Deuxième essai

Invité

Ben n'avait pas de temps à perdre à alimenter le conflit entre le Roi Liche et la Pyhtie, certes. Il était d'abord Angela. Il avait essayé de la convaincre de se débarasser de la menace Sylar, de le tuer. Mais il avait essayé, il avait échoué, fin de l'histoire. Elle était trop sure d'elle, son pouvoir lui donnait la sensation de tout contrôler, elle pêchait pas excès de confiance en gardant Sylar en vie. Le jeune Gabriel Gray avait déjà démontré son formidable potentiel à retourner la situation en sa faveur, il n'était pas à sous-estimer. Arthur au contraire était en perpétuel questionnement, hanté par la paranoïa et plongé dans une fuite mentale vers l'avant, il était plus disposé à prendre des mesures expéditives et aussi, du moins le pensait Ben, plus facilement manipulable. Oui l'Oracle entendait agir à son seul profit et son objectif premier était la mort de Sylar.

Il avait pris rendez-vous avec Arthur sous un faux nom, se faisant passer pour un simple précog perturbé par son pouvoir. Soit Arthur se souvenait de lui et tout se passerait bien, soit il ne se souvenait pas et alors il faudrait lui expliquer la supercherie et l'aider à retrouver la mémoire, régénérer les blessures qu'avait laissé Maury dans son esprit. Le Roi Liche était devenu puissant, plus encore que quand ils s'étaient quittés si c'était possible. Il était maintenant un allié sûr, à même de vaincre Angela et d'exécuter Sylar.

Ben craignait plus une faiblesse émotionnelle que physique de la part du Roi Liche. Il y avait les anti-psy bien sur, l'Haïtien en tête et Peter qui étaient à même de mettre Pinehearst en danger mais rien qu'un minimum de logistique ne pourrait écarter comme problèmes. Pour peu qu'Arthur se montre coopératif et assez fort pour décider de mettre fin au règne de la Pythie, la victoire était assurée.

Il se présenta donc au bureau d'Arthur calmement. Il était attendu. Il entra quand on lui demanda de rentrer dans le bureau et alors...il ne dit rien. Il se contenta d'observer avec attention le visage de son vieil ami. Il espérait y capter un signe, un moyen de déterminer si oui ou non il était connu ou si le travail de Maury était resté intact toutes ses longues années. La balle dans ton camp, Arthy, pensa Benjamin en rentrant dans le luxueux bureau.

Invité

Arthur se tenait devant sa baie vitrée avec une certaine angoisse dont il n'osait rien faire paraitre. Ses yeux noirs d'orgueil se perdaient à l'infini devant le spectacle piètre et immuable qu'offraient les ruines de Central Park. Décombres sanglants et faussement chauds, éclairés par un astre assassin aux reflets de violence. Un nouveau jour s'achevait, un nouveau jour était perdu. La course du temps était un fil que le Patriarche lui même ne pouvait se permettre d'influencer. Comme contraint à l'impuissance par des convenances statistiques, l'homme se contentait d'attendre, d'attendre encore et toujours, en l'attente d'un dénouement fatal et idéal. Combien d'heures encore ? Combien d'heures Angela serait-elle confinée dans l'insouciance et le silence? Peut-être le destin lui avait-il déjà parlé, peut-être lui avait-il déjà murmuré dans le creux de l'oreille cette information funeste que son mari lui dissimulait, la nouvelle impromptue de son retour imminent, peut-être s'était-il confié à elle, elle qui l'avait accompagné toute sa vie et qui était intimement liée à lui. Un léger frisson parcouru sa colonne vertébrale pour se perdre à son extrémité. Le souvenir de ce nom auquel il s'était si attaché ne pouvait le laisser de marbre, son être s'en était imprégné au fil des années pour sembler ne plus jamais vouloir s'en démettre.

On fit irruption dans son bureau. Cette visite était attendue. Arthur ne daigna pas faire un seul mouvement, laissant à cet invité anonyme le bénéfice de s'avancer dans le palais d'un futur empire.

"Splendide spectacle que celui d'un coucher de Soleil sur les fruits de notre démence..."

Il marqua une pause brève, reprenant son discours avec une neutralité inhabituelle.

"Mr. Smith, sachez que les bureaux de Pinehearst sont enchantés de vous accueillir, nul doute que la justesse de votre choix sera très vite récompensé, j'ai saisi la nature de votre appel et je pense pouvoir vous aider à vous rassurer un petit peu. Mon entreprise a pour objectif de fournir des réponses, ainsi que des solutions."

Lentement, le Fondateur se détourna de la scène infernale qu'il avait admirée pour fixer le visage de l'inconnu. Un silence s'installa immédiatement. Il l'invita cordialement à prendre place sur le siège qui faisait face au luxueux mobilier de Petrelli, l'entretient devant s'amorcer le plus rapidement possible. Arthur prit place à son tour, rabattant ses coudes sur la surface du meuble, calant son dos sur le dossier.

"Que pouvons-nous faire pour vous ?"

Invité

Sic transit gloria mundi. Arthur n'était plus le jeune avocat athlétique et plein d'énergie qu'il avait été. Finalement on ne voit le temps passer que pour les autres, et le temps était bel et bien passé pour Benjamin comme pour Arthur. Son visage s'était creusé de rides profondes, son tour de taille s'était élargi... pour autant le Roi Liche n'était pas devenu grabataire comme Ben, au contraire, les années passées semblaient lui avoir donné une force nouvelle, une stabilité que rien ne semblait pouvoir ébranler. Et la passion de la jeunesse avait fait place à une ambition toute aussi grande mais régulée par un tempérament plus réfléchi. Il semblait bien que Ben soit le seul des fondateurs à avoir vraiment souffert du passage des années. Était-ce en rapport avec sa retraite et son isolement passif? Très certainement. Il s'était placé en témoin non-intervenant pendant si longtemps alors que les autres sauvaient le monde une première fois avec l'aide d'Adam l'immortel, puis sauvaient le monde de la folie de ce même Adam, puis se combattaient entre eux, se séparaient, manipulaient leurs propres enfants et enfin s'impliquaient dans le combat de la nouvelle génération. Ben était dépassé alors qu'Arthur et Angela étaient au cœur des intrigues qui secouaient le monde. Il avait tant de retard à rattraper, et si peu de temps devant lui. Il devait aller au plus vite:

"Tu es toujours aussi poétique Arthur. Et aussi cérémonieux, tu ne démérites pas de ta couronne de Roi Liche."

Le tutoiement direct et l'évocation d'un sobriquet que seul Ben utilisait devraient suffire si ce n'est à lui faire retrouver la mémoire, du moins à éveiller sa curiosité. Il essayerait peut-être de lire les pensées de l'Oracle, qu'il le fasse, Ben n'avait rien à cacher. C'est la meilleure arme contre un télépathe que d'être sincère.

"Tu ne me reconnais pas? Maury agit avec soin pour une fois. Je suis venu requérir ton aide pour tuer Sylar. Dois-je t'expliquer le passif que j'ai avec cet enfant?"

A nouveau ses paroles ne devaient soulever que du mystère. Mais Arthur était intelligent, il rassemblerait à n'en pas douter les pièces du puzzle et comprendrait du moins dans les grandes lignes à qui il avait à faire.

Invité

Un éclair de stupéfaction traversa le regard stable du Patriarche, illuminant un instant son visage sévère. Ses yeux se plissèrent un instant, comme plongé dans une demie réflexion. Ce convive semblait en savoir bien plus que n'importe qui d'autre. Cette audace nouvelle, cette intimité écartée, cette franchise du discours. Arthur sourit, intrigué par l'aura de mystère qui semblait maintenant revêtir la personne qui se tenait devant lui. Ainsi cet étrange Mr.S Smith et lui même avaient partagé bien plus d'expériences et de chose qu'un banal entretient dans un crépuscule larmoyant. Étais-ce ici un vétéran du Vietnam ? Un "copain" de compagnie, un sauveur ou peut-être bien un sauvé ? Un parent que le temps avait effacé de la mémoire du Patriarche, lui qui pouvait se vanter d'être toujours aussi minutieux dans la conservation de ses souvenirs. Une confusion hasardeuse naquit bientôt devant ces paroles outrageusement obscures, ces allusions révolues et oubliées.

Arthur détourna légèrement le regard, s'apprêtant à approfondir sa présence et à intimider son invité, mais avant que quoique ce soit ne fusse tenté, une révélation glaciale vint frapper l'ouïe du Fondateur. Un nom. Celui de Maury. Un nom aux semblants irréels et impropres tant son énonciation était inattendue. Un nom ressurgissant d'abimes ancestrales et secrètes alors qu'il y avait été enterré dans le silence. Plongé dans le noir par les mains même de Petrelli Sénior, par la rudesse de son étreinte contre la fragilité du cou. Des images se succédèrent alors. Celle de son assassinat démoniaque, des multiples conversations qu'ils avaient tenues. Celle où Dallas fut la victime de ce prédateur impitoyable, et enfin vint cette scène symbolique, où tous étaient présents pour témoigner de leur fidélité devant leur projet. Tous ces visages, dont un seul était bercé de brume.. brouillard bientôt chassée par le vent puissant du souvenir. Alors tout revint à la surface.

Arthur ne put contenir un mince sourire, retraçant les reliefs de sa peau façonnée par les âges rudes de la vie. Il se contenta de sourire.
*Ben...*
Cet homme, cet imposteur, ce lâche aux yeux des 12 autres Braves, ce vivant passé pour mort, faisait à nouveau une apparition au moment le plus décisif. N'était-ce pas là un coup de génie. Un asile de sureté orchestré par une ruse maintenant vieille de plusieurs décennies mais tout aussi pétillante de subtilité.

"Me voici bien amusé de te revoir parmi nous, mon vieil ami..."

Ces quelques mots, lancés dans une hypocrisie absolue se dissipèrent dans l'air stable de la pièce. Une rancœur nouvelle s'était éveillée dans l'âme du Patriarche. Une haine froide, scellée dans un cœur car recouverte par des sentiments tout aussi négatifs mais au combien plus récents. Une colère aveugle de sens. Sans un mot, l'homme verrouilla la porte de son bureau télékinétiquement, laissant comprendre à son contemporain que bien des vers devaient encore couler de sa bouche. Sans même bouger, il continua son discours, adoptant une tonalité plus froide que jamais.

"Je crains que Sylar ne soit plus la première menace que te guette mon ami. Pensais-tu réellement ressortir d'un tombeau dans lequel nous t'avions secrètement convié pour t'afficher au grand jour sous une telle naïveté soit une décision réfléchie ? Tu sembles avoir perdu de tes capacités de prédiction. Plus de 30 ans nous séparent désormais. 30 ans où d'irrémédiables bouleversements ont profondément marqué le monde. Toi, toi qui était si prompt au jugement et à l'analyse, combien de potentiels descelles-tu en moi en cette heure ? 10 ? 20 ? Peut-être plus encore. Notre collaboration a été sauvée par mon insouciance et ma bêtise, car maintenant, je me démarque plus que jamais et n'éprouve plus aucun scrupule à rendre ma personne plus unique que n'importe qui. Le talent dont tu disposes est une invitation au pouvoir. Une invitation qu'il me sera difficile d'ignorer.. Qu'apporterais-tu de plus à ma société que l'appropriation de ta capacité à mon bénéfice, aurais-tu en ta possession un quelconque argument apte à te préserver ?"

Invité

Un sourire d'abord passa sur le visage du vieil homme quand sa mise en scène eu l'effet escompté. Difficile de savoir avec certitude lequel des nombreux atouts dont disposait Le Roi Liche avait agit contre l'œuvre de Maury, même pour Ben. Mais le principal était que la mémoire lui était revenue, complète, brillante, totale. Une première barrière tombait et l'Oracle voyait sous ses yeux revenir un vieil ami.

Mais un ami qui avait bien changé, ça il le comprit en entendant le bruit du verrou. Précaution inutile, la psychokinése avait cela de merveilleux qu'elle pouvait agir de plusieurs manières: brutale ou subtile, bruyante ou silencieuse, salvatrice ou meurtrière. Arthur avait choisi de signifier clairement à son invité qu'il pouvait se considérer désormais comme prisonnier. Soit, Benjamin comprenait le message, le sens du message et la raison du message. Bien sur, de même que Caliban, le Roi Liche pouvait voler à l'Oracle sa force vitale, sou pouvoir magique, sa clairvoyance. Mais la menace n'était pas vraiment là, cette vieille raclure lâche et fuyante de Ben avait déjà prouvé plus d'une fois que sa force ne se situait pas seulement dans sa capacité à sentir les autres héros. La vraie menace d'Arthur était donc plus complexe qu'elle n'y paraissait.

Benjamin était venu requérir l'aide d'Arthur au nom de leur ancienne amitié. La vraie menace c'était qu'Arthur était libre de lui accorder ou non son aide. Voilà le vrai pouvoir du Roi Liche, il réside dans son sceptre plus que dans son épée, dans son royaume plus que dans sa sorcellerie. Car la Liche n'est pas qu'un magicien, elle est aussi un Seigneur à la tête d'une armée. C'est de cette armée que Ben a besoin pour vaincre Caliban.

Je ne veux pas croire que tu ne vois pas le piège que représente ce pouvoir. Je ne doute pas que tu saurais en faire bon usage. Tant que Gabriel Gray est en vie, ce pouvoir représente un danger non seulement pour le monde mais pour toute personne qui le possède. Tu as autant besoin de mon aide que moi de la tienne pour vaincre ce cloporte.

Un moment de silence ponctue cette phrase choquante. Comment imaginer que le puissant fondateur de Pinehearst puisse avoir besoin d'un homme mort depuis plus de trente ans? Plus que mort même, effacé, comme s'il n'avait jamais existé. C'est cela: quelle aide peut bien lui apporter un homme qui n'est même pas censé exister? La question aura forcément traversée l'esprit du vieux stratège. Voilà la réponse:

Tu sais bien que je ne suis pas qu'un radar. Je suis aussi le pionnier qui a défini, classé et établi les relations intimes entre les différents pouvoirs. Sylar va devenir le jouet d'Angela, et elle n'hésitera pas à l'utiliser contre toi. Tu auras besoin d'une compagnie qui puisse rivaliser avec la sienne. Tu auras besoin non seulement de soldats dotés de pouvoirs puissants mais aussi d'un esprit suffisamment versé dans ce domaine pour pouvoir organiser ces soldats en une vraie armée. Dans un jeu d'échec, le tout n'est pas de savoir comment les pièces peuvent bouger, il faut encore avoir étudié les stratégies, les coups et les feintes. Cela précisément, même ta plus puissante magie ne peut pas me le voler.

Au fond qu'importe lequel des deux hommes pouvait bien avoir le pouvoir de l'Oracle, le tout est qu'ils puissent coopérer pour vaincre leur ennemi commun.

Invité

Les yeux d'Arthur se voilèrent d'une lueur de pessimisme. Il s'amusait réellement de ce retour inespéré, de cette visite dont il n'attendait rien, de ce retournement de situation dont lui seul détenait le secret. Maury Parkman avait donc été l'instrument dissimulé de cette fuite, l'outil dans les mains de Ben. L'Oracle semblait être passé maître dans l'art de la manipulation. Son numéro, loin d'être imparfait ne s'était cependant pas embêter du soucis de la crédibilité. Le Patriarche sourit. L'âge avait transformé les jeunes fondateurs de l'OWI en des prédateurs expérimentés diaboliques et réfléchis. Des requins qu'il était difficile de cerner et qui n'hésitaient plus à entourer les bras des nageurs de leur mâchoire de fer.

"Tu n'es pas sans savoir que Sylar est désormais entre les mains d'Angela, toi qui me parait être détenteur de plus d'informations qu'il ne le faudrait. J'entends bien qu'elle n'espère pas le conserver indéfiniment entre 4 murs, ce serait la privé d'une arme redoutable dont elle a besoin. Monsieur Gray est néanmoins un individu d'une intelligence subtile, non un gourdin aveugle. Il sait éperdument qu'aucune confiance ne peut être confiée entre les mains de son futur employeur et saura écouter attentivement. Je suis en la possession d'une chose qu'il convoite ardemment et qu'Angela n'a pas les moyens de lui offrir. Un argument suffisamment pertinent à ses yeux pour me garantir sa soumission totale. J'aurai besoin de lui, son charisme et son potentiel sont des valeurs indéniables de sa personnalité. C'est la personne idéale pour mener mes projets à bien, et par conséquent, sache que je n'ai nullement le désir de lui affliger le moindre mal."

Arthur ponctua son discours un zeste de dédain et de brutalité, laissant doucement comprendre à son illustre interlocuteur que le personnage de Sylar était un acteur certain du projet qu'il préparait. La pique que Ben avait insinué dans ses dernières paroles avait secoué Petrelli. Par quelle folie ce pauvre homme pouvait-il prétendre que Gabriel représentait une menace pour Dallas, lui, l'Unique... Etais-ce ici un avertissement, étais-ce dont une démarche purement intimidante dans l'optique de sa stratégie. Peut-être était-il même sous les ordres d'Angela, lui qui venait de réapparaitre subitement après des décennies d'absence. Un doute s'insinua dans l'âme de l'ancien avocat, une crainte futile, mais une crainte certaine.

"Tu te trompes sur beaucoup de chose mon ami, ta pensée s'est perdue dans l'enchevêtrement des temps et n'a pas évolué comme la notre. Pinehearst est supérieure à la Company dans bien des domaines. Nous disposons des forces suffisantes et des éléments les plus dangereux de leur engeance, nous possédons les hommes les plus performants que ce pays puisse nous offrir, et cela serait bien mal me connaitre que croire qu'il m'est impossible de te voler ce que je ne possède pas encore. Les choses ont changées Ben, nous ne sommes plus les imbéciles d'il y a 30 ans. Aujourd'hui, je suis plus puissant que jamais, à l'apogée de mon existence. Je m'apprête à réaliser des entreprises utopiques que seul le poids de mes pouvoirs peut engendrer, je m'apprête à réussir là où tous les noms de l'Histoire ont échoué. L'expérience est de mon coté. Je ne crains personne, voici que je tends mes mains vers la réussite absolue. Et toi, absent de mes périples, de mes doutes, de mes victoires et de mes défaites, tu réapparais au dernier instant, avant la Consécration en agitant le spectre de la menace d'un horloger déchu et brisé, unique prétexte à notre association."

Arthur se leva, jetant un regard de feu à la face de son invité, il tendit son bras d'acier en direction du cou de sa proie, ouvrant sa paume, une pression télékinétique impromptue saisit brutalement la gorge de Kingston, laissant un simple filet d'air pénétrer dans ses poumons. La voix de l'homme gronda à nouveau :

"Je n'espérai pas avoir laissé dans les mémoires des souvenirs aussi simplets de moi. Ne serais-tu pas à l'œuvre ici pour le service de la femme qui a partagé ma vie et déchiré ton cœur ? Ne serais-tu pas en possession d'informations qui compromettraient mes plans ?"

Invité

Encore cette violence, ce manque de confiance, ce doute pervers qui s'insinuait dans l'esprit du Roi Liche. Ben pouvait sentir ce doute grandir aussi surement qu'il avait l'impulsion télékinétique jaillir de la main du patriarche. Cette instabilité d'humeur qui faisait douter de tous et de chacun à Arthur faisait partie intégrante de son pouvoir. Il ne s'en séparerait jamais complètement. C'était bien triste pour lui. Mais Ben était prévoyant, il savait son vieil ami taciturne et prompt à de tels retournements, et il le savait télépathe aussi. Et ainsi que cela a déjà été évoquée, il s'était préparé en prenant avec lui l'arme la plus efficace contre un tel individu: la franchise.

Il ne lui avait rien caché de ses intentions et était totalement pur de toute arrière pensée. C'est cela qui le protègerait de la paranoïa du Roi Liche et lui éviterait la peine capitale dans ce royaume de la mort:

C'est vrai que je suis allé voir Angela...argh!

Mieux valait ne pas jouer avec les sentiments du vieil homme. Il éprouvait encore quelque chose pour ce nom et ce qu'il signifiait, peut-être pas de l'amour mais très certainement un sentiment assez fort pour broyer la gorge de Ben sans effort. Et la gorge de Ben n'avait pas besoin de cela, il était vieux, maladif et faible, déjà il sentait son cœur s'emballer et ne donnait pas cher de sa propre peau s'il n'arrivait pas à convaincre le télékinésiste de le libérer de son emprise.

Je n'y suis allé que pour Sylar. Je ne souhaite que la mort de cet enfant et je ne viens vers toi maintenant que pour cela. Tu dois me croire Arthur, vérifie dans ma tête si tu veux, je ne te mens pas et ne cherches pas à te trahir. Je sais que tu peux t'en assurer.

Il ouvrait son esprit à la lecture du télépathe. Et le télépathe ne devait rien y trouver de plus que ce qui lui avait déjà été révélé. Certes il était allé voir Angela, mais pourquoi? Pour la convaincre de détruire Caliban, rien d'autre. Et maintenant il venait voir Arthur pour la même raison. Sa démarche était peut-être criticable mais elle était honnête et en aucun cas ne cachait un quelconque plan plus vaste.

Invité

Le regard incandescent, la rage au cœur, Petrelli prêtait une semi attention aux paroles sifflées qui sortaient difficilement de la gorge meurtrie de Ben. Il n'attendit pas ses recommandations et, dans un sursaut d'égoïsme, fit exploser les frontières de l'esprit de son ancien ami pour pénétrer à l'intérieur. Une voix hâtive raisonna dans sa tête, plusieurs échos lui répondirent. De la peur, de l'angoisse, de l'incompréhension. Arthur lisait dans l'être de son invité comme on parcourait un roman, violant son intimité la plus fondamentale, celle du secret, bafouant le droit le plus propre, celui de penser. La poigne fantomatique qui étreignait Kingston se fit plus présente encore, s'appliquant comme un étau, un piège implacable dont on ne sait se délivrer, cherchant à le contraindre à délivrer des informations que l'homme aurait volontairement dissimulées, mais le Directeur de Pinehearst n'entendit pas ce qu'il espérait. Les propos de son convive étaient gravés dans sa mémoire et étaient véritables.

Un soupçon de déception vint couvrir ses yeux acides et sévères. Ben disait vrai, pourquoi cela le contrariait-il tant ? Aurait-il préféré tuer ce vieillard de ses propres mains comme il s'était occupé de Maury et de Charles ? Aurait-il préféré le voir mourir, et dénicher dans un dernier regard agonisant le prestige de l'assassin, l'honneur du meurtrier ? Le pouvoir changeait un homme. Le plaisir de l'omnipotence était un luxe bien pervers qui détournait un être du chemin qu'il empruntait, le menant vers de sentiers invisibles et maudits où l'orgueil et la culpabilité gouvernaient comme roi et reine. Si simple était la mort lorsqu'on en adoptait les instruments. La tentation martelait la tête de l'ancien avocat, l'appelant à en finir pour se repaitre de cette sanglante domination, mais la raison ne put s'y contraindre. Arthur ferma sa main, la force mystérieuse s'envola, s'éteignant au même rythme que la furie de Petrelli, ne demeurant à terme qu'un ardent souvenir.

"Tu es maintenant la victime d'une véritable menace.. Angela cherche à s'entourer des meilleurs des nôtres pour un projet démesuré dont je ne sais encore que trop peu de chose, mais soit sûr que la course qu'elle a entreprise se finira bien vite. L'emprise qu'elle peut avoir sur la conscience de Mr.Gray lors des premières heures de leur collaboration est inimaginable. Ses talents d'oratrice et son excellente démagogie laisseront à Sylar de douces cicatrices dans le creux de ses oreilles, et sois sûr qu'elle nourrira le champion qu'elle entend opposer à ses futurs adversaires. Ton apparition à ses cotés est une troublante démarche et je m'inquiète que tu ne te sois pas douté plus tôt de son apparent mutisme. Elle te voit comme l'outil absolu pour concrétiser son désir. Si elle en venait à t'offrir à Sylar, elle serait en possession du personnage le plus dangereux que la Terre ait pu porter."

Arthur fit un bref silence puis se reposa sur son siège, tapotant nerveusement la surface de son bureau il reprit :

"Une seconde difficulté me hante. Les relations qu'elle entretient avec Peter semblent tendues et blafardes, seulement son statut lui assure une très grande influence sur lui. Loin de Nathan, ce dernier jouerait bien vite le rôle de marionnette entre les mains de sa mère, s'il venait à rencontrer Gabriel, Angela se doterait d'une seconde arme. C'est contre cette perspective que nous nous battons, Pinehearst cherche à se donner les moyens de pallier à de telles menaces."

Invité

Ben retomba lourdement dans le fauteuil doublé de cuir qui faisait face à l'imposant bureau du non moins impressionnant maître des lieux. Essai marqué. Puis transformé au vu du discours de son nouvel allié. Arthur lui exposait la situation et, à demi-mot, requérait déjà son aide. Même après tant d'années les veilles habitudes ont la vie dure et difficile pour le Roi Liche de se passer de son Oracle, son éminence grise, intelligence calme et déterminée derrière la figue passionnée et versatile.

Et bien sur, de conseils l'Oracle ne serait pas avare. Il saurait les dispenser discrètement mais surement des remarques obscures mais utiles. Il saurait se rendre indispensable auprès de son seigneur et maître au point de renverser la relation du maître et de l'esclave. Il saurait asservir Arthur en le servant de la façon la plus retorse: en étant simplement le serviteur indispensable. Et enfin il tournerait la machine Pinehearst et tous ces formidables moyens contre son adversaire, le nemesis que le destin lui avait choisi: Caliban, Sylar, ce monstre sacré, ce Titan autour duquel le monde semblait tourner. Le choc serait épique, grandiose et de cet affrontement, un seul sortirait vivant. Dans cette vision Arthur et Angel n'étaient plus que des figurants, des pions dans une bataille que se mènent deux individus qui ne se connaissent même pas.

Mais en attendant il fallait régler quelques contingences bassement matérielles. Concrètes et réelles aurait dit un esprit sain:

Peter est peut-être le seul être au monde à pouvoir stopper Sylar.

Cette seule phrase contenait déjà la première prédiction de l'Oracle. Sans avoir l'air d'y toucher il indiquait à Arthur qu'il était d'accord avec lui sur ce point.

Je ne me sens pas en danger vis-à-vis d'Angela, c'est dans l'œil du cyclone que le vent est le moins fort et puisqu'elle sait où je suis, nous savons maintenant aussi où elle va frapper.

Oui, il avait peut-être fait une erreur en se révélant à elle mais il n'était pas trop tard pour retourner cette erreur à leur avantage et utiliser Ben comme appâts. Attirés par l'idée de dépouiller Ben de son pouvoir, la Pythie et son champion seraient prompts à faire une erreur. Cela Ben ne le disait pas car donner un conseil est une chose différente de faire insulte à l'intelligence de la personne qu'on conseille. Le Roi est le Roi et il sait tirer lui-même les conclusions qui s'imposent des prédictions brumeuses de son Oracle.

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La remarque de Ben décrocha un rire acide de la bouche d'Arthur. L'éloge que son compagnon octroyait à Peter semblait transgresser bien des faits. Gravés sur cette pierre immuable où demeuraient toutes les traces de notre volonté, cette mémoire commune dont on ne se détachait jamais assez. Petrelli passa une main consolatrice sur les courbes de sa face, caressant la base de son visage d'un air songeur, puis il les fit glisser, plongeant dans l'obscurité de son ensemble, il se détourna, tournant le dos à Ben, fixant d'un regard accablé l'immensité que sa baie vitrée portait à son regard, droit comme jamais, tout aussi froid que les sculptures antiques qui parsemaient les cotes helléniques, il mit un certain temps pour répondre mais se résigna enfin.

"Non... Ce n'est pas en Peter que nous devons placer nos espoirs. Il est faible. Tout comme sa mère. C'est sa figure et son influence que nous pouvons lire dans ses yeux, cette même niaiserie, cette indélicatesse, ce désir de bienséance. Peter croit à des concepts, possède des valeurs qu'il est impossible d'adopter pour la simple et bonne raison qu'ils sont utopiques. Son empathie l'a rendu capable, non pas puissant. Sa nature passive et son incapacité à conjuguer action et réflexion en font une menace plus qu'un danger. Il ne vaut rien, il a déjà échoué dans cette mission que tu lui prédestines. Peter craint Sylar et rien au monde ne peut contrebalancer cet effet. Gabriel aura toujours cet ascendant sur lui, il est le prédateur..." Autre chose. L'influence qu'exerce Angela sur son fils favori n'est pas négligeable, bien au contraire. Ses talents d'oratrice et son autorité auront bien vite raison des réserves de son enfant. Entre les mains de sa mère, son potentiel est à reconsidérer de fond en comble. Voilà le véritable danger."

"Elle ne doit pas savoir où tu es, du moins l'espérons-nous tous. Le pilier de cette organisation est la discrétion dont elle fait preuve et il me serait inconcevable d'apprendre que le projet auquel je travaille depuis plusieurs années risque de se voir avorter par ta simple bêtise. Pinehearst conserve encore son avantage. L'Owi bénéficie d'une chose que je convoite, ses coffres descellent mille trésors dont un qui me tient particulièrement à cœur. C'est sous ce motif que nous structurerons notre assaut."

Arthur fit demi tour, lorgnant depuis la hauteur de son trône la misérable figure de son acolyte. Un dédain cynique, un intérêt certain pour la domination. Il lui sourit, du coin de la bouche, l'invitant à se relever, il décida de le tester une dernière fois en mettant encore à l'épreuve le zèle et l'honnêteté qu'il défendait. Pour se faire, Dallas tendit simplement sa main en direction de celle de Kingston. S'il acceptait cette poignée, c'était sa vie qu'il jouait, elle et son incroyable don qui taquinait toujours la convoitise du Patriarche. Un gage de confiance ou une ultime machination, visant à se débarrasser du convive après qu'il ait craché tout ce qu'il savait. C'était en réalité, à Ben de décider de son sort, un dilemme ironique qui scellerait son futur, comme on condamne une porte sans oser savoir s'il fallait tenter de l'ouvrir. L'obscurité gagnerait à le faire tomber, cependant... tant de choses restaient encore à faire.

Invité

D'un geste de la main Ben fit comprendre à son Roi qu'il se pliait à son analyse:

Je ne peux que percevoir les capacités brutes des gens tu es mieux à même de juger du potentiel de tes fils. Soit. Peter n'est dangereux que tant qu'il est dans le giron de sa mère.

Par contre il n'aimait pas être pris pour plus bête qu'il ne l'était. Que sa loyauté soit mise ne doute il pouvait le comprendre, mais penser qu'il avait pu, par incompétence, pire, par bêtise, conduire les ennemis du Roi en son château, c'était faire insulte au génie machiavélique qui avait su orchestrer la plus grande opération de disparition de tous les temps.

Ton retour a déjà été anticipé par la Pythie. Elle ne peut être prise par surprise, mais j'ai pris soin de ne pas rajouter un savoir matériel à son savoir occulte. Elle ignore encore ta position géographique comme stratégique.

Dit-il en se pinçant le nez. Une douleur, un os brisé qui se rappelait à sa mémoire, la maladie, la vieillesse sa vraie ennemie. Plus vicieuse et plus mortelle que Sylar. Puis elle repartit aussi vite qu'elle était venue et il put lever les yeux vers son Roi. Une main tendue. Pas un signe d'amitié il en était sur. Il sentait le pouvoir de la Liche qui pulsait de tous ses orifices. Un monstre vert qui murmurait aux oreilles du seigneur et se substituait à la voix de la raison, à la voix de Ben. La paranoïa envahissait l'esprit embrumé du souverain et le conseiller devait pratiquer à nouveau les rites d'apaisement ancestraux. Se plier à la tradition du vassal et baiser la main de son maître. Ou à tout le moins la serrer.

C'est un geste que Ben était prêt à faire. Il ne risquait de perdre que son pouvoir et avec lui ses soucis. Dans le cas contraire il gagnait la confiance de la seule personne capable de lui permettre de réaliser sa mission. C'était un pari qu'il était prêt à faire et la main à la peau fine et ridée couverte de tâche brunes toucha la puissante poigne du Roi Liche au sommet de sa puissance.

J'ai senti tous les pouvoirs qui rongeaient leur frein dans les sous-sols de l'OWI. Certains sont puissants, tous sont dangereux. Ce sont ces Monstres sauvage que tu penses opposer au monstre dressé d'Angela?

La question était réelle. Aucun sarcasme, aucune hésitation de la part de l'Oracle. Utiliser ces personnes parmi les plus dangereuses contre la compagnie qui les avait retenue prisonniers paraissait à Ben un plan crédible. Il ignorait tout des intentions réelles de son Roi.