi ne supportait pas d’être une personne sans pouvoir. »

« Blablabla. Ne me dis pas que tes pouvoirs ne te manquent pas. Tu les adorais, tu as même tué pour les avoir. Non, tu te fais juste à cette situation. Si un jour tu avais l’occasion de les retrouver, tu sauterai sur l’occasion. »

Kerry regardait l’hallucination qui était à côté d’Alex.

« Jamais ! Jamais je les reprendrais. Je ne redeviendrai pas comme ça. »

« Tu crois ça ? A ton avis pourquoi suis-je là ? C’est dans ta nature. On était plutôt douées dans ce domaine. »

Kerry se leva d’un bond.

« Vas t-en ! Vas t-en ! »

Mais le double ne fit que rigoler. Kerry tourna la tête vers Alex. La scène avait due lui paraitre surréaliste et perturbante.

« Désolée. »

Alex lui proposa de passé une journée de détente. Pas de travail, juste une grasse matinée, une après-midi tranquille puis un restaurant en soirée. Un programme alléchant, elle avait vraiment besoin même si elle avait des obligations vis-à-vis du journal et de l’université. Tant pis.

Kerry regarda Alex et acquiesça.

« Tu as raison. Il faut que je me repose. Cette histoire m’épuise et j’ai vraiment pas besoin de ça. »

Elle se rassit en face d’Alex et lui sourit.

« Merci. »

Et elle déposa un baiser sur ses levres.

L’hallucination qui tourmentait Kerry n’était autre qu’elle-même, ou plutôt, comme elle l’avait précisé, la Kerry qu’elle avait été un temps. Cette part d’ombre en elle souhaitait récupérer ses pouvoirs. La jeune femme ignorait complètement d’où pouvait provenir cette manifestation de son esprit. Soudain, elle sembla de nouveau fixer quelque chose à côté d’Alex. Puis, brusquement, elle se mit à dire que jamais elle ne chercherait à récupérer ses pouvoirs, ne souhaitant pas redevenir cette personne malveillante. Kerry se leva alors, ordonnant à son double de partir. Semblant se souvenir que le jeune homme avait assisté à toute la scène, elle le regarda, quelque peu confuse avant de s’excuser. Le français avait observait ce phénomène d’un œil assez critique et inquiet. Depuis plusieurs semaines, la femme qu’il aimait souffrait de ce trouble, et jamais encore il ne s’en était rendu compte. Pourtant l’ampleur de problème se révélait être majeure.

Kerry sembla alors réfléchir à la proposition de son ami : prendre un peu de repos et passer la journée suivante à ne rien faire à part s’occuper de soi. Elle acquiesça, admettant que relâcher la pression ne pourrait que lui être bénéfique. Se rasseyant, elle remercia Alex avant de l’embrasser. Malgré tout, le français avait la désagréable sensation que tôt ou tard, ces hallucinations viendraient de nouveau semer le trouble. A présent, il se sentait plutôt impuissant pour aider son amie à résoudre ce problème.

« Très bien. Tes vacances commencent dés maintenant. Tu n’as qu’à te détendre dans le canapé, je m’occupe de tout le reste. »

Souriant, Alex se leva pour se diriger dans la cuisine. Mais avant de quitter la pièce, il s’arrêta pour se tourner vers Kerry.

« Promets-moi une chose … dis-le-moi si ça recommence de nouveau. S’il te plait, ne tente pas de me le cacher sous prétexte que tu ne veux pas que je m’inquiète. Je préfère être au courant et faire avec, plutôt que de m’inquiéter en me demandant si tu me caches quelque chose. A partir de maintenant, aucun secret entre nous. D’accord ? »

Très bien. Tes vacances commencent dés maintenant. Tu n’as qu’à te détendre dans le canapé, je m’occupe de tout le reste. »

Kerry obéit à cette proposition alléchante. Elle s’installait confortablement sur le canapé tandis qu’Alex se leva et se dirigea vers la cuisine. Il se tourna vers elle avant de quitter la pièce et lui fit promettre que si son problème se manifestait encore une fois, elle devrait le lui dire, ne pas lui cacher comme elle l’avait fait dès le début. Elle le regarda un moment. Elle se sentit coupable de ne pas lui avoir mis dans la confidence. Ils étaient un couple, un couple ne devait pas avoir de secret l’un pour l’autre. Elle abaissa un instant les yeux avant de lui répondre.

« Je te le promet. Plus de secrets. »

Elle regarda ensuite Alex partir dans la cuisine. Elle entendit le bruit d’ustensiles de cuisine. Le français devait sans aucuns doutes préparer un plat. Pendant ce temps, Kerry jeta un coup d’œil où se trouvait son double mais ne vit que le fauteuil. Elle se leva et regarda dans la pièce mais il n’y avait qu’elle. Elle se demanda pour combien de temps. Elle décida de se rassoir, attendant qu’Alex finisse dans la cuisine. Très vite, une bonne odeur envahit l’appartement. Les français savent faire la cuisine, c’était indéniable. Elle attendait avec impatience de savoir ce qu’il avait préparé. Mais elle était certaine que c’était quelque chose de très bon, comme toujours lorsqu’Alex cuisinait.

« Hum ça sent bon »

Cria t-elle à travers le salon. Pour patienter, elle se leva et se dirigea vers la chaine hi-fi. Elle prit un cd et l’inséra dans l’appareil. Quelques secondes plus tard, les premières notes de la chansons se faisaient entendre.