Corps et Âmes [CdA 2]

« Claire, on doit y retourner ! Il faut que l’on retrouve Lila ! Elle est la seule à pouvoir ramener la jeune Dumont. Lisa est avec nous, dans mon sac. Elle a été miniaturisée afin que l’on puisse la soustraire du regard de cette cinglée de Calamity. Bref, on doit retrouver Cruz ! Sinon, Lisa restera dans cet état. »

Encore cramponnée dans son véhicule, Claire ignora complètement sa grand-mère. Cela avait beau lui faire mal au cœur, c’était prendre trop de risque que d’y retourner. Plaçant alors toute sa confiance en Lila. Elle savait qu’elle s’en sortirait, elle s’en était toujours sortie non ? Et malgré les bruits de la route, les deux femmes pouvaient entendre l’immeuble s’effondrer sur lui-même au loin. Un pincement au cœur, un instant d’hésitation où l’allure du véhicule semblait avoir ralenti et puis la détermination. Ne te retourne pas se répétait-elle sans cesse, elle devait protéger Angela et bien plus encore maintenant qu’elle savait que Lisa était dans le sac à main de sa grand-mère.

« Fais-moi confiance pour une fois ! »

Elle savait exactement où elle devait aller…Enfin…Disons plus tôt que Claire ne connaissait qu’un seul endroit véritablement sûre. A pleine allure, le moteur du quad grondait. Son stress et sa nervosité rendait sa conduite désinvolte mais fort heureusement pour la vieille femme et ce que contenait son sac à main : c’est sans accident qu’elles arrivèrent à destination. L’immeuble où habitait Lila.

« Descend… »

Elle regarda Angela un moment, le visage tendu et le regard sombre, elle finit par retirer le contact du quad et quitter le véhicule. Ses yeux se posèrent vers l’extérieur, tendant l’oreille dans l’espoir de reconnaitre le bruit du moteur de la ducati de Lila. Se pinçant les lèvres, elle se forçait à garder la tête haute et à suivre les recommandations que lui aurait données Lila.

« Suis-moi… »

La voix de l’ancienne cheerleader était légèrement tremblotante, l’inquiétude certainement alors qu’elle entrainait sa Grand-mère dans un endroit sûre, faisant monter les marches jusqu’à l’appartement hautement sécurisé de Lila, la brunette désactiva les divers sécurités avant de faire entrer Angela dedans, de refermer derrière et tout réactivé.

« On attend là, elle va arriver »

On aurait presque pu croire qu’elle prononçait cette phrase pour faire taire ses propres inquiétudes. Se dirigeant vers la cuisine pour prendre un couteau de cuisine. Si Claire connaissait certaine des sécurités de Lila, elle ne connaissait pas tous les secrets de cette appartement, notamment ce qui permettait d’activé et de découvrir la cache d’arme en ces lieux. Couteau digne d’un bouché en main. Sans Lila, Claire avant tendance à perdre ses repères, elle ne se sentait pas prête à « vivre sans elle ». Une étrange sensation de dépendance et de colère envahissait la jeune femme. Elle n’avait jamais su pardonné Lila pour sa trahison, ce qu’elle lui avait fait subir et au final elle était bien incapable de véritablement s’en détacher. Elle lui devait beaucoup de chose.

« Bordel Lila… »

Faisant les cents pas dans l’appartement, Claire passait du salon au balcon toute les deux secondes. Essayant de faire fit de la présence de sa grand-mère mais au final…Le jeune adulte ne pouvait se permettre d’attendre plus longtemps.

« Tu restes ici… »

Se dirigeant d’un pas déterminé vers la sortie de l’appartement, c’est en ouvrant la porte qu’elle se retrouva nez à nez avec une paitre poitrine qu’elle reconnaitrait très facilement. Un soupir de soulagement avait failli se dégager de sa gorge lorsqu’elle leva les yeux sur Lila.

Malgré la requête de sa grand-mère, Claire refusa de faire demi-tour pour retrouver Lila. Lorsque les bruits de l’effondrement se firent entendre malgré le bruit du moteur, il sembla que le véhicule ralentit légèrement. Claire hésitait-elle ? Angela n’avait aucun doute là-dessus. Sa petite fille se retrouvait face à certaines responsabilités, devant faire des choix cruciaux, et n’ayant que très peu de temps pour opter pour une voie. Finalement, le quad continua son chemin au travers des rues de New York.

Claire s’arrêta alors devant un immeuble et coupa le contact, demandant à Angela de lui faire confiance et de la suivre. En silence, Angela s’exécuta, callant sous son bras le si précieux sac à main. La voix de la jeune fille était tendue, mais son aïeule était fière qu’elle ait su prendre une décision et s’y tenir à présent. Pour cette raison, elle respecta les choix de l’ex-cheer leader.

La jeune fille conduisit alors la matriarche dans ce qui devait très certainement être la résidence de Lila dans cette ville : un immeuble dont l’appartement était protégé part une multitude de systèmes de sécurité, dont certains, Angela n’en doutait pas, pouvaient très certainement s’avérer mortels. Claire, de son côté, semblait plutôt à l’aise avec ces protocoles de sécurité, sachant comment les désactiver. La jeune fille avait très certainement dû passer un long moment en ces lieux, en compagnie de l’aristocrate britannique, ce qui expliquait cette soudaine métamorphose.

Selon Claire, lady Cruz ne tarderait plus. Angela alla donc dans le salon, restant debout face à la baie vitrée. De son côté, Claire passa en cuisine pour s’armer d’un couteau. Madame Petrelli observa sa petite fille rongée par l’anxiété, la colère et l’impatience. Silencieuse, elle préféra garder pour elle toute intervention. Le couteau lui semblait bien futile devant les adversaires auxquels ils étaient opposés : une cinglée à la peau impénétrable et un schizo au pouvoir régénérateur plutôt inquiétant.

N’y tenant plus, Claire prit sans doute la décision d’aller chercher Lila après avoir lâché un juron peu adapté dans la bouche d’une jeune femme. Mais lorsque la brunette ouvrit la porte, elle se retrouva face à face avec Cruz, plus vivante que jamais.

Tout comme sa petite fille avant elle, Angela soupira de soulagement : Cruz en vie, Lisa retrouverait sa taille normale. D’ailleurs, la matriarche avait déjà ouvert son sac à main, en sortant la boite de chewing-gum à l’intérieur de laquelle reposait une Lisa inconsciente. Délicatement et avec le sourire, elle s’approcha alors de Lila.

« Ravie de vous revoir sur vos deux jambes. Tenez, je vous la confie. A présent que nous sommes débarrassées de cette dingue, nous pouvons rendre à Lisa sa taille. J’ignore où elle en est dans son combat contre l’entité. J’imagine que si nous sommes encore détentrice de notre force vitale, c’est que tout n’est pas encore perdu. »

Confiant, la précieuse boite aux bons soins de Lila, Angela saisit alors sa petite fille par une épaule.

« Puis-je te parler Claire ? Allons dans la cuisine, le temps que lady Cruz œuvre. »

Une fois dans la cuisine, Angela, les mains jointes sur son giron, sourit alors à Claire.

« J’avoue avoir été surprise par ta soudaine transformation. Je ne m’attendais pas du tout à ça de ta part … Comme quoi, je peux encore me faire surprendre … sans doute est-ce la meilleure preuve que je suis encore humaine, et non, le monstre que certains se plaisent à dépeindre … Mais ce n’est pas de ça dont je souhaite parler. »

Angela fit une courte pause avant de reprendre.

« Claire, je suis extrêmement fière de toi. De ce que tu as réussi à devenir, de ce que tu as accompli. Tout à l’heure, dans la rue, je t’ai admirée. Je sais combien il peut être difficile de prendre des décisions. Moi-même, quand j’avais ton âge, j’ai dû faire des choix. Consciente de biens des choses avant tout le monde, il m’a fallu choisir des options très tôt. J’ai connu ce doute qui parfois te ronge. Je sais combien il peut être difficile de se décider pour la meilleure cause lorsqu’elle ne nous convient pas personnellement. Mais tu as su te montrer forte et choisir le meilleur chemin, alors qu’il n’était pas en accord avec ce que tu souhaitais réellement. Je tiens à te féliciter pour ta perspicacité et ton sang froid. »

Angela reprit alors le chemin vers le salon.

« Allons voir où en est Lila. »

Le trajet fut de courte durée, étant donné le rythme auquel Lila filait à travers les rues de New York, ville meurtrie où peur, chaos et confusion régnaient en maîtres. Après avoir garé sa Ducati, elle entra dans l’immeuble, monta les marches de l’escalier quatre à quatre, et arriva dans le couloir où se trouvait l’entrée de son appartement… pour tomber sur Claire, dans un formidable carambolage mammaire. Lady Cruz fronça les sourcils.

- Barbie, si tu ne m’effaces pas tout de suite ce sourire niais, je vais finir par croire que t’as changé de bord. Et la prochaine fois que ton petit nez en trompette se retrouve dans mon décolleté, je te fais manger mes bottes, c’est compris ?

C’était sa façon à elle d’exprimer sa joie de revoir sa protégée en un seul morceau, ayant parfaitement accompli sa mission. Même si elle était très fière de la petite, Lila ne l’avouerait jamais, ni à elle-même ni à autrui.
Sans perdre une seule seconde, Angela s’avança vers Cruz, dégainant la boite de chewing-gum qui contenait mini-Lisa, toujours dans les vapes. La matriarche s’arma de son ignoble sourire, que l’Anglaise avait totalement en horreur. Dire qu’à sa sortie de la Compagnie, elle s’était promise de ne plus jamais voir se sourire, et de ne surtout plus travailler pour lui. Elle en attrapait des constipations rien qu’en y pensant.

« Ravie de vous revoir sur vos deux jambes. Tenez, je vous la confie. A présent que nous sommes débarrassées de cette dingue, nous pouvons rendre à Lisa sa taille. J’ignore où elle en est dans son combat contre l’entité. J’imagine que si nous sommes encore détentrice de notre force vitale, c’est que tout n’est pas encore perdu. »

Lila prit la boite en main avec une moue dubitative. Angela entraîna alors Claire par l’épaule.

« Puis-je te parler Claire ? Allons dans la cuisine, le temps que lady Cruz œuvre. »

Grand-mère et petite-fille se rendirent alors à côté pour jacasser entre timbrées, laissant Lila seule face à sa perplexité. Après quelques minutes, les cachottières revirent dans le salon. Lisa était toujours dans sa boîte, n’ayant pas grandi d’un quart de poil de Mr Muggles. L’Anglaise posa le réceptacle sur la table basse et s’assit dans son fauteuil, l’air déterminé.

- Je ne vais pas lui rendre sa taille.

Elle marqua un temps d’arrêt, savourant l’expression hébétée de ses deux interlocutrices avec gourmandise. C'était vraiment délicieux, un moment de pur bonheur ! Elle aurait tant aimé le faire durer plus longtemps, mais bon... Le devoir d'abord.

- Du moins, pas pour le moment. J’ai bien réfléchi, et je pense qu’il serait plus sage de la laisser ainsi tant que Gollum n’aura pas été exterminé. Je ne veux pas prendre le risque que notre miss se retrouve à nouveau possédée et nous vide de notre essence vitale, ou pire… qu’elle abîme mon appartement. Alors on va attendre gentiment que la Belle au bois dormant se réveille et s’assurer qu’elle est bien elle-même avant de lui rendre sa taille normale, ok ?

Elle se leva et s’étira, dévoilant ses formes athlétiques sous leur meilleur jour.

- Aaahh, ça fait du bien d’être chez soi ! Je pense qu’on a toutes les trois mérité un bon verre de whisky, qu’en dites-vous ?

Spoiler:

- Barbie, si tu ne m’effaces pas tout de suite ce sourire niais, je vais finir par croire que t’as changé de bord. Et la prochaine fois que ton petit nez en trompette se retrouve dans mon décolleté, je te fais manger mes bottes, c’est compris ?

Malgré la menace de Lila, elle posa ses yeux dans les siens, ne pouvant effacer son sourire. Tirailler par beaucoup de ses sentiments, elle devait admettre une chose, Lila avait beaucoup plus d’importance dans sa vie qu’elle ne le pensait. Syndrome de Stockholm ou pas.

« T’as vu la place qu’ils prennent ? »

Provocation pour provocation, elle laissa Lila rentrer chez elle, sa grand-mère prenant directement les devant en lui donnant la petite boite qui contenait Lisa. En observant cette scène, Claire ne put s’empêcher de revoir un sombre passage de sa vie, trop récent et trop douloureux pour être véritablement oublier. Son visage se refermant, l’ancienne petite blonde sortie de sa rêverie qu’une fois que sa grand-mère lui demanda si elle pouvait lui parler. Elle acquiesça, sans quitter des yeux la boite pendant plusieurs secondes avant de s’en détourner pour suivre Angela dans la cuisine.

Ces mots, elle les avait tant de fois imaginé, ce discours, et tout simplement la première phrase : « Je suis extrêmement fière de toi ». Elle avait voulu l’entendre de la bouche de son père, de sa mère, de Peter ou de son père biologique. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle en avait rêvé, adolescente un peu perdue. Et maintenant qu’elle les entendait, elle lui semblait sans aucune valeur. Claire n’était pas fière d’elle, elle avait commis plusieurs erreurs, elle le savait. Elle était peut-être une éternelle insatisfaite ou alors elle se rendait simplement compte qu’elle était arrivée jusque-là sans avoir besoin de telle parole et qu’à présent cela n’avait plus de véritable importance.

Son regard se fixant à celui de son aïeul, elle lui sourit avec sincérité, si les mots ne la touchaient pas autant qu’elle l’avait tant de fois imaginé, elle en connaissait et en pesait l’importance. Murmurant un humble merci, elle acquiesça lorsqu’elle proposa de rejoindre Lila. Retournant dans la pièce principale de l’appartement, retrouvant Lady Cruz confortablement installé, la petite boite sur la table basse et aucune Lisa en vue.

- Du moins, pas pour le moment. J’ai bien réfléchi, et je pense qu’il serait plus sage de la laisser ainsi tant que Gollum n’aura pas été exterminé. Je ne veux pas prendre le risque que notre miss se retrouve à nouveau possédée et nous vide de notre essence vitale, ou pire… qu’elle abîme mon appartement. Alors on va attendre gentiment que la Belle au bois dormant se réveille et s’assurer qu’elle est bien elle-même avant de lui rendre sa taille normale, ok ?

Haussant les épaules, elle ne pouvait pas dire grand-chose et au final, Lila n’avait pas tort. Malgré le malaise qu’elle ressentait face à cette boite, elle acceptait. Tant qu’elles n’étaient pas sûres de la sécurité de Lisa, c’était très certainement plus prudent de la cacher ainsi. S’étirant comme un chat, elle proposa un whisky aux deux jeunes femmes, la grimace qu’afficha le visage de Claire en disait long sur son envie d’en boire un, lançant d’un ton nonchalant.

« Je suppose que si je le mélange avec du soda, je suis bonne pour un sandwich aux phalanges ? »

Il ne restait plus qu’à attendre en vérité, malgré qu’elles semblaient toute dans un endroit sécurisé, il n’en restait pas moins que la menace était sérieuse. Quelque part à Central Park, tout se jouait, réprimant son inquiétude au plus profond d’elle-même.

A la grande surprise d’Angela, Lady Cruz n’avait toujours pas rendu à Lisa sa taille normale. A la place, elle déposa la boite contenant la jeune fille sur la table basse, puis alla s’assoir dans un fauteuil. Prise de court, Angela fut bien incapable de réagir. L’explication de Cruz vint alors. Elle ne souhaitait pas prendre le risque de donner à l’entité un accès à cet endroit par l’intermédiaire de la jeune Dumont comme cela s’était produit dans l’appartement de Peter. L’argument tenait la route. Pourtant, Madame Petrelli était peinée de savoir Lisa dans cette situation.

Etonnamment détendue au regard des circonstances, Lila s’étira avant de proposer un verre de whisky à ses invitées. D’un signe de tête, Angela refusa la proposition. Elle voulait garder l’esprit clair. L’ivresse n’était pas ce qu’il lui fallait. Lorsque Claire demanda si elle pouvait en avoir un, sa grand-mère la regarda avant de rajouter.

« Au point où nous en sommes … »

* * *

Devant la soudaine et audacieuse attaque de l’entité, Lisa n’avait eu d’autre choix que de se placer sur la trajectoire de la frappe pour tenter de sauver son père. Mobilisant toutes ses ressources, elle avait dressé devant elle un voile invisible de pure énergie télépathique. Elle doutait être en mesure de stopper l’assaut de son adversaire, mais elle espérait absorber la majeure partie de l’éclair d’obscurité qui se précipitait sur sa position.

Au moment de l’impact, la sensation qu’elle éprouva fut au-delà de tout ce qu’elle avait pu connaitre auparavant. Le pouvoir létale qu’elle put ressentir dans cette attaque ne pouvait être comparé qu’à l’essence de la Mort elle-même, matérialisée dans la foudre. Dans un premier temps, elle eut l’impression que son âme lui avait été arrachée, aspirée une fraction de seconde en direction de l’entité, avant d’être violemment projetée en arrière, volant par la même occasion en une infinité d’éclats aussi fin que de la poussière.

C’était donc ainsi qu’elle disparaitrait. Réduite à néant, en quelques milliards de particules par l’impitoyable touché de l’immonde créature qui se tapissait au fond de son père.

Alex …

A présent seul face à ce redoutable adversaire. Lisa aurait voulu pleurer. Pourtant, répandue aux quatre vents comme elle l’était, ce n’était plus un geste auquel elle avait le droit. En son état actuel, elle n’avait d’ailleurs plus le droit à rien. Dans la mort, les droits les plus basiques étaient balayés.

Tout était terminé à présent. Lisa pouvait lâcher prise. Ici, elle en avait fini. Maintenant qu’elle avait été brisée, elle ne pouvait plus rien.

Lentement, Lisa se laissa alors partir, cessant de se concentrer pour se raccrocher à ce lieu en proie à la destruction.

* * *

Brutalement, Lisa se redressa en cherchant de l’air au travers d’une puissante inspiration, comme si c’était la première fois qu’elle respirait de toute son existence. En sueur, la jeune femme tenta de retrouver ses repaires alors qu’elle était assise sur un sol froid, lisse et de couleur verte. Observant autour d’elle, haletante, elle réalisa bien rapidement qu’elle était cernée par ce milieu si étrange. Si dans l’esprit de son père, l’espace ne semblait connaitre aucune limite, ici, les frontières arrivaient bien brutalement. C’était comme si la jeune fille était retenue dans une pièce couleur verte.

Se relevant, elle s’approcha alors d’un des murs. Du plat de la main, elle le toucha. Il était aussi lisse et froid que le sol. Relevant la tête, Lisa put constater qu’il n’y avait pas de plafond. Elle était bel et bien dans une boite, et au dessus d’elle, elle pouvait voir Angela dans des proportions titanesques. Surprise par cette découverte, la jeune fille tomba à la renverse, ne comprenant pas ce qu’il était en train de lui arriver.

* * *

« Elle s’est réveillée. »

Angela n’avait cessé de garder à l’œil la jeune Lisa, guettant le moindre signe d’activité qui aurait pu montrer qu’elle était revenue à elle. A présent que c’était chose faite, il fallait lui rendre sa taille normale afin qu’elle puisse expliquer à tous ce qu’il s’était passé.

« Vu l’air terrifié qu’elle a, je doute que ce soit l’entité qui la contrôle. Vous devriez la ramener Lila, afin qu’elle nous explique où nous en sommes. »

C’est peut-être difficile à croire, mais Lila est une personne qui adore le calme. Profitant de l’attente pour faire le vide dans son esprit, ayant pour seule préoccupation le contenu de son verre, elle laissait cette quiétude l’envahir, comme un doux nuage au parfum enivrant. Angela et Claire étaient probablement en train de stresser, impatientes que tout cela se termine et un peu inquiète en se demandant qui se réveillera dans la boîte à chewing-gum : Lisa, ou l’Entité qui réclamait vengeance. Comme la rouquine ne représentait pas plus qu’une mission à ses yeux, elle ne comptait pas l’épargner si elle représentait un danger trop considérable. Après un long moment, le verdict finit par tomber.

« Elle s’est réveillée. »

Angela n’avait pas quitté le réceptacle des yeux, inquiète pour Lisa comme s’il s’agissait de sa propre fille. D’un côté, elles étaient un peu comme Claire et Lila, ces deux-là. A l’exception faite que l’Anglaise était un mentor bien plus séduisant que la vieille. En toute modestie, bien entendu !

« Vu l’air terrifié qu’elle a, je doute que ce soit l’entité qui la contrôle. Vous devriez la ramener Lila, afin qu’elle nous explique où nous en sommes. »

Lila s’approcha et se pencha sur le petit corps agité qui venait de s’éveiller d’un long et pénible sommeil. La mioche semblait paniquée et perdue, se demandant certainement où elle se trouvait. Pas de doute, ces grands yeux verts n’avaient rien de cette fureur ambrée que représentait le terrible regard de l’Entité. Convaincue, l’Anglaise prit la boite et en vida le contenu sur le divan libre. Formant un dôme avec ses mains, elle entoura Lisa et se concentra. Elle maîtrisait de plus en plus aisément la chair humaine, contrairement à la cage d’acier qu’Edmond avait construire, et qui demandait un effort monstrueux s’il fallait en manipuler la taille. La rouquine ne tarda donc pas à reprendre sa taille d’origine, affalée sur le canapé. Elle n’avait vraiment pas l’air dans son assiette, la panique se lisait sur son visage.

- Hé bien Fifi Brindacier, t’en fais une tête. On dirait que tu viens de voir un fantôme ! lâcha Lila du ton sarcastique dont elle seule avait le secret. Allonge-toi, ça sert à rien de perdre les pédales maintenant. Tout ira bien.

Alors que Claire et son aïeule restaient au chevet de Lisa, Cruz alla chercher un verre d’eau. D’une délicatesse dont on ne l’aurait soupçonnée, elle souleva la tête rousse trempée par la sueur.

- Bois un peu, ça te fera du bien.

La lady avait remarqué qu'un changement de taille important induisait souvent une déshydratation non négligeable. Elle en avait d'ailleurs déjà fait les frais, même si elle ne s'en était jamais plainte. Elle avait été habituée à des conditions de vie bien plus difficiles, comme put en témoigner Claire suite à son petit entrainement au pays du Soleil Levant. Après quelques gorgées, Lila se retira et attendit quelque secondes que la télépathe reprenne son souffle.

- Bon Ginger… Tu nous fais un petit topo ? Est-ce que t’as réussi à terrasser l’autre malade, ou est-ce qu’on doit prendre nos jambes à notre cou ?

Lila sembla observer la jeune Dumont quelques secondes, sans doute pour s’assurer personnellement que tout danger était écarté. Puis, une fois convaincue, elle déposa la jeune fille version miniature sur le canapé, avant de déposer sur elle ses mains. Usant de son pouvoir capable de modifier la taille des choses, Cruz rendit à Lisa ses proportions originelles.

De retour dans le monde normal, Lisa n’en restait pas moins sous le choc des derniers évènements qu’elle avait vécu. Elle pouvait encore sentir en elle sa vie comme brisée en milliards de particules par un seul souffle. Cruz disparut alors, laissant Claire et sa grand-mère en compagnie de la jeune rousse. Couverte d’une sueur froide, Lisa se frotta machinalement les bras comme pour tenter de se réchauffer. Lorsque Cruz revint, elle lui tendit un verre d’eau que la jeune Dumont saisit. L’aristocrate avait une attitude tellement à l’opposé de ses habitudes que s’en était étrange, mais Lisa préférait ça et des mots moins sympathiques. Puis, finalement, la question tomba : tous autour de Lisa voulaient savoir comment s’était déroulé le combat dans l’esprit de l’entité.

Buvant une nouvelle gorgée d’eau, Lisa posa ensuite le verre sur la table basse avant de répondre.

« Ce qu’il s’est passé ? Tellement de choses … Tout ne s’est pas déroulé comme je l’avais prévu, et nous avons dû improviser. J’ignore où en est sa puissance dans le monde réel, mais croyez-moi, la force de son esprit est certainement la chose la plus redoutable qu’il m’ait été donné de voir. Seul, il a été capable de repousser tant d’assaut. Il a … »

Les mots moururent dans la gorge de Lisa lorsqu’elle voulut évoquer la mort de Warren. En une fraction de seconde, l’entité avait mis à mort un télépathe compétent aussi facilement que si elle avait cherchée à faire éclater une bulle de savon.

« Sa volonté est tout aussi mortelle dans son esprit que son toucher dans notre plan d’existence. Nous avons dû faire preuve d’énormément de prudence pour ne pas nous retrouver piégés … enfin … nous avons essayé. »

De nouveau silencieuse, les yeux fixés sur le verre d’eau, Lisa se souvint que tous attendaient de connaitre la suite impatiemment. Les regardant tour à tour rapidement, elle reprit.

« Excusez-moi, c’est encore tellement intense dans ma tête. Je vais tenter de ne pas me perdre en détails inutiles. Je suis parvenu à révéler cinq échos de personnes qu’Alex avait touchées par le passé avec son pouvoir : Sylar, toi claire, Peter, Asami et maman. Au début, nous n’avions aucune idée de ce qu’il fallait en faire. Du coup, l’entité en a profité pour retourner leur puissance contre nous. Finalement, papa est parvenu à comprendre comment influencer ces sources d’énergie. Nous reprenions du terrain, et ça, l’entité l’a bien compris. Elle a essayé de terrasser mon père en une seule attaque en mobilisant l’intégralité de sa volonté. Je me suis interposée. Et … oh mon Dieu, j’ai bien cru mourir un bon millier de fois en une seconde. Après ça, c’est le trou noir. La puissance de ce truc est parvenu à me briser et à m’évincer de l’esprit de mon père, et ce, malgré les pouvoirs que j’ai obtenu d’un des Peter du futur … d’ailleurs, je crois bien que ce que j’ai senti voler en éclat au moment de l’impact, ce n’était pas ma vie comme je l’ai pensé au début, mais bel et bien ces pouvoirs. »

Lisa posa l’extrémité de ses doigts sur ses tempes, faisant de petits mouvements circulaires comme pour chasser une migraine.

« A présent, mon père est seul face à l’entité. Reste à espérer qu’il parviendra à achever notre plan. De toute manière, nous ne devrions plus tarder à le savoir maintenant …

… Mais, on est où ici ? Avant de partir, on était chez Peter, non ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

- Disons que pour nous non plus, ça n’a pas été de tout repos. Il a fallu opérer pour … une retraite stratégique.

- Rien de grave j’espère ? »

Pour toute réponse, Angela préféra se détourner du regard de Lisa. Après tout, rien n’était sûr. Kerry avait très certainement eu le temps de quitter l’immeuble comme tout le monde avant qu’il ne s’effondre.

« Ce silence me fait un peu flipper, et perso, j’ai eu ma dose pour la journée je crois. Vous me cachez un truc toutes les trois. »

La fille de Dumont c’était réveillé, ré-agrandit, elle comptait ce qui leur était arrivé à une vitesse fulgurante. Elle écoutait d’une oreille distraite, à la fois troublée d’avoir été témoin d’une scène qui lui rappelait beaucoup trop d’ancien souvenir mais aussi perturbée par l’idée de savoir que l’avenir se jouait dans un combat intérieur et que tout n’était pas gagné.
Le silence reprenait étrangement ses droits lorsqu’Angela évita soigneusement de raconter ce qui c’était dérouler dans l’appartement de Peter. Elle savait pourquoi sa grand-mère voulait éviter le sujet mais Claire en avait décidé autrement, s’avançant d’un pas pour faire face à Lisa.

« Ta mère nous a sauvé la vie… »

L’ancienne adolescente avait très certainement manqué de tact mais après tant d’année à subir et après tout l’enseignement que Lila lui avait transmis, la demoiselle avait appris à se forger une carapace. Elle était détacher des choses parce qu’au fond, cela ne servait à rien de lui mentir, ni même de lui cacher la vérité, c’est ainsi qu’elle lui fit un résumé tout cru de ce qui s’était passé.

« On a été attaqué, ta mère est arrivé au bon moment mais…Les fondations de l’immeuble dans lequel Peter vivait ont été touché par l’ennemi, je suis sortie de l’immeuble avec Angela et toi »

Elle fixait Lisa, il ne fallait pas croire qu’elle n’avait aucune compassion, au contraire. Chassez le naturelle et il revient au galop mais elle n’était pas une menteuse pour autant. On lui avait trop souvent caché les choses dans l’espoir futile de la "protéger" et il n’était pas question qu’elle en fasse de même avec quelqu’un d’autre.

« L’immeuble s’est effondré…Je ne sais pas si ta mère a eu la temps de s’en aller… »

Jetant un regard à Lila, elle l’interrogeait silencieusement. Lila étant sortie la dernière de l’immeuble même si Claire devinait déjà la réponse. Si Kerry avait pu quitter les lieux, elle serait là, en ce moment même. Et si elle avait balancé ce qu’elle savait aussi directement, elle s’approcha malgré tout de Lisa, posa une main sur son épaule. Claire connaissait par cœur le sentiment d’impuissance, celui de la perte ou encore de l’abandon. Un regard sur Angela, un autre sur Lila, et l’ex cheerleader s’éloigna pour s’approcher de la fenêtre.

Attendre, était-ce vraiment la dernière chose à faire ? Observant l’horizon, les personnes dans les rues, elle se disait qu’en cet instant aucun de ces riverains ne se doutaient une seule seconde que leur vie ne tenait plus qu’à un fil. Si l’entité triomphait, il en serait réellement terminé de la grande pomme, de l’espoir. Et maintenant que leur partie de boulot était terminé, toute la pression retombait d’un seul coup, l’adrénaline chutait, il ne restait plus qu’une étrange sensation désagréable de vide intense. Ses mains tremblaient légèrement à cette idée mais au final c’était l’avenir qui l’angoissait plus. L’idée d’avoir fait tout ça pour rien l’effrayait, tous ces changements, tous ces enseignements ? Auront-ils toujours un sens si l’entité gagnait ?

Profitant du moment de répit, elle n’en restait pas moins soucieuse à cette idée, ce pourcentage de chance que tout dérape. Quoi qu’il arrivait, Claire ne ferait pas demi-tour dans tous les cas, elle n’avait pas fait tout ce travail sur elle-même pour rien et elle continuerait très certainement de se battre jusqu’au bout…Et elle savait qu’elle ne serait pas seul. S’éloignant de la fenêtre, elle rejoignit le canapé sur lequel Lila était installé, posant ses fesses dessus, elle reposa ses yeux sur Lisa qui devait avaler la nouvelle mais d’expérience Claire savait qu’aucun mot ne pouvait ôter la douleur, il n’y avait pas de formule magique.

« Il va y arriver »

Avait-elle fini par dire, en parlant d’Alex. Après tout, il ne restait plus que ça à faire, espérer qu’il l’emporte sinon tout ça n’aurait sertir à rien, tout le travail, tous les sacrifices, les pertes…Et c’était une chose que l’adolescente ne pouvait pas admettre.

Au fur et à mesure que les mots débités tricotaient son récit, la gorge de Lisa se serrait, ses yeux laissaient entrevoir tristesse, regrets, mais surtout terreur. L’Entité ne semblait pas être moins redoutable sur le plan psychique, celui où Lisa avait tenté de l’affronter. Elle n’y était pas parvenue, du moins a priori, car elle expliqua avoir laissé Alex à l’intérieur avec les armes susceptibles de vaincre Hyde définitivement. Il ne leur restait plus qu’à attendre, avec l’espoir d’un succès se consumant seconde après seconde, et la tension liée à l’inéluctable peur de l’échec. De toute façon, si le Frenchie perdait la bataille, ils n’auraient guère d’autre choix que d’éliminer définitivement l’Entité. Même si cela ne serait pas une tâche évidente, l’Anglaise avait toujours plus d’un tour dans son sac, et savait pertinemment à qui faire appel pour exterminer Famine. Mais elle espérait ne pas devoir en arriver là.

Le récit de Lisa était à peine croyable, une véritable histoire de cinglé. Le résultat n’en était pas moins surprenant. Hyde avait réussi à chasser la rouquine, laissant les deux occupants du corps de Dumont se livrer à un combat à mort. Au moins, si Alex gagnait, il serait définitivement débarrassé de ses problèmes de double personnalité.
Tout cela semblait encore chambouler Lisa au plus haut point, elle se massait les temps comme pour chasser une douloureuse migraine. Puis, désireuse de chasser également l’Entité de ses pensées, elle changea de sujet en questionnant le trio de dames sur les événements s’étant produits en son « absence ». Il est vrai que s’endormir dans l’appartement de son oncle pour se réveiller dans une boîte de chewing-gum, elle-même située dans un appartement inconnu, conduisait à se poser quelques questions. Comme Lila n’était pas douée pour prendre des pincettes, elle laissa Angela expliquer. Cela dit, cette dernière ne fut, comme à son habitude, pas très loquace et généreuse en mystère.

Claire fut la première à faire preuve de franchise, s'adressant à Lisa avec énormément de tact et de compréhension. Bennet savait ce qu’était la torture, la perte d’êtres chers ou encore l’impression de ne plus avoir sa place nulle part. Elle était donc la personne idéale pour partager sa peine. Mais elle dut interrompre son récit, car Lila était restée silencieuse à propos de Kerry et Claire ignorait ce qui s’était passé après sa fuite.

Le regard de l’ex-Cheerleader ne provoqua pas le moindre cillement auprès de Lady Cruz. Cependant, cette dernière ne savait vraiment pas comment s’y prendre pour annoncer la mauvaise nouvelle à la rouquine sans l’abattre encore plus qu’elle ne l’était déjà. Ce n’était vraiment pas le genre de choses qu’elle avait besoin d’entendre en ce moment, mais il n’y avait plus de place pour le choix. Lisa voulait savoir. L’Anglaise prit une profonde inspiration, et posa enfin les yeux sur la fille Dumont.

- J’ai fait tout ce que j’ai pu. Je suis remontée, mais l’escalier de secours a lâché, je m’en suis tirée de justesse. Tout l’immeuble s’est écroulé, j’ai tout juste eu le temps de voir ta mère avant que tout ne s’effondre… En ce moment, les pompiers sont sûrement en train de chercher des survivants dans les décombres, mais vu la hauteur à laquelle se trouvait l’appartement de ton oncle, les chances que ta mère ait survécu sont extrêmement minces. Désolée.

Une ambiance que Lila détestait emplit alors la pièce, une atmosphère de chagrin et de deuil. Cela lui rappelait le décès de sa mère, ses funérailles, la tristesse dans laquelle elle fut noyée avant d’en sortir la tête et de se jurer de ne plus éprouver aucun sentiment. Tous ces souvenirs ne la laissaient pourtant pas insensible. Les pans de plafond qui s’étaient effondrés sur Kerry lui rappelaient douloureusement la disparition de sa mère sous une chute de rochers dans les montagnes himalayennes, après leur crash. A nouveau, elle s’était trouvée impuissante devant un tel accident. A nouveau, une mère s’en était allée parce que Lila n’avait pas réussi à la sauver.

* * *

Une surface claire et uniforme, c’était tout ce qu’elle arrivait à distinguer. Sa vue était encore floue. Elle sentait sa bouche pâteuse, son crâne douloureux et son corps engourdi par l’inertie causée par plusieurs jours de froid. Peu à peu, les traits se précisèrent, elle reprit le contrôle de son regard. Ce dernier quitta le plafond blanc de l’hôpital pour se poser sur un visage empli de larmes. Elle sentait la main de son père serrant la sienne, éclatant en sanglot à la vue de sa fille se réveillant enfin d’un long coma. Lila essaya de parler, mais sa gorge était sèche. Une infirmière népalaise, alertée par les pleurs du père, accourut au chevet de la fillette. Délicatement, elle lui fit boire une petite quantité d’eau. Il lui était encore difficile d’avaler, elle toussa et manqua de s’étrangler à deux reprises. Lorsqu’elle fut enfin en mesure de parler, elle regarda Richard d’un regard humide.

- Maman… ?

Son père se pinça les lèvres et détourna le regard. Implicitement, il avait déjà révélé à sa fille la triste vérité. D’une voix étranglée, il parvint à articuler :

- Maman est partie, ma puce. Elle est partie pour toujours.

Les larmes commencèrent à couler le long des joues de la petite, encore trop faible pour que sa poitrine fût agitée de sanglots. Durant son long sommeil, elle était persuadée que sa mère lui avait tenu compagnie, qu’elle était là. Elle avait rêvé d’elle, ou peut-être avait-elle réellement été à ses côtés. C’était en tout cas l’impression qu’elle avait. Et maintenant, depuis son retour à la réalité, elle n’était plus là. Plus jamais elle ne la reverrait, plus jamais elle n’entendrait sa douce voix lui chanter des berceuses ou lui raconter des histoires avant de s’endormir. Plus jamais elle ne lui préparerait ses œufs brouillés au bacon, son petit déjeuner préféré. Plus jamais elles ne s’entraineraient à jouer des mélodies à deux au piano.

Quelques semaines plus tard, Lila et son père se retrouvèrent à l’église en compagnie de la famille, des proches et de plein de personnes que la fillette n’avait jamais vues. Elle détestait les églises, et cette haine fut encore renforcée ce jour-là. Debout devant un cercueil vide au-dessus duquel trônait une photo resplendissante de sa mère, la petite Cruz écoutait le prêtre débiter ses paroles vides de sens et inutiles, repassant sans cesse dans sa tête la scène de l’accident où elle avait vu sa mère pour la dernière fois. Amélia était une femme d’une beauté rare, une beauté dont Lila avait hérité, tout comme son caractère bien trempé. Sans le vouloir, elle avait toujours gardé une petite part de la personnalité de sa mère en elle. Mais ce jour-là, elle s’était fait une promesse qui allait changer toute son existence. Elle s’était jurée de ne plus jamais éprouver de sentiments pour personne. La seule qui avait valu la peine que l’on s’attache à elle l’avait abandonnée, elle n’avait plus personne désormais.

Année après année, l’état de son père se dégradait. Le corps de sa femme n’ayant jamais été retrouvé, Richard Cruz était persuadé qu’Amélia était toujours en vie, qu’elle avait survécu dans ces montagnes du Népal. Malgré les affirmations des secours, il croyait dur comme fer qu’elle s’en était sortie, et était de plus en plus obnubilé par l’idée de la retrouver. Sombrant progressivement dans la folie et la confusion, il perdait tous ses amis, effrayait sa famille et ne se préoccupait presque plus de sa propre fille. C’était leur majordome qui s’occupait de Lila, qui était devenu une sorte de tuteur pour la jeune fille. Il s’occupait de son éducation, de sa santé, la mettait au lit, lui racontait des histoires. Il était la seule personne qui valait encore quelque chose aux yeux de Lila… du moins, jusqu’à récemment.

* * *

Immergeant de ses pensées, Lila se rendit compte que sa main était posée sur celle de Claire, qui s’était assise à ses côtés. Instinctivement, elle la retira comme si elle venait de toucher une pestiférée, et but une gorgée de whisky pour se détendre le gosier.

Bennet s’employa alors à rassurer Lisa à propos de son père. Elle venait sans doute de perdre une nouvelle fois l’un de ses parents, il lui serait insupportable de perdre le second dans la même journée. Cruz appuya les dires de sa protégée, de manière sincère et optimiste.

- T’inquiète pas Miss, ton père est un coriace, il va en venir à bout de cette chose. J’ai bossé avec lui, je me suis battue à ses côtés, et je sais qu’il a plus d’un tour dans son sac, même s’il a souvent l’air blasé et à côté de la plaque. Tu dois croire en lui, il en a besoin pour y arriver, ok ?

Si Hyde était vaincu, cela serait un second des trois piliers du Mal rongeant ce monde qui s’écroulerait. Après les Sons of Liberty, l’Entité, il ne resterait plus qu’une dernière menace à exterminer pour de bon, et Lila s’était promis de participer activement à sa chute depuis qu’il avait torturé Claire : Sylar.

Ce fut Claire qui la première brisa ce pesant silence. Un protagoniste imprévu avait fait son entrée dans l’appartement de Peter alors que Lisa était inconsciente. Il s’agissait de Kerry. Visiblement, le groupe d’Angela avait subit une attaque et la journaliste était intervenue, aidant à sauver la situation. A en croire Claire, l’immeuble dans lequel se trouvait l’appartement de Peter s’était effondré devant les forces libérées durant le combat. L’ex cheer leader s’était sauvée avec Angela et Lisa. De ce fait, elle n’avait aucune idée de ce qu’il avait bien pu advenir de Kerry.

La nouvelle fit l’effet d’un coup de masse pour la jeune Dumont. Comment était-ce possible ? Sa mère ne pouvait pas être morte ! Elle ne devait pas mourir ! Si Lisa était revenue dans le passé, c’était justement pour empêcher cette tragédie qui l’avait frappée durant son adolescence, pas pour qu’elle se produise encore plus tôt. Comment avait-elle pu se tromper à ce point pour en arriver là ? Le regard fixé sur la table basse et empli de tristesse et de doute, la jeune rousse n’émit pas un son, restant avec ses questions.

Cruz expliqua alors qu’elle avait tenté tout son possible pour sortir Kerry de l’appartement avant que les fondations ne cèdent, mais sans succès. D’après elle, il n’y avait aucune chance pour que la mère de Lisa ait survécu à une telle catastrophe.

Finalement, Claire et Lila tentèrent de soutenir la jeune fille en lui assurant qu’Alex réussirait à vaincre l’entité. Y croyaient-elles réellement ou bien n’était-ce qu’une manière d’adoucir la situation de Lisa. De son côté, Angela resta silencieuse.

« Angela ? Vous êtes bien silencieuse pour une fois …, fit alors remarquer Lisa.

- Et bien … je suis vraiment navrée pour ta mère. C’était un acte courageux de sa part, et je tiens à te présenter toutes mes condoléances, répondit Angela quelque peu prise de court.

- Vous mentez de plus en plus mal … ou bien, je finis par vous connaitre.

- Non, tu te trompes Lisa, je suis réellement attristée par ce qu’il vient d’arriver à ta mère, sincèrement.

- Vous seriez attristée si elle était morte. Or, ça n’est pas le cas et vous le savez, n’est-ce pas ?! »

Devant une telle accusation, Angela resta muette. Lisa en était sûre. Sa mère ne pouvait pas être morte. Comment le savait-elle ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Elle avait juste cette sensation que quelque chose sonnait faux. Mais peut-être était-ce une part d’elle-même qui refusait de voir la vérité en face, incapable de faire son travail de deuil, et qui, par conséquent, s’accrochait à des espoirs futiles. Pourtant, Angela ne niait rien.

Non, il y avait autre chose, mais quoi ? C’était certain, la mère de Peter savait que Kerry était encore en vie, très certainement grâce à son pouvoir de prémonition. C’était pour cette raison qu’elle semblait si détachée de la nouvelle. Mais comment Lisa pouvait en être si intimement persuadée. Elle avait vu sa mère quelques minutes auparavant dans l’esprit d’Alex. Elle semblait si vivante, c’était impossible qu’à présent elle soit morte.

Ou bien peut-être que c’était le fait de l’avoir vu si vivante qui empêchait Lisa d’accepter cette perte.

Puis, tout devint clair pour la jeune fille. L’écho de Peter en était la preuve flagrante. Lorsque Peter était mort, son écho était inactif. Une fois le jeune new yorkais revenu à la vie, son avatar psychique s’était alors révélé beaucoup plus vivant. Or, juste avant que Lisa ne soit chassée de l’esprit de son père par l’entité, elle avait sous les yeux l’écho de sa mère bel et bien actif. C’était la preuve irréfutable qu’une seconde avant que la jeune fille ne reprenne conscience dans cette boite de chewing-gum dans le salon de Cruz, Kerry était encore de ce monde.

« Aucun doute : elle a survécu. Vous expliquer comment je le sais serait trop long.

- Là n’est pas la question Lisa. Si votre père échoue, qu’importe que votre mère ait survécu ou non, ça ne changera rien.

- Il faut lui faire confiance. Nous n’avons pas d’autre choix. »

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