Journal des Ténèbres

Le petit ouvrage était relativement mince. De la taille d'un livre parfaitement normal, on le percevait comme tout ses semblables, c'est-à-dire un livre servant à la lecture. La reliure du livre était faite d'un cuir semblait vieux et âgé, mais tout à fait solide et résistante. Suite au passage du temps, il donnait au bouquin une apparence très rustique, très médiévale, tels les parchemins douteux à l'encre effacée. La couverture était vierge de symboles et d'inscriptions mais à un simple coup d'oeil, on savait que ce livre n'était pas un objet ordinaire.

Il était ouvert devant lui. Appuyer contre le haut de ses jambes, proche de ses genoux, Alexis observait les pages vierges sans s'exprimer aucune réflexion. Ayant réclamé cet objet chez un antiquitaire qui n'était guère au courant qu'un bien de son magasin était manquant, c'était d'une beauté sombre et simple qui plaisait bienx aux yeux noirs du grand ténébreux. Laissant le creux de sa tête vide de toute pensée, l'homme retira l'élégant gant de cuir qui recouvrait en permanence sa main droite. Agitant ses doigts, cherchant une mélodie sans instrument pour accompagner le silence de son environnement, il appuya le bout de son index dans le coin supérieur gauche d'une des pages, s'apprêtant à se livrer à l'art de l'écriture. Un conduit de ténèbres se concentrait dans l'ensemble de sa main, cherchant à canalyser son énergie dans le contact de la peau sur le mince papier. Comme si l'acte était de nature aisée, Alexis glissa son doigt sur le coté pour former des mots. Étrangement, des lettres se formaient sous le passage de sa peau. Ce n'était pas de l'encre mais les ténèbres elles-mêmes qui s'incrivaient à jamais dans le creux de cet ouvrage. Un symbôle ultime des pouvoirs de monsieur Kane...

Citation :: This is War

Pourquoi soulever une plume pour un écrit qui sera détruit dès qu'il se retrouvera entre les mains du destin? Les mémoires d'un homme que l'on a attitré comme étant la principale source de désespoir de l'époque moderne, plus influente encore que les maladies ou les armes à feux. Suis-je une plaie mondiale si grave, si puissante? C'est ce que les dires affirment à mon sujet. Pour les autres, je ne suis rien de plus que les terroristes arabes ou les grands criminels introuvables, un agent de la guerre, un marchand de la guerre. On veut m'abattre, par une lame, par un projectile, par une explosion mais on veut laisser la Mort avoir le dernier mot sur mon âme. Toujours la violence, le moyen le plus facile d'opérer en toute facilité. Quelle soit en premier ou dernier recours, la violence, brutalité et agressivité, toujours appelée à faire acte de présence au moment opportun. On ne m'a jamais affronté sur mon véritable terrain jusqu'à ce jour et pourtant, c'est bien la guerre qui persiste, celle que j'ai engendrée, celle qui est née au creux de mon ombre. Je ne l'offre pas, je ne la vends pas, on ne me la demande pas, on ne me l'achète pas, elle arrive, tout simplement, comme un simple coulis du temps. Pourquoi je la sème sur mes pas? Pourquoi cette répandue forme du chaos sans ordre? La nuance est ici, tout est contrôlé et pensé depuis le premier instant où j'ai décidé de faire de la planète Terre, cette sphère aux reflets aquatiques, mon nouveau terrain. On croit à tort que c'est une partie de chasse ou un tout nouveau jeu de mon cru. Depuis quand doit-on considérer la guerre comme un loisir ou un plaisir de la vie? Réellement, honnêtement, qu'est-ce que ça peut bien être la guerre?

Ni un fusil pour traquer le gibier, ni un jouet qui se fracasse après quelques difficiles scéances, je perçois la guerre comme une nécessité, sans sang et meurtre. Toutes ces fâcheuses conséquences ne sont pas issues de mes propres intentions, c'est les réactions de la population face à des messages qu'ils ne peuvent comprendre. On cherche à effacer et détruire l'inconnu, ce n'est pas nouveau de l'humain comme manque d'innovation. Est-ce que la guerre peut combler ce vide que l'homme, en son plus naturel, ressent jusqu'au plus profond de lui-même? Étant donné la grandeur de son vide intérieur, ses abysses corporelles s'étendent à perte de vue. Je ne crois pas que la guerre soit juste ou nécessaire. Inversement, j'envisage la même pensée pour son ultime opposé, la paix. La guerre est présente pour rammener la paix et la paix se fait toujours détruire par une guerre motivée par des intentions trop souvent douteuses. Je me perçois seulement comme une figure supplémentaire du paysage dépeint de tout sang des innocents. Suis-je pour la guerre, la violence et la brutalité? Suis-je pour la paix, le calme et la tranquilité? Perte totale de compréhension suite à la plus simple des notions qui revient de façon constante dans notre existence. Il est impossible de la manquer ou de l'oublier, il suffit uniquement de la connaitre, de l'apprivoiser, de l'adpater à nos exigences, nos besoins, nos désirs. La guerre peut vous dérouter, vous faire sombrer dans un oubli qui vous éloigne des véritables sentiers. Le secret réside dans un seul mot qui nécessite beaucoup de complexité et d'appréhension: la vérité.

C'est la guerre. Et personne ne peut l'arrêter, surtout pas les menteurs, encore moins ceux qui ont raison.

Un rayon de l'astre lunaire déchirait son univers nocturne, venait décorer la surface de la page vierge d'une faible lumière naturelle. Elle caressait l'absence de mots dans l'attente que l'art fasse ses preuves concrètes de nouveau. De sa main, de sa propre peau, il appréciait l'immortalité que pouvait prendre un récit, une leçon, une histoire. Que représentait exactement son héritage littéraire? Écrit et intemporel, était-ce un trésor, un joyau, une malédiction, un déchet? Beaucoup paierait une fortune pour mettre la main sur ce recueil psychologique d'une difficultée indescriptible à déchiffer. Tant d'intentions et d'ambitions derrière de simples feuilles de papier, pour de simples esprits, répondant à un simple esprit. Mais pourquoi tout ce mal? Pourquoi consacrer du temps à une telle oeuvre? Concrètement, Alexis savait parfaitement ce qu'il faisait en transmettait ses pensées au sens du matériel, mais jamais le motif ne serait révélé quelque part entre ses lignes. Manque de subtilité et de finesse que ce serait, éloignement total de l'usage de son style habituel. Son regard plissant sous le silence, manque de sourire et d'émotion sur les vastes plaines de son visage, le ténébreux devrait pourtant sentir cette satisfaction naitre en lui, et pourtant, son dégoût de l'humanité ne s'en trouvait que renforcer. À la simple idée qu'une âme vierge du sens de la compréhension puisse se délecter de sa mémoire à l'état pur... Doigt norci par le monde des ombres, il s'inscrivait dans notre ligne du temps à tout jamais...

Citation :: The Golden Age of Grotesque

On se demande souvent ce qui peut choquer l'être humain. De lui-même, il est une source inépuisable de grossièretés, d'abus et de constants rebus. Glorifié par les médias, élevé au statut d'exploit par toutes les plates-formes possibles, le dégoût est devenu risible tellement qu'on voit passer nombre d'abominations sous nos eyes, au creux de notre tête. Nos pensées captent tout, analysent jusqu'à la dernière image, jusqu'à la dernière lettre. Beaucoup se montreront offensés par le viol d'un enfant, par exemple. Pourtant, c'est un crime devenu monnaie courante dans la société actuelle et certains crachent dessus comme s'ils étaient ignorants face à cette nouvelle réalité. De quoi doit-on se retrouver offensés, du manque flagrant de conaissance de l'actualité ou du geste lui-même? Nous ignorons le grotesque, nous ignorons ce qu'il est devenu après tant de tabous passés, après tant de banalisation. Un simple meurtre, autrefois, était puni avec la peine de mort, la condamnation aux Enfers et l'interdiction pure et dure aux champs brillants du Paradis. Aujourd'hui, on l'efface après quelques années d'emprisonnement dans un terrain de jeu en forme de cages et de barreaux. Est-ce à ce point ridicule? La justice était autrefois maitresse de nos vies, autrefois dorée par ses défendeurs ardus et dévouées. De nos jours, c'est d'une honte grotesque d'affirmer à voix haute qu'il peut se conserver un semblant de justice dans notre vaste monde de moqueries. Je plains les pauvres inconscients croulant sous l'obligation de la garder vivante. Nos terres peuplées d'êtres névrosés, d'incurables malades, de criminels, de monstruosités... Par chance, pour l'équilibre, je suis présent afin de garder le tout sur le bon chemin. Je crois que dans le sens littéraire, on appelerait cette dernière phrase de l'ironie.

Certains pourraient se demander ce qu'un assassin accompli pourrait trouver de grotesque et de dégoutant. Et j'insiste sur l'usage du terme assassin, pitié, je ne manque pas de professionalisme à ce point comme l'espèce entière. J'insiste souvent sur cette vision des choses, en particulier lors de mes assomants discours, mais le manque de visibilité vis-à-vis la vérité me ferait gerber tout mes organes et mon liquide sanguinaire jusqu'au vide complet. L'humain renie encore et toujours ce qu'il ne comprend pas, c'est une constance qui m'est tout à fait évidente depuis trop longtemps déjà. Après tout, que suis-je de si dégoutant et de grotesque au coté d'un massacre de masse d'innocents? Jamais je ne vais chercher mes victimes sans raison, jamais je n'applique une méthode radicale de dictature sur eux. Depuis toujours, à chaque instant, j'ai offert le choix à tous et chacun croisant mon chemin. Un éloignement des origines, un retour aux véritables valeurs, hors de la portée d'influence des mythes urbains devenus actes d'existence. Loin du dégout, de la laideur révélée par la lumière du jour, je ne fais qu'offrir une beauté assombrie par sa vérité. Est-ce de camoufler les véritables idéaux? Aucunement. C'est tout simplement de démontrer qu'il y a rien de blanc ou de totalement beau dans nos vies. Les concepts de grossièreté peuvent vous dérouter, vous faire sombrer dans le désespoir, minant votre volonté. Le secret réside dans un seul mot qui nécessite beaucoup de complexité et d'appréhension: la vérité.

Tout est grotesque. D'un éclat doré et frappant, tout nous envahis jusqu'au dernier recoin. Et on ne peut rien arrêter.

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