La fin de Doyle

Invité

La pénombre du crépuscule tombait sur les ruines de Brooklyn avec la lourdeur des ombres, berçant les quelques personnes encore présentes dans les rues gelées d'une morne rancœur, comme adressée à des entités inconnues à l'origine de ce mal-être commun qui les chassait. Un vent froid aux saveurs miasmatiques caressait la douceur des corps et se saisissaient brutalement des narines des rares voyageurs, comme on étreint le cou d'une proie. Des vapeurs de mort et de destruction, émanant encore des ruines fumantes du centre de New York descendaient sur les ruelles ravagées de Brooklyn dès que le voile des étoiles était jeté . Seule une silhouette se mouvait avec sérénité dans cet océan de malaise, vêtu de son habituel ensemble, impeccable et imperturbable, le regard dur et sévère. Ses pas, réguliers comme le périple d'un métronome, heurtaient le bitume avec le même écho, foulant cette terre qui n'avait que trop souffert de la folie des hommes. Le constat ainsi dressé était à l'origine de la venue du Patriarche dans les ruines de Brooklyn.

Son arrivée dans la ville avait encore été dissimulée, et ce, volontairement, nul n'était au courant de sa survie et de sa venue alors que les événements s'enchainaient de façon chaotique. Lui, s'était contenté de saisir l'opportunité qui s'était matérialisée devant ses yeux. Pouvant tout voir et tout entendre, il lui était d'autant plus simple d'agir en fonction du cours des choses et de leur évolution. L'OWI avait échoué dans la mission qui lui avait été confiée, vaincue par un paradoxe implacable, elle avait laissé les détenus de ses prisons de fer gouter aux délices de la liberté. Les choses ne pouvaient demeurer ainsi, l'échec ne pouvait avoir cette perpétuelle amertume. Seulement l'OWI devait être renversée, l'ordre lui même devait être renversé, renversé puis remanié, pour un monde meilleur, pour un monde sans blessure, bâti sur de profondes cicatrices. Le théâtre se profilait déjà au fond de la brume fétide qui épaississait l'air immobile. Le temps suspendit son cours, alors que le poing solide d'Arthur s'acharnait sur la porte sèche de l'établissement délabré. Une main tremblante vint l'ouvrir.

*Eric.. c'est si agréable de te revoir.*

Le visage infâme de l'hôte se déchira, victime d'un rictus d'incompréhension. Sa main se leva, comme pour arrêter le funeste destin qui allait se saisir de lui, mais elle s'immobilisa immédiatement.

*Allons.. tu vas baisser ce bras.. maintenant.. Bien.. il serait temps que nous discutions un peu.. Nous avons besoin de parler.. de beaucoup de choses. Laisse-moi rentrer. Oui, rentrons.*

Petrelli pénétra dans le petit théâtre avec la même gravité, perpétuellement présente sur sa face stoïque et sans âge. Alors que quelques instants plus tard, une détonation rugissait dans le vide du bâtiment.