The Small Tulip [PV]

Il tombait des cordes sur New-York ce soir-là. La ville à moitié détruite se noyait sous des averses torrentielles. Et bien entendu, Lila venait de rater le dernier bus de la soirée !
Ayant complètement oublié le numéro de la compagnie des taxis, elle en était réduite à marcher sous la pluie qui ruisselait sur son visage sur lequel plusieurs mèches s'étaient grossièrement collées. Sa queue de cheval trempée trainant dans son dos frappaient sa veste en cuir avec des -flik flok- qui auraient été très amusants... dans un autre contexte. Elle se maudissait de ne pas avoir eu le temps de passer chez elle pour prendre sa Ducati, ce jour-là. Depuis son arrivée à l'aéroport, elle n'avait pas eu une seule minute de répit.

Alors qu'elle marchait d'un pas vif vers son apparement (elle n'avait que deux kilomètres à marcher, mais c'était déjà bien assez par ce temps-là), elle réfléchit à ce qu'elle allait faire en rentrant chez elle. L'idée de devoir tout planifier l'écoeurait, elle préférait largement improviser. Mais les ordres étaient les ordres, alors que faire ? L'Anglaise faisait confiance à Angela, elle savait que ses consignes étaient souvent raisonnables et évitaient les échecs de mission, d'où l'intérêt de les suivre à la lettre.
La jeune femme serrait contre son torse les dossiers d'Alex et Kerry, rapidement emballés dans un sachet de plastique. Les deux sbires étaient restés à la Compagnie, non par choix mais parce qu'on le leur avait "vivement conseillé". Il allait falloir profiter de cette dernière nuit avant de devoir les supporter durant le long voyage jusqu'à Sylar. Si seulement elle pouvait se téléporter comme le fils Nakamura...

C'est trempée jusqu'aux os qu'elle atteignit enfin l'entrée de l'immeuble où elle logeait quand elle était à New-York, c'est à dire généralement pour son travail et rien d'autre. Ce n'étaient pas des gouttes mais de véritables coulées qui formèrent de larges flaques dans le hall du bâtiment. Lila fouilla dix minutes dans son sac avant de trouver ses clés, qui étaient quasiment les seuls objets à avoir garder leur taille normale. Elle avait tenté de les miniaturiser un jour, mais avait pris deux heures à les remettre à la bonne taille pour les faire passer dans la serrure. Son loft, fort heureusement, avait été complètement épargné par l'explosion de Peter Petrelli, tout comme le restant de la rue dans lequel la vie allait encore bon train. Cela rappelait vaguement la vie avant la catastrophe, ce qui donnait toujours un heureux sentiment de bien-être lorsque la jeune femme rentrait chez elle.

Une fois dans son petit appartement douillet, elle se déshabilla et mit tous ses vêtements à sécher avant d'aller prendre une bonne douche bien chaude. Dans la buée qui s'envolait de l'eau fumante, elle fit totalement le vide dans sa tête. Elle procédait ainsi à chaque fois qu'elle avait une longue nuit de travail qui l'attendait. Son maître d'arts martiaux au Japon lui avait appris que seul un esprit calme et balayé de tout parasite pouvait accueillir la sagesse. Ses conseils étaient tous restés gravés dans la mémoire de l'Anglaise et formaient la base de toutes ses compétences, y compris pour développer son don. Elle y travaillait dur comme fer chaque jour.

Une fois lavée et réchauffée, elle enfila un boxer et un débardeur bleu ciel. Elle donna à manger à Todd, son rat blanc, et alla se préparer un petit diner rapide tout en commençant la lecture du dossier d'Alex Dumont. Le Français était un guide touristique à Paris avant qu'un Japonais du futur (entre parenthèses, Hiro Nakamura -confirmé-) vînt pour lui conseillant de se rendre à New-York. Dumont s'exécuta (quel sot !) et y rencontra entre autres Tomas, Hayden Adurna mais aussi Sylar. Puis vint l'histoire de la double personnalité surpuissante. Bla bla bla bla...
Cette lecture longue et ennuyeuse était souvent la partie la plus pénible de la mission, mais là Lila se dit que dans celle-ci seule la rencontre avec Sylar pourrait l'intéresser. Kerry, quant à elle, était une jeune journaliste assez populaire sur la chaîne des News. Au départ, elle n'avait qu'un seul pouvoir : déceler la vérité. Elle avait ensuite réussi à le développer, arrivant à faire dire la vérité aux gens et même à la manipuler. Sous l'influence de Sylar avec qui elle a eu une relation, elle apprit à tuer des gens pour prendre leur pouvoir. Elle avait ainsi acquis le don de pyrokinésie, celui de peindre le futur et enfin l'hypnose. Finalement, elle était plus puissante que l'Anglaise n'aurait pu l'imaginer. C'en devenait un peu plus intéressant, du coup !

Cruz dut finalement se mettre à la phase qu'elle regrettait le plus : l'élaboration d'un plan. Elle prit un calepin, un crayon et resta quelques minutes devant une page blanche, complètement à court d'idée. Rapidement, la distraction prit le dessus : elle contemplait un vase avec des tulipes rouges que Winston, son majordome en Angleterre, lui avait envoyées pour l'aider à supporter son mal du pays. Lila adorait les tulipes, si elle pouvait elle remplirait son appartement tout entier de ces fleurs élégantes et fraichement parfumées. Elle en prit une en mains et la fit tourner pensivement.
Puis tout à coup, elle laissa tomberle plan, le calepin et se concentra de toutes ses forces.

" Rétrécis... Allez... "

Elle n'avait réussi qu'une seule fois à manipuler la taille d'un être vivant... Todd. La bestiole avait atteint le double de sa taille alors que Lila s'était concentrée à l'extrême. Elle en avait été très fière, mais depuis lors elle fut incapable d'agrandir ou rétrécir quelqu'être que ce fût, y compris les végétaux. Si elle pouvait faire fonctionner son don sur cette tulipe, ce serait un bon début.

" Rétrécis... "

**************************

New-York, 4 heures 42 du matin.

Toujours assise à sa table, Lila contemplait une tulipe rouge ridiculement petite. Dans un bocal au couvercle percé placé juste à côté de la fleur, volait un immense papillon de nuit, de la taille d'un poing. L'Anglaise était arrivée à ce résultat après toute une nuit. Un bon début, mais loin des prodiges qu'elle avait espérés. Elle n'était pas près de contrôler son pouvoir aussi bien qu'elle le souhaitait. Mais elle savait que ce n'était pas impossible, elle le sentait. A bout de forces, elle bailla, s'étira et alla se coucher.
Après quelques heures de sommeil, elle irait louer une voiture pour le voyage (c'était à la Compagnie des frais) avant d'aller cueillir les deux zigotos aux bureaux. Elle détestait conduire à droite de la route et laisserait le volant à l'un d'eux. Quels drôles de gens, ces Américains... Franchement, conduire à droite... il faut vraiment être givré !

En ce qui concernait le plan, Cruz n'avait aucune idée de la procédure, mais elle improviserait comme elle en avait l'incroyable don. Avec un ton assuré et un regard autoritaire, cela passerait complètement inaperçu. Tomas ne penserait pas à utiliser son don pour vérifier. De toute façon, il n'y aurait pas de mensonges. Juste de la spontanéité.

**************************

Le réveil de Lila la sortit du sommeil avec le doux morceau intitulé "Lacrimosa" de Beethoven. La demoiselle était férue de musique classique et se délectait de cette mélodie somptueuse. Elle se leva, exténuée, des poches sous les yeux, et tel un zombie elle se dirigea jusqu'à la salle de bains.

Après s'être habillée et avoir pris son petit-déjeuner avec une bonne tasse de thé (qui la réveilla complètement), elle prépara son sac et ses armes, salua amicalement le Todd surdimensionné qui avait des réserves de nourriture pour quelques jours, libéra le papillon et quitta son appartement. Elle prit le bus et loua une voiture pour quelques jours. Une Nissan Versa bleue.