La revanche de deux blondes Ϟ Tania [Terminé]

Le goût ferreux du sang, bien que ténu, s’infiltrait dans sa bouche. Ce n’était pas grand-chose, tout juste une vilaine coupure à l’endroit où l’homme avait frappé…Un coup traitre qu’elle n’avait pas pu esquiver, directement lancé vers son visage, et le résultat était là : une lèvre fendue et ensanglantée, un mince filet écarlate qui glissait le long de sa peau pâle et une douleur légère. Encore une fois, ce n’était rien, à peine un picotement désagréable: d’ici quelques jours, il n’en resterait plus rien, simplement un mauvais souvenir. Son orgueil avait pris un coup bien plus grand, au fond. Il ne saignait pas mais c’était tout comme. Et cela avait suffi à lui arracher un cri de colère et à la rendre plus agressive. Pour se venger, la demoiselle avait réagi en proportion et avait tout naturellement envoyé une puissance rafale d’électricité.

Normal. Mais bon, efficace.

La rafale percuta son adversaire de plein fouet et l’envoya quelques mètres plus loin faire connaissance avec le mur. Dans l’action, l’homme heurta violemment la gouttière (qui par malchance pour lui se trouvait pile poil sur la trajectoire) et hurla à son tour, alors qu’un morceau métallique venait se ficher dans sa peau, lui égratignant l’épaule et teintant sa chemise de sang poisseux.

Un partout. Ella ne bougea pas, mais sur son visage, un sourire de satisfaction apparut. Crève ordure. Plus sérieusement, la chasse semblait prendre fin puisque sa cible était à présent au sol...Ou pas. Elle était visiblement tombée sur un dur à cuire...Dur à cuire qui se relevait déjà. Dur à cuire mais pas totalement suicidaire non plus. Comprenant qu’il était en position de faiblesse, l'homme ne perdit pas de temps…Bishop s’avançait déjà vers lui, le regard menaçant et sans doute des idées pas très catholiques derrière la tête. Il leva la tête vers elle, sourit à son tour et laissa échapper un rire malsain. L’instant d’après…il disparaissait. Purement et simplement.

Ou presque. A sa place, là où quelques secondes plus tôt se tenait le corps d’un homme ne subsistait plus qu’une vague silhouette de fumée obscure. Fumée qui s’éleva bien vite, prenant quelques centimètres d’altitude, avant de s’éloigner brusquement.

Prise de court, Ella ne réagit pas immédiatement. Ce qu’elle venait de voir l’avait littéralement clouée sur place. Mince, soit on l'avait mal renseignée sur le gars, soit elle avait raté un paragraphe important de son dossier...Dans les deux cas, c'était quand même ballot. Elle ouvrit donc la bouche, resta quelques secondes immobile, un air hébété et complètement idiot gravé sur son joli visage, et puis finalement, revint sur terre et se lança sur les traces de sa proie. De la ruelle tranquille, isolée et peu fréquentée où ils avaient commencé à se battre, la blonde le suivit ensuite au hasard des rues, courant à perdre haleine pour ne pas perdre de vue le nuage noir à la forme vaguement humaine qui tentait de la semer. Pas facile, surtout à cette heure tardive…à cette époque de l'année, les ténèbres envahissaient les rues de New York beaucoup trop tôt, réduisant grandement la visibilité.

Quelques dizaines de mètres devant la jeune femme, la silhouette semblait s’éloigner de plus en plus, et Ella ne paraissait pas gagner le moindre centimètre de terrain. Elle allait le perdre…Jusqu’à ce que soudain, alors qu’il tournait à l’angle d’une rue, elle l’aperçut soudain revenir à sa forme normale.

Dans un dernier effort, qui allait très certainement lui coûter son souffle et ses poumons, la demoiselle accéléra, encouragée par cette vision. Légèrement agacée aussi, elle lança une nouvelle attaque avec l’espoir de l’atteindre…

Et échoua, bien évidemment.

*****

Se battre dans un endroit isolé, caché de la vue de tous, c’était une chose. Balancer une rafale électrique au beau milieu d’une foule de passants qui profitaient de leur samedi en famille, c’était déjà nettement moins évident. Quelques instants plus tôt, Ella était toute seule, libre de faire ce qu'elle voulait..A présent, partout autour d’elle, ce n’était plus qu’une marée grouillante d’êtres humains, de sacs et de poches accrochés aux bras des dits humains. A un moment donné, sans presque s'en apercevoir, elle avait rejoint la civilisation et passé le seuil d'une porte, en courant comme une dératée...

- 'foiré.

L’insulte avait franchi ses lèvres, venue du plus profond du cœur. Ce type, cet attardé descendant de trois générations consanguines venait de lui faire la pire des feintes: il s’était introduit dans une galerie marchande, un samedi après-midi, à deux semaines de Noël.

- En.Foi.Ré.

Ça valait le coup de le répéter, va. Surtout qu'il aurait faire bien plus pire: se ramener en périodes de soldes, par exemple. Blague à part, il n'était plus question à présent de faire jaillir la moindre étincelle de ses doigts, au risque de blesser quelqu’un (et accessoirement de devenir la proie de centaines d'humains peu tolérants mais là encore, simple détail). Ella Bishop devrait donc se contenter de suivre l'homme...hypothèse en apparence simple mais qui posait malheureusement déjà problème…En effet, elle avait beau lancer des regards de droite à gauche pour tenter de repérer le type au milieu de la marée humaine...le mal était fait: elle l’avait perdu. Déjà.

Enfoiré, troisième version. A cet instant, elle aurait presque voulu échanger son pouvoir d'électrokinésiste contre celui de...je sais pas moi...un GPS, une boule de cristal, un pendule...Ou à défaut, un coup de fil pour joindre Jacques Pradel, pourquoi pas.

Réduisant sa vitesse, elle s’efforça d’adopter une attitude plus normale et beaucoup moins suspecte. Si on exceptait les menus détails du genre: elle était essoufflée comme un labrador un jour de grande canicule, elle avait la lèvre en sang et elle était peignée en mode sauvageonne, ça pouvait (presque) coller. Ignorant les quelques regards curieux et étonnés qu'elle suscitait, elle releva donc la tête, se recoiffa vite fait et commença à avancer dans la galerie, les mains dans ses poches. Ce que je fais? Rien...Shopping time cocotte.

*****

Elle aurait pu tourner en rond pendant longtemps comme ça, et finalement se perdre au rayon des pulls H&M, mais le Destin en décida autrement. Alors qu'elle arrivait près des escalators qui descendaient vers les niveaux inférieurs, elle aperçut soudain une tâche écarlate sur le sol. Et à première vue, ça ressemblait plus à du sang frais qu'à du ketchup.

Option numéro un: on avait égorgé un poulet à cet endroit (peu probable mais à méditer). Option numéro deux: quelqu'un sans aucun rapport avec le type qu'elle poursuivait avait saigné là, juste pour brouiller les pistes et lui faire perdre son temps. Option numéro trois, sans doute la plus probable: son homme était passé par là et tentait de s'enfuir en rejoignant le parking souterrain.

Ella était certes blonde, mais pas assez pour rater une piste intéressante éventuelle...Sans attendre, elle se lança à son tour dans l'escalator, en priant pour que l'option du poulet soit aussi surréaliste que la coiffure de Justin Bieber. Non parce que si elle échouait face à sa cible, papa Bishop n'allait pas être heureux...

En se précipitant à son tour dans l'escalator, Ella ne pensait qu'à une seule chose : rattraper le fugitif, et au fond, peu importait si elle bousculait quelques personnes au passage. Pendant sa filature, elle avait entendu des grognements de protestation, de temps en temps quelques mots plutôt inappropriés…La demoiselle ne s’en souciait guère et poursuivait simplement son chemin. Jusqu’à ce soudain la main posée sur son épaule la freine brusquement. Surprise, elle se retourna aussitôt pour dévisager la personne qui avait osé la stopper dans son élan…Et surtout pour l’accueillir chaleureusement, comme elle se devait.

- J’suis un peu pressée là, tu vois pas ?

Logique, n'est-ce pas. Son ton n’avait absolument rien d’aimable, ni de près ni de loin. En réalité, si elle avait pu, elle serait passée outre et aurait continué sa course, mais la main de la fille l’avait retenue. Vaguement énervée et agacée, la demoiselle se retourna franchement vers la gêneuse, exposant ainsi sa lèvre explosée et son regard furibond. N’importe qui peu enclin à se jeter dans les ennuis l’aurait laissée filer sans rien demander, mais visiblement, ce n’était pas le cas de la jeune femme. Levant le regard, Ella observa la fille. Et ne la reconnut pas.

Une inconnue totale donc, qui lui faisait un scandale pour...pour quoi au juste?

Du coin de l’œil, Ella repéra soudain le jus de fruit qui était tombé à terre et comprit immédiatement ce qui avait énervé son interlocutrice. En la bousculant, elle avait visiblement (et sans le faire exprès) fait tomber la boisson de la demoiselle...Une véritable tragédie oui. L’espace d’une seconde, Ella resta interdite puis finalement haussa les épaules.

- Bon désolée…Achète toi un autre jus de fruit hein, c’pas la mort…

Franchement, est-ce que c’était le moment de venir l’enquiquiner avec des bêtises pareilles ? Cette fille était là pour se pavaner dans les couloirs d’un centre commercial et faire ses emplettes de Noël. Ella, elle, était en mission pour le gouvernement, et de sa réussite dépendait sa liberté. Autrement dit, si elle ne parvenait pas mettre la main sur le fuyard et qu’elle revenait bredouille, ses « employeurs » ne tarderaient pas à la cataloguer comme inutile...Ella était encore jeune, et sans réelle envie de se retrouver derrière les barreaux. Évidemment, son travail était loin d’être reluisant mais au vu de la situation actuelle, elle n’avait pas vraiment eu le choix…Ou plutôt si, mais elle avait choisi la facilité. Quoi qu'il en soit, peu importait, l’élément principal à retenir était qu'elle n'était pas là pour s'amuser mais plutôt pour travailler. Et qu'elle n'avait que faire des soucis sans réelle importance de cette fille.

Elles auraient pu en rester là, à un échange de mots vaguement civilisés et des excuses bafouillées à la hâte. Mais non, c'était beaucoup trop facile. Au même moment, et sans qu’aucune des deux filles n'en soit consciente, la cible de l’électrokinésiste revenait sur ses pas. Dans sa précipitation, l’homme avait sans le vouloir emprunté une impasse, et avait donc été obligé de revenir dans l’allée principale.

Alors qu’il repassait devant l’escalator, il croisa soudain Ella. La mutante oublia immédiatement la blonde et son jus de fruit perdu, pour se retourner vers sa cible...Secondes épiques de tension. Échange de regards, crispation soudain des deux côtés.

- NE BOUGE PAS TOI! lui cria-t-elle finalement, rompant le silence de plomb.

Oui, elle aurait tout aussi bien pu lui demander de sauter d’un immeuble de vingt étages, elle en serait sans doute arrivée au même résultat. Quel manque flagrant de coopération quand même…Tous les mêmes ces malfaiteurs, jamais envie de se laisser arrêter. Pire, celui-ci semblait même prêt à attaquer pour se défendre. Ella ne perdit pas de temps et pointa sa main en avant, l’électricité parcourant sa paume pour bien lui montrer qu’elle ne plaisantait pas. La passante blonde, à présent dans son dos, ne pouvait l’apercevoir et c’était tout aussi bien…Exhiber ses pouvoirs dans un lieu public n’était pas vraiment très recommandé…

- Et qui va m’arrêter…Toi, la blondasse ?

Bon. Visiblement, même face à la perspective d'une électrocution, l'homme ne semblait pas faiblir… Ella aurait volontiers voulu lui faire payer cet affront mais c’était sans compter sur la fourberie du gars. En l’espace de quelques secondes, celui-ci se précipita vers Tania, la choppa par le bras et la colla contre lui, dos contre son torse.

- Un pas de plus, et elle crève, pigé?

Ella se figea aussitôt, incapable de réagir. L'instant d'après, l'homme se dématérialisait de nouveau, sous les yeux d'une Ella pétrifiée, et faisait disparaitre avec lui sa proie. Avant de prendre le large, en direction d'un couloir adjacent...

La menace avait eu l’effet escompté. La blonde, bien qu’effectivement peu concernée par la vie ou la mort de l’inconnue, n’en avait pas moins une conscience. Le genre qui l’obligeait à reconsidérer la situation et à ne pas agir de façon trop précipitée…Sa mission était importante mais pas au point de vouloir mettre la vie d’une civile en danger, ou du moins pas si elle pouvait l’éviter. Elle resta donc figée quelques instants, l’ensemble de ses muscles contractés sous la tension, attendant que l’ombre se soit suffisamment éloignée pour réagir. Autour d’elle, elle sentait pourtant les regards curieux et indiscrets des badauds sur elle. Évidemment, l’affrontement verbal n’était pas passé inaperçu, l’agression et la disparition soudaine de la victime et de son bourreau encore moins. Légèrement gênée par ce manque flagrant de discrétion, Ella pinça les lèvres et balaya du regard l’espace autour d’elle, dévisageant brièvement les personnes qui étaient toujours présentes. Puis elle ouvrit la bouche, sans doute avec l’intention de les rassurer d'une façon ou d'une autre, mais aucun son ne franchit ses lèvres…Plutôt que s’attarder sur la curiosité malsaine des passants, l’esprit de la demoiselle restait concentré sur le nouveau souci qui l’accablait. Désormais, ce n’était plus elle contre le criminel. C’était elle, le criminel et la jeune victime qui s’était retrouvée malgré elle embarquée dans toute cette histoire et qui d’un certain point de vue, représentait un sacré désavantage pour l’électrokinésiste.

Misère. Comme si devoir affronter un nuage de fumée (ou quoi que ce soit que puisse être cette chose) n’était pas suffisamment compliqué comme ça.

Au loin, l’ombre disparut soudain au détour d’un couloir et la jeune femme en profita aussitôt pour s’élancer à sa poursuite. Évidemment, en arrivant, il avait déjà disparu sans laisser la moindre trace et la demoiselle se retrouva face à un couloir vide et sans issue…

Ou pas. Au fond, dans la lumière tenue et les murs froids et impersonnels, se devinait le cadre d’une simple porte. Ella s’avança et sans la moindre hésitation, posa la main sur la poignée. Le loquet docile s’affaissa sous sa paume et la porte s’ouvrit en grand...Laissant place à un nouveau couloir. Plus long, plus grand, plus sombre. Cadre dérangeant parfait pour un film d’horreur…La blonde s’y engagea prudemment, accompagnée seulement par le silence pesant. Un pas devant l’autre, la respiration lente et contrôlée, la main en avant et les éclairs qui lui chatouillaient doucement la peau. Prête à réagir contre toute apparition suspecte et agressive.

Cela n’arriva pas et Ella finit par atteindre la fin du couloir. Nouvelle porte, nouvelle tension, nouveau couloir, et toujours le même vide. La jeune femme soupira et marqua une pause. Elle avait encore perdu sa trace, et pire, il n'y avait toujours aucun signe de l'otage. Ce qui était vraiment très peu rassurant...

Soudain, un hurlement trancha le silence, la glaçant littéralement sur place, suivi d'un vacarme épouvantable. Au vu du bruit, cela semblait plutôt proche. Hésitante, Ella se remit en marche, confiant en son oreille pour en déterminer l’origine, et finit par s’immobiliser devant l’un des rideaux. Rideau qu’elle examina soigneusement de haut en bas…De l’autre côté, les choses semblaient d’être légèrement calmées, jusqu’à ce qu’un bruit mécanique la fasse soudain sursauter. L’instant d’après, le rideau se relevait de lui-même, lentement, pour laisser apparaitre une jeune femme blonde.

Celle du jus de fruit et du poulailler. Parfaitement.

Ella resta quelques secondes interdite puis effectua un pas vers la demoiselle, laissant couler son regard vers elle pour l'examiner de la tête aux pieds. Elle avait l'air secouée mais semblait encore tenir sur ses jambes, et elle ne semblait pas blessée. C’était déjà un point positif, ne manquait plus que savoir ce qui lui était arrivé, si elle avait été enfermée et abandonnée ici par l'homme, s'il avait fui...

Mais s'il avait fui, à qui appartenait le cri qu'elle avait entendu?

- Il est ici? demanda-t-elle simplement.

Face à elle, son interlocutrice hocha la tête. Ella n'hésita pas et franchit le seuil, pénétrant dans l'entrepôt. Et d'un signe de la main, désigna le couloir à la blonde.

- Eloigne-toi.

Cette fille avait échappé par on ne sait quel miracle aux griffes de son bourreau. Comment ? Cela restait un mystère mais ce n’était pas dans les projets immédiats d’Ella de le découvrir. Pénétrant dans l’entrepôt avec précaution, il ne lui fallut que quelques secondes pour découvrir l’homme inconscient à demi enseveli. Impressionnée et à mille lieux de se douter de ce qui s’était réellement passé, elle jeta un bref coup d’œil vers la porte, là où elle avait croisé la demoiselle, avant de s’agenouiller près de sa proie. Pas étonnant qu’il soit ko celui-là, avec ce qui lui était tombé dessus…D’un autre côté, c’était bon pour elle : il était enfin à sa merci et avec ce qu'il avait reçu sur la figure, il n’allait certainement pas la ramener pour un petit bout de temps.

Alors qu’elle l’examinait, un détail reteint brusquement son attention. D’entre les caisses, la main qui dépassait était anormalement rouge, brûlée même…

Ella releva la tête et examina la pièce. A priori, aucun appareil allumé susceptible d’avoir provoqué cette blessure, aucun indice concluant sur ce qui avait bien pu se passer. Lentement, elle se releva et se dirigea vers l’entrée. La jeune femme blonde était toujours dans les parages…Elle s’avança et croisa son regard. Puis du pouce, désigna la forme inerte sur le sol.

- Ca va aller...? Dis, si tu me disais ce qui s’est passé… ?

Spoiler:

D’un côté, une donzelle à sauver, la grande classique. C’est celle qui existe dans les histoires de super héros, uniquement et exclusivement pour se faire capturer par le grand méchant dans une tentative forcément vaine de pression sur le gentil et qu’accessoirement, on a envie de baffer au bout de la quatrième page. De l’autre, l’inconnue de la galerie commerciale et son chic visiblement indéniable pour se fourrer dans les ennuis. Finalement, elles ont pas mal de points communs ces deux-là. Elles sont mignonnes. Gâtées par Dame Nature ou par l’imagination concupiscente d’un dessinateur en manque. Elles ne sont pas trop grandes ni trop épaisses, pour ne pas faire de l’ombre à l’homme de leur vie ou pour rentrer dans le jean taille 36 basse Miss Sixties en solde. Mais surtout elles nuisent au scénario même si l’auteur soutient mordicus le contraire. La première est donc fictive, l’autre inutile. On les voudrait intelligentes, elles sont juste bonnes pour remplir la vitrine. La preuve : les explications de la demoiselle ont encore moins de contenu qu’une chanson de boys band. heu… Mais merde, fiche-moi la paix avec tes questions. Expression blasée sur le visage de l’électrokinésiste qui commence à se dire que cette fille a été réellement envoyée sur terre avec un unique but : lui faire perdre son temps.

Ella maudit le Destin. Il aurait pu lui envoyer un grand brun ténébreux musclé ou un suédois taillé façon viking. Au moins, elle aurait pu se rincer l'œil et lui faire du gringue... Ça n'arrive jamais et c'est bien dommage.

Soudain, le ton monte. Ella fronce les sourcils, se mord presque la langue au début pour ne rien répondre. La nature est scandaleuse, à faire des nénettes aussi énervantes. Et puis la fille efface la distance qu’il y a entre elles deux et se montre limite agressive. Ce serait plutôt à toi de m’expliquer ce qui se passe, la fauteuse de troubles. Ces derniers mots sonnent le glas des tentatives de la Bishop de ne pas s’énerver. Le ton ne lui plait vraiment pas, et elle n’a que faire de la curiosité de la fille. D’ailleurs, elle se dit qu’elle collerait bien sa main sur la joue de son homologue en termes de couleur capillaire. Rien que pour qu’elle se taise. Pour se sentir mieux aussi.

- Mais mais...Bordel, mais tu te prends pour qui princesse ? couine-t-elle, les yeux écarquillés.

C’est sorti tout seul. La terrible agent qu’elle est vient de se faire la malle, et laisse place à la gamine éternellement insatisfaite. La pimbêche en profite et prend le train en marche. Sale gosse. Si son père était encore de son monde, elle se ferait très certainement taper sur les doigts.

- Figure toi que tu t’es juste trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, Mademoiselle je veux tout savoir. Tu t’en es sortie, bravo pour ta pomme, mais ça te rend pas plus importante.

Elle la fixe, ne détourne pas le regard. Elle caresse l’idée de lui balancer une décharge électrique pour lui faire payer son excès de zèle et la voir se tordre de douleur. BAM. Prends ça sal*pe ! Et puis elle sort de ce rêve et enchaine. :

- Voyons Einstein….Si j’étais des services secrets, tu crois vraiment que je te le dirais ?

Ton cynique, un sourire mauvais collé sur son visage. Ah nous y voilà, elle a dit sa connerie de la journée, elle risquait d'exploser sinon. Et elle redevient aussitôt professionnelle, en un claquement de doigts.

- Tu sais quoi ? Je te crois pas une seconde. Y'a pas le moindre truc chaud par ici.

Crédule pour certaines choses, beaucoup moins pour d'autres. Et très entrainée également. Elle a vu qu'il y a anguille sous roche et elle compte bien la découvrir. Allez, puisque la blondinette ne veut pas lâcher le morceau, on va passer aux choses sérieuses. Aux grands maux les grands remèdes et aux petites pouffes leurs claques sur la gueule. Ni une ni deux, elle lève sa main droite et fait apparaitre des éclairs, serpents bleutés qui s'agitent entre ses doigts. Impressionnant, fascinant...Ella a toujours adoré jouer de son pouvoir. Avant, elle le cachait volontiers mais maintenant que la photocopieuse monosourcil les a balancés au reste de l'humanité, elle voit nettement moins de raisons de faire dans la dentelle.

- Tu vois …Il y a bien des façons de brûler les choses. Donc, je recommence: "et si" tu me disais ce qu'il s'est passé?

La main encore levée, Ella ne bouge pas d’un pouce. Pour l’instant, elle n’a aucune intention d’attaquer véritablement, elle veut juste impressionner. Elle s'attend à plusieurs réactions de la part de son interlocutrice. Incrédulité, crainte, fuite...des larmes et des supplications même. Ou au contraire de l’agressivité, qui sait ? La jeune femme est habituée à instaurer la peur et la méfiance à chaque fois qu'elle décide de montrer son pouvoir… plus rien ne la surprend. L'électricité? C'est joli à regarder certes mais on préfère généralement s'en éloigner. Ella est une belle rose pleine d'épines qu'on préfère regarder de loin, en se disant qu'on aimerait bien la toucher, mais le risque de se faire mal est grand. Pourtant, parfois, certains s’y risquent…

Quand Tania esquisse un mouvement vers elle, Ella a l'espace d'une seconde un réflexe défensif qui lui traverse l'esprit. Ne t'approche pas ou tu vas le regretter. Mais une expression inattendue s'affiche soudain sur le visage de l'inconnue. De la curiosité, teintée d'une ingéniosité nouvelle...Les sourcils d'Ella s’arquent sous la surprise. Mais elle ne fait rien, se borne à observer, un peu larguée par la moue d'enfant curieuse qui orne à présent le visage de son interlocutrice. Elle observe...pour l'instant. Tout ce cirque, c'est peut-être uniquement un moyen de détourner son attention...Jouer les niaises achevées pour tromper l'ennemi, c'est dans les cordes de n'importe qui, elle la première.

Et puis la demoiselle lui prend le poignet... Ella a toujours les yeux rivés vers elle, incrédule face au retournement de situation et à la témérité de la fille. Alors tu en es une, toi aussi. Une… ? Il faut quelques secondes à Ella pour tilter mais les explications qui suivent enlèvent les derniers doutes. L’électrokinésiste se doutait bien qu’il y avait quelque chose de pas net, et elle a eu raison…

La princesse, une mutante comme elle?

Voilà qui remet les choses en perspectives, tiens, et qui calme Ella aussi vite qu'une injection d’héroïne. Sa curiosité naturelle refait aussitôt surface et la voilà qui accorde une nouvelle chance à son interlocutrice. Mieux, en se montrant aimable et intéressée, la demoiselle vient de gagner des galons auprès de la jeune agent qui s’en trouve comme radoucie. Pas encore confiante…Non, elle n’est pas si stupide, mais tout de même, déjà plus enclin au dialogue. La fille s’écarte d’elle. Ella ne bouge pas, la voit se concentrer. Fronce les sourcils en se demandant ce qu’elle mijote.

Et soudain, la voix de la demoiselle emplit l’espace et le silence.

La bouche d'Ella s'ouvre dans un joli "O" et la lueur qui passe dans son regard est plus que parlante. Ce sont des yeux nouveaux qui regardent alors celle que quelques instants plus tôt, elle voulait frire sur place. Face à elle, ce n’est plus une blonde écervelée qui lui met les bâtons dans les roues et l’empêche de faire correctement son travail, mais bel et bien quelqu’un qui vient de trouver valeur à ses yeux. Ella a toujours traqué et répertorié avec application les gens aux capacités étonnantes, un peu comme un bon scientifique. Et voilà une demoiselle qui mérite très certainement que l'on se penche sur son cas.

- Je...Comment tu viens de faire ça? Tu peux pirater les fréquences radio? Une sorte de cyberpathie ou...?

Ca ne colle pas avec le toucher brûlant de la demoiselle, mais la jeune femme ne demande qu'à savoir, et à comprendre.

- Et à ce type, continue-t-elle en désignant l'autre sous ses caisses, tu l'as juste...Touché? Rien de plus? Ca venait de toi?

D'ailleurs, ce type, maintenant qu'elle y pense, il vaudrait mieux qu'elle se décide à appeler les renforts. Ses collègues qui sont venus mais qui pendant la course poursuite se sont laissés distancer. Brusquement, elle plonge la main dans la poche de sa veste et en ressort son téléphone.

- Tu m'excuses deux minutes au fait. Je dois appeler pour...hum...machin là, que t'as réussi à mettre au tapis. Joli coup au passage.

Rapidement, elle pianote le numéro, puis échange quelques mots avec son interlocuteur: où elle est et ce qu'elle veut, à savoir qu'ils viennent l'aider à transporter l'homme inconscient. Et raccroche aussi sec pour reporter son attention sur la blonde....Voilà une jeune femme qui pourrait intéresser beaucoup de gens, à commencer par ceux pour qui elle "travaille". Réflexion épineuse...Si elle leur livre la demoiselle, allez savoir ce que ses "employeurs" si sympathiques lui trouveraient comme place, ou l'obligeraient à faire. Si la Compagnie était encore sur pied, Ella n'hésiterait pas une minute à lui proposer de les rejoindre mais hélas, ce n'est plus vraiment possible.

D'un autre côté, elle ne peut se permettre d'ignorer et de faire comme si de rien n'était...Ella réfléchit à tout vitesse. Elle doit agir avant que ses collègues ne rappliquent.

- Alors...Tania, c'est ça? Oui...donc...Comme tu peux voir, je suis un peu occupée et toi...tu dois retrouver...Olivia non? Donc...Est-ce que ça te dirait qu'on se revoie pour en parler? Je connais des gens qui s'y connaissent en gens...spéciaux, comme toi et moi, et qui pourraient t'aider. Des scientifiques, précise-t-elle, rien à voir avec ce que tu viens de voir. Pas de bagarre ni d'arrestation, ni rien. Donc, si tu es d'accord, on pourrait se revoir...

Souriante, elle tend sa main à la jeune femme.

- Moi, c'est Elleanore...Mais tu peux m'appeler Elle.

Aimable. Adorable. Mais malgré son air engageant, son offre n'a vraiment rien d'altruiste...Juste, intéressée, comme avant. De vieilles habitudes dont il est décidément dur de se débarasser...