Banqueroute ! [PV Peter & Chris]

Guidé par son sixième sens, Alex parvint facilement à remonter la piste de Mila. Sans jamais hésiter une seule seconde quant à la direction à prendre, il mena Peter et Chris jusqu’à la jeune fille. Ils la trouvèrent, seule, au milieu d’un parc. Agenouillée, elle semblait abattue, les larmes coulant sur ses joues rosies. Comme l’avait signalé le français quelques instants auparavant, elle semblait indemne. Tout le monde ne pouvait pas se venter d’un tel exploit après un tête-à-tête avec Sylar. Constatant qu’elle était saine et sauve, le jeune homme soupira de soulagement. Pourtant, déjà, il tentait de s’assurer que le tueur était bel et bien parti. L’absence de trace du sociopathe dans le secteur acheva de soulager Alex. Il fit alors part de cette information à ses compagnons.

« Le parc a l’air sûr. Je ne pense pas que Sylar soit dans le coin. A mon avis, il est déjà loin. »

Alex reporta alors son attention sur Mila. En voyant la jeune fille dans cet état d’accablement, il eut de la peine, sachant ce qu’une rencontre avec le serial killer pouvait signifier en termes de douleur, tant physique que morale. Calmement, le jeune homme s’approcha d’elle.

« C’est fini Mila. Il est parti. »

N’ayant pas entendu que quelqu’un approchait, Mila sursauta de surprise, laissant échapper un hoquet mêlé de sanglots qu’elle tentait d’étouffer. Ne se retournant pas, mais ayant reconnu la voix qui s’adressait à elle, la jeune fille sécha nerveusement les larmes sur ses joues d’un revers de la main. Se montrer faible n’était jamais une bonne idée. Elle devait se ressaisir si elle voulait rester efficace. Se relevant, elle préféra rester dos aux trois hommes, tentant ainsi de leur dissimuler un peu plus longtemps ses yeux rougis.

« En effet … c’est fini … », répondit-elle.

Une phrase lourde de sens, si toutefois on se montrait capable d’en comprendre la véritable signification. Mila avait commis une première erreur majeure : réveiller le monstre qui était en Sylar. Elle avait permis au tueur d’y voir un peu plus clair dans cette période de doute. A présent, il le lui avait clairement dit, il était de retour. Ses intentions aussi étaient claires : éliminer Peter et récupérer le pouvoir de la cheer leader. En perdant cet allier de poids, ils venaient voir une chance de vaincre les Sons of Liberty et le Montecino s’envoler. Agissant en cavalier seul, et dans son unique intérêt, Sylar serait à présent un troisième fléau lâché sur le monde.

Hésitant, et ne sachant pas vraiment comment gérer ce genre de situation, Alex regarda Peter, avant de poursuivre.

« Tu veux en parler ?

- Parler de quoi ? trancha Mila d’un ton sec tout en se tournant pour fixer son père droit dans les yeux. Il n’y a rien à dire. Sylar est ce qu’il est, et ce qu’il a toujours été. Imaginer un seul instant qu’il pouvait nous aider était de la folie.

- L’important, c’est que tu ailles bien. Tu tiens encore sur tes deux jambes, c’est un miracle, tenta d’ajouter le français compatissant.

- Mais on s’en cogne que j’aille bien ! Il est de retour, et il veut la tête de Peter et celle de Claire. Et tout ça, à cause de moi. J’aurai jamais dû venir. En fait, je crois que je n’ai fait qu’aggraver la situation. J’aurai mieux fait de rester là où j’étais avec ma vie pourrie ! Au moins, je l’aurai pas croisé et il … »

S’arrêtant net, Mila ne parvint pas à achever sa phrase. A la place, elle effleura sa joue du bout des doigts, à l’endroit exacte où le tueur avait osé la profaner en la souillant de ses lèvres. Nauséeuse au simple fait de repenser à cette scène, la jeune femme se demanda si elle n’allait pas une nouvelle fois éclater en sanglot. Inspirant profondément, elle refoula sa souffrance, ne laissant que quelques larmes perler au bord de ses paupières. La voix serrée, elle poursuivit tout de même.

« Et le pire, c’est que maintenant, je suis coincée ici, sans aucun espoir de retour. »

Alex s’assombrit alors un peu. Toute cette histoire ne lui disait rien de bon. Il ne comprenait pas tout ce que racontait Mila, mais certains points ne l’enchantaient absolument pas. Peter était à présent en danger, même si le français se doutait bien que le cadet des Petrelli avait de la ressource. En revanche, le fait que le tueur en avait encore après la cheer leader ne lui plaisait pas du tout. A l’heure qu’il était, Kerry devait déjà l’avoir retrouvée, et donc être en sa compagnie. Si Sylar voulait mettre la main sur Claire, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il trouverait également la journaliste.

« Kerry doit être avec Claire. Il faut la prévenir que Sylar les recherche.

- Kerry n’est pas avec Claire, et elle n’a rien à craindre de Sylar, coupa Mila.

- Comment tu sais ça ?

- Parce qu’elle est dans un lit d’hôpital. Elle a dû accoucher il y a quelques heures maintenant.

- Quoi ? Quoi ? Quoi ? Et c’est maintenant que tu me dis ça ?!

- Tu devais être à ce que tu fais. C’était inutile de te déconcentrer.

- Je devais être auprès de Kerry ! Et pas ailleurs ! Et d’abord, qu’est-ce que t’en sais qu’elle a accouché ? Le bébé ne doit pas arriver avant plus de deux semaines. »

Mila garda alors le silence, ne sachant quoi répondre dans compromettre son secret. Du bout des doigts, elle chassa les larmes encore accrochées à ses cils. Finalement, elle tenta d’éviter le sujet en s’adressant à Peter.

« J’imagine que ça a déjà commencé, n’est-ce pas ? »

Sans une once d'hésitation, Alex guida le trio jusqu'à Mila. Il marchait rapidement et semblait nerveux, ce qui ne rassura guère Peter. Ce fut au beau milieu d'un parc qu'ils trouvèrent une petite forme recroquevillée sur elle-même, son corps tout entier agité par les sanglots. Une image qui brisait le coeur, mais qui valait tout de même mieux que la vue d'un cadavre, d'une nouvelle victime de Sylar. Mais était-ce mieux de vivre en gardant autant de souffrance en soi ? Comment supporter le fardeau d'une telle existence en sachant que celui qui l'a détruite court toujours ? Alex vérifia que Gray soit bien parti. Il était assez calme, mais Peter aurait mis sa main à couper qu'il ne l'aurait pas été autant s'il avait su la vérité à propos de Mila... et du reste. Peiné par l'état de la rouquine, il s'approcha d'elle et la consola. Chris, lui, resta en retrait. Il ne semblait pas être le consolateur idéal dans ce genre de situations. Peter resta statique, se contentant de serrer les poings. Il devait fournir un effort monumental pour ne pas laisser éclater sa colère et se lancer à la poursuite de ce traître sans foi ni loi. Ce furent les conseils de sa mère qui l'empêchèrent d'agir stupidement. Il était encore trop tôt pour affronter Sylar, mais il se jura qu'il aurait sa revanche.
Mila semblait vraiment au bout du rouleau, plus une seule étincelle d'espoir ne brillait dans ses yeux. Peter en eut des frissons. Que lui avait-il fait ? Alex dut se poser la même question, car il se retourna vers son ami avant de proposer à sa fille de se confier. Celle-ci se contenta de répondre que Sylar restera toujours Sylar, et qu'il était absurde d'avoir pensé requérir son aide. Alors Peter avait à nouveau échoué... En plus de n'avoir pu contenir le psychopathe, il avait remué le couteau dans la plaie déjà trop profonde de cette pauvre jeune femme, qui de plus était sa future nièce. Quand donc allait-il vraiment faire quelque chose de bien pour l'humanité ? Il avait toujours aspiré à un avenir meilleur, il ne cessait de vouloir aider le monde, mais il lui apportait au final plus de peine que de bonheur. Il rageait de se sentir aussi néfaste, aussi stupide.

Malgré les mots doux d'Alex, Mila restait défaitiste. Sylar voulait la peau de Peter et de Claire (une fois de plus), et elle s'en sentait responsable. Elle n'avait pas de raisons de l'être, elle avait même limité les dégâts, contrairement à Peter qui n'avait fait qu'empirer les choses. Il avait de la peine pour elle, qui n'avait pas eu une vie très joyeuse, et qui avait tenté l'impossible pour la rendre meilleure, au point de faire face à son plus grand cauchemar, celui qui avait détruit son existence. Ce devait être un coup dur pour elle. Lentement, elle s'effleura la joue, comme si ce geste lui demandait un effort considérable, avant de lacher qu'elle était coincée ici. Peter pensa immédiatement à la théorie du continuum espace-temps, qui avait été définitivement brisé. Elle était un résidu temporel, comme un voyageur ayant manqué de sauter sur le train en marche et condamné à errer à tout jamais dans la même gare, perdue au milieu de nulle part. En changeant le cours des événements, elle avait généré un autre avenir, un futur alternatif, avec une autre Mila. Elle n'était pas un manipulateur du temps, comme Hiro Nakamura ou Peter, et n'avait pas d'emprise sur ce genre de choses. Petrelli avait encore du mal à se l'expliquer, mais il avoua silencieusement à regret que Mila était dans le vrai.
Puis, une autre tuile tomba sur le petit groupe : Kerry n'avait pas retrouvé Claire pour la simple et bonne raison qu'elle venait d'accoucher. La nouvelle laissa Peter bouche bée, alors qu'Alex laissait exprimer sa révolte pour ne pas avoir assisté à cet événement capital. Quand ce dernier demanda à Mila comment elle pouvait détenir une telle information, celle-ci tenta de changer de sujet en s'adressant au cadet Petrelli. Lorsqu'il repensa aux actes répugnants de ces Sons of Liberty diffusés en direct dans tous les Etats-Unis, voire dans le monde entier, son regard s'assombrit un peu plus encore.

- Oui, ils ont frappé fort. Je suppose que l'incident de la Statue de la Liberté doit t'évoquer quelque chose. On y a assisté en direct à la télévision, juste avant de te rejoindre. Ils ne s'en sortiront pas si facilement.

Cette fois-ci, Peter se devait d'assurer. La colère et la haine le rongeaient, mais il savait désormais qu'il ne devait plus se laisser guider aveuglément par ses sentiments. Ses paroles étaient donc bien plus lourdes de sens qu'elles ne le paraissaient. Il se tourna vers son meilleur ami. Alex était l'une des personnes auxquelles il tenait le plus au monde, et jamais il ne supporterait le fardeau supplémentaire d'avoir causé son absence à l'accouchement de Kerry. Après tout, le Français était à Vegas pour venir le chercher. Sans lui, il serait aux côtés de la rouquine dans ce moment beau, mais éprouvant.

- Tu ne vas pas rater l'accouchement de Kerry, Alex.

Avant que Mila n'eût pu émettre une objection, il l'arrêta d'un geste de la main.

- Je vais t'emmener à New-York, et je remonterai le temps de quelques heures. Je refuse que tu la laisses seule dans un moment pareil.

Il reporta son regard vers les deux jeunes. Chris restait plutôt silencieux, toujours aussi peu doué dans ce genre de situations.

- Vous deux, vous reprendrez l'avion et vous tiendrez au courant des actions des Sons of Liberty, de manière à ce qu'on soit prêts à lancer l'assaut une fois revenus dans le présent. Je pense que les médias leur colleront aux baskets pendant un bon bout de temps.

En prononçant ces mots, il savait pertinement que Mila avait compris qu'il tentait de l'éloigner de sa propre naissance. Elle avait vécu suffisamment de chocs émotionnels pour le moment, d'autres bouleversements ne seraient pas vraiment les bienvenus. De plus, Chris et elle étaient complémentaires, l'un ayant un pouvoir physique, l'autre mental. Ils ne risquaient pour ainsi dire quasiment rien à deux. Cette fois, Peter ne pouvait pas échouer. Il pouvait y arriver, sans créer de dégâts supplémentaires. Il arriverait à être reconnu, à rendre ce monde un peu meilleur. Il posa une main sur l'épaule de son ami et ferma déjà les yeux. Afin de ne pas mettre l'Anglais dans l'embarras, il prit d'abord la peine d'arrêter le temps, et glissa quelques billets dans la poche du jeune homme pour qu'il puisse payer le trajet à la demoiselle. Il reprit alors sa position initiale, main sur l'épaule d'Alex, yeux clos, et réactiva le cours du temps.

- Allons-y, Alex. Chris, prends bien soin d'elle.

Et ils disparurent.

Chris était resté paralysé à la vue de l'état de Mila, recroquevillée, pleurant toutes les larmes de son corps. Il avait une étrange sensation, qu'il ne parvenait pas à expliquer. A vrai dire, c'était là un sentiment très familier qui le submergeait. Mais pourquoi ?
Il constata avec étonnement qu'il la comprenait. Il se sentait comme elle, comme s'il s'était déjà retrouvé exactement dans la même situation. Puis cela lui revint : son rêve. Ce cauchemar qui le hantait chaque nuit, c'était tout à fait ce que lui inspirait cette scène. Il y était lui aussi replié sur lui même dans un coin, couvert des éclaboussures de sang de ses parents, juste avant de voir surgir ces trois personnes, dont Angela Petrelli. A son réveil, il n'avait de cesse que d'éprouver le sentiment d'avoir été trahi, un profond sentiment d'impuissance qui le rongeait de l'intérieur. Cela semblait tellement réel qu'il avait presque fini par y croire. Comment pouvait-il faire la part du réel ? Il ne trouvait même plus ses parents pour leur demander ce que cela signifiait. Même son oncle Jimmy restait introuvable. Il n'avait aucune réponse à ses questions. S'il n'avait pas rencontré Asami, il aurait probablement fini par abandonner, et se serait laissé périr dans un caniveau des ruelles New-Yorkaises. Mais Mila, que lui restait-il ? Elle prétendait ne plus avoir de place nulle part. Cela signifiait-il pas de famille, de logement, d'amis ? Qui était-elle réellement ? Ses multiples sous-entendus la rendait d'autant plus mystérieuse. Son comportement conduisait à croire qu'elle était la fille d'Alex, mais la logique n'allait pas dans ce sens. Peter était au courant de quelque chose, mais ne désirait pas l'ébruiter... tout comme Angela avait éludé sa part de responsabilité dans les rêves de Chris. Et si tout cela s'était réellement passé ? Mais dans ce cas, comment n'en avait-il pas eu le souvenir ?

Alors qu'Alex tentait désespérément de consoler Mila, Peter finit par prendre la parole et proposa un plan pour la suite des événements. Il proposa à son ami de retourner quelques heures en arrière afin d'assister à l'accouchement de Kerry, alors que Chris et Mila reprendraient l'avion pour New-York pour chercher des informations sur la position actuelle des Sons of Liberty. L'idée semblait honnête, et l'Anglais acquiesca d'un signe de tête. Tout à coup, il ressentit une sensation dans sa poche, comme si quelque chose avait bougé. Il y glissa discrètement la main et ressentit plusieurs billets de banque. Cela ne pouvait venir que de Peter, seul manipulateur de temps du groupe.

Il allait donc se retrouver seul avec la rouquine dans un piètre état moral. Il n'était vraiment pas doué pour les consolations, et réfléchissait déjà aux mots qu'il allait employer pour gaffer un minimum. Toujours aussi taciturne, il regarda Alex et Peter disparaître devant ses yeux. En moins d'une seconde, ce fut comme s'ils n'avaient jamais été là, qu'ils n'avaient été que le fruit de leur imagination, une pensée abstraite qui s'était évaporée aussi vite qu'elle était arrivée. Le tandem des cadets resta silencieux pendant de très longues secondes embarassantes. Chris se racla la gorge et finit par se jeter à l'eau.

- Hé bien allons chercher nos billets d'avion alors. Tu viens ?

Maladroit dans ses gestes comme dans ses paroles, il posa une main incertaine sur l'épaule de la jeune femme pour l'inviter à le suivre. Elle portait toujours ce T-shirt haut en couleurs acheté à l'aéroport, mais celui-ci s'était teinté d'une certaine tristesse, il avait perdu tout l'éclat amusant qu'il dégageait lorsque Chris l'avait vu pour la première fois.

- Je... Je sais que ce n'est pas facile. Je pense que je te comprends, et je le pense vraiment. Quoiqu'il ait pu arrivé tout à l'heure, j'en suis désolé, et je suis là si t'as besoin d'en parler. Moi aussi j'ai eu cette impression, de n'avoir nulle part où aller, d'être devenu un déchet du destin. Mais il y aura toujours des personnes sur qui tu pourras compter, et qui seront là pour toi.

Même là où elle se trouvait, peu importe où cela était, Asami était présente en Chris, elle lui donnait chaque seconde de la vie la force pour continuer à se battre. Mila devait trouver son propre moteur de vie. Il la regarda attentivement. Cette tristesse dans ces grands yeux verts, il ne la connaissait que trop bien. Asami et lui-même l'avaient maintes fois partagée. Les spectres du passé finissent toujours par resurgir, aussi fort que l'on veuille paraître aux yeux des autres. Il suffit d'un choc, un seul coup, et toute cette forteresse construite autour d'un coeur en détresse s'écroule d'un coup, nous laissant nu, sans défense, forcé de dévoiler notre vrai visage. Il était primordial d'avoir quelqu'un à ses côtés dans des moments pareils. Pour Mila, Chris allait devoir être cette personne tout au long du voyage, reprenant la relève d'Alex. Peut-être n'était-elle pas encore prête à en parler. Embarassé d'avoir trop vite mis les pieds dans le plat, le britanique tenta de changer de sujet.

- Tiens, au fait... Tu ne m'as jamais dit quel était ton pouvoir. Tous ceux de la "troupe" d'Angela en ont un, donc je suppose que toi aussi. Et si tu m'en parlais un petit peu ?

Désireux de ne pas la froisser, il la gratifia d'un tendre sourire. Voir tant de peine lui faisait mal au coeur, il espérait sincèrement qu'elle s'en remettrait.

A la question de Mila, Chris répondit par l’affirmative. Le regard de la jeuen rousse se fit alors pensif derrière les dernières larmes encore accrochées à ses cils. Bien entendu que l’incident de la Statue de la Liberté lui disait quelque chose. Un évènement pareil ne pouvait pas être oublié, même si pour le coup, ces faits n’avaient été que relatés bien plus tard à Mila, ne les ayant pas réellement vécus. C’était le point de départ, le premier nœud dans la ligne des évènements. Et Mila et Angela venaient tout juste d’échouer à tenter de le défaire. Puis soudain, Peter annonça à Alex qu’il ne raterait pas la naissance de son enfant. Mila comprit alors immédiatement l’idée de Petrelli. Posant son regard cristallin sur lui, elle voulut intervenir. Jouer avec le temps commençait à causer trop de problèmes. Continuer d’agir ainsi n’était vraiment pas raisonnable. Mais avant qu’elle ne puisse ouvrir la bouche, Peter la stoppa d’un mouvement de la main. Il voulait que Chris et elle rentre à New York en avion et se tiennent au courant de l’évolution des choses. Mila n’aimait pas cette idée. Peter était en train de jouer à un jeu dangereux. Inconsciemment, il était en train de réunir toutes les données d’une équation à l’issue désastreuse.

Mais Peter semblait déterminée, et Mila était épuisée, totalement incapable de lutter ou d’entrer dans des explications complexes. Débattre sur l’avenir lui semblait hors de portée. Etait-ce de la fatigue ? Ou bien du désespoir ? Qu’importait la réponse, Peter et Alex venait tout juste de disparaitre de devant les yeux de Chris et de la jeune fille.

Un long silence s’instaura alors, témoin vibrant du malaise de Chris. Mila, immobile et sans volonté d’agir ne l’aidait pas vraiment. N’y tenant plus, le britannique finit par se racler la gorge, faisant relever le menton de cette dernière qui se mit à le regarder droit dans les yeux. Maladroit, il lui posa une main sur l’épaule afin de l’inciter à le suivre. Le regard de Mila se porta alors sur cette main amicale, pour ensuite revenir sur Chris. Ce dernier tenta alors de la réconforter avec des paroles pleines de sincérité. Mila eut alors un léger sourire de remerciement, qui disparut aussi rapidement. Le jeune homme tentait de lui remonter le moral, et c’était tout à son honneur. Cependant, la situation de la jeune rousse était bien plus complexe que ne pouvait le soupçonner Chris. Elle était une aberration temporelle à présent, et rien ne pourrait y changer.

Tentant de changer de sujet, Chris demanda alors à sa partenaire qu’elle était son pouvoir. Le malheureux, mal à l’aise avec l’état moral de la jeune fille tentait, tant bien que mal, de changer les idées de Mila. Touchée par l’attention de l’anglais, Mila ne put que lui sourire à son tour. Finalement penser à autre chose n’était sans doute pas une si mauvaise idée.

« Tu as raison Chris, j’ai également un pouvoir. Je suis capable de pousser les gens à agir comme je le désir. Tout à l’heure, si avec Alex vous m’avez laissé partir sans rechigner, c’était uniquement parce que je ne vous en ai pas laissé le choix. Ça n’est pas trop fairplay comme méthode, j’en conviens … mais après tout ce que j’ai dû faire et sacrifier pour arriver si loin, je suis très certainement capable de faire bien plus pour écarter tout obstacle de mon chemin. Il ne faut pas m’en vouloir. Les choses sont plus compliquées qu’il n’y parait Chris. »

Mila lança alors un regard en direction du Montecino. D’ici, elle ne pouvait pas le voir, le casino étant dissimulé derrière d’autres bâtiments. Mais elle savait pertinemment que l’édifice était dans cette direction. Dans son choix, Peter avait délibérément choisi d’ignorer ce clan, et de ne pas le surveiller. Même si la jeune rousse était sceptique quand à ce choix, elle se devait de le respecter. Après tout, ça n’était plus sa réalité, et puis, il y avait bien plus inquiétant à traiter à New York.

« Très bien. Ne trainons pas. Nous avons perdu assez de temps comme ça. New York doit être notre objectif principal à présent … et j’ai bien peur que la cheer leader ne soit plus une priorité. Il est trop tard à présent pour se soucier d’elle, on ne peut plus rien pour elle. »

Brusquement, elle se tourna vers Chris.

« Peter tient énormément à cette fille. Tu ne dois pas lui répéter ce que je viens de dire. Je ne suis pas certain qu’il serait capable de l’entendre. Nous allons au devant d’évènements bien plus graves que la simple capture d’une adolescente. Est-ce que je peux te faire confiance ? »

Elle esquissa un sourire avec difficulté, mais la souffrance se lisait encore dans son regard d'azur. C'étaient exactement les mêmes yeux que ceux d'Alex Dumont, mais en plus jeunes et bien plus empreints de tristesse. Chris se sentait vraiment déseparé face à une telle douleur à laquelle il ne comprenait à vrai dire pas grand chose. Mais après tout, il avait compris Asami, alors pourquoi n'arriverait-il pas à consoler cette rouquine désemparée ?
Il fut déjà plutôt ravi d'avoir réussi à dévier le sujet vers quelque chose de plus agréable. Mila lui parla de son pouvoir, sorte de poussée mentale capable de faire agir quiconque à sa guise. C'était donc la raison pour laquelle ils l'avaient laissée partir aussi inconsciemment. Chris n'appréciait guère le fait d'avoir été manipulé à son insu, il aime avoir la liberté de sa propre pensée. Mais pour cette fois, il n'en tiendrait pas rigueur à la jeune femme, elle avait traversé bien assez d'épreuves que pour se prendre en plus des reproches dans la figure. De plus, elle semblait évoquer de bonnes raisons pour avoir agi de la sorte. Au point où elle en était arrivée, elle avait déjà trop sacrifié que pour faire marche arrière, et n'avait eu d'autre choix que d'utiliser les moyens les plus radicaux. Mais malheureusement, cela s'était retourné contre elle, comme une gifle des plus violentes. L'Anglais secoua la tête.

- T'inquiète, c'est rien. Tu as fait ce qui te semblait le plus juste, personne ne pourra te le reprocher.

Le regard de la rouquine se perdit au loin, dans une direction qui semblait être celle du Montecito, et resta quelques instants silencieuse. Puis elle se secoua et proposa de partir pour New-York de ce pas. Selon elle, la Cheerleader n'était plus une priorité, et il était possible que plus personne ne puisse rien faire pour elle. Cela laissa Chris plutôt sceptique. Elle se tourna brusquement vers lui et insista fortement sur le fait qu'il ne devait pas en parler à Peter. Facile à dire, ce gars était un véritable télépathe en puissance...

- Oui, tu peux me faire confiance. Ceci dit, je pense que si les Sons of machin ont capturé cette nana, ce n'est pas pour passer le temps... du moins je l'espère. J'ai cru comprendre qu'elle avait un pouvoir assez puissant, et je mettrais ma main à parier qu'ils l'ont enlevée pour exploiter cette source inépuisable. C'est le scénario classique du grand méchant qui s'approprie un immense pouvoir afin de conquérir le monde. De toute façon, si tu tues le boss, tu sauves la princesse. Alors le mieux qu'on puisse faire, c'est rentrer à New-York vite fait et tenter de savoir ce qu'ils manigancent.

Il s'interrompit d'un air pensif, alors qu'ils continuaient à marcher, à la recherche d'un taxi pour se rendre à l'aéroport. Une idée lui trottait dans l'esprit depuis que la rouquine avait évoqué son pouvoir. Elle pouvait pousser les gens à agir comme elle le désirait. Et si...

- Mila, j'ai... une requête un peu délicate à te faire.

Il se râcla la gorge, un peu embarassé. Mais le sujet lui tenait bien trop à coeur pour qu'il le laisse de côté, et il était trop tard pour faire marche arrière, alors il décida de se lancer.

- Ton pouvoir là, tu crois qu'il pourrait m'aider à... me rappeler ? Je veux dire, j'ai ces cauchemars qui n'ont rien à voir avec la réalité, mais j'ai vraiment l'impression de les avoir vécus, tellement ils sont intenses. Ils me font grave flipper, tu vois, c'est comme s'ils essayaient de me dire quelque chose, mais je n'arrive pas à déchiffrer le message. Est-ce que tu pourrais me convaincre de me rappeler de ce qui est vrai dans tout ça ? Genre, une petite poussée pour avoir le déclic ?

Angela Petrelli lui avait semblé bien trop suspecte pour que tout cela ne soit le fruit que d'une pure coïncidence, et Chris était persuadé qu'une part de vérité se cachait dans ces cauchemars redondants. C'était l'occasion où jamais de faire la part des choses, tant qu'il en avait l'occasion. Il était seul avec l'une des seules personnes pouvant l'aider, et ils avaient un peu de temps devant eux. Tout ce qu'il espérait, c'était qu'une telle entreprise soit possible.
Au loin, un taxi arrivait, et l'Anglais leva distraitement une main pour l'interpeller.

Visiblement, Chris avait compris les motivations qui avaient poussé Mila à user de ses pouvoirs sur Alex et le britannique. A son regard, la jeune fille se rendit compte que le garçon en face d’elle la comprenait plus qu’elle ne l’avait soupçonné. Ne lui tenant pas rigueur de cet abus de pouvoir, elle lui en fut silencieusement reconnaissante. Quant au sujet de la cheer leader, il était prêt à tenir sa langue. Pourtant, il ne se priva de faire part à Mila de son opinion sur la situation. D’après lui, la capture de Claire par les Sons of Liberty n’était en rien le fruit du hasard. Elle avait une raison d’être. Regardant le sol, la jeune rousse eut un léger sourire. Oui, finalement, Chris pouvait se montrer agréablement surprenant. Elle l’avait sans doute sous estimé avec son air de jeune chiot fou. Mais au final, il semblait capable de faire preuve de plus de sagesse que bien des personnes plus âgées.

Le pouvoir de la cheer leader. Tout reposait sur ce simple état de fait. Elle était une source sans limite. Autant un don qu’un fléau, suivant de quelle manière elle était utilisée. Entre des mains aux bonnes intensions, elle pouvait s’avérer être le salut du genre humain. Mais sous la coupe des plus sombres intentions, alors elle pouvait devenir la nemesis de toute vie sur cette planète. Sous le joug d’Alexis Kane, il n’était difficile de deviner à quelle cause elle allait servir. La seule question qui restait était de savoir de quelle manière il allait l’utiliser pour parvenir à ses fins.

L’humour rafraichissant de l’anglais fit relever les yeux de Mila, sans pour autant lui effacer son discret sourire. Il était sage, certes, mais son tempérament restait tout de même teinté de la naïveté de la fin de l’adolescence. Tuer le méchant et sauver la princesse … Certains diraient tel un comte de fée, d’autre tel la fin d’un jeu vidéo lambda.

Soudain, le ton décalé du jeu homme vira. Il devint plus sérieux, avec une pointe d’embarra. Il voulait obtenir quelque chose de Mila. La jeune fille reteint son souffle quelques secondes, se doutant du sujet de cette demande. Finalement, les deux jeunes personnes semblaient partager plus de points communs qu’il n’aurait semblé au premier abord. Tous les deux étaient tourmentés par le passé. Mais cette similitude là s’arrêtait ici. En effet, si Mila conservait les souvenirs qu’elle aurait souhaité oublier, de son côté, Chris n’en conservait que des lambeaux incompréhensibles qu’il voulait rassembler. Dans cette quête de la vérité, il pensait approcher du but. Avec l’aide de Mila, il voulait retrouver ses souvenirs.

Alors qu’un taxi s’arrêtait à côté d’eux sur la demande de Chris, Mila sembla hésitante lorsque le britannique lui ouvrit la portière arrière afin qu’elle monte.

« Chris … la mémoire humaine est un domaine très complexe et d’une subtilité insoupçonnable. Parfois, il est bon de ne pas s’éterniser sur son passé, notamment sur les souvenirs qui nous échappent. Il y a souvent une raison à ce genre d’oublies. »

Voyant qu’il n’avait pas l’intention de changer d’avis, mais également que le chauffeur commençait à s’impatienter, Mila céda en soupirant. Une fois installée à l’arrière, elle regarda de son côté de la vitre, le temps que l’anglais prenne place à côté d’elle et indique la destination désirée au chauffeur.

Après tout, c’était sa vie. Il était donc en droit de connaitre la vérité. Si tel était son choix, Mila se devait de le respecter. Pourtant, elle voulait tenter une dernière fois de l’en dissuader.

« Tu es vraiment sûr de toi ? Tu risques de te remémorer des choses douloureuses, voire décevantes. Bien heureux est l’ignorant Chris … »

Puis, comprenant qu’il avait murement réfléchi, Mila accepta.

« Très bien. Je vais t’aider. »

Mila s’agenouilla alors sur la banquette, en travers de la voiture afin d’être bien en face de Chris. S’asseyant sur ses talons, elle tenta de conserver son équilibre malgré les mouvements du véhicule. Tournant la tête du jeune homme dans sa direction, elle le força à la regarder d’une main en lui tenant le menton. Un mouvement un peu brutal de la voiture manquant de la faire tomber, Mila jeta un regard en direction du chauffeur, le surprenant en train de les épier dans son rétroviseur.

« Dites ! Ça vous dérangerez pas de regarder la route plutôt ?! »

Le chauffeur retourné à sa tâche première, Mila reporta son attention sur le britannique.

« Très bien. Détends-toi maintenant. »

Mila plaça alors une main de chaque côté de la tête de Chris. Puis, elle plongea son regard azur dans celui du jeune homme. L’esprit de ce dernier s’ouvrit alors à elle sans aucune réserve. Les tourments, tant récents que passés que connaissaient le garçon, manquèrent de submerger la télépathe. Elle redoubla alors de vigilance face à cette marée chaotique de pensée. Son pouvoir s’insinua alors dans la conscience de Chris, s’engouffrant avec rapidité afin de le soumettre complètement à sa volonté.

« C’est très bien Chris. Aie confiance en moi, livre-moi tes secrets … ouvre-toi. »

Sentant le jeune homme se détendre entre ses mains, Mila poursuivit son œuvre, s’enfonçant toujours un peu plus dans les souvenirs de Chris, et le faisant d’avantage plier sous son pouvoir.

« Nous y sommes Chris. Tu t’en sors très bien. A présent, ce que je veux est ce que tu désires le plus. Ma volonté est la seule qui ait une raison d’être. Ton vœu le plus cher à l’heure actuelle, c’est de répondre à ma demande. »

Sa volonté intégralement sapée, Mila venait de mettre l’esprit de Chris à nu.

« Et ce que je veux Chris … c’est que tu trouves en toi la clé de ce qui te tourmente tant. Puise en toi ces souvenirs. La réponse a toujours été ici, il ne tient qu’à toi de la révéler. »

Soudain Mila repéra ce qui posait réellement problème. Il lui était déjà arrivé de tomber sur ce genre de phénomène par le passé en sondant des esprits. Il semblait y avoir un voile sur une partie des souvenirs de Chris, comme si ces derniers avaient été dissimulés. Quelqu’un avait semble-t-il tenté d’effacer un fragment de la mémoire de Chris. D’une simple impulsion psychique, Mila déchira le voile, faisant toute la lumière sur les secrets que ce dernier dissimulait.

Chris ouvrit la porte du taxi et laissa entrer Mila, avant de pénétrer à son tour dans le véhicule. La jeune femme marqua une certaine hésitation, et tenta honorablement de le dissuader d'accéder à ses souvenirs.

« Chris … la mémoire humaine est un domaine très complexe et d’une subtilité insoupçonnable. Parfois, il est bon de ne pas s’éterniser sur son passé, notamment sur les souvenirs qui nous échappent. Il y a souvent une raison à ce genre d’oublis. »

Elle n'avait pas tout à fait tort. Cependant, cette fois, c'était différent. D'un regard déterminé, Chris hocha négativement de la tête, bien déterminé à faire exécuter sa demande. Il était désormais trop tard pour faire marche arrière, il risquerait de le regretter par la suite. Une telle occasion se présentait rarement dans une vie.

- Écoute Mila... J'y ai bien réfléchi, et je connais les enjeux. Mais là, il s'agit de mon choix, et je te demanderais de bien vouloir le respecter... à condition que tu acceptes de m'aider, bien entendu.

Le chauffeur poussa un long soupir, toujours tourné vers ses deux jeunes clients. Il se racla la gorge pour rappeler sa présence, mais surtout le fait qu'ils n'avaient toujours pas démarré.

- Hé bien qu'est-ce que vous attendez ? lança Chris d'une voix presque insolente. Je viens de vous le dire, à l'aéroport, et vite !

Trop perturbé par cette histoire de souvenirs enfouis, l'Anglais en oubliait ce qu'il faisait, ou plutôt ce qu'il ne faisait pas. Le chauffeur, exaspéré, leva les yeux au ciel et démarra. Mila poussa alors un long soupir, résignée, mais elle fit une ultime tentative pour essayer de le convaincre :

« Tu es vraiment sûr de toi ? Tu risques de te remémorer des choses douloureuses, voire décevantes. Bien heureux est l’ignorant Chris … »

- J'aurais peut-être réfléchi à deux fois si je n'avais pas ces cauchemars incessants qui pourrissent mes nuits. Il est vrai que parfois, il vaut mieux faire table rase du passé et laisser certains démons au placard. Mais là, je pense que mon esprit tente de me faire comprendre quelque chose, alors je ne peux pas l'ignorer plus longtemps. Au plus vite j'aurai fait la lumière sur ce qui me tourmente, au plus vite je pourrai vivre avec et tenter de construire ma vie avec des bases plus solides. Elle, elle connaissait son passé... elle savait quelles étaient ses faiblesses, mais aussi quelles chutes lui avaient permis de mieux rebondir.

Toujours aussi tête en l'air, il en avait oublié dans sa confusion de dire de qui il parlait. Mais l'évidence sonnait comme un gong en plein désert : il s'agissait bien entendu d'Asami. Elle avait des regrets, des fantômes du passé qui la hantaient chaque nuit, mais avec l'aide de Chris, elle n'avait pas baissé les bras et avait appris à les combattre chaque jour. Il voulait être aussi fort qu'elle, il voulait pouvoir être fier de dire qu'il avait enfin fait face à ses problèmes, une fois qu'il la retrouverait. Mila sembla convaincue et acquiesca d'un air prudent.

« Très bien. Je vais t’aider. »

Chris lui en était énormément reconnaissant, d'autant plus qu'elle venait de vivre un moment particulièrement douloureux de son existence. Mais peut-être qu'en voyant en l'Anglais, elle comprendrait qu'elle n'était pas la seule à souffrir. Quelqu'un allait savoir ce qu'elle ressentait, partager sa douleur. Elle s'agenouilla alors sur le siège et fit face au jeune homme. D'une main, elle dirigea son visage face au sien, le tenant par le menton. Un mouvement brusque du véhicule manqua de les faire vasciller et Mila s'énerva envers le chauffeur, dont le regard était attiré tel un aimant vers la scène qui se produisait à l'arrière de sa voiture de travail.

« Dites ! Ça vous dérangerait pas de regarder la route plutôt ?! »

Avec petit rire nerveux, Chris tenta de le rassurer.

- On répète pour une pièce de théâtre, 'vous en faites pas ! Tout est cool, mec.

Nouveau soupir du conducteur, qui reporta son attention sur la route encombrée. Mila dirigea à nouveau son regard couleur topaze vers le britannique.

« Très bien. Détends-toi maintenant. »

Chris exprira lentement, tentant de garder son calme malgré la nervosité grandissante. Il allait enfin connaître la vérité, ouvrir la porte blindée de son esprit tourmenté derrière laquelle pouvait se cacher n'importe quoi. Il devait s'attendre à tout, au meilleur comme au pire. Une grande partie de ses questions allait probablement trouver une réponse dans très peu de temps.

- Ok, j'suis relax là. Vas-y, mets la gomme !

La rouquine posa alors une main de chaque côté de la tête du jeune homme et le fixa intensément. Cela le mettait assez mal à l'aise. En général, il avait l'habitude que ce genre de scène se termine par un french kiss langoureux, mais cette fois les circonstances étaient toutes autres. Il devait se concentrer autant qu'elle, mais son esprit volage vagabondait inéluctablement vers les pensées les plus futiles. Il éprouva tout à coup une drôle de sensation, très désagréable, comme s'il n'était plus seul à l'intérieur de son propre corps. Comme si... quelqu'un y était entré par effraction. Il comprit alors que le processus avait déjà commencé. Il se laissa faire en silence et fut bercé par les paroles de Mila. Sa voix douce et candide l'aidait à se détendre.

« C’est très bien Chris. Aie confiance en moi, livre-moi tes secrets … ouvre-toi. »

Pour s'aider, il ferma les yeux et se concentra sur sa mémoire, sur les images projetées par ses cauchemars. Que tentaient-elles de lui dire ? Quelle était leur signification ? Peut-être la fille du futur était-elle déjà au courant de ce qui était resté latent pendant si longtemps. Oui... du sang.

« Nous y sommes Chris. Tu t’en sors très bien. A présent, ce que je veux est ce que tu désires le plus. Ma volonté est la seule qui ait une raison d’être. Ton vœu le plus cher à l’heure actuelle, c’est de répondre à ma demande. »

Du sang. Monsieur et Madame Miles. Elle, une balle entre les deux yeux, sa tête reposant entre les mains ensanglantées de son fils. Un flash aveuglant. Chris fut pris d'un sursaut, ses traits se crispèrent. Mais le contact rassurant et ferme des mains de Mila le maintenait sur le droit chemin. Il ne perdait pas la boule, il approchait du but.

« Et ce que je veux Chris … c’est que tu trouves en toi la clé de ce qui te tourmente tant. Puise en toi ces souvenirs. La réponse a toujours été ici, il ne tient qu’à toi de la révéler. »

Pour l'instant, ce n'étaient que des images déjà connues, celles qui ne cessaient de défiler nuit après nuit, au cours de ces cauchemars terrifiants. Il voyait des images qu'il ne comprenait pas, dont il ne saisissait pas la signification, ancrées dans un contexte précis et cohérent. Puis tout à coup, Mila se tut, comme si elle venait de comprendre quelque chose. Une étrange impression, et l'Anglais bascula dans un état second.

* * * * * * * * * *

- Je ne pensais pas qu'ils nous retrouveraient si vite, beugla l'homme, paniqué.

Patricia Miles suivit son mari, traversant la cuisine et se dirigeant vers leur chambre. Les écouteurs sur les oreilles, Chris suivait la scène d'un oeil absent. Il régnait dans la pièce une tension palpable, au point qu'il finit par se lever pour voir ce qui se passait. En débarquant dans le salon, il vit son père, un fusil de chasse à la main, revenant de la chambre. Sa femme lui emboitait le pas, complètement paniquée.

- Non Antony, je pense que ce n'est pas du tout une bonne idée. Je t'en prie, ne fais pas ça !

Sa voix était devenue suppliante et ses yeux scintillaient d'humidité. Chris retira ses écouteurs et suivit la scène avec étonnement. Lorsque sa mère le vit, elle se dirigea vers lui, bras tendus.

- Ne reste pas ici, mon fils. Je ne veux pas que tu finisses comme Peter, je ne veux pas perdre mon autre petit garçon.

Elle prit la tête de son enfant entre ses mains et plongea son regard tordu d'inquiétude dans le sien.

- Promets-moi d'être prudent et de ne pas faire de bêtise, quoiqu'il arrive.

Il ne répondit rien, restant bouche bée, complètement pris au dépourvu. Patricia le serra contre lui, puis sursauta alors qu'un bruit sec se fit entendre. Un cri étouffé provenant d'Antony Miles s'échappa de la cuisine. Chris et sa mère allèrent jeter un coup d'oeil et restèrent pétrifiés. Les intrus avaient pénétré dans la maison par l'arrière et avaient déjà désarmé le père de famille après lui avoir flanqué un bon coup de crosse dans la nuque. Il gisait par terre, à moitié sonné, tentant désespérément de rester conscient. Particia porta une main à sa bouche et ses yeux s'exhorbitèrent. Elle poussa Chris derrière elle dans un geste de protection purement maternel. Les deux hommes étaient tous les deux très grands. L'un portait des lunettes à montures d'écaille et pointait son arme sur Antony. Il avait un regard glacial et l'expression figée, tel un robot prêt à péter une durite. L'autre avait l'air plus calme, mais non moins terrifiant. Il était Noir, chauve et vêtu d'une veste brune, à moitié ouverte sur une chemisette blanche qui moulait son torse extrêmement musclé. Lui n'était pas armé, et c'était probablement cela qu'il y avait de plus inquiétant.

- PLUS UN GESTE, hurla l'homme aux lunettes à montures d'écaille.

Comme pour lui lancer un défi, le père de Chris tenta de se relever dans un ultime effort. Sa femme laissa s'échapper un sanglot.

- Non, Antony ! Fais ce qu'ils te disent, je t'en prie !

Mais il ne l'écoutait plus. Pris d'une rage aveuglante, voulant défendre sa chère et tendre famille, Antony Miles fit face à ses adversaires et tendit la paume de sa main dans leur direction. Ce fut alors que le spectacle le plus ahurissant qui fût se se produisit sous les yeux de Chris. Une colonne de flammes émergea de la main de son père et se rua vers les deux hommes telle un tigre en furie. Ces derniers esquivèrent l'attaque de justesse en se jetant à terre, alors que le feu dévora une étagère derrière eux. L'homme aux lunettes n'hésita pas une seconde et tira deux coups avec une précision déstabilisante.

- NOOOOOOOOOOOOOOON !!!!!

Le hurlement de Particia fut comme un déchirement qui fit trembler la demeure tout entière, tourbillon de douleur et de rage qui faisait froid dans le dos. Son mari resta immobile un bref instant, puis vascilla et se brisa la nuque sur un coin de table. Les deux balles étaient allées se loger dans chacun de ses deux yeux, et il tomba à terre, le visage tourné vers sa petite famille, avec deux trous béants en guise d'orbites. Le visage glacial de la mort dans son horreur la plus totale. Comme prise d'un élan de folie absolu, Patricia se rua aveuglément vers les tueurs en rugissant, mais elle ne fit qu'un seul pas. Un troisième coup de feu retentit et la stoppa net. A son tour, elle s'effondra juste à temps pour que Chris puisse reccueillir sa tête entre ses mains. A ce moment-là, elle était déjà morte, la balle avait pris sa vie d'un seul coup fatal. Des yeux inexpressifs, au milieu desquels l'impact de balle laissait un filet de sang chaud et épais. Rapidement, les mains de Chris en furent couvertes. Il voyait désormais la scène en flou, pleurant en silence, agenouillé et tenant sa mère inerte.
Il releva la tête lorsqu'il entendit un déclic et tomba nez à nez avec le canon d'un pistolet. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, il crut que sa dernière heure avait sonné.

- Non Noah ! ordonna une voix féminine autoritaire.

Angela Petrelli, coiffée d'un chignon et vêtue d'un tailleur sombre, venait de faire irruption dans la pièce.

- Il ne constitue pas une menace, contrairement à ses parents, qui nous ont causé bien des ennuis. Cela faisait bien longtemps que nous étions à la recherche de ces rebelles, ces ennemis de la Compagnie, mais cet enfant n'a rien fait de mal. Il est innofensif.

Le dénommé Noah ne bougea pas d'un cil, prêt à appuyer sur la détente au moindre faux pas de la part de Chris. Il grinça les dents avant de protester.

- Mais ce gamin est le fils d'un pyrokinésiste et d'une polymorphe, tous deux extrêmement dangereux. On aura à peine le dos tourné qu'il commencera à ruminer sa vengeance, et ça va se retourner contre nous. De plus, tôt ou tard il finira par apprendre que ses parents tentaient de faire tomber la Compagnie, et il en fera tout autant. Nous ne pouvons pas prendre un tel risque.

Angela monta d'un ton, apparemment très en colère.

- Mais ce n'est qu'un enfant, Bennet ! Dois-je vous rappeler que votre chère petite Claire a quasiment le même âge que lui ? Rappelez-vous à quel point vous vous êtes battu pour elle, comme s'il s'agissait de votre propre fille. Ces pauvres parents poursuivaient un but bien légitime. Après tout, nous n'avons pas réussi à guérir leur fils, ce brave Peter (Dieu ait son âme). Ils ont d'abord voulu nous coller un procès, puis voyant que cela ne fonctionne pas, ils en sont venus aux mains. Je crois que j'aurais fait la même chose pour mes fils, et n'osez pas me dire que vous n'en feriez pas autant pour Claire. Alors terminez votre mission, qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec cette histoire.

La révélation frappa Chris de plein fouet. Pétrifié, il n'osait plus faire un seul geste et retint sa respiration. L'homme aux lunettes à montures d'écaille finit par baisser son arme, vaincu par les arguments détonnants d'Angela Petrelli. Il se tourna vers son complice chauve et désigna l'adolescent d'un signe de tête.

- Efface sa mémoire. Fais en sorte qu'il croie que son père est parti de la maison, et que sa mère l'a abandonné. On lui laissera une bonne somme pour s'en sortir financièrement.

Le Noir acquiesca silencieusement. Angela l'interrompit une dernière fois.

- Attends... (elle réfléchit quelque secondes, perplexe) Je crois qu'il pourrait nous être utile, à l'avenir. Implante-lui le faux souvenir d'un oncle professeur de génétique, qui enseigne à l'université de New-York. Il y a de fortes chances pour qu'il finisse par partir à sa recherche, et nous en profiterons pour le recruter dans la Compagnie. Il pourrait être un atout déterminant dans notre camp. Je pense qu'en considération des événements futurs, nous en aurons énormément besoin.

Nouveau hochement affirmatif de la tête du Haïtien. Il s'approcha de Chris en le fixant de ses yeux sombres comme le néant et tendit une main vers son front, pouce et index écartés. Le jeune garçon était figé par la terreur, il ne pouvait même plus réagir. La main froide et sèche se posa sur sa tête, puis ce fut le vide total.

[...]

Lorsqu'il se réveilla, la maison avait été nettoyée, les corps retirés et une enveloppe dans laquelle se trouvaient 6 000£ gisait sur la table de la cuisine. Chris se dit que sa mère était probablement partie en vacances pour quelques jours et organisa une énorme fiesta chez lui. En moins de trois jours, il avait dépensé la totalité de la somme en pizzas, boissons et matériel hi-fi. Il avait également investi dans un superbe aquarium pour ses poissons. Mais au fur et à mesure que les jours avançaient, l'argent se faisait rare et l'état maison se dégradait. Des personnes inconnues se retrouvaient même parfois endormies chez lui après une soirée bien arrosée. Alors que le livreur de pizza attendait son dû sur le pas de la porte, Chris se mit à fouiller la chambre de sa mère à la recherche de quelques pences pour payer la commande. C'est là qui réalisa que les armoires étaient vides, les tiroirs également. Chris, interloqué, s'enferma dans une armoire et s'y assit avant d'être découvert en état de choc par ses amis. Le lendemain, un SDF s'étant incrusté à l'une de ses soirées le mit dehors alors qu'il s'apprêtait à prendre sa douche. Il se retrouva hors de chez lui, sans vêtements, il n'avait plus rien. Ses amis le prirent sous leur aile, une prof qui le portait dans son coeur lui trouva un logement au sein de l'établissement scolaire et il continua les cours. Mais il se trouvait que son comportement allait de mal en pis, et il finit par se faire renvoyer. Se laissant d'abord complètement aller, ses amis l'incitèrent à trouver un job, et il se rendit donc dans une agence. Mais aucun boulot ne lui convenait, il finissait toujours par se faire virer. Dans une tentative désespérée, il rendit visite à son père mais personne ne répondit à la porte du présumé appartement.

Ce soir-là, Chris le passa dehors, sous la pluie automnale qui noyait l'Angleterre tous les ans. Il se sentait bien sous toute cette eau, comme s'il était dans son élément. C'est à cet instant qu'il eut pour la première fois cette sensation étrange : en entrant en contact avec lui, les gouttes d'eau semblaient fusionner, ou peut-être était-ce lui qui fusionnait avec elles. Il approcha la main de ses yeux pour mieux voir, quand celle si se liquéfia littéralement. Son poignet suivit, puis son bras et tout le reste de son corps. Il termina en flaque d'eau, ruisselant entre les pavés de la chaussée. Il était devenu eau !
A son grand soulagement, il réussit à reprendre son apparence normale et rentra dans le petit studio où il logeait pour trois fois rien. Mais cet événement spectaculaire l'empêcha de dormir. Il prit une ultime décision : se rendre à New-York pour parler de tout cela à son oncle, qui était professeur de génétique. C'était la seule famille qui lui restait, et l'homme aurait les fonds nécessaires pour l'héberger quelques temps. Il savait que New-York avait été en proie à de nombreux événements terrifiants, mais il aimait l'aventure et se dit que cela pourrait être une bonne expérience. Il trouva un job dans un snack et économisa autant qu'il put pour se payer un aller-simple pour la Grosse Pomme.
Après quelques mois, il débarqua donc dans la ville, ne sachant pas où son oncle se trouvait, errant à travers les débris de bâtiments, complètement fasciné par ce spectacle troublant. Il ignorait encore qu'il allait rencontrer Asami, celle qui allait bouleverser son existence à jamais...

* * * * * * * * * *

Une immense bouffée d'air s'engouffra dans sa gorge, comme s'il émergeait d'une longue plongée en apnée. Il avait du mal à respirer, suffoquait bruyamment, les yeux exhorbités. Il tremblait, complètement tétanisé, et se mit à crier à l'attention du chauffeur :

- ARRÊTEZ-VOUS, TOUT DE SUITE !

Pris de panique, l'homme s'exécuta immédiatement et Chris saisit la poignée avant de sortir en vascillant, dévoré par l'air froid de cette fin d'automne. Il courut au milieu de l'avenue embouteillée, titubant comme un zombie, se heurtant à l'une ou l'autre voiture. Après quelques mètres, il tomba à genoux et éclata en sanglots. Ses épaules sursautaient, agitées par les pleurs incessants qui le prenaient aux tripes. Les larmes coulaient à flots le long de ses joues et s'écrasaient sur le bitume, sous les regards étonnés des conducteurs. Incapable de se contrôler, il lâcha un hurlement de désespoir, la tête levée vers le ciel :

- NNNOOOOOOOOOONNN !!!!!

Puis il se laissa retomber à nouveau, la tête plongée entre les mains, pleurant encore et encore.

- P...Pourq...quoi ?

Sa voix n'était plus qu'une plainte à peine audible, tremblottante et affaiblie par une douleur dévastatrice. La vérité venait de frapper au plus fort, laissant une marque définitivement indélébile sur sa victime. Celle-ci, rongée par un flot de sentiment tous plus vifs et violents les uns que les autres, garda gravé en lui deux noms : Angela Petrelli et Noah Bennet.

Le voile à peine déchiré par l’impulsion psychique de Lisa, le jeune britannique fut pris de convulsions. Cette étape avait été la plus facile. Mais ce qui allait suivre serait beaucoup plus délicat à surmonter, surtout pour Chris. Afin d’éviter qu’il ne s’égard dans le dédale de son esprit, la jeune rousse resta auprès du jeune homme.

Ainsi plongée dans le subconscient de l’anglais, Lisa se trouvait à présent au côté d’un Chris légèrement plus jeune. Il semblait également en meilleur condition physique et plus en bon point. Des écouteurs sur les oreilles, il ne semblait pas vouloir prêter attention au couple en désaccord. A coup sûr, il s’agissait de ses parents, certains de leurs traits physiques se retrouvant chez Chris.

Lisa ne comprenait pas réellement ce qui était en train de se jouer sous son regard. Pourtant, elle savait que l’heure était grave. L’homme tenait un fusil de chasse à la main, tandis que la femme semblait au bord du désespoir, demandant à Chris de fuir. Une rixe éclata alors dans une pièce voisine entre le père et d’autres hommes. L’un portait des lunettes et tenait une arme à la main. L’autre semblait étrangement serein, en décalage total avec son partenaire beaucoup plus nerveux. Alors que le type armé intimait à la famille l’ordre de ne plus bouger, le père matérialisa une gerbe de flamme dans sa paume et la projeta sur les intrus. Pourtant son attaque fut un échec. Lorsque les coups de feu retentirent, Lisa sursauta. Le père de crise sembla s’écrouler au sol au ralenti devant ses yeux. Le cri de désespoir de la mère de l’anglais déchira le cœur de Lisa, tant sa douleur était palpable. Se ruant sur ses agresseurs avec le vain espoir de venger son époux, elle fut fauchée par un nouveau coup de feu. S’écroulant à son tour, elle reposa auprès de Chris.

* Qu’ai-je fait ? *

Lisa ne comprenait que trop bien la douleur qu’avait pu ressentir à cet instant très précis Chris. Elle était passée par la même épreuve. Pourtant, elle avait eu la chance de ne pas assister au meurtre en direct. Chris, lui, avait eu la chance dans son malheur d’oublier ce spectacle macabre. En quelques secondes, la jeune fille venait de lui offrir un nouvel aller simple pour l’enfer.

L’homme à lunettes braqua alors son arme en direction de Chris. Par réflexe, Lisa tenta de pénétrer l’esprit du tueur pour l’en dissuader. Puis, elle se souvint qu’elle se trouvait dans une scène virtuelle. Ici, le seul esprit qu’elle pouvait influencer était celui de Chris. Une voix familière fit pourtant le travail pour Lisa, retenant l’homme à lunettes : Angela Petrelli.

Selon Angela, Chris ne représentait pas une menace. Les deux tueurs étaient donc ses agents. Elle appela l’homme à lunettes Noah Bennet, qui était visiblement le père d’une certaine Claire. Le déclic se fit rapidement : le tueur des parents de Chris n’était autre que le père de la cheer leader.

Angela fit alors en sorte que les souvenirs de Chris soient effacés et que d’autres lui soient implantés afin de le mener dans un futur proche à elle.

Lisa fut alors happée hors de l’esprit de Chris. Visiblement, ce dernier en avait assez vu et tentait de remonter à la surface, refoulant la rousse de ses pensées. Chris inspira alors brusquement comme s’il venait se sortir la tête de l’eau. Encore parcouru de tremblements, il ordonna au chauffeur de s’arrêter. Ceci fait, le jeune homme se précipita en dehors du véhicule, suivi de Lisa. Il fit quelques pas chaotiques au milieu de la chaussée, avant de tomber à genoux et d’éclater en sanglots. Derrière lui, la jeune rousse se tenait debout, ne sachant que faire. Puis, finalement, elle s’approcha de lui, s’agenouilla à ses côtés et le pris dans ses bras. Elle fit avec lui ce que son père faisait avec elle quand elle était enfant et qu’elle avait du chagrin : tendrement, elle le berça dans ses bras tout en chuchotant.

« C’est terminé Chris … le plus difficile est fait. Je suis vraiment désolée … si j’avais su, je … je … Nous allons rentrer à New York. »

Alors c'était ça... Sa vie...

Une vie d'ado ordinaire brisée d'un seul coup, un être déchiré par l'horreur et la douleur, une existence détruite sur lequel avait été jeté un voile de mensonges ? Il le savait, il savait que ces cauchemars avaient un sens, ils semblaient trop réels pour n'être que le fruit de son imagination. Peut-être ces pilules, principalement prises lors de situations anxiogènes comme des petits supporte rassurants, avaient-elles révélé, sans qu'il le sache, cette part de sa mémoire refoulée par cet homme chauve. Son plus grand vice lui avait finalement été d'une aide précieuse. S'il n'avait pas ouvert les yeux sur la situation, il aurait continué de se laisser manipuler par cette créature monstrueuse, ce tas de mensonges ambulant, cette criminelle, mafieuse ou peu importait ce qu'elle était réellement. Ce nom resterait gravé dans sa mémoire jusqu'au moment où il la retrouvera... Il serra les poings de toutes ses forces, il s'en fallut de peu pour que le sang ne se mette pas à couler sous ses ongles.
Il sentit tout à coup des mains se poser sur ses épaules. Au milieu de l'avenue encombrée, Mila l'avait rejoint. Elle le berça de douces paroles et le prit dans ses bras.
Etait-elle une complice d'Angela Petrelli ? Non, impossible... leur collaboration semblait plus récente, et le fait qu'elle était potentiellement la fille d'Alex Dumont écartait toute possibilité de ce genre. Son contact était rassurant, car elle le comprenait. C'était comme si elle tentait elle aussi de se consoler. Sans vraiment y réfléchir, Chris la prit aussi dans ses bras.
Comment résister à une telle soif de vengeance ? D'abord cet homme qui ôte la vie à celle qu'il aime sans aucune raison valable, puis cette vieille peau qui lui vole sa vie, sa famille, les personnes qui comptaient le plus pour lui. Tous ces mois passés dans le mensonge, cette souffrance déchirante... comment lui pardonner ? Il pouvait l'anéantir en un clin d'oeil, mais elle devait s'y attendre. Cela n'avait plus d'importance, il devait tuer Angela Petrelli, ce Noah Bennet et l'homme Noir. Puis le type au chapeau qui avait tué Asami. Il devait tous les éliminer, les anéantir, les rayer de la surface du Globe. Son regard s'assombrit, devint de plus en plus haineux.

*Chris...*

Il sursauta. Cette voix... Il ne la connaissait que trop bien. Mais il ne l'avait pas entendue, c'est comme si les paroles vibraient en lui, agitant chacune des cellules de son corps, avec une aura douce et apaisante. L'Anglais ne répondit pas, il ne voulait pas passer pour un dingue aux yeux de Mila. Ses yeux s'emplirent à nouveau de larmes, mais il parvint à les retenir. Il ignorait s'il s'agissait de larmes de tristesse ou de haine. Des sentiments contradictoires le parcouraient de part en part, il était plongé dans une confusion désarmante.

*Chris... Ne fais pas ça...*

Cette fois-ci, il en était sûr. Il percevait ses paroles. Asami, c'était Asami. Elle était là, près de lui. En lui. Il se rappela de son étrange rêve, où elle était venue lui rendre visite pour lui dire de partir à la recherche de Peter et Alex. Elle avait si peur. Comme si... elle ne reposait pas encore en paix. Il était persuadé que le jour où ils avaient fusionné, peu après leur rencontre, sur le campus universitaire de New-York, une part de la Japonaise était restée en lui. Il le sentait dans chaque parcelle de son corps. Et là, elle lui parlait à nouveau.

*Je ne veux pas... que tu deviennes comme eux... S'il te plait... Ne le fais pas...*

Juste. Elle était terrorisée à l'idée que Chris puisse sombrer dans la haine et le sentiment de vengeance. Elle avait foi en lui, elle savait qu'il était bon. Qu'il était comme elle, incapable de faire le Mal. Il allait devoir se battre, mais d'une autre manière. Il allait devoir vaincre le Mal par le Bien. Il ne devait pas quitter des yeux son objectif premier, à savoir retrouver Asami, afin qu'ils soient à nouveau réunis. C'était la seule chose qui importait. Ceci dit, il n'allait plus faire autant confiance en les autres qu'auparavant. Il commença d'ailleurs par se détacher de Mila. Il se releva, stoïque. Puis, il se remit à marcher calmement vers le taxi, chancelant encore de temps en temps tant son corps avait été affaibli par cette épreuve diabolique. Il n'allait pas remercier la rouquine. Après tout, se dit-il, il ignorait si ses intentions étaient bonnes ou mauvaises, et quel était son rôle dans toute cette histoire, même si elle aussi avait souffert. Mais il n'allait pas non plus se fermer à elle. Il attendit qu'elle le rejoigne dans le véhicule et renifla un petit coup, par réflexe, avant de dire au chauffeur de taxi :

- Continuez. Faites comme si rien ne s'était passé.

Encore bouleversé, l'homme hocha la tête et remit le moteur en marche. La voix de Chris était éteinte, tant son cri avait été violent. Il regarda au dehors à travers la vitre, droit comme un i, et s'adressa à Mila sur un ton neutre, voire fantômatique.

- Tu vois... t'es pas la seule. Non...

Il se tut quelques instants, l'esprit encore embué par cette foule de sentiments, de questionnements et d'images qui défilaient en lui. Asami... son point d'ancrage... la seule chose qui importait.

- ...Mais il faut continuer à nous battre, même si nous n'avons plus notre place ici. On anéantira ces terroristes. Sauver Claire Bennet m'importe peu, désormais. Mais ce monde a besoin que les bonnes personnes prennent les rênes. Je sais que c'est ce qu'elle aurait voulu.

*Ce qu'elle voudrait*
D'un geste automatique, il fouilla dans sa poche et en sortit une boite de pilules. Il en prit une et l'avala d'une traite.

Chris serra la jeune rousse à son tour dans ses bras. Un long moment, ils restèrent ainsi, agenouillés au milieu de la rue. Puis, Chris relâcha son étreinte, se releva et se dirigea vers le taxi sans un regard ni un mot à la jeune fille. Il était étrangement calme et inexpressif. Une contradiction totale avec l’attitude qu’il avait eue quelques secondes auparavant. Quelque peu troublée par ce retournement de situation, Lisa hésita un instant. Finalement, elle se releva et épousseta ses genoux avant de se retourner s’assoir dans le véhicule au côté du jeune britannique. Ce dernier avait semble-t-il demandait au chauffeur de reprendre sa route. Sans la regarder d’avantage que précédemment, il finit tout de même par adresser de nouveau la parole à Lisa. Sa voix semblait éteinte, comme si le son devait passer à travers une paroi pour atteindre les oreilles de la jeune rousse.

Il lui faisait remarquer qu’elle n’était pas seule à avoir vécu des évènements tragiques. L’espace d’un instant, Lisa culpabilisa d’avoir été affectée à ce point par la disparition de ses parents. C’était comme si on venait de lui reprocher d’avoir eu de la peine alors que ce genre de situation était également arrivée à d’autres. C’était une faiblesse qui avait déjà mis en péril sa quête. Muette dans sa honte, Lisa ne sut que répondre, étranglée par cette phrase de Chris qui résonna tel un reproche pour elle.

La phrase suivant de Chris n’eut pas non plus pour effet de remonter le moral de la jeune fille. Il voulait qu’ils continuent à se battre, même s’ils n’avaient plus leur place ici. La seconde partie fut tel un coup de fouet pour Lisa. Effectivement, elle n’avait plus sa place ici. Cette vérité s’appliquait parfaitement pour son cas. Etrangère à cette réalité temporelle, elle était à présent condamner à ne plus pouvoir retourner dans la sienne, ayant annihilé cette dernière d’un simple battement d’aile de papillon. Mais pourquoi Chris s’attribuait-il également cet état ? Sa place en ce monde demeurée intacte. Il ne l’avait peut-être pas encore trouvée, mais elle était pourtant là, à attendre qu’il la trouve.

Troublée par ces paroles, Lisa ne prêta pas attention aux derniers mots de Chris. Elle ne fit que le voir ouvrir une petite boite qui se trouvait dans sa poche. Il en sortit une pilule qu’il avala d’un coup sec.

« Chris … tu ne peux pas dire que tu n’as plus ta place dans ce monde. Il te reste encore des raisons de te battre. Ne baisse pas les bras. Tant que l’espoir perdure, alors nous devons continuer ce combat. »

Hésitante, Lisa se mordilla la lèvre inférieure. Avait-elle encore foi en ce qu’elle venait de dire ? Elle l’espérait en tout cas. Ses parents n’étaient pas encore hors de danger, mais elle pouvait encore agir pour qu’il en soit ainsi. Les Sons of Liberty avaient déjà ouvert les hostilités, mais elle pouvait encore être utile afin de limiter les dégâts.

Nerveuse, Lisa jeta un rapide coup d’œil en direction de Chris. Ce dernier n’avait pas bougé d’un iota. Il continuait d’observer la rue par la fenêtre, sans prêter attention à elle. Un étrange froid s’était déployé entre les deux jeunes gens. Lisa n’eut aucune peine à en comprendre la raison. Cette tension malsaine, elle ne la supporterait pas longtemps. Elle devait crever cet abcès.

« Très bien … je me lance puisque de toute manière, il faudra que l’on en parle tôt ou tard Chris. Je suis profondément désolée pour tes parents. Crois-moi, je suis bien placée pour savoir ce que l’on ressent lorsque l’on se trouve dans ton cas. Tout ça pour te dire que je n’étais pas au courant. J’ai beau travailler avec Angela, je ne sais quasiment rien d’elle et de son passé. Maintenant, je ne t’assure pas que si j’avais su avant d’accepter de travailler avec elle, j’aurai refusé ce partenariat. Elle était indispensable pour que je … »

Lisa se retint un instant. Elle avait failli en dire trop. Pourtant, avait-elle vraiment le choix ? A situation désespérée, mesure désespérée disait-on.

« Pour que je remonte le temps jusqu’à votre présent. Car oui, je viens du futur. Sans Angela, ce voyage ne m’aurait pas été possible. Si j’ai fait ce choix, c’est exactement pour les mêmes raisons qui motivent ta volonté de remonter le temps pour sauver ton amie. »

Les mains moites, Lisa les essuya nerveusement sur ses cuisses en les frottant sur son jeans.

« Voilà. Elle expira légèrement par la bouche, comme pour se soulager d’un fardeau. Je crois que je ne peux pas faire confidence plus honnête. »

Chris écoutait Mila avec une attention soutenue. Il était ailleurs, il était à des kilomètres de là, loin de ce taxi, de cette ville, de cette agitation urbaine qui ne faisait que le fatiguer. Mais les paroles percutantes de la rouquine l'atteignaient tout de même, telles un lasso qui le retenait à la réalité, qui l'empêchait de quitter le sol pour s'évader dans sa tête.
Elle ne semblait pas avoir compris qu'ils avaient plus de points en commun qu'elle n'aurait pu le penser. Il le savait, il était persuadé d'éprouver le même sentiment qu'elle. Il avait reconnu ce désespoir dans ses yeux, lorsqu'elle tentait de se remettre de son face à face avec Sylar, complètement abattue. Ses mots sonnaient tellement familiers. Sa famille avait été réduite à néant, son existence manipulée, elle se sentait comme violée dans sa vie bien à elle, par des peurs, des fantômes qu'elle ne pouvait affronter. Elle lui donnait des conseils, mais sans y croire, il n'y avait pas de doute. Mais s'ils se trouvaient dans la même situation sans qu'elle ne le sût, alors Chris n'avait pas d'espoir à avoir lui non plus. Ceci dit, il y avait toujours Asami, cette flamme qui brûlait au plus profond de lui-même et qui ne s'éteindrait jamais, qui ne demandait qu'à être ravivée par les retrouvailles entre les deux êtres aimants. Mila aussi devait avoir une raison de se battre. Tout le monde en a une, même si l'on ne la trouve pas tout de suite. Ce n'est qu'une question de temps.

Tentant de briser la glace et de rompre le silence glacial qui s'était instauré entre les deux jeunes, la fille d'Alex et Kerry reprit la parole. Qu'elle était désolée n'avait aucun sens pour Chris. Ces mots glissèrent sur sa carapace, dénués de sens. Ceci dit, il était vrai qu'elle avait dû éprouver des sentiments similaires aux siens, encore récemment. Mais disait-elle la vérité lorsqu'elle insistait sur le fait qu'elle ne connaissait rien sur Angela, sur son passé et ses actes effroyables ? La sincérité qui teintait ses propos laissaient peu de place au doute. Mais que pensait-elle de cette femme à présent ? Comment allait-elle pouvoir accorder sa confiance pour rectifier un Présent qui lui tenait tant à coeur ? Si elle ne se posait pas la question, c'était peut-être parce qu'elle n'avait réellement plus aucun espoir...
Elle interrompit son discours, comme si elle n'avait toujours pas tout dit. Situation étrange. Pourquoi se retenir à un tel point ? Elle n'avait plus rien à attendre, elle avait vécu en une seule journée les pires moments que l'on puisse endurer, et elle tenait toujours à ce mystérieux secret.
Puis, comme si elle venait exactement de se poser cette question, elle déballa tout. Elle venait tout droit du futur, la raison de sa présence étant une volonté indéniable de vouloir rectifier le passé. Tout s'emboitait peu à peu, comme les pièces d'un puzzle. Voilà pourquoi elle n'avait plus sa place : elle n'était pas dans son époque. Cela expliquait également pourquoi elle était si âgée pour être la fille d'Alex, et même pourquoi elle était au courant que Kerry avait déjà accouché. C'est Angela qui l'avait amenée dans leur présent, mais dans quel but ? Quelles étaient encore les intentions sournoise de cette impitoyable vieille ? Arriver à persuader une jeune fille dotée du don de persuasion était pour ainsi dire une prouesse. Cette femme tirait absolument toute les ficelles, c'en devenait effrayant. Quelle était l'étendue réelle de sa puissance ? Elle qui semblait si frêle et à la fois si solide, si intimidante.

La révélation eut pour effet de faire réagir Chris. D'un mouvement presque robotique, il tourna la tête vers Mila, lui lançant un regard vide. La jeune femme était devenue extrêmement nerveuse, les tics nerveux ne mentaient pas sur ce point. Elle venait de vider son sac, mais elle craignait la réaction de l'Anglais. Sa voix fut comme un murmure glacial et imposant.

- Que tu viennes du futur ou non, on s'en tape. Toi et moi, on est pareils. On a perdu notre famille, les personne qu'on aimait, on a été trahis, torturés, manipulés. Nous n'avons plus notre place dans cette société, plus personne n'a besoin de nous, n'attend quoi que ce soit de nous. Oh, ne me parle pas de cette Petrelli, non. Elle ne tient pas à nous, elle nous manipule comme des pions depuis le début.

Il s'approcha d'elle, la fixant dans les yeux, et posa fermement une main sur celles de Mila qui ne cessaient de triturer son pantalon.

- Notre place, c'est à nous de la trouver, de la définir. Nous devons nous battre pour creuser notre tunnel dans ce dédale de merde où c'est chacun pour sa gueule. Je crois en toi, comme je crois en moi. On en a pas fini avec la vie. Au contraire, elle ne fait que commencer pour nous. Je ne sais pas encore ce que...

Il déglutit avec difficulté. C'était encore tout frais dans son esprit, et malgré son accès de courage et de motivation, il avait encore du mal à en parler.

- ... ce que je vais faire par rapport à... ce qui s'est passé. On verra. Mais une chose est sûre : Asami a besoin de moi, je le sens. Mais pour toi, il y a plusieurs personnes qui savent qui tu es réellement et qui ne te laisseront pas tomber. Oublie Angela. Peter est là... et moi aussi. Je ne te laisserai pas tomber, Mila. Et n'oublie surtout pas que ta véritable mission ne fais que commencer.

Le taxi s'arrêta net. Ils étaient arrivés à destination. A leur droite se tenait l'imposant aéroport de Las Vegas, bercé par le ronronnement des avions qui décollaient ou atterrissaient au loin. Chris sortit quelques billets donnés par Peter et les tendit au chauffeur.

- Gardez la monnaie.

L'homme hocha la tête silencieusement, visiblement épuisé par cette course hors du commun, et Chris ouvrit la porte avant de sortir du véhicule. Il regarda Mila d'un air radicalement différent que celui du gosse émerveillé qui était arrivé en ce lieu même quelques heures auparavant. Il lui tendit la main.

- Alors, prête à embarquer dans une nouvelle aventure, oui ou merde ?

» I have a dream ... [PV Peter, Chris, Alex D.]
» ♥ ♦ Full gagnant ? ♣ ♠ [PV Peter, Chris]
» Chris Sky
» °* Chris Miles *°
» Renaissance - Chris&Symphony