Juste un peu de sang... ▬ Camille

« C'est pour quoi? »
« Est-ce que Monsieur Cult est là? »
« Oui, oui, bien sûre! Entre. Chéri? »

La jeune femme lui fit signe d'entrer, de la suivre, lui adressant un sourire des plus charmants. Elle était belle. Elle semblait douce et intelligente. Il était bien tombé, même si au fond d'elle même, Alison se sentait obliger de la détester. A son tour elle entra dans la maison, déposant son regard clair sur l'enfant que cette même femme portait. Une petite fille à en juger les vêtements. Sa sœur, ou plutôt sa demie-sœur. La décoration était assez modeste. Quelques portraits de bébé dans le couloir, une ou deux plantes devant l'escalier. Elle aurait aimé vivre ici, mais le destin dans son infime bonté en avait décidé tout autre. Un étrange sentiment l'envahit, une sorte de boule au ventre. Que faisait-elle là?

« Chéri? Il y a quelqu'un qui souhaite te voir. »

Sur cette phrase elle alla déposer la petite fille dans son parc à jeu, laissant un semblant d'intimité entre son mari et cette adolescente qu'elle ne connaissait pas. L'homme, quant à lui, releva sa tête, palissant subitement lorsque ses yeux embrassèrent cette étrangère. Il se sentait mal, et ça se voyait. Un peu comme s'il venait de voir un fantôme. Un fantôme, c'est bien ce qu'elle était d'ailleurs, un fantôme du passé. Ses yeux s'ouvrir en grand, et dans un élan de joie non dissimulée qui suivit le choc de très près, il se redressa, s'élançant presque vers elle, écartant ses bras dans le but de l'accueillir contre lui. Mais elle se recula de plusieurs pas, lui adressant un simple non de la tête, sentant cette boule au creux de son ventre grossir un peu plus encore.

« A...a..Ali...Alison? » Il n'obtient pas de réponse. A vrai dire, elle savait qu'il n'en avait pas besoin. Il l'avait reconnu, il savait que c'était elle. De nouveau il pâlit, reculant jusqu'au fauteuil et se laissant tomber dedans. De toute évidence, il n'y croyait pas ses yeux qui déjà s'humidifiaient. « Co...comment c'est possible? Tu... tu ... mais tu es morte... Nous... nous t'avons enterré il y a deux.. ans... tu es morte... »

Mourir? Peut-être aurait-ce été bien plus simple à l'époque, et bien moins douloureux. Elle n'aurait pas eu à supporter l'isolement, l'enfermement, les expériences. Elle n'aurait pas eut à jouer les cobayes sans comprendre pourquoi on lui affligeait ça. Oui, si elle avait été morte, tout aurait été bien plus simple pour elle. Elle n'aurait pas non plus eut à supporter ce qu'elle venait d'entendre; son père la croyait morte. Il l'avait enterré, comme il le disait si bien, quelque part dans un cimetière une tombe était gravée à son nom, décorée d'une ou deux fleures peut-être. Un « Alison Cult » suivit de deux dates bien trop rapprochées. Aux yeux de tous elle n'existait plus. Décédée. Juste décédée...

« Tu m'as abandonnée... »

Sa voix était froide, et légèrement roque aussi, signe qu'elle retenait des larmes qui menaçaient de s'écouler. Son père, cet homme, émit un sursaut, surprit par tant d'agressivité. Il voulut protester, mais il fut forcé au silence. Pointé sur lui désormais, une arme se trouvait. Elle allait tirer et elle le savait. Il allait mourir. Ils allaient tous mourir d'ailleurs. Lui, sa femme, et leur petite fille. Tous, l'un après l'autre. Et elle serait la personne qui leur ôterait la vie. Son bras vacilla, manquant à plusieurs reprises de s'abaisser. Il était étrange de constater la difficulté qu'elle rencontrait actuellement, elle qui aimait tant ça. Peut-être était-ce parce qu'une part de son cœur aimait toujours cet être vivant... Grimaçant elle ferma violemment ses yeux avant de déclencher l'arme, tirant deux ou trois fois, l'assassinant pour la simple et bonne raison qu'elle lui en voulait. Un cris de femme se fit entendre, l'obligeant à ré-ouvrir ses yeux, qu'elle braqua sur elle. Puis elle tira de nouveau, transformant cet humaine en méprisant cadavres.

Le sang qui jaillit vint recouvrir la petite fille qui se mis à hurler, ne comprenant certainement pas ce qui était en train d'arriver. Alison rangea le canon de l'arme dans la poche de son pantalon, enclenchant au passage la sécurité dont il disposé. D'un pas calme elle s'approcha du parc, se saisissant du bébé avec une délicatesse presque surnaturelle, lui adressant même un sourire. Quel âge avait-elle? Un an? Peut-être moins? Avec douceur elle approcha le visage de l'enfant contre le sien, lui déposant un simple baisé sur le front, inspirant profondément son odeur. La petite s'était tut, et observait de ses yeux bleus cette fille qu'elle ne connaissait pas. Un de ses jeunes bras vint lui toucher la joue innocemment, ignorante du destin qui l'attendait. Portant toujours l'enfant, Alison s'éloigna du parc, observant une dernière fois ce qui un jour avait été son père. Enfin, elle lâcha la gamine, la laissant passer brutalement de ses bras au sol. Sans même la regarder elle courut vers la porte, l'ouvrant et la refermant sur son passage, essuyant des larmes devenues trop douloureuses à supporter, jetant l'arme dans la première bouche d'égout qui croisa sa route, se transformant ensuite pour s'échapper de cet endroit le plus rapidement possible...

Ses pattes l'amenèrent à Central Park, où enfin elle se permis de ralentir, gardant sa forme animal. Éloignée de toutes personnes humaine, elle avançait, tête basse, le regard vide, l'air presque abattue. Les pensées bien moins complexes que lui offrait cette apparence la soulageant un peu de cette mort. Une mort qu'elle avait donnée et que pour la première fois de sa vie elle semblait regretter...

Le soleil venait tout juste d'étouffer ses derniers rayons lorsque le loup s'arrêta enfin, adoptant une position assise, venant plonger son regard sur l'immensité du parc. Une légère brise soufflait, venant caresser son poils, lui procurant une sensation de bien être. C'était un peu le calme après la tempête. Seul le feuillage des arbres et des buissons s'agitaient, donnant un aspect presque surnaturel à la scène. Pour peu, elle aurait put croire qu'elle était seule, que toute autre vie que la sienne s'était subitement arrêter. La tête légèrement relevée, elle fermait doucement ses yeux, appréciant cette solitude qui devenait si rare ces temps si. Sa queue qui jusque là battait l'air dans un mouvement régulier vint s'enrouler autour de ses pattes avant. Elle était bien... tout simplement.

Une odeur vint se frayer un chemin dans ses narines, l'obligeant malgré elle à ré ouvrir ses yeux. Ses oreilles s'agitèrent quelques secondes avant que sa tête ne se tourne vers un buisson, derrière elle. Dans un élan presque mécanique l'animal se redressa, marchant sans le moindre bruit vers cette masse verdâtre, qu'elle contourna enfin. Ce qu'elle vit la fit sourire intérieurement. Là, à quelques mètres devant elle, un animal se trouvait. Roux presque entièrement, il était occupé à mastiquer ce qui à en juger l'odeur devait être une souris, ou une musaraigne. Un petit renard, court sur patte dut à son jeune âge apparent, la louve savait qu'elle ne risquait pratiquement rien en l'approchant. C'était parfait. Un petit meurtre, rien de tel pour finir cette journée et faire oublier celui de l'après midi...

Alison émit un grognement dans l'unique but de se faire remarquer. Elle voulait que la petite boule de poils la voit. Elle voulait apprécier la vision de la peur dans ses pupilles. Elle n'eut d'ailleurs pas à attendre longtemps avant que la frayeur de la petite ne parvienne jusqu'à elle. Elle la santait. D'un geste rapide elle s'élança sur le renardeau qui par réflexe sans doute essaya de s'échapper. En vain. Le loup le plaqua contre le sol, écrasant de toute ses forces sa queue. Il devait souffrir, se sentir mourir. Elle prendrait son temps, tout son temps... Après tout elle n'était pas pressée, personne ne l'attendait nul part...

D'un coup relativement puissant elle força la petite créature à se retourner, lui dévoilant son ventre. Doucement le loup se pencha, venant renifler cette partie sensible à tout animal, appuyant légèrement sur les cotes. Elle n'avait jamais vu de renard de ses propres yeux, et n'en avait jamais sentie. C'était une première et ça l'intriguait. Cette odeur si particulière qui lui était étrangère. Oui. Elle aimait ça. Un long grognement se fit entendre lorsqu'elle tenta de se débattre, cherchant à s'enfuir comme tout jeune animal ferait dans une telle solution. Que faisait cette jeune renarde ici, seule. Si sa mère avait été dans le coin, Alison savait qu'elle serait déjà intervenue pour défendre le fruit de ses entrailles.

Un nouveau coup de patte fut donné, faisant glisser le petit corps un peu plus loin sans la moindre douceur. Elle voulait jouer un peu avant de la massacrer. Oui, c'était bien plus attrayant que de l'éliminer immédiatement. Le loup s'élança une nouvelle fois sur l'autre bête, l'obligeant à rouler sur le sol comme une vulgaire balle. Un jouet. Ce n'était rien de plus qu'un misérable jouet à usage unique. Autant en profiter dans ce cas. Voir un renard en plein New York était une chose peu courante. Voir un loup aussi d'ailleurs...

Empêchant une quelconque fuite, et revenant à la charge au moindre écartement du jeune animal, la louve fini par trouver le temps long. Faire rouler ainsi la lassait un peu plus chaque seconde. Aussi jugea-t-elle qu'il était temps de commencer les hostilités tout en se retenant. Comme un animal cherchant à abattre sa proie, elle vint attraper à l'aide de ses crocs le cou du petit, le saisissant par l'endroit où une mère porte habituellement son enfant, se redressant sur ses pattes de façon à ce qu'elle ne puisse plus toucher le sol. Elle serra un peu plus toute fois, jusqu'à ce que la peau ne cède, se laissant perforer sans opposer de résistance. Ce sang nouveau se déversa en petite dose dans sa gueule. Un peu encore elle insista encore un peu, avant de l'envoyer dans les airs, la laissant chuter à moins d'un mètre. Inutile de l'envoyer trop loin. Puis elle s'immobilisa, foudroyant la renarde du regard, lui laissant peut-être croire qu'elle avait une chance de fuir, ou tout simplement dans le but de la voir souffrir un peu...

L’insouciance, c’était beau à voir, elle mastiquait tranquillement les morceaux de chaire dans un bruit qui n’avait rien de bien ragoutant. Savourant le gout métallique du sang dans sa gueule, la finesse de cette viande cru, recrachant dans une étrange grimace les quelques poils qu’elle pouvait parfois avaler. Inconsciente du danger qui rôde et qui s’approche, inconsciente que dans très peu de temps, elle serait exactement à la place de la musaraigne qu’elle était en train de manger. Dans quelques secondes à peine, elle prendrait la place de la proie et non plus du prédateur. Un nouveau morceau de chaire, elle mastique longuement et fini par l’avaler. Le pelage à proximité de sa gueule était rouge de sang, collant quelques petit touffe de poile en petit piques qui se durcissait au fur et à mesure de la coagulation du sang de sa proie…

Elle s’apprêtait à arracher un autre morceau de chair lorsque ses oreilles percèrent le grognement face à elle. Comment n’avait-elle pas pu sentir l’odeur de ce prédateur ? Comment avait-elle pu être imprudente. La nature avait ses lois et l’une d’entre elle était très simple…Tu es proie…Ou tu es prédateur…Les yeux rivés sur la masse de poile face à elle, la petite renarde comprenait en très peu de temps que sa vie était en péril. Abandonnant son repas, elle s’apprêtait à s’enfuir, s’enfuir et très vite !

Mais la renarde n’eut guère le temps d’amorcer un seul geste que déjà le poids du loup se faisait sentir sur son corps frêle. Elle émettait des petits hurlements, témoignant de sa crainte, de sa peur mais aussi de sa rage. Destiné à faire peur à ses adversaires, il était ici l’unique expression de sa frayeur. Elle essayait de se débattre, de se dégager, continuant ses hurlements presque similaire à d’étrange rire, il n’était pas des aboiements comme on pourrait le croire en voyant un renard, c’était un cri bien à eux…Un cri qu’elle émettait en ce début de nuit qui tombe…C’était l’instinct…

Contre le sol, la petite boule de poile rousse n’avait aucune chance de fuir et lorsqu’enfin ce loup se dégagea de son frêle petit corps, ce fut un coup de patte musclé qu’il la fit se retourner. La renard était sur le dos, la pire des positions pour tout animal de leur genre…Celle de la soumission…Se tortillant dans l’espoir de survivre, il y avait là la vigueur des jeunes années. Cette volonté de survie, cet instinct hurlait, elle montrait les crocs, essayait de mordre son assaillant, ne faisant que claquer les crocs dans le vide…Ses pattes gesticulaient dans tout les sens, essayant aussi de blesser le loup qui approchait déjà son museau du pelage blanc de son ventre…

Dans toute cette gesticulation destiné à lui permettre de s’enfuir, la renard réussi à blesser la louve d’un coup de griffe provenant de sa patte arrière. Cela avait été la conséquence d’avoir approcher le museau de son ventre et par conséquent permettre à la renarde d’atteindre le museau de l’animal avec aise…Aise certes mais on ne pouvait pas dire que cela avait été des plus efficace. Un nouveau coup de patte lui fut donner juste après qu’elle eut a peine griffé la louve…Roulant un peu plus loin, elle s’apprêtait à se relever…Lève toi…Et fuis ! Fuis ! Voilà ce qui hurlait dans sa tête mais chaque tentative semblait être vouée à l’échec. D’autre coup de patte, d’autre roulade…Et déjà des blessures des coups qu’elle recevait apparaissait sur son pelage, des petites griffures sans importance jusque là…

Un vulgaire jouet, voilà ce à quoi était ramené le renardeau. La tête de l’animal commençait à tourné, déboussolée, elle essayait une nouvelle fois de se lever…Mais encore une fois, l’espoir fut vite chasser. Des crocs se plantèrent dans sa nuque, la soulevant avec facilité du sol. Elle avait beau se débattre maintenant, elle était bien incapable de faire quoi que se soit.

Un cris plus perçant se fit entendre, les crocs de la louve c’était littéralement planté dans sa chaire, le sang s’écoulait lentement dans la gueule de l’animal qui la maintenant…Était-ce cette peur qui ne cessait d’augmenter ou la blessure ? Une chose est sur, la renarde semblait soudainement encore plus agités que tout à l’heure…Alors que sa vie semblait être compter en nombre de seconde, elle agitait les pattes toute griffes dehors. Elle essayait d’atteindre la louve qui d’un geste nonchalant fini par balancer la renarde plus loin…

D’autres jappements, finissant par se relever. Elle se retourna pour faire face à l’animal. Était-ce une part d’humanité encore encré dans l’animal qui l’empêchait de fuir ? Oui, l’odeur de ce loup lui était étrangère et c’était quelque chose d’inexplicable. Elle connaissait l’odeur des loups pour en avoir déjà rencontré, et dans ce cas présent, la renarde percevait une étrange odeur, quelque chose en plus…

FUIR

Ce mot résonnait dans sa tête, et avant de dire ouf…La petite boules de poil c’était mise à courir, la vitesse du renard était impressionnante grâce à sa petite taille et à cette façon bien singulière de bondir à toute vitesse. La petite renarde faisait exprès de prendre des chemins au cœur même de la flore du parc, passant aux endroits les plus étroits dans l’espoir de ralentir la course de la louve qui devait être à sa poursuite. Mais sur la course, la petite renarde avait un avantage, bondissant entre les arbustes, les branches, elle commençait à sentir l’étrange étourdissement au niveau de sa nuque…

Un avantage dans la course qui était hélas de courte durée. La perte de sang entrainait une fatigue précipitée pour la petite chose qu’elle était. C’est dans le plus grand désespoir qu’elle bondit bien plus haut encore pour atteindre l’écorce d’un arbre qui avait du un jour s’effondrer…Il ne lui restait que quelque centimètre à atteindre pour pouvoir être en hauteur, en protection.

Tuer. Elle allait la tuer. Elle devait la tuer. C'était ainsi, parce qu'elle l'avait décidé, tout simplement. Cette étrange petite bête devait vivre sa dernière nuit et ne jamais se réveiller le lendemain. Demain pour elle, n'existait plus. Dans l'esprit de la louve tout était déjà clair. Si elle fuyait elle la traquerait. C'était sa proie, sa récompense, son jouet. Sa propriété...

Lorsque la petite renarde avait retrouvé le contacte avec le sol, elle n'avait pas attendue bien longtemps pour s'enfuir, détallant sous la peur ou l'instinct de survie tout simplement. Alison ne pouvait véritablement lui en vouloir sur le coup; elle aurait fait de même. Et puis, une petite course dans Central Park ce n'était pas comme s'il s'agissait d'une corvée. Étouffant un grognement, elle s'élança à la suite de la petite renarde, surprise d'être ainsi devancée. Même si au début elle la voyait, très vite les choses se corsèrent, notamment lorsque la petite créature commença à s'engouffrer dans des buissons relativement petits, forçant le loup à dévier des obstacles de plus en plus dérangeant à fur et à mesure qu'ils s'engouffraient dans le cœur du parc.

Elle fini par la perdre de vue, son odorat légèrement brouillé par le sang qui se déversait sur son museau à la suite d'un coup de griffes tranchantes de la part du renardeau. Sang qu'elle chassa d'un coup de langue, retroussant ses lèvres au ressentit des picotements que la salive provoquait sur cette petite blessure plus que secondaire. Accélérant son allure, slalomant comme elle le pouvait entre les arbres, elle fini par l'apercevoir de nouveau, jugeant par la démarche chancelante qu'elle adoptait dans sa course qu'elle ne devait plus être au meilleur de sa forme. Tant mieux. A chaque mètre elle perdait de la vitesse, si bien que la louve parvint à remonter son retard, déterminée à croquer le petit corps en deux, se voyant déjà lui retirer bout de chaire par bout de chaire. La diminution de son allure étant un handicape des plus majeurs, le renardeau opta pour grimper dans un arbre, parvenant à la première branche tendis que la louve bondissait sur le tronc, forcée à bien vite retourner à terre.

Un grognement de rage s'évada de sa gorge, alors qu'elle commençait à s'acharner sur l'arbre, se redressant sur deux pattes pour tenter d'y grimper. Cause perdue, de toute évidence. Mais elle s'obstinait, montant bien haut sa gueule, dévoilant ses crocs qui n'attendait qu'une chose; broyer le jeune squelette. A plusieurs reprise elle s'éloigna, prenant de l'élan pour ensuite sauter. Chacune des tentatives n'étant que peu fructueuses, et parfois accompagnées de coup de griffes tranchantes et bien que petite, très douloureuses. De son perchoir elle pouvait faire sa fière. Qu'elle descende un peu, juste pour voir...

Finalement fatiguée de ne parvenir à croquer que de l'écorce et de ne récolter que des griffures sans pouvoir atteindre sa proie, le loup se calma, venant plaquer son ventre sur le sol, haletant, laissant glisser sa langue qui vint former une légère petite tache un peu plus foncée sur la terre. Son regard cependant était toujours braqué sur la boule de poils perchée, signe indicateur qu'elle n'abandonnerait pas. Allongée, elle se contentait d'attendre. Attendre le moindre mouvement indiquant une tentative de descente et de fuite de cette créature méprisable. Elle avait tout son temps. Elle resterait la toute la nuit s'il le fallait...

Trouvant le temps long, elle se redressa, dégourdissant ses pattes en entreprenant de faire le tour de l'arbre, produisant des cercles parfait, continuant inlassablement d'observer la petite femelle. Puis, sans prévenir elle se jeta violemment sur le tronc, redoublant d'effort et de force, s'acharnant encore plus sur l'écorce morte. Son but était de l'effrayer plus que de l'atteindre. Elle devait se sentir en danger, même sur son perchoir. Sinon jamais elle ne descendrait. Jamais.

Il fallait survivre, survivre a tout prix. La renarde, posée sur le tronc d’arbre brisé, était à une bonne hauteur…Assez pour que la louve de l’atteigne pas et assez pour qu’elle puisse lui donner des coups de pattes alors qu’elle essayait en vint de grimper pour croquer la renarde. Elle émettait des cris stridents, frappant de toutes ces forces le museau de la louve lorsque celui-ci s’approchait un peu trop près d’elle durant ses tentatives pour l’attraper.

Très vite, ce petit jeu semblait ennuyer la renarde…Elle cessa de sauter, cessa d’essayer d’attraper la boule de poile rousse. Tournant autour du tronc, l’animal essayait de se maintenir sur le peu de place qu’elle avait ici haut. Elle n’était pas à l’aise et cela pouvait se remarquer, observant chaque coin et recoin vide qu’elle laissait. Descendre semblait être la solution la moins adapté au problème de la petite renarde mais que faire ? Rester ici jusqu’à ce que la louve s’en aille. Le prédateur c’était couchée contre le sol, elle sentait et voyait les yeux luisants de cette louve enragée. Elle la guettait, attendait l’instant où la petite boule rousse serait imprudente. Elle serait patiente et la renarde s’en rendait de plus en plus compte. La confrontation semblait être la seule issue de cette rencontre.

S’approchant du bord de son perchoir, la louve avait peut-être détecté ce mouvement, si bien qu’elle fonça littéralement sur l’écorce morte du perchoir. Secouant dangereusement celui-ci…Assez pour que la renarde perde son équilibre. Mais avant de chuter lourdement contre le sol, au risque de se blesser, les réflexes de la jeune renarde lui évita une chute douloureuse…Retombant sur ses pattes, l’animal se retourna directement pour faire face à la louve…Babine retroussé et tous les crocs dehors…
La confrontation, elle n’avait pas le choix. Elle était déjà blessée mais elle avait réussi à blessée la louve. Mourir ou survivre…Voilà ce que l’instinct lui criait et l’unique solution, elle le savait, c’était de blesser assez l’animal pour que celle-ci soit trop fatiguée pour pouvoir l’attraper. Blessée ou tuée…Peut importait l’issus de cette confrontation, la seule chose qui comptait c’est qu’elle…Elle s’en sorte vivante de ce combat.

Certes, les chances étaient minces pour un renardeau face à une louve de cette taille. Mais il y a des lois dans la nature que seuls ses êtres pouvaient comprendre.

Elle émettait des cris stridents, des hurlements qui exprimait sa rage, avertissant son adversaire qu’elle était prête pour cette confrontation…Qu’il n’y aurait pas de répit avant que l’une des deux se soumet à l’autre ou meurt. La tête basse, les oreilles baissés par la colère, le pelage de la renarde c’était hérissé tout le long de son échine, donnant l’impression que l’animal roux avait doublée de volume à la pénombre de la nuit. La queue de la renarde en avait fait de même, le pelage hérissé et redressait donnait l’impression que le pelage était deux fois plus volumineux et présent…L’instant était proche…

La petite renarde ne se fit pas attendre pour se mettre directement à l’assaut. Elle prit de la vitesse, fonçant droit vers la louve…Elle lui laissait croire qu’elle allait attaquer de front, mais avant même que la louve puisse la croquer d’une quelconque manière où lui donner un coup de patte fulgurant, la renarde bondissait déjà dans les airs…Mais plus face à elle, sur le côté…Ses pates heurtèrent le tronc qui avait été son refuge quelque seconde plus tôt…Prenant appuyé sur celui-ci pour bondir derrière la loup…Ce fut d’un grand coup de gueule qu’elle écrasa la queue touffu de l’animal…Les crocs de la renarde se plantant dans la chaire de la louve.

Le sans s’engouffrait délicatement dans la gorge de la petite renarde qui se délectait du sang de sa prédatrice. Mais se fut sans compter sur les réflexes de la louve face à une telle morsure…Projeter un peu plus loin, la renarde roulait contre le sol avant de se stopper à un peu plus d’un mètre de son adversaire. Elle ne prit pas le temps de se secouer la tête, se relevant immédiatement, elle reprenait déjà la position d’attaquer, poil hérissé et crocs dehors…

Elle se mettait sur ses deux pattes arrière, gesticulant les pattes avant pour se protéger, se donner une certaine prestance, effrayé peut-être…C’était ainsi que cela fonctionnait chez elle. A nouveau sur quatre pattes, elle fixait la louve, mêlant ses petits cris de renarde aux grognements de ce gigantesque animal. Elle tournait à présent autour de la louve, toujours prête à bondir, prête à attaquer et hélas aussi…A se faire attaquer…

La petite boule de poils sauta, quittant son perchoir et par la même occasion son abris. Dans un élan de courage - ou de désespoir - face à cette inévitable confrontation sanglante, la renarde se mis en position d'attaque, retroussant ses babines pour se donner un air menaçant, tout en gonflant son poils. Même ainsi, sa taille restait relativement petite par rapport à la louve qui répliquait déjà à ces grognements qui se voulaient terrifiant. Elle n'avait pas peur, bien sûre que non. D'ailleurs, elle savait déjà l'issue finale; le renardeau périrait, et elle, elle vaincrait. C'était ainsi, c'était écrit. Le plus faible, le plus petit, le plus jeune, allait rendre l'âme, et une chose était sûre, ce ne serait pas elle...

Après le verbale, la petite créature passa à la pratique, s'élançant en direction de la louve qui n'avait pas encore bougée, prête à contrer toute attaque, ou du moins, c'est ce qu'elle croyait. Ingénieuse, la petite dévia sa trajectoire, s'aidant de ce qui l'entourait pour contourner cet adversaire bien trop grande pour elle. C'était rusé et bien pensé. Après tout, ne dit-on pas « Rusé comme un renard? ». A peine eut-elle le temps de se retourner qu'une vive douleur lui tirailla la queue, remontant jusque dans son dos. Des crocs, pointus et fins, venaient de perforer sa peau, lui tirant un grognement. Pauvre réjouissance pour l'autre, qui fut directement repousser par un coup de patte.

Un frisson vint parcourir le corps de la louve. Frisson étrange qui témoignait la perte soudaine de toute humanité de sa part. En une seule seconde Alison était partie, renvoyée dans un coin elle laissait l'animal s'amuser sans maintenir le contrôle. Simple volonté de l'adolescente, pour le plus grand plaisir du canidé qui fit aussi tôt volte face, envoyant un regard plein de démence à son adversaire, à sa victime. Le sadisme se lisait en elle, l'envie de meurtre, l'envie de sang. Elle tuerait. Elle était là pour ça, et elle n'allait pas décevoir sa maitresse. Elle ne la décevrait pas. Jamais elle n'oserait...

Dans le but sans doute de paraitre plus imposante qu'elle ne pouvait-être, la petite chose rousse se redressa sur deux pattes, battant le vide devant elle, le tout accompagnés de cris qui ne faisait qu'accroitre l'excitation de cet animal qui lui faisait face. Cris auxquels elle répondait par de puissants grognements. Ses babines retroussées offrait la vue de dents puissantes, de canines mortelles, le tout décoré de petits filets de sang causé par les nombreuses griffures que la rouquine lui avait adressé. Griffure qu'elle allait payer.

Comme la louve l'avait fait auparavant quand elle était dans l'arbre, la renarde entreprit des cercles autour d'elle, la contournant sans cesse, sur la défensive. Ouvrant un peu plus la gueule encore, le loup s'élança sans crier garde sur le petite corps frêle de renard, l'attrapant de ses pattes avant, la plaquant brusquement au sol. Quelques instants les regards des deux animaux se croisèrent. Des regards graves, reflétant la rage commune qu'ils ressentaient. Que c'était beau, la nature sauvage. Que c'était beau ce règne animal, où même le condamné veut se montrer fort dans l'espoir aveugle de vaincre le dominant. Que c'était beau...

Avec violence elle vint déchiqueter la peau présente en dessous des côtes droites, y introduisant quatre crocs qui percèrent quatre trou. Puis elle se retira, le poils se couvrant de ce somptueux liquide pourpre. La douleur devait être forte. Une odeur des plus exquises vint s'engouffrer dans ses narines si sensibles. L'envoyant par la suite rouler un peu plus loin. Elle ne jouait plus. Ce n'était plus un jouet. C'était une proie, une vrai proie. Un adversaire qu'il fallait éliminer, anéantir. Se léchant les babines pour chasser le sang qui peu à peu durcissait sur ses poils, elle revint à la charge, fondant sur la boule de poils qui partageait désormais son roux avec une couleur rouge des plus attrayante.

De nouveau elle s'orienta vers le cou, là où avant qu'elle ne fuit pour la première fois elle avait mordue. Elle voulait terminer le travail entamer, espérant viser plus bas pour lui donner un coup mortel. Mais elle bougeait trop, et approcher de la sorte son museau était risqué. Si une griffe se perdait dans un de ses yeux elle serait en très mauvaise posture. Grognant un peu plus forte encore elle vint plaquer la petite bête, l'immobilisant à terre, rapprochant toujours plus ses crocs de son petit corps qui ne réclamait qu'une chose; être déchiré...

La jeune renarde ne se rendait peut être pas complètement compte de ce qui se déroulait devant elle…C’était la juste chose, c’était ainsi que tout cela devait se terminer. Si elle ne pouvait pas fuir, elle préférait ce battre. Aussi infime pouvait être ses chances de sortir vainqueur de ce combat. Le combat avait donc commencé, Laissant directement la ruse lui faire prendre un petit avantage. Le sang qu’elle avait goutté réveillait un peu plus la rage en elle. Maintenant qu’elle y avait goutté, il n’y aurait plus qu’une seule solution en réalité…La mort…Pour elle ou pour cette louve qui lui faisait fasse. Le combat se faisait tant physique que moral. Leur regard ne se détachant pas l’un de l’autre. L’issus était déjà tout tracé.

C’est un violent coup de patte qui vira la petite renarde…Inconsciente peut-être des maigres chances qu’elle l’avait de remporter cette bataille, elle c’était directement remise sur ses pattes, essayant d’impressionner la louve, en vain. Tournant autour, elle fixait son adversaire dans l’attende de la prochaine attaque…Plus vigilante que jamais mais ce n’était pas assez…La fatigue de la course, de ce combat et de la blessure qu’elle possédait déjà à la nuque la rendait plus faible…Et par conséquent, moins rapide. Il était trop tard lorsqu’elle avait voulu éviter l’attaquer. Ses pattes avant c’était lourdement poser sur elle, obligeant la renarde à plaquer le ventre contre le sol.

Mêlant la poussière de la tête au sang et à son pelage. Elle grogna bruyamment essayant de fuir…Une erreur que la petite renarde allait regretter, en essayant de se débattre…Elle offrait à la louve tout le loisir d’enfoncer ses crocs dans la chaire de son ventre. La petite renarde émis un cris sonore qui déchira la nuit. La douleur était plus que perceptible de part cette plainte. Se battant un peu plus encore pour se sortir de cette situation, ce fut un nouveau coup de patte qui la fit rouler un peu plus loin de son adversaire. La douleur était atroce et déjà la petite renarde était haletante, le cœur battant trop vite et trop fort.

Elle n’eut même pas le temps de se relever que déjà la louve pesait de tout son poids sur elle. Se débâtant plus encore et plus fortement, elle continuait d’émettre régulièrement ses cris qui lui était singulier. La douleur, la peur, l’instinct de survie. Elle n’arrivait pas à la griffer mais a force de ses débattre, les griffes de la petite renarde grattait le sol…Ce fut sans véritablement vouloir le faire qu’elle envoyer dans les yeux de la louve une bonne partie de cette terre poussièreuse dans la gueule…Assez pour que la poussière brule les yeux de son adversaire et permette à la renarde de s’échapper.

Passant au travers des pattes de la louve, la renarde était encore vive et rapide…Le second souffle disait-on. Un bond, un unique bond la fit voler au dessus de la louve, la renarde atterrissant sur le dos de l’animal. D’un coup un seul, elle ouvrit grand la gueule et attrapa entre ses crocs la chaire de sa nuque comme elle l’avait fait plutôt. Mais la petite chose ne s’arrêtait pas à cela…Battant des patte arrière tout en gardant fermement la gueule fermée pour rester accrocher à l’animal, elle griffait la chaire de l’arrière train de son adversaire…La petite chose pouvait sentir sous ses pattes arrière la délicate chaleur du sang.

Elle restait bien accrochée à l’animal mais il fallait bien avouée qu’elle n’allait plus tenir plus longtemps. C’est donc pour éviter d’être projeté par les mouvements brusques de la louve que la petite boule de poile rousse sauta d’elle-même…Atterrissant sur la terre ferme, elle se retourna directement pour lui faire face. Elle sautait sur place des deux pattes avant, recommençait le même geste que tout à l’heure. Un genre de provocation peut-être. Elle avait la gueule ouverte, sa langue pendant et dansant au même rythme que sa respiration rapide.

Peu à peu le combat tirait vers sa fin, et ce malgré les efforts de la petite renarde pour paraitre au mieux de sa forme. Elle saignait, elle souffrait sans doute aussi, elle ne tiendrait plus longtemps. Elle continuait de lutter, de sa petite taille, avec ses petites griffes. Fines et tranchantes, la louve devait les éviter. Pas bien dangereuses, certes, mais assez douloureuses, je ne vais pas vous le cacher. Un peu de terre vint s'introduire dans ses yeux, l'obligeant à détourner quelques instants son regard de sa jeune victime qui profita de ces quelques secondes de perturbations pour fuir. C'était une occasion pour allez de s'en aller, mais elle ne s'en alla pas. A croire qu'elle avait comprit qu'il n'y avait plus aucun espoir de partir, que la fuite signifiait la mort. Rester aussi, d'ailleurs...

Une douleur vint prendre possession de sa nuque, alors que de petits crocs pointues s'y introduisait. Par réflexe, elle se courba vers l'avant, secouant sa tête dans tous les sens. Être attaqué par derrière n'était jamais bon, même lorsque l'attaquant n'était pas plus dangereux qu'une jeune renarde. Du sang ne tarda pas à s'évader de son propre corps, se déversant par petites doses sur son pelage, et souillant la gueule de l'autre créature. Des picotements se firent sentir par la suite au niveau de son dos, signe que les pattes arrières de la petite chose rousse s'étaient misent en mouvement, lacérant sa peau comme un tapis de mousse. Et ça faisait mal. Accentuant ses mouvements, elle fini par se détacher de son assaillante qui avait trouvé juste de sauter à terre au lieu de perdre bêtement l'équilibre. Une chose intelligente venant d'une si petite chose.

Voilà qu'à peine sur le sol, elle se remettait en position, prête à attaquer ou à se défendre. Cette renarde était résistante. Anormalement résistante. Comme si quelque chose d'autre se cachait derrière elle. Quelque chose de plus résistant qu'un renardeau tombé du nid. Sans chercher à en savoir davantage, la louve se mis en marche, encerclant la petite boule de poils qui se dressait sur deux pattes. Combien de temps allait-il falloir attendre avant qu'elle ne cède à ses blessures? Qu'elle s'effondre sur le sol, épuisée et à moitié morte? Quelques minutes, tout à plus. Elle perdait du sang, depuis peut-être trop longtemps.

Refusant de se tourner les griffes plus longtemps, et souhaitant abréger ce combat qui durait en longueur, l'animal sauta sur le renard, le bloquant violemment et durement contre la terre à l'aide de ses pattes, avant de finalement s'assoir sur le petit corps, ne laissant que la tête et une patte dépasser. Patte pourvue de griffe qui cherchait une issus de secours par des tentatives de griffures. C'était peine perdue pour la blesser, ou du moins, ce ne serait qu'une ou deux petites éraflure, rien de plus. Émettant un grognement qui se voulait victorieux, le loup avança ses crocs de ceux de la future charogne, restant à bonne distance cependant pour ne pas être mordue. Un peu de son propre sang s'écoula sur le pelage roux, signe qu'elle aussi n'était pas indemne, bien qu'il en fallait plus pour l'arrêter. Elle huma d'une profonde inspiration l'odeur de la petite bête, savourant cette odeur de peur, de sang. Que c'était bon, cette douce odeur de victoire...

Plus pour éviter une quelconque récidive que pour abréger ses souffrances, la louve offrit un brutal coup de patte sur le délicat museau la renarde, assez puissant pour l'assommer, pas assez pour la tuer. Calmement elle se retira ensuite, laissant seul le petit corps inerte, allongé sur le sol avec comme seul signe de vie une respiration rapide. Avec lenteur, la louve s'avança vers le reste de musaraigne. Vulgaire cadavre d'un petit mammifère qui n'eut qu'une vie courte éphémère sur ce monde. Injuste? Non. C'était ainsi. Avec douceur elle attrapa les quelques restes, croquant les petits os avant de recracher le tout. Elle n'appréciait pas ce gout, cette texture. Ou alors, elle n'avait tout simplement pas faim.

Abandonnant sa position, elle revint auprès de l'inconsciente, s'asseyant non loin d'elle, la observant en plissant ses yeux. Elle était bien, même si elle souffrait un peu. Secouant sa tête et envoyant valser dans les airs quelques gouttes de sang, l'animal s'immobilisa par la suite, contemplant son œuvre inachevée encore. Elle ignorait ce qu'elle voulait en faire, mais ne s'en inquiétait pas. Le tout était que ce renardeau était une belle prise...

Le combat était féroce malgré l’apparent jeune âge du petit animal. Un renardeau tout ce qu’il y avait de plus normal aurait depuis longtemps abandonné le combat, il aurait tout simplement fini dans la gueule du loup…Ni plus ni moins. Mais là il s’agissait d’un instinct beaucoup plus intense que celui d’un simple animal. Le sang coulait à flot, la douleur était horrible mais rien ne semblait arrêter la petite boule de poile rousse qui ne semblait pas vouloir périr sous les crocs acérés de cette louve qui l’avait prise en chasse. Ainsi les coups de gueules et de griffes pleuvaient, elle se délectait de la sensation métallique du sang de son assaillante dans sa gueule. Se léchant les babines, elle y goutterait bien si seulement…Elle ne se sentait pas flanché doucement. La petite renarde regardait le sol alors qu’elle pouvait voir son propre sang se mêler au sol, formant une étrange boue.

Un instant d’inattention de trop, un instant que la louve attrapa pour s’attaquer une dernière fois à l’animal. Elle sentait son corps se plaquer à nouveau contre le sol, s’enfonçant dans ce mélange de terre et de sang, elle émettait des cris de plus en plus aigus, témoignage de la douleur que le petit animal orange pouvait ressentir et de la peur qui la gagnait. La panique même. La fatigue devenait de plus en plus importante, elle n’arrivait plus à percevoir certaine sensation, et ses pensées se mêlaient à celle que pourrait avoir l’enfant si c’était elle qui était à la place de l’animal. Des coups de griffes avaient essayé de s’échapper de l’emprise de la louve mais c’était peine perdue, l’espoir semblait être vain alors que sa prédatrice prenait tout son temps, reniflant l’odeur de sa petite proie qui n’aspirait qu’à une chose maintenant que la mort était proche : s’enfuir…

Dans un dernier élan, la renarde avait voulu mordre la patte de la louve, qui s’abattit avec force sur son museau…Mettant très rapidement le petit être dans les pommes. Assommée, l’animal était inerte à présent. Son pelage plus sale que jamais, de la terre, du sang, la respiration rapide et saccadée témoignait que la petite renarde était encore bel et bien vivante alors que la louve semblait s’intéresser à autre chose pour l’instant que la renarde. C’était une sensation bien étrange, capable encore de sentir, d’entendre les feuilles craqué légèrement sous les lourdes pattes de sa prédatrice. Lève toi, se disait-elle mais rien n’y faisait, la fatigue était grande, assommée, elle était à présent plus qu’un plat de chair et d’os sur un plateau de terre et de sang.

La fatigue y était très certainement pour quelque chose mais les pouvoirs de l’enfant doucement s’estompaient. Sous les yeux de cette louve qui pouvait observer le changement s’opérer à la lueur de la lune. Le pelage de la renarde se raccourcissait petit à petit jusqu’à entièrement disparaitre, laissant place à une peau lisse et nue alors que les oreilles tout à l’heure pointue s’arrondissaient pour devenir celle d’un humain…Le museau s’aplatissait sur un visage de plus en plus enfantin, les yeux s’arrondissait, très vite…A la place de cette petite renarde blessée se trouvait une enfant de pas plus de dix ans dont le corps étaient couvert à présent des différentes blessures que la louve lui avait infligée. Les cheveux de la demoiselle, encore aux couleurs du petit animal qu’elle incarnait était mêlé à la boue et au sang qui s’écoulait de ses blessures. Les yeux encore clos. Le corps nu de l’enfant restait inerte sous les yeux de l’animal qui lui avait infligée ces douleurs.

La douleur était intense, assez intense pour que la petite se réveille légèrement. Sortant de l’inconscience, des petits cris aigus du renardeau c’était passé aux pleures d’une enfant qui souffrait le martyre. Elle n’osait bouger de peur de se faire encore un peu plus mal, osait à peine ouvrir les yeux, ses larmes se mêlant au mélange de boue et de sang. Elle pensait à Samuel, elle savait qu’il lui avait interdit de ne pas s’aventurer au dehors de la foire mais Camille ne se souvenait pas l’avoir quitté, elle se souvenait seulement de ce spectacle et de s’être transformer pour l’occasion. Elle pleurait, pleurait par peur de décevoir, par peur de mourir ici…Toute seule…Elle pleurait aussi parce qu’elle avait mal, véritablement mal.

L'achever? Ne pas l'achever? Toujours immobile, la louve veillait sur sa proie comme une mère surveillerait ses nouveaux nés. Elle la fixait, se passant de temps en temps la langue sur ses babines pour y chasser le sang qui s'y écoulait. Malgré sa jeunesse apparente, se jeune renardeau s'était battu avec acharnement, comme s'il puisait sa force d'ailleurs, de quelque chose de plus puissant. Malheureusement ce n'était pas suffisant. Des griffures et des morsures elle en avait reçut, certes, mais la louve ressortait sans surprise en vainqueur. La taille, la force, et peut-être l'âge jouaient un jeu dans cette victoire. Un combat inégal dès le départ, une partie de jeu sanglante. Pauvre petite créature, pauvre petite renarde. Jouet usé et cassé elle n'avait plus qu'à gémir sur le sol, dans son propre sang. Triste sort, mais c'était ainsi. Les faibles tombent, c'est la règle.

Quelques secondes s'écoulèrent encore avant qu'une chose étrange ne se passe. La renarde, sa renarde était en train de s'effacer devant ses yeux, laissant peu à peu place à une forme plus proche de l'humain que de l'animal. Grognant tout d'abord, puisque ne s'attendant évidement pas à un tour de magie de la sorte, le loup fini par s'avancer vers ce qui était devenue une petite fille. Une toute petite fille. Des traits fins sous la saleté qui la recouvrait, un visage des plus jeunes. Quelle âge avait-elle? Sept ou huit ans? Un peu plus? Un peu moins? De longs cheveux et un corps nu. Instinctivement et automatiquement la louve céda la place à l'adolescente qui sous forme humaine fit basculer sa victime sur le dos. Longuement elle l'observa, fascinée par cette enfant, oubliant la souffrance que pouvait subir cette pauvre gosse. C'était étrange. Elle était comme elle, à quelques détails près. Exactement comme elle. Un léger sourire vint élire domicile sur ses lèvres fendues par les coups de la renarde, libérant un peu de sang qui s'écoula le long de son menton. Oui. Elles étaient pareilles.

Doucement elle porta une de ses mains sur le cou de la gamine, appuyant sur la blessure qui s'y trouvait pour faire cesser l'écoulement. Alison ne voulait plus la tuer. Elle ne regrettait pas de s'être amusée avec elle, ça non, mais elle ne désirait plus sa mort. Retirant sa main, elle aurait peut-être continuée de l'aider si un bruit lointain n'avait pas attiré son attention. Grognant sous forme humaine, elle recula légèrement tout en se transformant de manière plus que rapide et de s'éloigner. Sait-on jamais. Une odeur étrangère vint chatouiller ses narines. Un homme s'approchait, visiblement paniqué. Optant pour la cachette le temps d'analyser la situation, elle observa l'intrus s'agenouiller tout contre la souffrante, son attitude montrant clairement qu'il la connaissait et que leur lien semblait des plus proches. Un père et sa fille? Un neveux et son oncle? Un même clan? Qui sait, lui aussi peut-être était un animal...

Le hurlement de ce dernier tira la louve de ses réflexions. Il semblait hors de lui, et c'était assez amusant à regarder, du moins du point de vue d'Alison bien évidement. Ce que fit la terre néanmoins était beaucoup moins plaisant. Elle tremblait, suivant la rage de cet être survenu de nul part. Elle tremblait comme si elle lui était liée, comme si elle réagissait à ses sentiments. Comme s'il était à l'origine de ces secousses. Peut-être l'est-il véritablement? Lui aussi est un de ces spéciaux. Mais de quel côté se trouvait-il? Celui de Liam, du ténébreux de l'aéroport? Ou de ces trois autres déchets, ces erreurs de la nature? « ...qui t'a fait ça, Camille... »

Camille. C'était un joli prénom et elle le portait bien. C'était ainsi que se nommait sa renarde, sa fillette, sa proie. Il disait vouloir l'emmener voir quelqu'un, qu'il voulait l'emporter. Lui enlever à elle. Non. Elle ne laisserait pas faire ça. Si elle avait pris la décision de ne pas la tuer il n'empêche qu'elle n'avait pas donné l'autorisation de son départ. Ébouriffant ses poils sous la frustration et battant le sol de ses pattes, elle fini par sauter hors du buisson, tous crocs dehors. Elle grognait, prête à attaquer au moindre geste de cet individu. Le sang ruisselant sur son pelage et dégoulinant de ses babines trahissant le fait qu'elle s'était battue avec l'autre enfant. Qu'elle avait été blessée elle aussi, et que même si la plupart des blessures n'étaient que superficielles, le combats et le sang manquant l'avait affaiblit. Tant pis. Cette fille était à elle. Elle l'avait gagnée. C'était sa proie.

La souffrance était décuplée pour l’enfant qui n’était plus animal. Son corps nu tremblait, pris de soubresaut à cause du froid et de cette sensation électriques de la douleur montant au cerveau. Les yeux clos, sa bouche restait ouverte laissant transpercé le silence de Central Park avec ses cris, ses pleures, la douleur transparaissait, transpirait de tout son être…Tant de souffrances, elle pleurait, le sang s’écoulait, elle avait si peur maintenant. Les souvenirs n’étaient plus, l’incompréhension était l’unique chose présente à ses côtés. Que faisait-elle là ? Que lui était-il arrivé ? Elle ne pouvait que deviner mais la douleur était-elle que ses réflexions ne restaient que sur ça ! La douleur…Elle avait si mal que ses petits doigts se crispèrent dans le mélange de boue et de sang. Elle n’aspirait qu’à une chose, rentrée à la foire…Retrouver la chaleur douillette de sa couchette dans la caravane qu’elle partageait avec l’homme qui l’avait adopté et accepté tel qu’elle était. Son front frottait la terre mouillé, elle pleurait, essayait de se relever mais n’y arrivait pas…Elle avait si mal qu’elle en perdait complètement des forces, elle n’était qu’une enfant qui souhaitait simplement l’arrivé d’une personne pour la protéger…La protéger de toute cette douleur.

Et la souffrance éveillait chez Camille les souvenirs lointain d’un passé qu’elle oubliait parfois. Elle revoyait l’image de sa mère qui lui hurlait de fuir, elle ressentait la douleur des sévices qu’elle avait subit dans le village où elle était née. Il n’y avait donc que ça à vivre ? Ses doigts s’enfoncèrent dans la flaque de sang qui l’entourait, elle était faible mais tentait malgré tout de fuir ce qui avait été la cause de ses blessures. Ne sachant pas au fond d’elle ce qu’elle fuyait, les souvenirs du renard ne persistaient pas dans sa mémoire. Elle ouvrit les yeux sur l’image d’une louve, la peur la tenaillait et elle rampait légèrement dans la boue mais les forces lui manquaient. C’est sous ses yeux que l’animal devint humain, cessant de bouger…Elle continuait de se plaindre de la douleur, pleurant et gémissant alors qu’une main compressait la blessure la plus grave qu’elle possédait…

Un cri, une nouvelle plainte, la fille qui était à ses côtés pressait contre la blessure jusqu’à ce que le sang ne coule plus. Était-ce de l’instinct ? Camille la laissa faire, une part d’elle était persuadée au final que ce qui l’avait attaqué tout à l’heure ne voulait plus s’en prendre à elle parce qu’elles étaient pareil. Essayant de rester silencieuse, elle retenait ses pleures, n’ayant pas la force de lui demander ce qui c’était passé, qui elle était. Elle ne faisait que pleurnicher dans la boue, frigorifiée, tremblante, l’enfant mais l’adolescente aussi perçurent au loin des bruits de pas affolé. Aussitôt, abandonnée dans la boue et le sang, la petite était à nouveau seule, pleurant silencieusement la douleur et cherchant du regard celle qui venait de l’aider…

Et quelque minute plus tard, ce fut les bras de son père d’adoption qui la tira du sol. Telle une poupée de chiffon, Camille ne réagissait pas, elle le laissait la prendre dans ses bras, pleurant à l’unisson avec celui qui l’avait accueillit.

- Dis-moi, qui t'a fait ça, Camille ? Je vais te mener à Lydia, elle va te soigner, mais d'abord dis-moi tout, je t'en prie !

Lui dire…Elle l’aurait très certainement fait si la personne qui lui avait fait ça n’était pas comme elle, mais l’enfant restait muette, elle ne pouvait pas…Elle ne voulait pas risqué que Samuel tue l’unique personne qui soit comme elle. Elle voulait la revoir, lui parler…Elle grimaçait, gémissait lorsque la douleur traversa une nouvelle fois son échine…

Le bruissement d’un buisson et le bruit sourd d’un corps retombant sur ses pattes attira l’attention de la gamine blessée. Elle reconnaissait la louve, reconnaissait le regard, l’odeur, elle éveillait ses sens…Les doigts de l’enfant serrait alors l’avant bras de Samuel, d’une voix tremblante et cassé, elle lui suppliait :

« Ne…Ne lui fais pas de mal… »

Etrange réaction en vue des innombrables blessures qui parsemait son corps de petite fille. Mais cela semblait ne plus avoir d’importance face au question qu’elle se posait.

« Elle… »

Ses doigts serraient un peu plus fort, réprimant la douleur en elle.

« est…Elle est…Comme moi »